« Oubliez que les temps sont durs et sombres, prenez courage et souriez avec Sunny Jim » – La saga croustillante de la Force de Force Food Company, la 1ère céréale pour petit déjeuner aux flocons de blé commercialement réussie de la Terre, partie 1
Pour paraphraser la mondialement connue actrice / chanteuse / danseuse américaine Judy Garland, née Frances Ethel Gumm, voulez-vous me rencontrer à Ottawa, tawa, me rencontrer à l’expo, ami(e) lectrice ou lecteur? La Central Canada Exhibition de 1904, bien sûr, en utilisant votre machine temporelle à énergie solaire.
Et oui, j’espère que le parolier américain Andrew Benjamin Sterling ne me hantera pas pour avoir charcuté les paroles, traduites ici, de la populaire chanson de 1904 Meet Me in St. Louis, Louis, créée en coopération avec le compositeur / directeur d’édition musicale / violoniste américain Kerry Mills, né Frederick Allen Mills, à l’occasion de la Louisiana Purchase Exposition qui se tient à St. Louis, Missouri, entre avril et novembre 1904, mais revenons à notre histoire.
Le décor à l’entrée principale et billetterie le premier jour de l’édition de 1904 de la Central Canada Exhibition, parc Lansdowne, Ottawa, Ontario. Le dôme du pavillon Aberdeen est visible près du centre de l’image. Anon., « Formal Opening of Ottawa’s Great Exhibition Today. » The Evening Journal, 19 septembre 1904, 1.
Si nous nous étions rencontrés à Ottawa, tawa, Ontario, en septembre 1904, ami(e) lectrice ou lecteur, nous aurions pu nous promener dans les terrains de la 18ème édition de la Central Canada Exhibition, qui se tenait au parc Lansdowne, pendant la seconde moitié de septembre, entre les 16 et 23 pour être plus précis.
Un des nombreux kiosques que nous aurions pu visiter à la Central Canada Exhibition appartenait à la filiale canadienne de la firme au cœur de ce numéro de notre incomparable blogue / bulletin / machin. Maintenant, veuillez accepter mes excuses pour la mauvaise qualité de l’image avec laquelle j’ai commencé cet article.
Même un fana d’aviation comme moi aurait trouvé de quoi assouvir ses envies dans l’édition de 1904 de la Central Canada Exhibition. Voyez-vous, un aéronaute / parachutiste américain, le professeur Hutchison, dans la vraie vie Edmund Rayne Hutchison, est présent avec son épouse, Retta Danzelle, née Flora Ames, une aéronaute / parachutiste américaine connue sous le nom de Queen of the Clouds, en français reine des nuages, et une montgolfière de foire commanditée par Empire Tobacco Company Limited de Granby, Québec, une filiale d’American Tobacco Company of Canada Limited de Montréal, Québec, elle-même filiale d’une firme américaine, vous l’aurez deviné, American Tobacco Company.
Comme vous le savez sans doute, votre humble serviteur n’aimerait rien de plus que de pontifier sur les manœuvres défiant la mort de ces acrobates aériens mais aujourd’hui n’est pas le jour. Nenni, il ne l’est pas. D’accord, d’accord, si vous insistez, mais je serai bref et… On ne pouffe pas de rire, s’il vous plaît.
Pour commencer, le nom de professeur par lequel les aéronautes / parachutistes de foire sont connus n’a rien à voir avec la profession d’enseignant. Il donne un modicum de prestige à ces acrobates aériens, je suppose.
En autant que le temps le permette, Hutchison peut être monté dans les nuages tous les jours. Il y va avec son épouse au moins une fois. À au moins une autre occasion, il est tiré en plein vol depuis une sorte de canon. Je ne plaisante pas.
À chacune de ses ascensions, Hutchison arrose la foule de spectatrices et spectateurs de diverses étiquettes qui peuvent être échangées contre diverses primes (balles de baseball, cadres de photographie, cartes à jouer, couteaux de poche, cuillères, épingles à cravate, gants de baseball, sacs à main, etc.). Remarquez qu’il peut également avoir laisser tomber des échantillons de tabac à chiquer.
Hutchison est un des aéronautes embauchés par Empire Tobacco en 1904 pour faire la publicité de ses produits cancérigènes. Un certain professeur Belmont prend son envol à Toronto, Ontario, en mai 1904, par exemple. Un certain professeur Stewart fait de même à Hamilton, Ontario, en juillet.
Votre humble serviteur se demande si ce dernier individu est en fait Alphonse Stewart, King of the Air, en français roi de l’air, de Montréal, un des rares aéronautes / parachutistes canadiens francophones de son époque et une personne mentionnée dans des numéros de novembre 2021 et octobre 2022 de notre aérien blogue / bulletin / machin.
Ceci étant dit (tapé?), je serais négligent si je ne soulignais pas que des aéronautes / parachutistes de foire font des spectacles à la Central Canada Exhibition avant et après 1904. De fait, un de ces individus s’y rend en septembre 1888, pour la première édition de cette exposition. Il est lui aussi un acrobate aérien américain. Son nom est Charles W. Williams.
Vous voudrez peut-être noter que ce qui suit est tragique.
Le 26 septembre, lorsque le professeur Williams dit aux 12 hommes qui tiennent fermement sa montgolfière de foire de lâcher le fragile engin, tous sauf un le font. Pour une raison ou une autre, Thomas James « Tom » Wensley n’agit pas assez vite. Emporté dans les airs avec Williams, le jeune charpentier tient bon aussi longtemps qu’il le peut. Finalement, Wensley ne peut plus tenir bon et tombe devant l’immense foule qui s’était rendue au parc Lansdowne pour voir le saut en parachute de Williams.
Certaines personnes pensent que l’ascension de Wensley fait partie du spectacle. Leur choc est d’autant plus grand lorsqu’elles réalisent ce qui se passe.
Incapable d’aider Wensley, Williams abandonne son perchoir sous la montgolfière peu de temps après et effectue son saut. Il atterrit en toute sécurité près du lac Dow, non loin du parc Lansdowne.
Pour ainsi dire incroyablement, Williams effectue une autre ascension seulement deux jours plus tard. Tout se passe bien.
Le décès de Wensley est le premier décès connu lié à l’aviation sur le sol canadien.
Votre humble serviteur serait encore une fois négligent si je ne soulignais pas que le président de la Central Canada Exhibition Association (CCEA) entre 1895 et 1906, le propriétaire d’usine / homme d’affaires canadien et Commissaire des expositions fédéral William H. « Bill » Hutchison n’est pas apparenté au professeur Hutchison.
Croiriez-vous que, dans le cadre de son travail au ministère de l’Agriculture fédéral, Hutchison, oui, le Commissaire des expositions, joue un rôle dans l’organisation des contributions du Canada à des grandes expositions tenues
- au Japon (5ème Naikoku Kangyō Hakurankai d’Ōsaka-ichi / Osaka en 1903),
- en Italie (Esposizione internazionale di Milano de… Milano / Milan en 1906),
- aux États-Unis (Louisiana Purchase Exposition de St. Louis en 1904, Panama California Exposition de San Diego en 1915 et Panama–Pacific International Exposition de San Francisco en 1915),
- en Belgique (Exposition universelle de Liège de… Liège / Lîdje / Luik en 1905),
et peut-être ailleurs?
Eh oui, vous avez tout à fait raison, ami(e) lectrice ou lecteur, les logements pour dormir et manger sont apparemment très chers dans la capitale notionnelle, euh, désolé, nationale du Canada, en septembre 1904. Alors que les hôtels d’Ottawa se remplissent, le (gros?) surplus doit apparemment être pris en charge par des citoyennes et citoyens qui ont une ou deux chambres à louer à des particuliers ou familles. Les particuliers et familles souhaitant louer ou réserver une chambre sont invitées à placer des petites annonces dans les journaux d’Ottawa.
Ne l’oublions pas, Ottawa ne compte qu’environ 59 930 résidentes et résidents en 1901, contre environ 267 730 à Montréal et environ 208 040 à Toronto.
Ce qui me rappelle que nous devrions nous pencher sur l’histoire d’une céréale pour petit déjeuner fortement publicisée appelée Force, et... Pourquoi examiner un produit américain, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur agitant un drapeau? Eh bien, d’une part, c’est votre humble serviteur qui tape ces choses, ce qui veut dire que j’ai le choix de mes sujets. D’ailleurs, la saga de la Force est plutôt cool.
Cette saga commence avec l’acquisition de Hornsby Oatmeal Company, une firme américaine fondée dans les années 1870 à Craigville, New York, par Alexander Hornsby, lorsque ce dernier décède, à la fin des années 1880. L’acquéreur est un jeune gentilhomme ambitieux, Edward Ellsworth.
En 1890, Ellsworth déménage sa nouvelle firme à Lockport, Illinois. Vers 1893, il la déplace de nouveau, cette fois à Buffalo, New York.
H-O Company, comme la firme devient, semble voir le jour à cette époque. Son siège social est alors peut-être situé à New York, New York.
Pour une raison ou une autre, H-O Oats, la céréale chaude pour petit-déjeuner produite par ce pionnier de la fabrication d’aliments préparés pour petit-déjeuner, s’avère très populaire auprès des consommatrices et consommateurs d’Amérique du Nord et d’ailleurs. De fait, en 1897, la firme prétend avoir des dépôts à l’étranger dans des endroits aussi divers que Sankt-Peterbúrg / Saint-Pétersbourg (Empire russe), Rotterdam (Pays-Bas), Londres (Royaume-Uni), Kristiania, l’actuelle Oslo (Norvège) et Cape Town (Colonie du Cap).
Remarquez, H-O produit également des aliments pour animaux ainsi que du hominy, un aliment pour humain(e)s produit à partir de grains de maïs séchés qui sont nixtamalisés ou, en termes plus simples, traités avec une solution d’eau de chaux, mais je digresse.
Homme d’affaires moustachu et aux cheveux gris, d’allure distinguée, à la prestance imposante et passionné de poker, « Duke » Ellsworth, comme on appelle Edward Ellsworth à cette époque, fonde Force Food Company de Buffalo en 1901, très probablement dès le mois de juin, et en voici la preuve…
Une des premières publicités pour la Force, la céréale pour petit-déjeuner produite par Force Food Company de Buffalo, New York. Anon., « Force Food Company. » Buffalo Evening News, 28 juin 1901, 4.
Une boîte de Force se vend alors 15 cents ÉU, une somme qui correspond à environ 7.60 $ en devises de 2024.
Et oui, dans tous les cas, la devises de 2024 mentionnée dans cet article sera le dollar canadien. À quoi vous attendiez-vous? À des darseks klingons? (Bonjour, EP et EG!)
Pour paraphraser, en traduction, le chanteur principal du groupe new wave américain Talking Heads, dans sa chanson à succès de 1981 (!) Once in a lifetime, vous vous demandez peut-être pourquoi Ellsworth choisit de lancer un produit comme la Force. Voyez-vous, Ellsworth veut devenir riche, ou plus riche qu’il ne l’était déjà. Il pense pouvoir atteindre cet objectif en commercialisant une céréale pour petit-déjeuner qui peut être placée dans les rayons des épiceries et y rester un certain temps sans se gâter, une céréale pour petit-déjeuner qui ne nécessiterait pas autant de préparation que les céréales chaudes, car elle est servie froide.
Comme c’était et c’est toujours le cas pour de nombreuses nouvelles firmes, les premiers chiffres de vente ne sont pas exactement spectaculaires.
Même ainsi, la direction d’une firme américaine fondée en 1889 s’offusque de la concurrence à laquelle elle est désormais confrontée. Voyez-vous, encore une fois, un brevet pour des céréales en flocons et le procédé pour les produire avait été délivré à un des fondateurs de Sanitas Nut Food Company Limited en avril 1896. Diverses céréales, dont le maïs et le blé, sont couvertes par ce brevet, et...
Si, si, du maïs. Comme dans flocons de maïs. Voyez-vous, le fondateur de Sanitas Nut Food dont le nom figure sur le brevet n’est autre que l’homme d’affaires / inventeur / médecin et directeur de sanatorium américain John Harvey Kellogg, et...
Non, pas ce Kellogg-là. L’homme qui, en 1906, fonde Battle Creek Toasted Corn Flake Company, une firme qui devint Kellogg Company en 1922, est un des frères cadets de Kellogg, Will Keith Kellogg. Les deux hommes ont une grave dispute en 1906, mais revenons à notre histoire.
La direction de Sanitas Nut Food est tellement ulcérée par les agissements de Force Food qu’elle poursuit cette firme, ainsi que H-O, sans parler d’Edward Ellsworth & Company, leur véritable propriétaire, je crois, en janvier 1902, et ce pour violation de droits d’auteur. La dite direction cherche également à extraire des montagnes de foin aux trois firmes pour les dommages qu’elle prétend avoir subis en raison de leurs activités.
A première vue, cette affaire est réglée hors cours. Ceci étant dit (tapé?), Force Food survit. En fait, elle ne fait pas que survivre, elle prospère. La Force devient ainsi la première céréale pour petit-déjeuner à base de flocons de blé ayant connu un succès commercial sur la planète Terre.
De fait, les affaires vont si bien au milieu de 1902 que Force Food doit augmenter d’un gros tiers le salaire versé aux jeunes femmes qui emballent les céréales et collent les 3 parties (haut, bas et 4 côtés) et l’étiquette en 3 couleurs sur chaque boîte. D’un gros tiers! Je ne plaisante pas. Ces jeunes femmes sont réputées pour être les personnes de leur catégorie les mieux payées dans tout Buffalo.
Enfin, c’est ce qu’on écrit dans des journaux de l’époque.
Croiriez-vous que la firme qui produit les dites étiquettes doit supposément commander environ 19 tonnes métriques (environ 19 tonnes impériales / environ 21 tonnes américaines) d’encre pour traiter la commande de Force Food? Wah! Je sais, je sais. J’ai moi aussi du mal à croire cette nouvelle.
Et oui, alors que Force Food tente de déjouer l’attaque de Sanitas Nut Food, ses publicités pour consommatrices et consommateurs satisfait(e)s continuent à être, euh, eh bien, parfois percutantes.
Une publicité percutante typique publiée par Force Food Company de Buffalo, New York. Anon., « Force Food Company. » Buffalo Evening News, 11 juin 1902, 7.
Une personne cynique, mais pas moi, bien sûr, pourrait se demander si les témoignages de consommatrices et consommateurs satisfait(e)s ont le moindre rapport avec la réalité.
Croiriez-vous que Force Food prétend que les boîtes de Force s’envolent si vite des étagères des magasins dans certains endroits non spécifiés que l’usine ne peut pas suivre, ce qui force la direction de la firme à retirer ses publicités trop réussies des journaux dans ces endroits non spécifiés, jusqu’à ce qu’une seconde usine entre en activité en fait?
Je sais, je sais. Cela ressemble au genre de choses que ma regrettée maman décrivait comme de la b*llsh*t américaine. Quoi qu’il en soit, profitez des publicités.
Une publicité plutôt originale publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui prétend que les boîtes de Force s’envolent si vite des étagères des magasins de Topeka, Kansas, que l’usine ne peut pas suivre, ce qui force la direction à retirer ses publicités trop réussies des journaux locaux. Anon., « Force Food Company. » The Topeka Daily Capital, 19 juin 1902, 1.
Une publicité visuellement plus intéressante publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui prétend que les boîtes de Force s’envolent si vite des étagères des magasins dans certains endroits non spécifiés que la direction de la firme doit retirer ses publicités trop réussies des journaux dans ces endroits non spécifiés, jusqu’à ce qu’une deuxième usine entre en service en fait. Anon., « Force Food Company. » The Wichita Daily Eagle, 29 juillet 1902, 1.
Une autre publicité visuellement intéressante publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui prétend que les boîtes de Force s’envolent si vite des étagères des magasins que la direction de la firme doit retirer ses publicités trop réussies des journaux dans des endroits inconnus non spécifiés, jusqu’à ce qu’une deuxième usine entre en service en fait. Anon., « Force Food Company. » Neenah Times, 20 août 1902, 1. 1.
Incidemment, on retrouve une ou quelques-unes de ces publicités dans un grand nombre de journaux américains à partir de juin 1902. À l’été et à l’automne 1902, on les retrouve également dans quelques, voire plusieurs journaux canadiens dans au moins quatre provinces (Québec, Ontario, Nouvelle-Écosse et Colombie-Britannique).
Le succès grandissant de la Force doit beaucoup à la campagne publicitaire initiée par Force Food. À son tour, le succès de cette campagne doit beaucoup à un personnage qui est devenu synonyme de la Force, à savoir Sunny Jim.
Sunny Jim est le fruit de l’imagination de deux jeunes femmes de Buffalo qui sont, dit-on (tape-t’on?), très grassement payées pour leur peine, à hauteur de 5 000 $ ÉU, une somme qui correspond à environ 250 000 $ en devises de 2024. En réalité, la paire est apparemment payée 100 $ ÉU, une somme qui correspond à environ 5 000 $ en devises de 2024, ce qui est loin d’être une somme énorme.
Une de ces jeunes femmes est Dorothy Goddard Ficken, âgée d’environ 16 ans. Cette artiste brillante dessine Sunny Jim pour accompagner les ritournelles composées par l’initiatrice du concept, une rédactrice indépendante de 22 ans de ritournelles et poèmes pour enfants pour les journaux, Minnie Maud Hanff.
Le directeur de la publicité de Force Food, William Bogert Hunter, avait contacté Hanff pendant l’hiver 1901-02 pour voir si elle pouvait écrire du matériel publicitaire destiné à des tramways. Le fait que la jeune femme se spécialisait dans les ritournelles ne l’a pas beaucoup impressionné, pour paraphraser, en traduction, une ligne d’une chanson de 1998 (!) rendue célèbre par la chanteuse / compositrice canadienne Eilleen Regina « Shania » Twain, née Edwards, mais il avait décidé de lui donner la chance d’écrire quelque chose pour la Force.
Étant donné ses 5 années d’expérience, Hanff a une certaine idée de la façon de créer un bon texte. Par exemple, elle est assez rebutée par le style prescription médicale des publicités typiques pour les céréales pour le petit déjeuner de l’époque. Hanff crée donc Sunny Jim pour donner un peu d’intérêt humain et d’imagination à ces publicités, en utilisant les ritournelles courtes et humoristiques qu’elle connaît. Ceci étant dit (tapé?), elle s’assure d’inclure dans ses ritournelles les avantages, réels ou imaginaires, de la consommation de produits céréaliers que la consommatrice ou consommateur typique connaît.
Hanff soumet sa première série de ritournelles à Hunter en mars 1902. Presque malgré lui, il les aime bien. Ellsworth est cependant moins enthousiaste. Ses conversations avec des professionnels de la publicité l’avaient pour ainsi dire convaincu que les ritournelles ne fonctionnent pas. Malgré tout, la suggestion de Hanff selon laquelle des illustrations pourraient améliorer leur attrait est approuvée par Ellsworth. Elle se met alors en quête d’un illustrateur.
Raymond Fuller Ayers, le rédacteur en chef de la page jeunesse du New York Herald, un quotidien de… New York, à qui Hanff avait vendu certains de ses poèmes pour enfants, lui suggère de contacter Ficken. L’adolescente lit les ritournelles et écoute Hanff. Elle réalise ensuite des dessins que Hanff apporte au siège social de Force Food. Ellsworth les adore et accepte d’utiliser les ritournelles de Hanff et dessins de Ficken comme élément central de la campagne publicitaire de sa firme.
Incidemment, Ayers et Hanff convolent en justes noces, apparemment en 1903.
Étant donné son âge et l’importance de sa famille, le nom de Ficken est gardé secret. Cela conduit à spéculer que l’artiste derrière Sunny Jim est James Kenneth Fraser, un employé de la célèbre agence de publicité américaine Calkins & Holden Incorporated, je crois, qui, en 1900, avait lancé la campagne publicitaire Spotless Town pour le savon abrasif Sapolio de Enoch Morgan’s Sons Company, sans doute une des plus grandes campagnes publicitaires de tous les temps.
Une brève digression si vous me le permettez. Bien des années plus tard, en juillet 1926 en fait, Dorothy Goddard Gwynne, née Ficken, donne naissance à l’acteur / artiste / auteur américain Frederick Hubbard « Fred » Gwynne, un très grand (environ 1.96 mètre / environ 6 pieds 5 pouces) gentilhomme bien connu pour ses rôles principaux dans les comédies de situation télévisées américaines Car 54, Where Are You? (1961-63) et The Munsters / Les Monstres (1964-66), sans parler de son rôle de soutien dans le très populaire film de comédie judiciaire américain de 1992 Mon cousin Vinny. Fin de la digression.
Le Sunny Jim imaginé par Ficken et Hanff est un type mince, un peu bizarre et âgé, avec une tresse caractéristique, qui me rappelle une queue de scorpion, qui porte un costume à l’ancienne avec des queues, ainsi qu’un gilet et un haut-de-forme. Oh oui, et il a une canne.
Vous vous demandez peut-être, encore une fois, ce que ce type bizarre a à voir avec une céréale pour petit-déjeuner. À vrai dire, une publicité n’a pas toujours besoin d’avoir un sens. Sa fonction première est d’être mémorable, et Sunny Jim est en effet très mémorable.
Les dessins et ritournelles semblent commencer à apparaître dans des journaux américains en juin 1902. Ils et elles se multiplient rapidement en nombre, car Sunny Jim commence à apparaître dans d’innombrables publicités de journaux et magazines, de même que sur des panneaux d’affichage et tramways de grandes villes américaines. Et oui, le concept de la boîte en carton dans laquelle la Force est vendue est modifié pour qu’un dessin de Sunny Jim puisse être inséré sur le panneau avant.
Au fait, voici une des premières ritournelles, traduite ici :
Jim Dumps avait été pendant des semaines si en colère,
Il était clair qu’il avait subi une grande perte;
Mais puisque ces pubs mettent en évidence
Que ce qu’il a manqué, enfin, est ici,
Et que la ‘Force’ peut lui être fournie,
Jim Dumps est devenu ‘Sunny Jim’.
Ce battage médiatique est-il un succès, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? C’est à moi de le savoir et à vous de le découvrir, dans quelques jours. Désolé.