« Est-ce prophétique du futur? » : Le professeur Robert Dawson MacLaurin de la University of Saskatchewan et la saga gonflée du gaz de paille, partie 3
Salutations, ami(e) lectrice ou lecteur. Je ne peux que présumer que vous avez l’intention d’apprendre comment la saga du gaz de paille s’est terminée, et…
Laissez-moi deviner. Vous avez une question. Qui sont les principaux protagonistes de la crise universitaire de 1919, demandez-vous? Une bonne question.
De gauche à droite, il s’agit de John L. Hogg, professeur de physique et chef du Department of Physics, Ira Allan MacKay, professeur de philosophie et de sciences politiques, Robert Dawson MacLaurin, professeur de chimie et chef du Department of Chemistry, et Samuel E. Greenway, directeur de la vulgarisation agricole.
Et oui, tous les quatre sont employés par la University of Saskatchewan, à… Saskatoon, Saskatchewan, mais revenons à notre histoire.
En mars 1919, Greenway formule de très graves allégations de méfaits financiers contre le président de cette institution, Walter Charles Murray, lors d’une réunion avec le trésorier provincial, Charles Avery Dunning. Il affirme également que Murray a perdu la confiance de tout le corps professoral, à de rares exceptions près.
Informé de tout cela par un Dunning plutôt ébranlé, un Murray tout aussi ébranlé demande un vote de confiance début avril. Sur les 31 membres du corps professoral présents à cette réunion du University Council, 27 votent en faveur de Murray. Quatre personnes s’abstiennent. MacLaurin est l’une d’elles. Les autres abstentionnistes sont MacKay, Hogg et John Mead Adams, professeur adjoint de physique. Greenway est absent et n’aurait pas pu voter de toute façon, car il n’est pas membre du corps professoral.
À première vue, la cause profonde du mécontentement des abstentionnistes / dissidents est le système de rémunération rigide de l’université, qui ne tient pas compte du talent / réputation des professeurs en tant qu’individus. Remarquez, ils croient également que le dit système de rémunération ne leur donne pas assez de pognon compte tenu de l’augmentation du coût de la vie qui résulte de l’inflation du temps de guerre.
Pour sa part, MacLaurin peut, je répète peut, avoir pensé qu’il mérite d’avoir le gros, sinon la totalité du foin que le gouvernement de la Saskatchewan fournit à l’université à des fins de recherche.
Quoi qu’il en soit, le Board of Governors de la University of Saskatchewan demande à Greenway et Hogg de soumettre leurs griefs verbalement, tandis que MacKay et MacLaurin sont invités à faire de même par écrit. Greenway, Hogg et MacKay font ce qu’on leur demande, plus ou moins rapidement. MacLaurin ne le fait apparemment pas, affirmant plus tard que personne ne l’avait contacté.
La manière dont Adams est invité à présenter ses griefs n’est pas claire. Quoi qu’il en soit, ayant reçu l’opportunité d’enseigner à la Southern Branch of the University of California, il part en juin 1919. Croiriez-vous que Adams est le père du Department of Physics de ce qui est aujourd’hui la University of California, Los Angeles?
Les quatre dissidents restants, ou Big Four comme certains les appellent, en français les quatre grands, bénéficient d’un congé payé en juillet à condition qu’ils prennent leur retraite à la fin du dit congé.
Greenway, Hogg, MacKay et MacLaurin n’ont cependant pas l’intention de partir sans faire de vagues. Ils rejettent et / ou ignorent poliment l’offre qui leur est faite. De fait, un ou certains des quatre hommes réussissent à remuer les choses à tel point que le premier ministre de la Saskatchewan, William Melville Martin, ressent le besoin d’intervenir pour tenter de calmer les eaux.
Avant que j’oublie, les premiers articles de journaux sur ce qui devient connu sous le nom de crise universitaire de 1919 semblent paraître fin juillet. Ces articles sont les premiers d’une véritable avalanche d’articles qui se poursuit jusqu’au printemps 1920, mais je digresse.
Quoi qu’il en soit, certains membres du public et de la presse, sans parler de nombreux étudiants de la University of Saskatchewan, ne sont pas satisfaits des actions du Board of Governors. Ils demandent, voire exigent, une explication. Lorsque rien n’est proposé, ils demandent, voire exigent, une enquête publique.
Une brève digression si vous me le permettez. Une session / réunion extraordinaire de convocation convoquée par le chancelier de la University of Saskatchewan et juge en chef de la Court of Appeal for Saskatchewan, sir Frederick William Alpin Gordon Haultain, et tenue en novembre, ne se conclut pas très bien pour le Board of Governors. Et oui, le terme extraordinaire est utilisé à l’époque.
S’il est vrai qu’une résolution appelant à la création d’un comité d’enquête est rejetée, après de nombreuses heures de débat houleux toutefois, il est également vrai qu’une résolution désapprouvant la manière par laquelle les Big Four ont été limogés est adoptée, avec une majorité significative.
Croiriez-vous qu’un des étudiants qui se prononce en faveur des dissidents avec une passion qui caractérisera nombre de ses futurs discours publics menace de brûler ses diplômes en public? Je ne plaisante pas. Le nom de cet étudiant? John George Diefenbaker, le premier étudiant à obtenir trois diplômes (un baccalauréat ès arts en 1915, une maîtrise ès arts en 1916 et un diplôme en droit en 1919) de la University of Saskatchewan.
Vous vous souviendrez bien sûr que ce futur premier ministre du Canada est mentionné à plusieurs reprises dans notre magnifique blogue / bulletin / machin, et ce depuis octobre 2020, mais revenons à notre saga.
Greenway, Hogg, MacKay et MacLaurin peuvent, je répète peuvent, avoir contacté le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan, Richard Stuart Lake, qui, conformément au Act to establish and incorporate a University for the Province of Saskatchewan de 1907, a le droit légal d’enquêter sur tout ce gâchis.
À son tour, pour régler ce gâchis, la Legislative Assembly of Saskatchewan adopte un projet de loi autorisant Lake à autoriser la Court of King’s Bench for Saskatchewan à mener une enquête en son nom. Les audiences débutent début mars 1920. Les juges impliqués sont John Fletcher Leopold Embury, Henry William Newlands et George Edward Taylor.
Dans l’espoir de susciter davantage le soutien du public, du moins semble-t-il, les quatre dissidents indiquent que, même s’ils reconnaissent volontiers qu’ils seraient licenciés si le tribunal se prononçait en faveur du Board of Governors, ils démissionneraient même si le dit tribunal se prononçait en leur faveur, pour des raisons de principe.
Comme il fallait s’y attendre, Greenway, Hogg, MacKay et MacLaurin sont invités à témoigner.
Ce dernier indique qu’il n’a pas investi un sou dans Saskatchewan Straw Gas Company Limited, la firme qui devait produire les dispositifs de production de gaz de paille. Il possède cependant 20 % de l’organisation impliquée dans le développement du gaz de paille, la Dominion By-Product and Research Society. En contre-interrogatoire, MacLaurin admet que si cette société de recherche avait repris Saskatchewan Straw Gas, comme cela était prévu, il aurait partagé les bénéfices réalisés par cette dernière.
Les juges de la Court of King’s Bench for Saskatchewan se prononcent en fin de compte en faveur du Board of Governors à la fin d’avril 1920. La décision du conseil, affirment-ils, en traduction, était « régulière, appropriée et dans le meilleur intérêt de l’université. » Greenway, Hogg, MacKay et MacLaurin étaient employés « à la discrétion du conseil ». Ils ont été déloyaux envers Murray et c’est tout.
Comme vous pouvez l’imaginer, la University of Saskatchewan n’est pas un lieu de bonheur au printemps 1920.
Greenway ne fait plus parler de lui après son licenciement, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’il a tiré le diable par la queue au cours des mois et années suivantes.
Hogg, en revanche, ne s’en sort pas trop mal. Vers 1920, il devient ingénieur de recherche chez Western Electric Company, à New York, New York. En janvier 1925, le groupe de recherche pour lequel il travaille au sein de cette firme devient le célèbre Bell Telephone Laboratories Incorporated.
MacKay ne souffre pas du tout de son licenciement. Il devient le premier professeur de droit constitutionnel (et international?) à McGill University de Montréal, Québec, en octobre 1920. En janvier 1924, MacKay devient le Frothingham Professor of Logic and Metaphysics dans cette institution, ainsi que doyen par intérim de la Faculty of Arts, une nomination rendue permanente fin mai ou début juin 1925.
Compte tenu des carrières post-University of Saskatchewan de MacKay et Adams, oserait-on dire que les Big Four avaient raison de se plaindre que le système de rémunération rigide de l’université ne tenait pas compte du talent et de la réputation des professeurs en tant qu’individus? Je vous laisse en juger.
Le licenciement de MacLaurin marque-t-il la fin de toutes les discussions concernant le projet de production de gaz de paille, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur préoccupé(e) par l’énergie? Eh bien, pas nécessairement, et…
Pourquoi levez-vous les bras, déroutant(e) ami(e) lectrice ou lecteur? Vous avez besoin de bouger ou quoi?
Et vous avez fait dérailler mon train de pensées. Où en étais-je? Oh oui.
Le professeur Alexander Roger Greig de la University of Saskatchewan. Anon., « Cannot Produce Straw Gas Without Its Cost Proving Too High To Be Practicable. » The Morning Leader, 12 septembre 1919, 18.
Voyez-vous, Alexander Roger Greig, si, le professeur d’ingénierie et de mécanique agricole à la University of Saskatchewan sur la photo ci-dessus et celui mentionné dans la seconde partie de cet article, commence à mener des expériences sur le gaz de paille à un moment donné en 1917, grâce à une petite somme d’argent versée par l’université au Department of Engineering. Ces expériences sont menées sur un dispositif de production de gaz de paille monté avec l’aide de son inventeur, George H. Harrison, un gentilhomme que nous avons également rencontré plus tôt.
Les conclusions de Greig, énoncées lors d’une réunion de la branche saskatchewanaise de l’Institut canadien des ingénieurs tenue à Regina, Saskatchewan, en septembre 1919, sont, et je cite, en traduction, « que le gaz de paille ne peut être produit par aucune méthode encore essayée sans coûter à ce point cher qu’elle serait irréalisable. » De fait, le gaz produit à l’aide du dispositif existant est 8 fois plus cher que le gaz de houille produit commercialement, et ce n’est pas tout.
Chauffer une maison typique de 7 pièces en Saskatchewan par une froide journée d’hiver nécessiterait environ 360 kilogrammes (environ 800 livres de paille). Amener le dispositif de production de gaz de paille à la température requise pour produire le gaz nécessiterait environ 1 630 kilogrammes (environ 3 600 livres) de paille supplémentaires, pour un total de près de 2 000 kilogrammes (environ 4 400 livres) de paille.
Il se trouve qu’une expérience portant sur seulement 250 kilogrammes environ (environ 550 livres) de paille avait nécessité de 8 à 9 heures de travail de la part d’un individu.
Pis encore, l’énergie contenue dans la paille traitée lors de la dite expérience est équivalente à celle contenue dans… environ 7.2 à 8.2 kilogrammes (environ 16 à 18 livres) de charbon de bonne qualité. Je ne plaisante pas. Il est vrai que le charbon coûte cher à l’époque, mais un dispositif de production de gaz de paille domestique n’est pas exactement bon marché.
Incidemment, la charte de la Saskatchewan Straw Gas est révoquée en décembre 1920.
Le gaz de paille, semble-t-il, est un fiasco. Ou l’est-il?
Voyez-vous, il y a encore des croyants. Pfeifer Straw Gas Producer Company de Fargo, Dakota du Nord, est incorporée en mars 1920. Malgré cela, aucune production de dispositifs de production de gaz de paille n’a lieu avant l’hiver 1921-22. Au moins quelques unités sont vendues. Pfeifer Straw Gas Producer fait vraisemblablement faillite au milieu des années 1920.
Et puis il y a Farmers Straw Gas Producer Company de Lewiston, Idaho, une firme fondée en novembre 1921 et dissoute avant 1923, peut-être à la suite de problèmes avec un ou quelques clients qui donnent lieu à au moins une poursuite pour fraude lancée contre elle au cours de l’année 1924, je pense, dans l’état de Washington.
À son tour, Montana Straw Gas Company de Helena, Montana, est incorporée en octobre 1926. Cette firme fait à l’époque une démonstration d’un dispositif de production de gaz de paille. Mieux encore, il y en a deux autres en construction, éventuellement destinés à être utilisés dans des succursales situées dans d’autres endroits. Montana Straw Gas fait vraisemblablement faillite à la fin des années 1920.
Y a-t-il d’autres firmes impliquées dans la production de gaz de paille, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur curieuse / curieux? Et comment. Il suffit de mentionner Washington Straw Gas Company, une firme active un moment en 1927 dans le Washington. Oui, l’état, pas le district.
Votre humble serviteur serait négligent si je ne mentionnais pas un habitant de Moccasin, Montana, qui possède un petit dispositif de production de gaz de paille que sa famille utilise pour cuire ses aliments, chauffer et éclairer sa maison et faire fonctionner ses divers moteurs agricoles stationnaires, et ce au plus tard en août 1930. Ce gentilhomme obtient certaines des informations nécessaires pour construire son dispositif dans un article publié par Harry Edward Roethe, Junior, du Bureau of Chemistry du United States Department of Agriculture, dans un bulletin de novembre 1923 de ce même département.
Le nom de ce gentilhomme? Clifford M. Strawman, en d’autres mots Clifford M. Homme de paille. Je ne plaisante pas, mais je digresse bel et bien, et…
Que faites-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Activez-vous réellement votre moteur de recherche préféré pour vérifier ce que vous venez de lire?! C’est pas vrai.
Si je peux me permettre de citer, en traduction, le grand et regretté acteur / auteur / critique social / humoriste américain George Denis Patrick Carlin : « Dites aux gens qu’il y a un homme invisible dans le ciel qui a créé l’univers, et la grande majorité vous croira. Dites-leur que la peinture est fraîche, et ils doivent la toucher pour être sûrs. »
Parlant (tapant?) de croyance, croiriez-vous que, au plus tard au milieu de 1935, le Vsesoyuznogo Nauchno-issledovatel’skogo Instituta Mekhanizatsii i Elektrifikatsii Sel’skogo Khozyaystva du Narodnyy Komissariat Zemledeliya SSSR, en d’autres termes l’institut de recherche scientifique de toute l’union sur la mécanisation et l’électrification de l’agriculture du commissariat du peuple à l’agriculture de l’Union des Républiques socialistes soviétiques, affirme avoir développé un dispositif de production de gaz de paille suffisamment petit pour être installé sur un tracteur, ou un moteur stationnaire?
Et non, votre humble serviteur ne sait pas si ce dispositif est réellement mis en production.
Harry Edward Roethe, Junior, du Bureau of Chemistry du United States Department of Agriculture chargeant de la paille dans le dispositif de production de gaz de paille de la Arlington Experimental Farm, Alexandria, Virginie. Anon., « Making Gasoline from Straw Is U.S. Chemist’s Job. » The Atlanta Tri-Weekly Journal, 13 novembre 1920, 6.
Vous vous souviendrez que la Arlington Experimental Farm est mentionnée plus tôt dans ce numéro de notre blogue / bulletin / machin à couper le souffle, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Eh bien, la construction d’un dispositif de production de gaz de paille commence sur ce site en mai 1920. L’équipe là-bas dispose de copies des travaux de MacLaurin, ainsi que d’autres documents.
Et vous ne devinerez jamais qui est en charge du projet, ami(e) lectrice ou lecteur? Le susmentionné Roethe, dites-vous? Eh bien, oui, vous avez raison. Il est effectivement aux commandes. Vous lisez les légendes des illustrations et le texte qui les accompagnent. C’est… bien.
L’équipe américaine est-elle au courant des conclusions cinglantes du susmentionné Greig, demandez-vous? Une bonne question. Si seulement je savais. Voyez-vous, elle semble penser que le gaz de paille a un avenir dans les grandes communautés agricoles. Ce gaz pourrait même intéresser la communauté automobile, si on parvient à le transporter sous forme comprimée.
Quoi qu’il en soit, un dispositif de production de gaz de paille est en service sur la ferme expérimentale américaine au plus tard au début de septembre 1920. Le gaz produit par le traitement de paille de seigle, blé et avoine est utilisé à des fins de cuisine et éclairage. Remarquez, il est également utilisé comme carburant de moteurs stationnaires. Et oui, au moins une automobile fonctionne au gaz de paille en 1920-21.
Incidemment, la construction du dispositif de production de gaz de paille, excluant bien sûr le bâtiment qui l’abrite, a coûté 1 500 $ ÉU, une somme qui correspond à environ 31 500 $ en devises canadienne de 2023.
Roethe conclut, en traduction, dans un article publié dans un bulletin du United States Department of Agriculture de novembre 1923, oui, celui utilisé par le susmentionné Strawman, que l’installation à gaz de paille utilisée dans les tests effectués à la Arlington Experimental Farm n’est « pas réalisable en tant qu’unité agricole, même si le gaz produit peut être utilisé de manière satisfaisante à des fins de chauffage, d’éclairage et de besoins stationnaires d’énergie. »
Voyez-vous, l’Américain a calculé qu’une famille agricole typique située dans des états non identifiés des États-Unis aurait besoin d’environ 40 800 à 45 350 kilogrammes (environ 90 000 à 100 000 livres) de paille sèche par an pour produire le gaz de paille nécessaire au chauffage et à la cuisson, et amener le dispositif de production de gaz de paille à la température requise. Utiliser du gaz de paille pour faire fonctionner les différents moteurs agricoles stationnaires de la famille ajouterait bien sûr à ce volume de paille déjà impressionnant.
Parlant (tapant?) de volume, avez-vous une idée de la taille d’un tas de paille sèche en vrac d’environ 40 800 à 45 350 kilogrammes (environ 90 000 à 100 000 livres)? Ce tas mesurerait environ 6 mètres (près de 20 pieds) de haut et environ 25.5 mètres (près de 86 pieds) de diamètre.
Et oui, environ 110 à 125 kilogrammes (245 à 275 livres environ) de paille devraient être traités chaque jour. Ayoye, mon pauvre dos!
La cerise sur le gâteau, c’est que l’énergie contenue dans cette dose quotidienne de paille est équivalente à celle contenue dans… environ 3.2 à 3.6 kilogrammes (environ 7 à 7.9 livres) de charbon de bonne qualité. Il est vrai que le charbon coûte cher à l’époque, mais un appareil de production de gaz de paille domestique n’est pas exactement bon marché.
Pour couronner le tout, le gaz de paille utilisé pour cuire les aliments, chauffer et éclairer les maisons et faire fonctionner divers moteurs agricoles stationnaires coûterait plus de 6 à 9 fois plus cher qu’un volume de charbon produisant la même quantité d’énergie.
Diminuer le coût du dispositif de production de gaz de paille et / ou augmenter la valeur commerciale du gaz rendrait bien entendu sa production plus attractive. Cela étant dit (tapé?), la réussite financière de l’entreprise serait encore douteuse.
Et oui, comme il fallait s’y attendre, l’équipe américaine conclut également que les sacs de gaz flexibles et pliables constituent un moyen insatisfaisant et peu pratique de contenir le gaz de paille consommé par une automobile.
La seule façon d’utiliser le gaz de paille sur les véhicules serait sous forme comprimée. Cependant, l’exécution de cette fonction dans une ferme n’est pas réalisable en raison du coût supplémentaire et de la nécessité de disposer à tout moment d’une personne formée pour éviter les incidents ou accidents.
Alors, avons-nous fini pour aujourd’hui, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur impatient(e) d’aller jouer dehors dans la neige? Eh bien, pas tout à fait.
L’homme à l’origine du projet de production de gaz de paille, oui, le susmentionné Harrison, déménage à St. Paul Park, Minnesota, peu après la fin de la Première Guerre mondiale, en 1919 peut-être. Il crée un (grand?) laboratoire de recherche et continue à travailler avec la paille.
Au plus tard au début de 1927, Harrison a mis au point un nouveau dispositif permettant d’extraire une grande variété de sous-produits de la paille. Les plus importants d’entre eux sont un germicide, un insecticide en pulvérisation et une peinture résistante à l’humidité.
Le dispositif de Harrison pourrait également produire un carburant gazeux qui pourrait alimenter les automobiles. De fait, l’inventeur alimente sa propre automobile avec du gaz de paille. Il reconnaît cependant que ce nouveau carburant n’est pas encore suffisamment bon marché pour valoir la peine d’être produit commercialement.
Pour une raison ou une autre, le regain d’intérêt suscité par Harrison ne dure que quelques semaines.
En 1928, l’inventeur est basé à Merrill, Wisconsin, où il dirige Harrison Paint and Chemical Company Incorporated. Vous serez peut-être heureuse / heureux, ou non, d’apprendre que la firme de Harrison produit une variété de produits dérivés de la paille : des émail pour carrosseries d’automobiles et liquide de nettoyage à sec ininflammable aux revêtement de toit en amiante liquide et encre de journal.
Croiriez-vous qu’une firme du nom de Harrison Paint and Chemical Company Limited est incorporée en novembre 1933 à… Ottawa, Ontario? De fait, Harrison lui-même vit à Ottawa en juin. Je ne plaisante pas. Remarquez, votre humble serviteur ne peut pas dire si cette firme fabrique réellement un seul produit – ou si Harrison demeure à Ottawa.
Votre humble serviteur ne sait malheureusement pas ce qui arrive à ce gentilhomme après 1933, et…
Pourquoi agitez-vous vos bras si frénétiquement, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous souhaitez savoir ce qui est arrivé à MacLaurin? Bien pour vous.
Votre humble serviteur n’a malheureusement pas pu découvrir jusqu’à présent ce que l’ancien professeur d’université fait pour gagner sa vie au cours des semaines et mois qui suivent son licenciement définitif.
Ceci étant dit (tapé?), croiriez-vous que MacLaurin est apparemment embauché en 1923 par les fabricants et distributeurs d’oléomargarine canadiens? Voyez-vous, les firmes en question sont profondément préoccupées par le fait que l’interdiction de la fabrication, distribution et vente d’oléomargarine au Canada, levée en octobre 1917, comme mesure temporaire en temps de guerre, parce que le prix du beurre atteint des niveaux sans précédent, est sur le point d’être ramenée.
En septembre 1923, l’hebdomadaire Canadian Grocer publie le premier d’une série de 15 articles dans lesquels MacLaurin lance ce qu’on pourrait décrire comme une attaque en règle contre l’industrie laitière canadienne. Il dénonce la mauvaise qualité de ses produits et leur propension à être porteurs de maladies mortelles, sans parler de l’attachement irrationnel de l’industrie au protectionnisme.
En comparaison, les ingrédients laitiers utilisés par les fabricants canadiens d’oléomargarine, un produit alimentaire aussi nutritif que le beurre soit dit en passant, du moins le prétend MacLaurin, doivent être pasteurisés ou bien être produits par des vaches testées. Mieux encore, ajoute MacLaurin, l’oléomargarine canadienne porte la marque Canada Approved, en français approuvée Canada, du ministère de l’Agriculture; ce n’est pas le cas du beurre canadien.
Pourquoi l’équipe de gestion de Canadian Grocer est-elle prête à subir la colère de la puissante industrie laitière du Canada, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe? Une bonne question. J’aimerais le savoir.
Finalement, comme il fallait s’y attendre, le Goliath laitier l’emporte sur le David oléomargariné. L’interdiction de la fabrication, distribution et vente d’oléomargarine au Canada est rétablie en mars 1924.
Votre humble serviteur n’a pas non plus été en mesure de découvrir jusqu’à présent ce que MacLaurin fait pour gagner sa vie au cours des semaines et mois qui suivent le rétablissement de la dite interdiction.
Au plus tard en 1927, toutefois, MacLaurin est commissaire aux déchets commerciaux du Department of Public Health and Welfare de Cleveland, Ohio.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur attentive / attentif, Cleveland est la ville où la saga gonflée du gaz de paille avait commencé environ 20 ans plus tôt. Notre monde est petit, n’est-ce pas? Mais vous digressez. Si, si, vous.
À un moment donné, MacLaurin devient apparemment le surintendant d’un programme de purification de l’air à Cleveland. Votre humble serviteur ne peut pas dire s’il occupe ce poste après, ou avant, son travail au Department of Public Health and Welfare.
Quoi qu’il en soit, au plus tard en 1934, MacLaurin se joint le personnel de la division de recherche de Industrial Rayon Corporation, une firme américaine impliquée dans la production de… rayonne / soie artificielle / viscose. Il peut, je répète peut, avoir pris sa retraite à la fin des années 1940.
MacLaurin décède fin décembre 1951 à Lakewood, Ohio. Il a 72 ans.
Un post-scriptum si je peux me le permettre. Des pays aussi éloignés, à la fois politiquement et géographiquement, que le Royaume-Uni et la Chine ont développé et développent encore des centrales d’énergies renouvelables de petite ou grande envergure qui utilisent de la paille et d’autres matières premières de biomasse pour produire de l’énergie, soit sous forme de gaz ou d’électricité, ou les deux. Une partie de ce travail commence dans les années 1990, voire avant. Il s’effectue actuellement sur tous les continents habités de notre grosse bille bleue.