3 choses à savoir sur les greffes d'organes de porc à l'humain, la forme de la Terre et les engrais
Voici Renée-Claude Goulet, Michelle Campbell Mekarski et Cassandra Marion.
Elles sont les conseillères scientifiques d'Ingenium et fournissent des conseils scientifiques experts sur des sujets clés liés au Musée de l'agriculture et de l'alimentation du Canada, au Musée des sciences et de la technologie du Canada et au Musée de l'aviation et de l'espace du Canada.
Dans cette série de blogs mensuels hauts colorés, les conseillères scientifiques d'Ingenium nous livrent trois pépites insolites liées à leurs domaines d'expertise. Pour l'édition de juillet, elles nous expliquent comment un humain a reçu une greffe de rein d'un cochon, comment nous savons que la Terre est ronde, pourquoi la fertilisation des plantes peut s'avérer délicate!
Les reins sont les organes les plus demandés pour des greffes. À la fin de 2022, environ 73 % (ou plus de 2 750 personnes) des gens en attente d’une greffe d’organe au Canada espéraient un rein. Des reins de porc spécialement modifiés pourraient être la solution.
Jalon médical : On a réussi à greffer un rein de porc sur un humain
Chaque année, le nombre de Canadiens qui reçoivent un diagnostic de défaillance d’organe est en hausse, mais il n’y a jamais suffisamment de donneurs pour répondre à la demande de greffes. Des milliers de personnes au Canada sont en attente d’une greffe d’organe et des centaines mourront chaque année pendant qu’elles attendent.
Il y a quatre ans, j’ai écrit un article de Trois choses que vous devriez savoir à propos de la possibilité d’utiliser la xénotransplantation comme solution à la pénurie d’organes. Il s’agit de la greffe d’un organe provenant d’un donneur non humain (p. ex., greffe de peau provenant d’un poisson ou de valvules cardiaques provenant d’un porc). Cependant, les différences biologiques entre les espèces, dont les virus génétiques, la structure des organes et les systèmes immunitaires, signifient que les xénotransplantations sont souvent rejetées par le corps, laissant le patient dans un état encore pire.
À cette époque, plusieurs laboratoires dans le monde se servaient du génie génétique pour tenter de modifier les organes de porcs afin de les rendre convenables aux greffes dans des humains. Il était naturel de se tourner vers les porcs, car leurs organes sont approximativement de la même grosseur que ceux des humains et leur système immunitaire est semblable.
L’avenir dont nous parlions il y a environ quatre ans est ici. On a réussi la première greffe de rein de porc génétiquement modifié dans un humain. Cette opération historique a été réalisée le 16 mars 2024 par des médecins de l’école de médecine de l’Université Harvard. Le patient, Richard (Rick) Slayman, souffrait d’une maladie du rein chronique causée par le diabète de type 2 et d’hypertension artérielle. Il avait déjà reçu une greffe de rein humain, mais ce rein avait commencé à se détériorer après cinq ans. En raison de l’état avancé de sa maladie, ils ont reçu, lui et son équipe de médecins, la permission d’essayer, pour la toute première fois, de transplanter un rein de porc génétiquement modifié dans un humain.
Le rein que Rick a reçu était le résultat de décennies de recherche réalisée par des milliers de scientifiques et de médecins. À l’aide de la technologie d’édition génétique CRISPR-Cas9, des scientifiques ont pu rendre le rein de porc plus compatible avec le corps humain, en éliminant des gènes qui auraient pu déclencher un rejet immunitaire et en ajoutant des gènes pour améliorer la compatibilité. Ils ont également dû désactiver tous les virus présents dans l’ADN du porc pour éliminer les risques d’infection. Au total, ils ont fait 69 modifications génétiques.
La chirurgie s’est révélée un succès et Rick a pu quitter l’hôpital deux semaines après l’opération. Bien qu’il soit décédé deux mois plus tard en raison de sa maladie sous-jacente, son corps n’a jamais rejeté le rein de porc.
Cette approche de transplantation présente encore de nombreux facteurs inconnus, mais cette opération marque un jalon important dans la quête pour donner une deuxième chance à la vie pour des millions de patients qui se meurent à cause d’une défaillance d’organe. D’ici quatre ans, peut-être vivrons-nous dans un avenir où l’attente pour une greffe d’organe sera un souvenir pas si lointain.
Par Michelle Campbell Mekarski
Vue partielle d’une Terre ronde prise depuis l’astronef MESSENGER, avec l’Amérique centrale au milieu.
Comment savons-nous que la Terre est ronde?
La courbure de notre planète plutôt sphérique peut être observée de différentes façons aujourd’hui, mais ce n’a pas toujours été le cas.
Le concept d’une Terre ronde remonte à l’époque de la Grèce antique. Aux alentours de 500 AEC, le célèbre Pythagore a proposé pour la première fois que la Terre était sphérique, même s’il ne présentait aucune preuve directe. Il croyait que c’était tout simplement logique, car selon lui une sphère était une forme parfaite et stable. Aristote, vers 350 AEC, a été le premier à présenter des raisonnements observables qui sont encore valides aujourd’hui. Tout d’abord, la coque des bateaux était la première à disparaître lorsqu’ils s’éloignaient vers l’horizon; les constellations du ciel sont différentes selon la latitude; et, finalement, l’ombre de la Terre sur la Lune durant une éclipse lunaire montre la courbure de notre chère planète.
Puis, sont arrivés les astronomes et l’érudit émérite Ératosthène en 240 AEC qui a été le premier à calculer la circonférence de la Terre à l’aide de mesures de la longueur des ombres projetées par des bâtons à la verticale placés à une distance spécifique les uns des autres. Il avait entendu dire qu’à Syène (maintenant Assouan, en Égypte), le fond d’un puits s’illuminait complètement à midi lors du solstice d’été, et ce, sans projeter aucune ombre. C’est-à-dire que le Soleil devait se trouver parfaitement au-dessus des têtes à ce moment. Ératosthène a ensuite mesuré l’angle d’une ombre projetée par un bâton à midi à Alexandrie, en Égypte, et a découvert qu’elle était à un angle de 7,2 degrés, soit l’équivalent de 1/50 d’un cercle complet (360 degrés). Pour déterminer la distance entre Syène et Alexandrie, il a engagé des arpenteurs professionnels formés pour marcher à des pas d’égale longueur. Leurs pas ont totalisé 5 000 stades, une ancienne unité de longueur grecque, laquelle équivaut à environ 800 km du système métrique actuel. À l’aide des angles d’ombres observées et de la distance entre Syène et Alexandrie, son évaluation était très proche de ce que nous connaissons maintenant comme étant la circonférence de la Terre : approximativement 40 000 km (800 km multipliés par 50).
La distance de l’horizon visible varie, selon la topographie locale et ce qui peut se trouver dans la ligne de vision, comme des arbres et même les conditions météorologiques. Il est généralement plus facile de voir la courbure de la Terre lorsque le point d’observation est plus élevé. Des preuves directes de la courbure de la Terre n’ont pas vu le jour avant le début du 20e siècle, lorsque des avancées en aviation ont permis aux photographes de survoler la Terre. Celles-ci sont documentées dans une édition de 1931 de la revue National Geographic, où une photo prise à une altitude de 7 000 mètres en Argentine montrait les montagnes des Andes visibles sous l’horizon estimé. Semblablement, en 1935, des ballons à haute altitude dans le Dakota du Sud se sont aventurés encore plus haut et ont confirmé la courbure de la Terre. Puis, sont arrivées les fusées-sondes et l’ère de l’exploration spatiale. Les astronefs ont maintenant capté des images de la Terre dans son intégralité, comme la première photo de la Terre comme une bille bleue en une seule image pendant l’ère Apollo. Les milliers de satellites qui orbitent la Terre chaque jour confirment qu’elle est ronde.
Méthodes pour vérifier par vous-même la courbure de la Terre :
- Lever et coucher du Soleil : Notez les divers moments du lever et du coucher du Soleil à différents endroits et qui peuvent seulement être expliqués par une Terre courbe.
- Éclipse lunaire : Observez l’ombre courbée de la Terre lorsque la Lune est pleine pendant une éclipse lunaire.
- Mesures des ombres : Mesurez les ombres projetées par deux bâtons à la verticale illuminés par le Soleil à différentes latitudes et notez la différence. Aussi, vous pouvez calculer la circonférence de la Terre à l’aide de la distance mesurée entre les bâtons et l’angle de leur ombre.
- Observation de l’horizon : Par temps clair le long de la côte, observez la chute de l’horizon à ses extrémités à cause de la courbure de la Terre. Utilisez une ficelle tendue entre deux bâtons pour voir l’horizon baisser aux extrémités droite et gauche de la ficelle. Regardez de gros bateaux disparaître à l’horizon, le fond en premier.
- Vue aérienne : Depuis le hublot d’un avion par une journée claire, observez l’horizon courbé. La courbe sera subtile, mais plus le point d’observation est haut, plus il est facile de voir la courbure.
- Images spatiales : Elles sont plutôt difficiles à obtenir par soi-même, mais des sources et des photos fiables en ligne, comme celles de la mission Messenger mentionnée ci-dessus, montrent clairement la courbure indéniable de la Terre depuis l’espace.
Par souci de clarté, il faut préciser que la Terre n’est pas une sphère parfaite, mais plutôt un ellipsoïde imparfait puisqu’il est aplati aux pôles et plus large à l’équateur. Le sujet suivant pourrait être intéressant pour une future édition de Trois choses : Pourquoi la forme de la Terre est-elle irrégulière et comment la convertissons-nous sur des cartes en deux dimensions?
Par Cassandra Marion
Les analyses du sol permettent aux agriculteurs et aux jardiniers de corriger les problèmes qu’ils ont avec leurs plantes et de savoir s’il est nécessaire d’ajouter de l’engrais au sol.
Vos plantes ont la mine piteuse? Elles ont peut-être faim!
Une bonne nutrition est le secret pour des plantes en santé. Mais, puisqu’elle est très différente de la nôtre, et qu’elle commence dans le sol, la notion peut être difficile à comprendre et à maîtriser. Laissez-moi donc démystifier certains concepts scientifiques derrière l’alimentation de nos plantes!
Tout comme nous, les plantes sont de petites usines chimiques, transformant constamment la forme des nutriments pour développer des tissus et permettre aux processus internes de les garder en vie et de poursuivre la reproduction. Les usines chimiques du corps humain peuvent convertir diverses substances (comme les protéines, les glucides, les gras et les vitamines) en d’autres molécules, mais les plantes sont un peu différentes. Donner un hamburger à une plante ne l’aidera pas à se développer, car les nutriments sont trop complexes pour que la plante puisse les utiliser (c’est-à-dire, jusqu’à ce que le hamburger soit décomposé en ses composantes individuelles). Les aliments pour les plantes doivent être beaucoup plus simples que les nôtres, voilà pourquoi nous leur donnons de l’engrais.
Outre l’oxygène, le carbone et l’hydrogène, les agronomes considèrent que les plantes ont besoin de six nutriments en plus grande quantité et de neuf autres en moins grande quantité pour atteindre leur plein potentiel. Vous connaissez probablement les trois principaux : azote (N), phosphore (P) et potassium (K). Ces éléments sont indiqués par trois chiffres séparés d’un tiret sur les emballages d’engrais (N-P-K). Ces chiffres représentent la quantité de chaque nutriment que contient le produit, comme un pourcentage. Cette information donne une idée de la « puissance » du produit.
Sous la section « analyse minimale garantie » de l’emballage, on peut retrouver les trois prochains nutriments les plus importants : soufre (S), calcium (Ca) et magnésium (Mg). Un engrais complet peut également contenir certains des neuf micronutriments : bore (B), chlorure (Cl), cuivre (Cu), fer (Fe), manganèse (Mn), molybdène (Mo), zinc (Zn), cobalt (Co) et nickel (Ni).
Ce ne sont pas tous les engrais qui contiennent les 15 nutriments! Si votre sol manque seulement d’azote, alors vous pouvez utiliser un engrais contenant uniquement de l’azote. Si vous souhaitez fertiliser le sol une seule fois pour toute la saison et l’alimenter de tous les nutriments d’un seul coup, un engrais complet à libération lente est la meilleure option.
Lorsque les plantes n’obtiennent pas ces nutriments, elles commencent à présenter des symptômes, comme des feuilles jaunissantes et une croissance freinée. Apprendre à reconnaître les symptômes peut nous permettre d’améliorer notre jardinage. Ce qui est compliqué, c’est que parfois les nutriments se trouvent en fait dans le sol, mais la plante ne les absorbe tout simplement pas. La présence ou l’absence de microbes bénéfiques dans le sol, trop ou pas assez d’eau, un mauvais pH (mesure de l’acidité du sol) et même le type de terre, par exemple argileux ou sablonneux, sont tous des éléments qui peuvent entraver l’absorption des nutriments. Des analyses du sol permettent de déterminer si les plantes souffrent parce que les nutriments dans le sol sont déficitaires ou si un autre facteur est en jeu qui empêche les plantes de les absorber.
Pour nous aider à comprendre comment les engrais agissent dans le sol et pourquoi il faut les utiliser avec prudence, on peut imaginer le sol et les nutriments comme étant des aimants. Le sol possède typiquement une légère charge négative et les nutriments qu’il contient ont soit une charge positive soit une charge négative. Puisque les contraires s’attirent, les nutriments ayant une charge positive peuvent rester « pris » dans un sol ayant une charge négative, tandis que les nutriments ayant une charge négative, comme le nitrate (N) et le phosphore (P), restent libres.
Les nutriments « libres » non utilisés ont tendance à s’échapper lorsqu’il pleut beaucoup ou si le sol est trop arrosé, ce qui signifie que de l’engrais peut pénétrer la nappe phréatique. Cette infiltration pollue notre eau potable et nos cours d’eau. D’autre part, les nutriments « collants » peuvent s’accumuler et devenir toxiques pour les plantes. Voilà pourquoi il est important pour les agriculteurs et les jardiniers d’évaluer si leurs plantes ont besoin d’engrais et, si oui, de quel type, au lieu d’en appliquer n’importe comment.
Un conseil pratique... faites un peu comme un scientifique! Gardez un œil sur la croissance de vos plantes; apprenez la différence entre les symptômes des maladies des plantes et les carences nutritives; faites des analyses des nutriments contenus dans le sol; découvrez quel type de sol vous avez et son pH. Si vous devez appliquer de l’engrais, suivez attentivement les directives sur l’emballage pour éviter la perte de nutriments dans l’environnement et l’application excessive. Et, n’oubliez pas, trop d’eau peut être aussi nuisible que trop peu!
Par : Renée-Claude Goulet
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