Un conte de deux moteurs, ou quatre, ou même six : Les STAL Skuten, Dovern et Glan
Votre humble serviteur est à court d’idées sur la façon de commencer chaque nouveau numéro de notre blogue / bulletin / machin. Des idées, ami(e) lectrice ou lecteur? Non? Soupir. Bonjour, alors, et bienvenue yadda yadda yadda.
Si je peux me permettre de paraphraser un des géants du long métrage d’aventure fantastique de 2013 Jack le chasseur de géants, c’est bon d’être de retour.
À première vue, la photographie que j’ai choisie comme source d’illumination ne semble pas très sexy. C’est, après tout, un turboréacteur. C’est d’une banalité. Cela étant dit (tapé?), le dit moteur fait partie d’une histoire plus grande qui pourrait vous intéresser. Si ce n’est pas le cas, tant pis c’est bien triste. J’ai aimé écrire ce texte.
Comme votre humble serviteur a l’habitude de le faire en pareille situation, en d’autres termes quand tout ce que j’ai pour commencer est une photographie avec une légende, je vais maintenant citer la dite légende dans son intégralité, en traduction :
Le premier moteur à réaction de conception suédoise, conçu par Svenska Turbinfabriks [Aktiebolaget Ljungström] (STAL), [Finspång], a récemment été exposé sous bonne garde à Stockholm. Toujours classé secret militaire, le nouveau moteur dispose d’un compresseur à flux axial et de six chambres de combustion. Appelé le Skuten, il a une poussée nominale de seulement (1 450 kilogrammes) 3 200 livres, et peut ne pas être un type destiné à être produit, mais plutôt à servir au développement de futurs moteurs de plus grande puissance. Le constructeur est un des principaux fabricants suédois de turbines électriques et marines.
Cette citation ayant jeté des bases pour ce qui va suivre, passons à autre chose.
Notre histoire commence, en Suède, en 1908 avec la fondation de, non, vous ne l’avez pas deviné cette fois, pas de STAL mais de Aktiebolaget Ljungström Ångturbin, qui vend des brevets de turbines plutôt que de construire des turbines. STAL voit en fait le jour en 1913. Ce fabricant de turbines à vapeur, à usage industriel et / ou maritime, se débrouille plutôt bien merci et exporte ses marchandises vers des pays aussi éloignés que le Royaume-Uni, le Japon et l’Afrique du Sud.
Le géant industriel / électrique suédois Allmänn Svenska Elektriska Aktiebolaget (ASEA) prend le contrôle de STAL en 1916, et… Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous vous balancez de ASEA comme de l’an 40 et demi? Et bien, vous ne devriez peut-être pas. Et ici réside une histoire.
Un projet fascinant voit le jour à Winnipeg, Manitoba, en 1976. Cette année-là, le directeur de l’ingénierie et du contrôle de la qualité chez Transair Limited, un assez important transporteur aérien régional canadien, quitte son emploi. Désormais président de Kristiansen Cycle Engines Limited (KCE), Håkon Henrik « Hoke / Hoken » Kristiansen, veut consacrer tout son temps à un moteur à pistons non-conventionnel dont le prototype vient tout juste d’être complété.
Cet ingénieur aéronautique d’origine norvégienne propose en fait un moteur qui n’utilise pas les cycles de combustion proposés par les Allemands Nikolaus August Otto et Rudolf Christian Karl Diesel vers 1876 et 1895, 2 cycles utilisés par pour ainsi dire toutes les automobiles non-électriques que nous voyons tous les jours. Compact, économe, léger et versatile, le moteur K-Cycle a tout pour plaire et ce d’autant plus qu’il fait son apparition peu après la crise pétrolière de 1973-74. Aux dires de Kristiansen, en traduction, « il sera particulièrement intéressant pour des applications aéronautiques, et spécialement pour les aéronefs légers. »
Le premier moteur K-Cycle tourne sur un banc d’essai du Department of Mechanical Engineering de la University of Manitoba en novembre 1976. Présenté aux médias en mai 1977, il suscite beaucoup d’intérêt au sein de l’industrie automobile. Des représentants de compagnies nord-américaines, européennes et asiatique se rendent à Winnipeg. KCE obtient au moins 2 subventions du gouvernement manitobain. Le Conseil national de recherches du Canada investit dans le projet. Des investisseurs privés font de même.
Au printemps 1978, la compagnie emménage dans un édifice appartenant à un important brasseur canadien, Molson Industies Limited, l’actuelle Molson Coors Brewing Company. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, cette dernière est mentionné dans une paire de numéros d’avril 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Début 1979, un géant industriel mentionné dans un numéro d’août 2019 de cette même publication, Mitsubishi Jidōsha Kōgyō Kabushiki Kaisha, devient le représentant japonais de la petite compagnie canadienne. Un peu plus tard, un important fabricant de moteurs d’aéronefs américain envoie une équipe à Winnipeg. À l’automne, KCE installe un second moteur, bien amélioré, dans une automobile qui circule à Winnipeg pendant plusieurs mois. Un troisième prototype le remplace à une date indéterminée. Il est à noter qu’un fabricant d’automobiles italien met à l’essai une version diesel du moteur K-Cycle.
Vers 1980-81, l'équipe de l'émission de télévision d'affaires publiques Marketplace, diffusée par le radio télédiffuseur d'état Canadian Broadcasting Corporation (CBC), demande à KCE de vérifier l'efficacité d'un carburateur mis au point pendant les années 1930 par le Manitobain / Canadien Charles Nelson Pogue. Les défenseurs de cette invention insistent en effet depuis des années qu'elle permet à une automobile de parcourir une distance de 100 kilomètres avec à peine 1.2 litre d'essence (240 milles/gallon impérial / 200 milles/gallon américain) - une performance pour le moins ahurissante. Une série d'essais révèle toutefois que le carburateur Pogue n'améliore guère la consommation d'essence d'une automobile.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur insistent(e), CBC est mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin.
Pendant ce temps, des semaines, puis des mois passent. La mise au point d’une version de série du moteur K-Cycle prend plus de temps que prévu. Les sources de financement se tarissent l’une après l’autre. Fin 1981, KCE se voit dans l’obligation d’obtenir des prêts de la Banque de développement du Canada. Ces sommes lui permettent de se maintenir à flot, mais sans plus. Le gouvernement manitobain et certains fournisseurs, de plus en plus nerveux, veulent être remboursés. Les espoirs de Kristiansen de voir un important fabricant d’automobiles américain fabriquer son moteur sous licence s’évanouissent en fumée. ASEA, oui, oui, ASEA, quant à elle, renonce à appliquer la technologie du moteur K-Cycle pour mettre au point des générateurs électriques. La Banque de développement du Canada met KCE sous séquestre en novembre 1983. C’est la fin d’un beau rêve. Fin de la digression.
En 1928, l’ingénieur en chef de STAL, Alf James Rudolf Lysholm, commence à étudier la possibilité de concevoir un autre type de turbine, en plus des susmentionnées turbines à vapeur. Les turbines à gaz pourraient après tout offrir de nouvelles opportunités commerciales. Un célèbre fabricant d’armes suédois commence à construire quelques turbines à gaz pour STAL en 1932. En 1934, Bofors Aktiebolaget construit même un petit turboréacteur. En proie à de graves problèmes, ce moteur est abandonné en 1935.
Lysholm emboîte le pas, en 1935 ou 1936, avec un second concept de turboréacteur, plutôt étrange en fait, qui ne semble pas dépasser le stade de la table à dessin. En 1936, il a l’idée de faire tourner une turbine à gaz avec les gaz d’échappement d’un moteur à pistons d’aéronef. Un prototype de ce moteur est testé en vol au cours de l’été 1942, à l’aide d’un aéronef de l’armée de l’air suédoise, ou Flygvapnet. L’idée ne montre pas assez de promesses pour justifier beaucoup de travaux supplémentaires.
À ce moment-là, bien sûr, la Seconde Guerre mondiale fait rage depuis un bon bout de temps. La Suède est restée neutre. Incapable d’obtenir en pays étrangers les aéronefs à hautes performances dont elle a besoin pour défendre le pays, la Flygvapnet doit se tourner vers l’industrie aéronautique locale. En conséquence, la Suède acquiert une quantité étonnamment importante de connaissances et d’expérience dans la conception d’aéronefs en dépit de la petite taille de sa population.
Plus ou moins au courant des recherches menées en Allemagne, aux États-Unis et / ou au Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale, la Flygvapnet lance un programme de recherche et développement sur les moteurs à réaction en 1944. De fait, son commandant décrète dès 1945 que tous les nouveaux avions de chasse utilisés par ce service seraient équipés de moteurs à réaction. La Flygvapnet, ou une autre organisation gouvernementale, signe ainsi des contrats avec une paire de firmes, en 1945 semble-t-il : Svenska Flygmotor Aktiebolaget (SFA), qui compte alors parmi son personnel le susmentionné Lysholm, et STAL. Chaque équipe d’ingénieurs doit développer un turboréacteur, ce qu’elles font. SFA et STAL testent leurs concepts, au sol, après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur observatrice / observateur, le turboréacteur développé par STAL est le Skuten, le même moteur qui est visible sur la photographie au début de cet article. Ce moteur relativement petit est testé en 1947.
À ce moment-là, SFA a été / est sur le point d’être chargée de produire un turboréacteur britannique éprouvé pour une utilisation sur le premier avion de chasse à réaction suédois, le SAAB J 21R. Le même moteur est par ailleurs utilisé sur une machine britannique commandée en bien plus grand nombre, le de Havilland Vampire, connu en Suède sous la désignation J 28, et… Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Oui, vous avez en effet bien raison. Il y a un Vampire dans la majestueuse collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, et l’acronyme SAAB signifie Svenska Aeroplan Aktiebolaget.
Qu’en est-il de STAL et du Skuten, demandez-vous? Et bien, il semble STAL et la Flygvapnet décident de ne pas le mettre en production. Le Skuten n’est tout simplement pas assez puissant. Il fournit cependant la base sur laquelle un turboréacteur beaucoup plus puissant, le Dovern, est développé. De fait, SFA et STAL travaillent de nouveau sur 2 moteurs distincts dans l’espoir d’obtenir une commande de production pour propulser un nouvel avion de combat destiné à la Flygvapnet. Aussi admirable que puisse être cette approche, elle signifie que les 2 firmes doivent rivaliser pour obtenir du financement gouvernemental, un financement limité en fait, ce qui ralentit le processus.
Au milieu de 1949, un manque d’argent contraint la Flygvapnet à concentrer toutes ses ressources sur le concept le plus prometteur, le Dovern. Peu de temps après, SFA reçoit l’ordre de coopérer avec sa rivale dans le développement de ce moteur et des concepts ultérieurs – une pilule amère à avaler. C’est également vers cette époque que le Dovern est choisi pour propulser un avion d’attaque tout temps monomoteur biplace, plus tard connu sous le nom de A 32 Lansen, alors en cours de développement par SAAB.
Il semble que le Dovern tourne pour la première fois, sur un banc d’essai, en février 1950. Vers juillet 1952, les problèmes inévitables rencontrés lors de sa conception ont été résolus. Un exemple du nouveau moteur est testé en vol vers cette époque, en utilisant un Avro Lancaster convenablement modifié. Avant longtemps, STAL peut informer la Flygvapnet que la production en série du Dovern peut être lancée à loisir. À ce moment, de 10 à 15 moteurs ont été complétés. Croiriez-vous que le Dovern est de la même classe que les turboréacteurs américains, britanniques et / ou soviétiques de l’époque?
Mieux encore, le Dovern n’est pas la seule flèche dans le carquois de STAL. En effet, depuis 1949-50, la firme est de plus en plus impliquée dans la conception d’un turboréacteur beaucoup plus puissant, le Glan, qui, du moins l’espère-t-elle, doit propulser un avion de chasse supersonique tout temps monomoteur monoplace très avancé, plus tard connu sous le nom de J 35 Draken, alors en cours de développement par SAAB. En 1952, STAL commence à fabriquer des composants du nouveau moteur.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, il y a un bombardier lourd Lancaster dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
À la surprise d’un grand nombre d’observateurs, le prototype du susmentionné Lansen est propulsé par un moteur Rolls-Royce Avon lors de son premier vol, en novembre 1952. Ce même mois, une annonce est faite selon laquelle les exemplaires de série du Lansen seraient propulsés par le dit Avon, dont tous les exemplaires seraient produits par SFA. Le développement du Dovern est par la présente interrompu. Ni la Flygvapnet ni le gouvernement suédois ne fournissent d’explication officielle à cette décision. Et oui, le développement du Glan est également interrompu. En fait, ce qui prend fin en novembre 1952, c’est l’idée même de produire des moteurs à réaction conçus en Suède.
De nombreuses personnes au sein de la communauté aéronautique suédoise sont consternées par l’annulation de ce qui semble être un moteur prometteur. La dite décision, déclarent-elles, signifie que SAAB et la Flygvapnet resteraient dépendant(e)s de moteurs développés à l’extérieur du pays.
Alors, seriez-vous intéressé(e) à spéculer sur les raisons de l’annulation du Dovern? Vermouilleux! C’est moi qui commence.
Il est suggéré que des contraintes budgétaires jouent un rôle dans la décision; la conception d’un moteur à réaction était / est (sera?) après tout une proposition coûteuse. Il est également suggéré que Rolls-Royce Limited, une firme britannique bien connue mentionnée dans des numéros d’avril 2018, août 2018 et février 2019 de notre vous savez quoi, est disposée à vendre les droits de production du Avon, de fait un très bon moteur, à un très bon prix.
Remarquez, il est également suggéré qu’une confrontation militaire et crise diplomatique de la Guerre froide qui commence en juin 1952 peut jouer un léger rôle dans la décision. Veuillez noter que cette série d’événements fait quelques morts.
En juin 1952, un avion de transport Douglas Tp 79 de la Flygvapnet, en d’autres mots un aéronef de type Douglas DC-3, disparaît sans laisser de trace avec 8 personnes à bord alors qu’il survole les eaux internationales, en mer Baltique, lors d’un vol d’entraînement à la navigation. Trois jours plus tard, un hydravion à coque ou amphibie de recherche et sauvetage Consolidated Tp 47 de la Flygvapnet, en d’autres mots un aéronef de type Consolidated PBY / Catalina, à la recherche du Tp 79 manquant, est abattu par des avions de chasse soviétiques, des Mikoyan Gurevitch MiG-15 semble-t-il, alors qu’il survole les eaux internationales, en mer Baltique. Le Tp 47 se pose en catastrophe près d’un cargo ouest-allemand et ses 5 membres d’équipage sont secourus.
On suppose dès lors que des avions de chasse soviétiques ont également abattu le Tp 79, ce que le gouvernement soviétique nie vigoureusement, et ce même si un radeau gonflable appartenant au Tp 79 trouvé à la dérive en mer Baltique montre des signes d’attaque aérienne. Naturellement, il y a beaucoup d’indignation en Suède et dans de nombreux autres pays occidentaux. Le gouvernement suédois est également très préoccupé par les intentions de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). Les tensions sont fortes en Europe et une guerre vicieuse fait rage dans la péninsule coréenne. La modernisation de l’équipement de la Flygvapnet devient plus importante que jamais. Le susmentionné Lansen est un élément clé de cette modernisation. Son introduction en service ne peut souffrir aucun retard. Aussi bon que le turboréacteur Dovern puisse devenir une fois complètement développé, le Avon semble être une alternative plus sûre – et une qui peut être livrée plus tôt à moindre coût. Soit dit en passant, la Flygvapnet commence à recevoir ses Lansen en décembre 1955.
En 1956, Nikita Sergeyevitch Khrouchtchev, le peu ragoutant premier secrétaire du comité central du Kommunisticheskaya Partiya Sovetskogo Soyuza, en d’autres termes le parti communiste de l’URSS, admet au Premier ministre suédois que l’URSS est responsable de la mort de l’équipage du Tp 79. Cette information, dit-il, doit toutefois être gardée secrète – et elle l’est.
Soit dit en passant, il y a un DC-3 ainsi qu’un aéronef de type PBY / Catalina, à savoir un Canso, sans parler d’un MiG-15 de fabrication polonaise, ou Lim-2, dans l’exceptionnelle collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
En 1991, après la dissolution de l’URSS, la pression exercée par les familles des personnes décédées en juin 1952 porte finalement ses fruits. Le gouvernement suédois admet que le Tp 79 n’effectue pas de vol d’entraînement à la navigation lorsqu’il disparaît. Il recueille en fait des renseignements radio et radar pour l’établissement radio de défense du pays, ou Försvarets Radioanstalt. L’équipement utilisé par l’équipage de l’aéronef pour espionner l’URSS est fourni par les gouvernements britannique et / ou américain. Le vol lui-même est entrepris au nom de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) – une violation manifeste de neutralité de la part de la Suède.
Votre humble serviteur se demande si le gouvernement suédois agit de la sorte de son plein gré ou sous la pression / menace, plus ou moins voilée, de l’OTAN. Bonjour, M. « Big Brother. »
Un officier russe admet, également en 1991, avoir donné l’ordre d’abattre le Tp 79.
Vous vous souviendrez que Khrouchtchev est mentionné dans des numéros de février, mars et septembre 2019 de notre blogue / bulletin / machin. Mais revenons à notre histoire.
Vous serez peut-être heureuse / heureux d’apprendre que STAL survit à l’annonce de novembre 1952. De fait, le Glan renaît de ses cendres, pour ainsi dire, sous la forme de la turbine à gaz industrielle STAL / ABB / Alstom GT35, qui est produite en bon nombre, à partir de 1956, et exportée vers quelques pays. La très améliorée Siemens SGT500 est développée beaucoup plus tard (vers 2000?). Elle est également est produite en bon nombre et exportée vers quelques pays. Il semble que la SGT500 est toujours en production au début des années 2010. Certaines de ces turbines sont utilisées pour propulser au moins quelques navires.
Et oui, Alstom Société anonyme, la multinationale française de transport ferroviaire derrière le véhicule léger sur rail / de métro léger Citadis Spirit développé pour la Ottawa-Carleton Transportation Commission, la société de transport en commun de la capitale du Canada, est mentionnée dans un numéro de janvier 2020 de notre vous savez quoi. Oserais-je mentionner que le dit Citadis Spirit ne fonctionnait / fonctionne toujours pas comme il devrait à la fin de l’hiver 2019-20? Oh joie.
Le Draken survit également à l’annonce de novembre 1952. Un prototype propulsé par un Avon de fabrication britannique vole en octobre 1955. La livraison du premier des aéronefs de série, qui sont propulsés par des Avon fabriqués sous licence par SFA, à une unité de la Flygvapnet, a lieu en 1960.
Ce qui est tristement intéressant au sujet de la saga des Skuten, Dovern et Glan, ce sont les parallèles qu’on peut tracer entre eux et un trio de moteurs développés au Canada pendant les années 1940 et 1950.
Vers mai 1946, des ingénieurs de la société d’état Turbo Research Limited, à Leaside, en banlieue de Toronto, Ontario, achèvent la mise au point du premier turboréacteur canadien, le TR-4. Ce travail se poursuit sous la direction de A.V. Roe Canada Limited (Avro Canada) de Malton, Ontario, cette dernière ayant fait l’acquisition des actifs de Turbo Research vers mai 1946, formant alors une division Gas Turbine. Avro Canada, une filiale du géant aéronautique britannique Hawker Siddeley Group Limited, est mentionnée dans plusieurs / quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis mars 2018. Et oui, la conception du TR-4, connu sous le nom de Chinook à partir de l’été 1947, débute au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Avro Canada ne prévoit toutefois pas produire ce moteur relativement peu puissant. La fabrication de 3 prototypes du Chinook va toutefois lui permettre d’acquérir une expérience pratique en conception de moteurs à réaction. Un premier moteur tourne au banc d’essai en mars 1948.
Il est à noter que la superbe collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada comprend 2 Chinook.
Vous serez peut-être content(e) d’apprendre que votre humble serviteur envisage la possibilité de pontifier sur le Chinook à une date ultérieure – si vous êtes sage comme une image.
Vers la fin de l’été 1946, l’Aviation royale du Canada (ARC) demande à la division Gas Turbine de Avro Canada de concevoir un turboréacteur pour le nouvel avion de chasse de nuit / tout temps à long rayon d’action, le futur Avro Canada CF-100 Canuck, sur lequel travaille la division Aircraft de cette même compagnie. Le nouveau moteur devra être aussi puissant que n’importe quel autre moteur alors en cours de mise au point aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Le défi est de taille. La mise au point du turboréacteur TR-5, connu sous le nom de Orenda à partir de l’été 1947, débute en septembre 1946.
Un premier Orenda tourne au banc d’essai en février 1949. Deux Orenda prennent l’air en juillet 1950 à bord d’un banc d’essai volant. Vous savez évidemment que le dit banc d’essais est un Lancaster. Évidemment.
Saviez-vous toutefois que le premier prototype du Canuck vole en janvier en 1950 à l’aide de 2 Avon? Le monde est petit, n’est-ce pas? Le premier Canuck propulsé par des Orenda vole en juin 1951. Une version intérimaire du Canuck, fabriquée en toute hâte à cause de la guerre de Corée, entre en service en petit nombre en 1952. La première véritable version de série de l’aéronef arrive dans les escadrons de l’ARC au cours de l’année suivante. Et oui, vous avez tout à fait raison, la collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada comprend un Canuck. Et oui encore, cette collection est une des merveilles du monde.
Entre 1952 et 1958, l’ARC et les forces aériennes de 4 pays amis / alliés (Afrique du Sud, Allemagne de l’ouest, Belgique et Colombie) reçoivent non moins de 3 825 Orenda. Ce moteur compte parmi les meilleurs turboréacteurs des années 1950.
C’est aussi au cours des années 1950 que débute la saga d’un des moteurs à réaction les plus puissants et avancés de l’époque. En 1952, l’ARC et la division Aircraft de Avro Canada amorcent des discussions afin de mettre au point un successeur supersonique au Canuck, qui n’est pas encore en service. Les ingénieurs de la firme ontarienne prévoient utiliser un turboréacteur de conception étrangère fabriqué sous licence au Canada. Bien que fort conscients des excellentes performances du Orenda, ils ne pensent pas pouvoir justifier les coûts de mise au point d’un nouveau moteur canadien pour l’aéronef connu par la suite sous le nom de Avro CF-105 Arrow.
La division Aircraft de Avro Canada choisit par conséquent un turboréacteur Rolls-Royce en cours de mise au point. Le motoriste britannique n’étant pas en mesure de respecter les échéanciers proposés par la division Gas Turbine de cette même firme, la division Aircraft l’abandonne au profit d’un turboréacteur sur laquelle travaille la division Wright Aeronautical de Curtiss-Wright Corporation. Le dit turboréacteur n’étant pas vraiment au point, son principal commanditaire, la United States Air Force, coupe les vivres au projet. Le projet de chasseur tout temps supersonique canadien se retrouve de nouveau sans moteur.
C’est alors qu’un projet privé, lancé vers septembre 1953 par la division Gas Turbine de Avro Canada, prend toute son importance. Le prototype du turboréacteur PS-13 tourne au banc en décembre 1954. Il semble très prometteur. Au printemps 1956, le ministère de la Production de défense et Orenda Engines Limited, une nouvelle raison sociale adoptée officiellement en janvier 1955, signent un contrat visant la mise au point du PS-13. En effet, ce moteur vient d’être choisi pour propulser les versions de série du Arrow. Le nouveau turboréacteur de Orenda Engines, baptisé Iroquois en juin 1956, est un des plus puissants et avancés de l’époque. Et oui, ça vaut la peine de le répéter.
En février 1959, peu de temps avant le premier vol d’un Arrow muni de moteurs Iroquois, le gouvernement canadien abandonne la mise au point de l’aéronef et de son moteur. L’outillage de production et la plupart des Iroquois complétés à cette date sont envoyés à la casse. L’abandon du Iroquois met un terme aux espoirs du Canada de devenir un joueur d’importance dans le petit monde des moteurs à réaction à grande puissance.
Il est à noter que la sublime collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada comprend un Iroquois de même que certains éléments d’au moins 2 Arrow.
Une phase pour le moins intéressante de l’histoire de Orenda Engines commence au début de 1959, après l’abandon du Iroquois et du Arrow peut-être, avec la décision de mettre au point des turbines à gaz industrielles dérivées du turboréacteur Orenda. Des discussions préliminaires avec des clients potentiels révèlent que ceux-ci s’intéressent à 2 grands types d’équipement : une turbine à gaz à structure lourde pour forcer le gaz ou le pétrole dans les pipelines et une autre, aérodérivée, pour produire de l’électricité en situation de charge maximale.
Une société canadienne créée par une loi fédérale, TransCanada PipeLines Limited, l’actuelle TransCanada Corporation, commande la première turbine à gaz à structure lourde OT-2 en 1962. Cet équipement entre en service en octobre, dans une station de pompage de nord-ouest de l’Ontario. Le Conseil national de recherches du Canada, quant à lui, reçoit la première turbine à gaz aérodérivée OT-3. Cet équipement fait tourner le ventilateur d’une des souffleries se trouvant à Ottawa. La première OT-3 destinée à la production d’électricité entre en service en décembre 1963. Au fils des ans, la division Orenda de Hawker Siddeley Canada Limited, deux nouvelles raisons sociales adoptées en 1961 et 1962, produit environ 30 OT-2 et 90 OT-3 pour des clients canadiens et étrangers. Ces équipements sont les premières turbines à gaz industrielles conçues et produites au Canada.
En 1960, le ministère de la Défense nationale entame un programme de modernisation de la ligne Pinetree, 1 des 3 éléments du réseau d’alerte mis en place par les États-Unis et la Canada pour détecter d’éventuelles attaques de bombardiers soviétiques munis d’armes (thermo)nucléaires. (Bonjour er merci, Docteur Folamour. Nous avons appris à ne plus nous en faire et à aimer la bombe. Désolé.) Certaines des nouvelles stations radar, dis-je, doivent disposer de leur propre système de production d’électricité fondé sur l’utilisation de turbines à gaz. Quatre compagnies, 2 canadiennes et 2 britanniques, soumettent des propositions. Orenda Engines propose un dérivé de la OT-2 baptisé OT-5. Elle se voit accorder une commande en août 1961. Les 18 systèmes sont installés en 1962-63. Au cours des années suivantes, la compagnie livre des OT-5 à d’autres utilisateurs, pour un total de 55 unités.
Il est à noter que les OT-5 de la ligne Pinetree sont couplées à un récupérateur de chaleur alimenté par leurs gaz d’échappement – une première canadienne en matière de cogénération et une des premières applications du genre au monde.
Compte tenu de l’intérêt et l’importance des OT-2, OT-3 et OT-5, puis-je être autorisé à suggérer qu’une institution sœur / frère de l’olympien Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, le Musée des sciences et de la technologie du Canada, à Ottawa, pourrait envisager la possibilité de jeter un coup d’œil à la possibilité d’acquérir un exemplaire de chacune de ces turbines à gaz?
Pour conclure, ami(e) lectrice ou lecteur, pensez-vous qu’il y a des parallèles intéressants entre les Skuten, Dovern et Glan et les Chinook, Orenda et Iroquois? Je vous dis ça comme ça, moi.
Et oui, Docteur Folamour, ou : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe est un classique du cinéma et une satire féroce de 1964 mentionné(e) dans un numéro de janvier 2019 de notre vous savez très bien quoi. Il n’y a pas de quoi.
Prenez soin de vous, ami(e) lectrice ou lecteur.
À la revoyure.