« Il roule au sol avec toute l’aisance d’une cigogne arthritique, » Ou, Un bref regard sur la brève présence au spectacle aérien du Centenaire de la Colombie-Britannique d’un avion de ligne à réaction Tupolev Tu-104 d’Aeroflot, partie 2
Bienvenue à nouveau, ami(e) lectrice ou lecteur. Et non, vous n’avez pas eu à attendre une semaine complète pour renouer des liens avec un certain exemplaire d’un certain type d’avion de ligne soviétique. Si je peux paraphraser le grand Sherlock Holmes, le vol se prépare. Récapitulons. Invité à participer à un spectacle aérien en 1958 commémorant le Centenaire de la Colombie-Britannique, le gouvernement de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) accepte d’envoyer un avion de ligne à réaction Tupolev Tu-104 exploité par Aeroflot à Vancouver, Colombie-Britannique.
Ce Tu-104 quitte Moscou, URSS, le 11 juin 1958 et traverse l’Europe occidentale sous les yeux vigilants des opérateurs radar de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Il transporte apparemment de 2 équipages de 4 personnes (2 pilotes, 2 copilotes, 2 mécaniciens de bord et 2 navigateurs) dirigés par le pilote Ivan I. Frolov, de même que 2 agentes de bord.
Lorsqu’il quitte Keflavíkurflugvelli, en d’autres mots l’aéroport de Keflavik, en Islande, l’aéronef transporte également un trio d’officiers de l’Aviation royale du Canada (ARC) :
- le lieutenant d’aviation Richard T. « Dick » Brown, qui aide à la navigation,
- le capitaine d’aviation William B. « Bill » Carss, qui à divers détails de pilotage, et
- le commandant d’aviation William Kereliuk, qui aide à la traduction.
Remarquez que Kereliuk peut aussi avoir gardé un œil et une oreille ouverts pour tout ce qui est intéressant. Voyez-vous, il peut être un officier du renseignement aérien décrit dans la presse comme un instructeur de langue russe dans une école de langue des trois services (ARC, Armée canadienne et Marine royale du Canada). Et oui, Kereliuk est un Canadien d’origine ukrainienne.
Fait intéressant, Brown et Carss se connaissent. Ils servent dans le même escadron de l’ARC et volent à bord du même type d’aéronef, à savoir l’avion de transport à réaction de Havilland Comet. Incidemment, saviez-vous que le nez d’un des deux Comet exploités par l’ARC se trouve dans la collection de classe mondiale du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario? Vous le saviez? Bien pour vous.
Trois des passagers du Tupolev Tu-104 d’Aeroflot lors de son vol transcanadien vers Vancouver, Colombie-Britannique, prennent la pose avec un membre d’équipage de l’aéronef, probablement son pilote en chef, Ivan I. Frolov. De gauche à droite : John Russell Taylor, député fédéral; Piotr Fiodorovitch Strunnikov, conseiller à l’ambassade soviétique à Ottawa; Ivan. I. Frolov, je pense; et Arthur Ryan Smith, Junior, député fédéral. Anon., « Des réactés soviétiques au Canada? – La CPA s’intéresse au TU-114. » Le Petit Journal, 29 juin 1958, 47.
Le Tu-104 atterrit à Gander, Terre-Neuve, et s’envole vers Ottawa. Son vol vers la capitale nationale est toutefois retardé de quelques heures en raison d’un problème technique non divulgué. Quoi qu’il en soit, le Tu-104 atterrit à Ottawa, à l’Aéroport d’Uplands, où une confusion dans les arrangements de ravitaillement cause un retard supplémentaire. Voyez-vous, l’équipe au sol à l’aéroport n’a chargé qu’un seul camion-citerne, pas deux.
Incidemment, l’ARC organise tout un spectacle alors que l’équipage de l’avion de ligne soviétique se tient là, bouche bée – et qu’une poignée d’officiers de l’ARC portant des vêtements civils cachés parmi les quelque 400 vrais civil(e)s présent(e)s regardent la scène. Les forces armées canadiennes ne tentent pas d’impressionner leurs invités soviétiques. Bien sûr. Les avions de chasse tous temps Avro Canada CF-100, les avions d’entraînement avancé Lockheed / Canadair Silver Star et les avions de chasse de jour North American / Canadair Sabre qui rugissent au-dessus de leurs têtes ne font que répéter les manœuvres qu’ils répéteraient au-dessus de la base de l’ARC de Rockcliffe, en périphérie d’Ottawa, la Journée de la Force aérienne, qui se trouve être le jour suivant. Bien sûr.
Et oui, le mondialement connu Musée de l’aviation et de l’espace du Canada est situé sur le site même de cette base, maintenant fermée, mais je digresse.
L’avion de ligne soviétique s’envole pour Saskatoon, Saskatchewan, avec à son bord une dizaine de journalistes canadiens et quatre députés fédéraux. Quelques personnes de l’ambassade soviétique à Ottawa sont également présentes, dont, semble-t-il, l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’URSS, Dmitri Stepanovitch Tchouvakhine, et un conseiller de l’ambassade soviétique à Ottawa, Piotr Fiodorovitch Strunnikov.
Avant que j’oublie, les députés fédéraux sont John Russell Taylor et Arthur Ryan Smith, Junior, deux députés d’arrière-ban du gouvernement de Colombie-Britannique et de l’Alberta, ainsi que Erhart Regier et Frank Howard, deux députés d’arrière-ban de l’opposition de Colombie-Britannique. Fait intéressant, ni Regier ni Howard ne sont membres de l’opposition officielle. Et non, ce n’est pas un acte vindicatif de la part du gouvernement mis en place à la suite de l’écrasante élection générale de mars 1958. Nenni. Voyez-vous, l’Opposition loyale de Sa Majesté a élu un seul individu à l’ouest de l’Ontario, Mervyn Arthur Hardie, qui représente les Territoires du Nord-Ouest et le Territoire du Yukon. Les chefs de parti et leurs larbins ne se comportent pas à l’époque comme leurs homologues de 2023. Ils ont de la classe. Désolé, désolé.
Un des journalistes qui vole d’Ottawa à Vancouver à bord de l’avion de ligne soviétique n’est autre que Charles F.M. « Charlie » King. Pour citer, en traduction, ce gentilhomme que nous avons rencontré dans un numéro de mai 2023 de notre étonnant blogue / bulletin / machin, « Au diable la superstition – je vais voyager dans un réacté russe le vendredi 13. » Mieux encore, ou pis encore, votre choix, King aurait été placé, à moins qu’il ne demande en fait à s’asseoir, au siège numéro 13. Je ne plaisante pas.
La réponse de King au père de toutes les questions, une fois traduite, « Qu’est-ce que ça fait de voler dans le réacté russe? », vaut la peine d’être citée au complet, en traduction, enfin presque :
C’est comme décoller dans les airs dans une centaine de locomotives. Le bruit n’est alors rien de moins que cataclysmique. Une fois en l’air, les moteurs à réaction se calment en un rugissement continu, presque inaudible dans la partie avant de la cabine, mais un vacarme continu lorsqu’on est assis à l’arrière.
[…]
Une grande partie du caractère russe est intégrée à l’avion. Il vole de manière raide, même rigide (il n’y a pas de flexion dans ces ailes), et les atterrissages sur des pneus portant [10.55 kilogrammes/centimètre carré] 150 livres[/pouce carré] de pression sont des claquements qui vous secouent la colonne. Il roule sur le sol avec toute l’aisance d’une cigogne arthritique.
Mais c’est un avion à 100 %, et un bon avion, et les Russes ont toutes les raisons d’en être fiers.
King déclare que l’aspect général de la cabine du Tu-104, solide, lourd et terne, rappelle les aménagements des traversiers insulaires exploités en Colombie-Britannique par une division de Canadian Pacific Railway Company Limited de Montréal, Québec. Les matériaux de rembourrage des sièges semblent de mauvaise qualité.
Malgré ses visages sévères et sans sourire, l’équipage soviétique traite ses invités canadiens avec courtoisie. Ces derniers comprennent vite à quel point leurs hôtes sont fatigués. Malgré tout, les agentes de bord, Alla L. Omelchenkova et Valentina Korchagina, offrent à leurs invités des bonbons, concombres à l’aneth, œufs durs, oranges, pain, sandwichs, saucisses et vodka. Cela demande des efforts et de l’improvisation de leur part. Elles ne s’attendaient pas à avoir autant de passagers canadiens, voyez-vous, et s’excusent profondément du menu proposé et du retard à le servir.
Quoi qu’il en soit, le Tu-104 atterrit à Saskatoon quelques heures plus tard que prévu, au grand dam des centaines de personnes qui s’étaient rassemblées à l’aéroport à l’heure prévue pour le voir.
Les passagère, passagers et équipage doivent attendre quelques minutes avant de pouvoir débarquer pour se dégourdir les jambes. Voyez-vous, l’escalier mobile apporté par l’équipe au sol n’atteint pas la porte du Tu-104 haut sur pattes. Un escabeau doit être apporté – et utilisé avec une certaine prudence, au sommet de l’escalier mobile. Quoi qu’il en soit, une confusion dans les arrangements de ravitaillement cause un retard supplémentaire. Et oui, l’équipe au sol de l’aéroport n’a chargé qu’un seul camion-citerne, pas deux.
Un ou quelques journalistes canadiens montent à bord du Tu-104 à Saskatoon. L’un d’eux est Ronald Charles « Ron » Thornber. Malheureusement pour lui, il porte une barbe. Votre humble serviteur n’a pas à vous dire, mais le fera quand même, qu’un Homo sapiens mâle barbu n’est pas courant dans les années 1950 en Amérique du Nord.
Une barbe est considérée comme un signe d’universalisme, révisionnisme, progressisme, intellectualisme, humanitarisme, fraternalisme, égalitarisme, cosmopolitisme, bohémianisme, activisme et divers autres ismes, y compris peut-être le communisme, qui amènent Thornber sous le regard maussade et soupçonneux de la douzaine de petits génies en civil de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui avaient infiltré la salle d’attente bondée de l’aéroport. L’un d’eux sort un appareil photo miniature pour le photographier. Deux fois. Un autre suit le journaliste quand il doit se rendre aux toilettes, et… Nenni, le très subtil barbouze ne franchit pas le seuil de la chambre des petits garçons. Cependant, quelqu’un fouille apparemment les bagages de Thornber. Je ne plaisante pas.
Les barbouzes rasés de près ne savent évidemment pas que la pogonotrophie connaît un tantinet de renaissance à la fin des années 1950. Des célébrités telles que Robert John Wagner, Junior, Elvis Aaron Presley, Eldred Gregory Peck et Thomas Sean Connery arborent des poils faciaux bien coupés pendant au moins un certain temps à cette époque. Je ne plaisante pas. De fait, une barbe est un des traits distinctifs de Burl Icle Ivanhoe Ives, un musicien, auteur et acteur américain distingué, et d’un auteur et journaliste américain du nom de Ernest Miller « Papa » Hemingway. Et aussi d’un révolutionnaire cubain qui n’est pas encore devenu un dictateur, Fidel Alejandro Castro Ruz.
Vous vous souviendrez évidemment que Connery est mentionné dans un numéro de septembre 2018 de notre inoubliable blogue / bulletin / machin. Incidemment, Presley est mentionné dans ce même numéro. Il est également mentionné dans des numéros sortis en avril et juin 2022. Castro, quant à lui, est mentionné une fois dans notre vous savez quoi, en août 2018.
Votre humble serviteur succombe à la pogonotrophie durant l’été 1983, en Saskatchewan curieusement, mais pas à Saskatoon. Nenni. J’ai succombé à Maple Creek, Saskatchewan, alors que je travaillais au Lieu historique national du Fort-Walsh. Mes parents et mon frère ont été assez surpris quand je suis rentré à la maison. Remarquez, le bronzage agricole intense n’a probablement pas aidé non plus.
Quoi qu’il en soit, Thornber est autorisé à prendre place à bord du Tu-104, mais seulement après avoir prouvé qu’il est bien la personne qu’il prétend être, bien sûr.
Ahh, les années 1950, le bon vieux temps, quand les hommes blancs hétéros rasés de près « Papa a raison » régnaient sur le monde et que tous les autres Homo sapiens s’inclinaient bien bas lorsqu’un de ces cadeaux à l’humanité passait, mais je digresse.
Fait intéressant, la présence du Tu-104 à Saskatoon fait l’objet d’une caricature éditoriale dans le seul et unique quotidien de la ville, Saskatoon Star-Phoenix. Edmund Alexander Sebestyen, un des grands caricaturistes canadiens de l’époque, se moque gentiment de l’ARC et des aéronefs que les Saskatoniennes et Saskatoniens verraient le 14 juin, la Journée de la Force aérienne. Soit dit en passant la légende du dit dessin se lit comme suit, en traduction : « Sans vouloir t’offenser, mon gars, mais est-ce que ça te dérangerait-il d’enlever cette foutue chose d’ici? »
Une caricature éditoriale du caricaturiste de Saskatoon Star-Phoenix Edmund Alexander Sebestyen qui met en contraste l’avion de ligne à réaction Tupolev Tu-104 d’Aeroflot avec des aéronef de l’Aviation royale du Canada que les Saskatoniennes et Saskatoniens verraient le 14 juin 1958, la Journée de la Force aérienne. Edmund Alexander Sebestyen, « No offense, Buster, but would you mind getting this ruddy thing out of here. » Saskatoon Star-Phoenix. 14 juin 1958, 19.
Après avoir quitté Saskatoon, le Tu-104 s’envole pour Vancouver, euh, pour Richmond, Colombie-Britannique en fait, où il arrive, le 13 juin, tard dans la soirée, juste à temps pour le spectacle aérien du Centenaire. Et non, l’équipage de l’aéronef ne passe pas beaucoup de temps à l’extérieur entre son premier décollage, près de Moscou, et son atterrissage final, à Richmond, environ 27 heures plus tard.
Initialement très sérieux et quelque peu inquiet, une appréhension peut-être renforcée par le nombre d’agents de la GRC présents à l’aéroport, pour tenir les manifestant(e) à distance, l’équipage soviétique sacrément fatigué ne s’adoucit apparemment pas beaucoup face au lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique, Frank Mackenzie Ross, au maire de Vancouver, Frederick John « Fred » Hume, et au comité d’accueil dirigé par le président de Canadian Pacific Airlines Limited de Vancouver, George William Grant McConachie.
Tenues à distance par les gendarmes de la GRC, quelque 5 000 Vancouvéroises et Vancouvérois offrent à l’équipage du Tu-104 un accueil sobre mais amical. Il y a peu d’acclamations et quelques huées, par exemple. Les personnes qui crient se taisent toutefois rapidement lorsque que des agents de la GRC à motocyclettes foncent vers elles, pour les faire taire. Voyant cela, l’équipage soviétique aurait pu se sentir comme chez lui.
Il n’est pas clair si une partie des huées provient des 100 ou quelques Hongro-Canadiennes et Canadiens qui portent des pancartes. Ces personnes ont de très bonnes raisons d’être en colère. Voyez-vous, en octobre 1956, d’innombrables Hongroises et Hongrois se soulèvent contre le gouvernement oppressif du Magyar Népköztársaság, le parti communiste du pays, et sa politique. Dépassé par ce qui se passe, ce gouvernement demande de l’aide à son homologue soviétique. Les forces soviétiques stationnées en Hongrie passent à l’action. Davantage de soldats traversent rapidement la frontière.
La révolution de 1956 prend fin dans le sang début novembre, 12 jours après avoir commencé. Pas moins de 2 500 Hongroises et Hongrois avaient été tués et environ 20 000 autres blessés. Quelque 22 000 personnes sont ensuite allées en prison. Pis encore, de 250 à 350 individus sont exécutés. Entre 200 000 et 250 000 Hongroises et Hongrois fuient leur foyer et terre natale. Environ 37 500 de ces refugié(e)s trouvent un foyer, au Canada, en terre autochtone, en anglais on native land, si votre humble serviteur peut paraphraser, en traduction, la version de l’hymne national Ô Canada chantée en anglais en février 2023 par la compositrice / chanteuse / auteure / actrice Jully Black, né Jullyann Inderia Gordon Black, mais revenons à la manifestation à l’aéroport de Vancouver.
Des pancartes antisoviétiques artisanales (en traduction, Liberté pour tous,
Retournez chez vous Rousskis, etc.) portées par une poignée de jeunes hommes décrits comme mal foutus sont saisies et arrachées, apparemment par des personnes dans la foule – ou des membres en civil de la GRC. Quelques moments tendus s’ensuivent mais il n’y a pas de bagarre. Et vive la démocratie.
Le pilote en chef du Tu-104, le susmentionné Frolov, un vétéran avec 16 000 heures de vol à son actif, accepte gracieusement une plaque du centenaire au nom de son équipage de la part de Harold J. Merrilees, le président du comité du Centenaire à Vancouver et un responsable des relations publiques dans la vie quotidienne.
Comme cela a été dit (tapé ?) ci-dessus, le dit équipage comprend un duo d’agentes de bord. Une d’entre elles, la susmentionnée Omelchenkova, parle relativement couramment l’anglais. L’autre, la tout aussi susmentionnée Korchagina, parle relativement couramment le français, ce qui… Désolé, désolé, votre humble serviteur était sur le point de dire (taper?) quelque chose de légèrement sarcastique sur le service en français offert par une grande compagnie aérienne canadienne qui restera anonyme. Pourtant, il faut être impressionné par le fait que, en 1958, quelqu’un chez Aeroflot s’est assuré qu’un agent de bord francophone serait présent à bord du Tu-104. Et non, aucun des autres membres d’équipage soviétiques ne parle apparemment un mot d’anglais ou français.
Fait intéressant, Korchagina a apparemment la chance de pratiquer son français. Voyez-vous, il y a apparemment un journaliste canadien francophone à bord lors du vol transcontinental. Cette personne n’est autre que Françoise Côté, une des rares femmes journalistes au Québec et une des rares femmes journalistes pigistes au Canada. Côté est vraisemblablement la seule femme journaliste à bord du Tu-104. Curieusement, l’article qu’elle publie dans l’édition du 29 juin 1958 de hebdomadaires montréalais Le Petit Journal ne mentionne pas Korchagina.
Quoi qu’il en soit, le 14 juin, Frolov passe du temps avec d’autres membres d’équipage à examiner les Vulcan exposés. Ils sont probablement eux-mêmes constamment examinés par des membres en civil de la GRC, et ils le savent probablement. La Guerre froide est vraiment une période rigolote. Et oui, il est probable que l’équipage du Tu-104 a examiné d’autres aéronefs en plus des Vulcan. Cela aurait été… logique pour eux de le faire. Désolé, désolé. Votre humble serviteur ne pouvait pas laisser voler cette opportunité sans la saisir à deux mains.
Fait intéressant, Frolov et son équipage sont approchés par un grand nombre de Canadiennes et Canadiens d’origine russe (et / ou ukrainienne?) lors de leur présence à l’aéroport. D’abord inquiets, ils se rendent vite compte que ces gens sont amicaux. Ils acceptent gracieusement les cadeaux et fleurs qui leur sont offerts, et discutent avec elles et ils de divers sujets d’intérêt commun sans être dérangés par les agents de la GRC présents sur le site.
Fait intéressant, Frolov est invité à rejoindre un groupe d’environ 50 journalistes et officiels nord-américains pour un bref vol à bord du Boeing Modèle 707 présent au spectacle aérien, une machine non encore livrée commandée par Pan American World Airways Incorporated. Mieux encore, le pilote soviétique est invité à prendre les commandes de l’aéronef alors que l’interphone joue Around the World, le thème du très populaire film d’aventure / de comédie épique américain de 1956 Le tour du monde en 80 jours, basé sur le roman classique de 1873 du romancier français de renommée mondiale Jules Gabriel Verne, un gentilhomme mentionné dans plusieurs numéros de notre superbe blogue / bulletin / machin, et ce depuis juin 2018.
Le choix de la musique n’est en aucun cas accidentel. Nenni, il ne l’est certainement pas. Boeing Airplane Company, une firme américaine qu’on ne présente plus, une firme mentionnée dans quelques / plusieurs numéros de notre formidable blogue / bulletin / machin depuis novembre 2017, se fait un plaisir de souligner que sa nouvelle machine serait capable de transporter des passagères et passagers autour du monde en 40 heures, avec quelques ravitaillements en cours de route bien sûr, mais revenons à Frolov.
Le pilote soviétique est impressionné – et il le dit. Les commandes du nouvel avion de ligne américain sont étonnamment légères. Un seul pilote pourrait le contrôler facilement.
L’histoire ne dit pas ce que Frolov pense d’une certaine manœuvre effectuée pendant ce vol par Alvin Melvin « Tex » Johnston, un pilote d’essai de Boeing.
Qu’est-ce que Johnston a fait, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur inquiète / inquiet? Eh bien, il incline le Modèle 707 comme s’il s’agissait d’un avion de chasse. Il le fait avec une main si habile, cependant, que des gens peuvent rester debout dans l’allée. Il réduit et augmente ensuite rapidement la puissance et la vitesse. Et ce n’est pas tout. En croisière à haute altitude, Johnston réduit fortement l’alimentation des quatre moteurs du Modèle 707, déploie les volets et abaisse le train d’atterrissage. Je ne plaisante pas. L’aéronef passe de 10 650 mètres (35 000 pieds) à 4 550 mètres (15 000 pieds) en 2 minutes environ. Johnston rétracte ensuite le train d’atterrissage et les volets, et augmente la puissance des moteurs. On espère que les passagers et officiels avaient reçu un avertissement.
Et oui, Johnston est le pilote qui effectue non pas un mais deux tonneaux, à un niveau assez bas, au-dessus du lac Washington, près de Seattle, Washington, en août 1955, alors qu’il fait la démonstration du tout nouveau Boeing Modèle 367, l’unique prédécesseur direct du Modèle 707.
Qu’est-ce qu’un tonneau exactement, demandez-vous? Eh bien, essayez d’imaginer un avion de ligne à réaction de 39 mètres (128 pieds) de long volant sur une trajectoire horizontale en tire-bouchon autour de la ligne de sa direction de déplacement. Yee ha!
Invité à s’expliquer, un Johnston imperturbable déclare qu’il vendait des aéronefs. Il garde son emploi et n’est pas dérangé par la Civil Aeronautics Administration, l’organisme ayant le pouvoir de réglementer tous les aspects de l’aviation civile aux États-Unis, un organisme mentionné plusieurs fois depuis juin 2018 dans notre impressionnant blogue / bulletin / machin.
Et oui, Johnston est invité à bord du Tu-104, tout comme le susmentionné Kereliuk, qui joue de nouveau le rôle d’interprète – et d’officier du renseignement. Un certain nombre de journalistes et officiels canadiens (et américains?) se joignent également à eux. Pour une raison ou autre, le système de climatisation n’est pas mis en marche, une omission qui transforme rapidement l’aéronef en bain de vapeur.
Frolov n’offre cependant pas à Johnston la possibilité de piloter le Tu-104. Le pilote américain n’est pas familier avec cet aéronef et ne parle pas russe, affirme-t-il. Certaines personnes laissent entendre que la raison derrière la position polie de Frolov est tout à fait différente.
Voyez-vous, un vol prévu entre Vancouver et Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique, doit être annulé lorsque la United States Air Force (USAF) refuse poliment de déclarer que ses avions de chasse n’ordonneraient pas poliment à l’équipage du Tu-104 d’atterrir en sol américain s’il s’égarait le moins du monde dans l’espace aérien américain, c’est-à-dire si l’aéronef survolait les îles San Juan. Ne voulant pas s’attirer des ennuis en tentant de se tricoter un chemin le long de la frontière canado-américaine, Frolov limite son escapade aérienne aux environs de Vancouver.
Compte tenu du manque de coopération exprimé par la USAF, certaines personnes pensent que Frolov aurait pu être suffisamment ennuyé pour éloigner Johnston des commandes du Tu-104.
Cela étant dit (tapé?), Frolov sait par expérience récente que le Modèle 707 est beaucoup plus facile à piloter que le Tu-104, un aéronef qui a apparemment besoin de deux paires de mains expérimentées aux commandes à tout moment. En cas d’urgence, Johnston n’aurait pas su quoi faire et n’aurait pas compris les instructions de Frolov, mais revenons à notre histoire principale et…
Kereliuk a-t-il rejoint Frolov à bord du Modèle 707, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Euh, n’avez-vous pas lu les paragraphes précédents, ami(e) lectrice ou lecteur aux yeux d’aigle? Oui, il est à bord, tout comme Frederick Maurice McGregor, président de la section de l’aviation civile du spectacle aérien du Centenaire, et le susmentionné McConachie.
Désireux d’améliorer la couverture de l’événement, McGregor demande avant le décollage que quelqu’un contacte les stations de radio et télévision locales afin qu’elles puissent informer les bonnes gens de Victoria que le Tu-104 serait bientôt au-dessus de leurs têtes. Il suggère même que le premier ministre de la Colombie-Britannique, William Andrew Cecil « Cece / Wacky » Bennett, soit contacté. McGregor lance ces suggestions parce que, comme tous les autres passagers de l’avion de ligne soviétique, il ne sait pas que Frolov avait décidé de rester à l’écart de Victoria. Le pilote soviétique ne leur annonce la mauvaise nouvelle qu’après le décollage.
Incidemment, Johnston n’est pas du tout impressionné par le Tu-104. De fait, après le vol, il déclare à la presse qu’il pense que l’avion de ligne soviétique est obsolète. Croiriez-vous que le pilote d’essai américain aurait demandé au navigateur de l’avion de ligne soviétique de transmettre un message à Frolov? Et voici le message, une fois traduit : « S’il vous plaît, dites-lui que dans mes 21 000 heures de pilotage, le Tupolev 104 est le fichu avion le plus misérable dans lequel je n’ai jamais eu le malheur de voler. » Ayoye…
Aimeriez-vous voir (lire?) un autre Johnstonisme lié au Tupolev? Non? Peu importe. Je suis celui qui tape ce texte. Alors qu’il se dirige vers le cockpit du Tu-104, Johnston remarque les petits rideaux à franges à boules qui ornent tous les hublots. L’Américain aurait, je répète aurait, lancé en boutade à un de ses compatriotes américains que, et je cite, en traduction, « Cela me rappelle un b*rd*l du Klondike. » Désolé, désolé.
Incidemment, il faut se demander comment Johnston a pu se familiariser avec la décoration intérieure d’un b*rd*l typique du Klondike des années 1890 et 1900. Ce pilote américain né en août 1914 n’a jamais mis les pieds dans la région du Klondike du Territoire du Yukon. Qui sait, il peut avoir vu le long métrage musical western américain en Technicolor et 3D de 1953 Those Redheads from Seattle, Seattle étant bien sûr la ville où l’on peut trouver l’usine de Boeing Airplane, mais je digresse.
Fait intéressant, le gentilhomme qui écrit un article de deux pages pour le magazine mensuel canadien Canadian Aviation, à savoir Robert Francis, souligne que la cabine de l’avion de ligne soviétique, avec ses filets à rails en laiton pour les petits bagages, lui rappelle un salon des années 1890, mais je digresse. Encore.
Au total, jusqu’à 100 000 personnes assistent au spectacle aérien du Centenaire, le dimanche 15 juin. Un autre 20 000 autres assistent à la Journée de la Force aérienne, la veille. C’est très bien pour un événement de deux jours compte tenu de la taille de la population de Vancouver (environ 600 000) et de la Colombie-Britannique (environ 1 500 000) à l’époque.
Certaines des dizaines de milliers de personnes qui se rassemblent autour de l’avion de ligne Tupolev Tu-104 d’Aeroflot lors du spectacle aérien du Centenaire, tenu à l’Aéroport international de Vancouver, Richmond, Colombie-Britannique. Ron Thornber, « U.S., Russian Jets Can’t Be Compared. » The Vancouver Sun, 16 juin 1958, 3.
Les vedettes du spectacle aérien du Centenaire tenu à l’Aéroport international de Vancouver : le Boeing Modèle 707, au premier plan, et, plus encore, le Tupolev Tu-104, Richmond, Colombie-Britannique. Anon., « Air Transport – Boeing 707, Soviet Tu-104 Displayed at Vancouver. » Aviation Week Including Space Technology, 23 juin 1958, 31.
Le Modèle 707 et, plus encore, le Tu-104 sont les attractions les plus populaires du spectacle aérien du Centenaire. Les centaines de personnes qui parcourent l’allée du visiteur de fort fort lointain (Bonjour, Shrek! Bonjour, princesse Fiona!) sont tout simplement ravies. Pas si ravi(e)s sont les personnes qui sont allées à l’aéroport spécialement pour voir le Tu-104 mais qui se sont retrouvés incapables d’y entrer à cause de la longue file d’attente. Les personnes qui sont venues le 14 juin, Journée de la Force aérienne, sont particulièrement déçues car l’aéronef n’est pas du tout accessible.
Quelques personnes semblent prêter attention à l’avion de chasse SPAD S.VII de conception française mais de fabrication britannique datant de la Première Guerre mondiale exposé lors du spectacle aérien du Centenaire. Et le voici…
L’ancien et le nouveau : la reproduction / réplique de l’avion de chasse SPAD S.VII appartenant à James B. Petty de Gastonia, Caroline du Nord, et l’avion de ligne Tupolev Tu-104 exploité par Aeroflot, Aéroport international de Vancouver, Richmond, Colombie britannique. Anon., « news digest. » Canadian Aviation, août 1958, 67.
Incidemment, la Journée de la Force aérienne est jugée un peu décevante. Ce n’est guère plus qu’un spectacle de routine. Il n’y a pas beaucoup de vols et pratiquement pas de voltige.
L’équipe américaine venue à Vancouver à bord du Modèle 707 est assez surprise, et peut-être un peu vexée, par la popularité de l’avion de ligne soviétique, une machine volante qui aurait pu intriguer les braves gens de Vancouver, compte tenu de son origine et de la probabilité qu’elles et ils n’en reverraient plus jamais un de près. Et oui, cette prise de conscience américaine et le refus poli de Frolov de le laisser jouer avec les commandes du Tu-104 pourraient expliquer, en partie, les commentaires désobligeants de Johnston sur le dit avion de ligne soviétique.
Le succès même du spectacle aérien du Centenaire entraîne toutefois de graves problèmes routiers. Les embouteillages s’avèrent si hénaurmes que de nombreuses familles laissent leurs automobiles au moteur surchauffé au bord de la route et marchent jusqu’à l’aéroport. Elles doivent bien sûr revenir à pied, en espérant que leur véhicule démarrerait – et que le voyage de retour ne serait pas trop affreux.
Et oui, les embouteillages font rater leur vol à plusieurs personnes.
Alors que le spectacle aérien du Centenaire touche à sa fin, une réception commence à l’aéroport. Piotr Fiodorovitch Strunnikov accepte poliment un verre de vodka canadienne. Ce conseiller de l’ambassade soviétique à Ottawa prend une gorgée et la recrache. « Votre vodka est trop raffinée, » déclare-t-il. Les grimaces faites par les membres d’équipage du Tu-104 montrent qu’ils ne sont pas non plus impressionnés. Malgré tout, avec Frolov à portée de main, ils vident courageusement leurs verres.
Le lendemain, c’est-à-dire le lundi 16 juin, Hume invite l’équipage du Tu-104 à un « dîner impromptu. » De nombreuses personnes impliquées dans leur visite sont également invitées. Toutes et tous s’amusent apparemment beaucoup, comme on peut le voir sur la photographie suivante.
L’hôte du « dîner impromptu » organisé à Vancouver par le maire de cette ville, Frederick John Hume, avec certains de ses invités. Second rang, de gauche à droite : le commandant d’aviation William Kereliuk de l’Aviation royale du Canada, interprète / officier du renseignement aérien; Leonid Platonov et V. Krasnov, deux des membres d’équipage du Tupolev Tu-104; et Francis Philip Bernard, président de la section des événements spéciaux du spectacle aérien du Centenaire. Premier rang, également de gauche à droite : Ivan I. Frolov, pilote en chef du Tu-104; le maire de Vancouver Frederick John Hume; Piotr Fiodorovitch Strunnikov, conseiller à l’ambassade soviétique à Ottawa; et John Russell Taylor, député fédéral et membre du comité du Centenaire. Anon., « –. » The Province, 27 juin 1958, 3.
C’est peut-être pendant le dîner que l’épouse du directeur de district d’une importante compagnie aérienne américaine, United Air Lines Incorporated, basé à Vancouver, Mme Ted Cox, a une conversation hésitante avec un des membres d’équipage du Tu-104, V. Krasnov. Sa fille, Nancy Cox, âgée de 14 ans, veut savoir si les adolescentes et adolescents soviétiques ont beaucoup de devoirs à faire. Krasnov confirme qu’elles et ils doivent en faire beaucoup, ajoutant qu’il a lui-même une fille de 14 ans, Veronica V. Krasnova.
Mme Cox est tellement ravie par cette nouvelle qu’elle réussit à obtenir l’adresse de l’adolescente soviétique, afin que sa fille puisse échanger des lettres avec la fille de Krasnov. La première lettre, envoyée par la fille de Cox, est bientôt en route. Malheureusement, l’histoire ne dit pas si oui ou non l’adolescente américaine obtient une réponse.
Ai-je besoin de vous rappeler que United Air Lines est mentionné à quelques reprises dans notre fameux blogue / bulletin / machin, et ce depuis mars 2018? C’est bien ce que je pensais.
Cela étant dit (tapé?), les Soviétiques apprécient beaucoup le susmentionné dîner, sans oublier un cocktail, une soirée en boîte de nuit, une visite guidée de Vancouver, une visite de l’hôtel de ville de Vancouver et une frénésie d’achats dans un magasin du centre-ville.
Lors de la visite à l’hôtel de ville, Frolov offre des cadeaux au maire de Vancouver : un livre de folklore russe, des ailes d’or pour ses revers de veste et 3 bouteilles de vodka dans un emballage cadeau. Le hasard veut toutefois que Hume soit un abstinent avoué. Ce dernier offre à son tour des cadeaux à l’équipage du Tu-104 : des livres sur la Colombie-Britannique, des roses rouges pour les revers de leurs vestes et des pièces d’un dollar en argent du Centenaire émises en 1958 par la Monnaie royale canadienne.
Il est à noter que cette pièce irrite beaucoup de nombreux gens des Premières Nations de la région. Voyez-vous, le mât totémique au verso de la pièce ressemble apparemment beaucoup à un mât totémique Tsimshian qui inclut un symbole de mort, d’où le nom de dollar de mort, en anglais death dollar, donné à cette pièce commémorative par de nombreuses personnes.
Frederick Maurice McGregor, président de la section de l’aviation civile du spectacle aérien du Centenaire, en train de remettre des copies souvenirs du quotidien The Vancouver Sun à Ivan I. Frolov, le pilote en chef de l’avion de ligne à réaction Tupolev Tu-104 d’Aeroflot qui participe à l’événement, Aéroport international de Vancouver, Richmond, Colombie-Britannique. Anon., « –. » The Vancouver Sun, 17 juin 1958, 3.
Le mardi, 17 juin, je crois, l’équipage du Tu-104 remercie ses hôtes et quitte Vancouver. Frolov et son équipage sont unanimes à louer la façon dont ils ont été traités. Que le pilote soviétique ait aimé ou pas ramener une pile de numéros du The Vancouver Sun n’est pas clair.
Les quatre députés fédéraux qui ont pris l’aéronef d’Ottawa à Vancouver, à savoir les susmentionnés Howard, Regier, Smith et Taylor, sont apparemment à bord pour le vol de retour vers la capitale nationale. Remarquez qu’un troisième député fédéral d’arrière-ban du gouvernement est également de la partie. Ce gentilhomme est John Andrew W. Drysdale. Sa circonscription est en Colombie-Britannique. Et oui, il y a aussi quelques / plusieurs journalistes à bord. Votre humble serviteur ne peut affirmer avec certitude que la susmentionnée Côté est l’un d’entre eux.
Également à bord du Tu-104, selon James « Jim » Thomson, un photographe d’un défunt quotidien d’Ottawa, The Ottawa Journal, se trouvent 8 caisses de bière canadienne. L’équipage aurait englouti quelques bouteilles pendant le voyage vers l’est à travers le Canada. Remarquez, l’équipage soviétique ramène également chez lui des pommes, quelques bouteilles de rye et quelques bouteilles de… parfum Chanel No 5.
Cela étant dit (tapé?), les personnes les plus heureuses à bord sont probablement les deux cadets de l’air canadiens invités par Frolov. Richard « Dick » Dunsterville et Jack Ashton sont tout simplement aux anges. Incidemment, en 1957, ce dernier a remporté le prestigieux Tudhope Trophy, remis annuellement au meilleur élève-pilote (adolescent?) au Canada. Dunsterville et Ashton débarquent à Saskatoon et rentrent rapidement chez eux. D’une manière ou d’une autre.
Un bref dégel dans la Guerre froide : le député fédéral d’arrière-ban du gouvernement John Andrew W. Drysdale et l’hôtesse de l’air d’Aeroflot Alla L. Omelchenkova partagent une blague à bord de l’avion de ligne à réaction Tupolev Tu-104 d’Aeroflot, quelque part entre Vancouver, Colombie-Britannique, et Ottawa, Ontario. Jim Thomson, « Russian Jet Features Speed and Hospitality. » The Ottawa Journal, 21 juin 1958, 31.
Un moment paisible pendant la Guerre froide : l’hôtesse de l’air d’Aeroflot Alla L. Omelchenkova traduit un article de journal canadien pour le pilote d’Aeroflot Ivan I. Frolov à bord de l’avion de ligne à réaction Tupolev Tu-104 d’Aeroflot, quelque part entre Vancouver, Colombie-Britannique, et Ottawa, Ontario. Françoise Côté, « Un petit voyage aux frais de la princesse… soviétique – Ottawa-Vancouver : 5 heures et demi à bord du TU-104. » Le Petit Journal, 29 juin 1958, 54.
Dans l’ensemble, le voyage vers l’est est une affaire paisible. Remarquez, le dynamique duo d’agentes de bord soviétiques offre à ses passagers occidentaux des bonbons, pain, viande et vodka, et / ou du cidre ou de la bière, tout au long du vol. Toutes et tous s’amusent beaucoup.
Oh oui, avant que j’oublie, le trio d’officiers de l’ARC présents lors du vol vers l’ouest vers Vancouver, à savoir le lieutenant d’aviation Brown, le capitaine d’aviation Carss et le commandant d’aviation Kereliuk, sont présents pour le vol vers l’est depuis Vancouver. Étant de service, ils déclinent vraisemblablement, peut-être à regret, la vodka, le cidre et la bière.
Croiriez-vous que, entre Saskatoon et Ottawa, Frolov permet gracieusement à Carss de partager les commandes de son aéronef. Prends ça, « Tex » Johnston… Vous ne me croyez pas, maintenant, ô vous, de peu de foi? Voici la preuve…
Un capitaine d’aviation William B. Carss de l’Aviation royale du Canada plutôt heureux quoique légèrement inquiet dans le siège du copilote du Tupolev Tu-104 d’Aeroflot, alors que le pilote d’Aeroflot N.A. Usanov regarde une carte, quelque part entre Saskatoon, Saskatchewan, et Ottawa, Ontario. Françoise Côté, « Un petit voyage aux frais de la princesse… soviétique – Ottawa-Vancouver : 5 heures et demi à bord du TU-104. » Le Petit Journal, 29 juin 1958, 54.
Les députés fédéraux et journalistes font leurs adieux à Frolov et à son équipe à Ottawa. Alors qu’il quitte le Tu-104, un des journalistes serre la main de Frolov et tente de le remercier en russe. Plutôt que de dire spasiba, ou merci, cependant, le dit journaliste dit apparemment placebo, ce qui ne signifie pas tout à fait la même chose – comme nous le savons toutes et tous les deux. Frolov apprécie probablement l’effort de toute façon. Il réprime peut-être aussi un petit rire. L’histoire ne dit pas si le pilote soviétique partage ou non ce moment privé avec les membres de son équipage – ou avec les agents au visage sévère du redoutable Komitet Gossoudarstvennoï Bezopasnosti qui l’a sans aucun doute débriefé lui et le dit équipage peu après leur retour au paradis du prolétariat.
Quoi qu’il en soit, Brown, Carss et Kereliuk font leurs adieux à Frolov et son équipage en Islande. Ils déclinent poliment et / ou à regret une offre de voler jusqu’à Moscou avant de rentrer au Canada.
Le Tu-104 se pose dans la capitale soviétique le mercredi, 18 juin.
Ainsi se termine la brève présence au spectacle aérien du Centenaire de la Colombie-Britannique d’un avion de ligne à réaction Tu-104 d’Aeroflot.
Au total, environ 200 Tu-104 sont produits entre 1955 et 1960. Le seul autre opérateur civil en dehors d’Aeroflot est Československé Státní Aerolinie (ČSA), soit la compagnie aérienne d’état de la Tchécoslovaquie, qui exploite 6 aéronefs entre 1957 et 1974.
Aeroflot retire son dernier Tu-104 en mars 1979, peu après l’écrasement d’un autre Tu-104 qui entraîne la mort de 58 des 119 personnes à bord. Tragiquement, environ 35 Tu-104, dont 2 aéronefs de ČSA, soit 1 aéronef sur 6 (!), sont perdus dans des accidents sur une période d’un peu plus de 20 ans – un chiffre effroyablement élevé. Près de 1 150 personnes perdent la vie. Permettez-moi d’être brutal ici : le Tu-104 est un aéronef instable, peu sûr, peu fiable, mal conçu et dangereux. Son utilisation continue démontre un cruel manque de respect pour la vie humaine de la part du gouvernement soviétique.
Dans le cas peu probable où vous voudriez savoir ce qui est arrivé au Tu-104 arrivé au Canada il y a 65 ans ce mois-ci, veuillez lire ce qui suit.
L’aéronef reçoit une nouvelle immatriculation en février 1960 mais continue à voler avec Aeroflot. En janvier 1961, cependant, il est transféré au Omskiy letno-tekhnicheskiy kolledzh grazhdanskoy aviatsii, en d’autres termes au collège technique de vol de l’aviation civile d’Omsk, pour être utilisé comme aide pédagogique. L’aéronef est officiellement mis hors service en mars, seulement 3 ans, si, si, seulement 3 ans après sa mise en service. Il est ferraillé quelques / plusieurs années plus tard.
Restez en sécurité, ami(e) lectrice ou lecteur, et gardez les deux pieds fermement sur terre.
Toutes mes excuses pour la longueur infernale de la seconde partie de cet article. Votre humble serviteur est tombé de manière inattendue sur des factoïdes intéressants après avoir verrouillé en position d’autres sujets de juin. Je vais m’efforcer de ne plus recommencer.