« Des faux qui rapportent : » Un bref coup d’œil sur le super bombardier à propulsion nucléaire soviétique totalement fictif ‘révélé’ en décembre 1958 par le magazine américain Aviation Week, partie 2
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur. Je suis heureux de constater que le thème de cet article ne vous rebute pas trop. Si la Guerre froide n’est certes pas un sujet particulièrement joyeux, le fait est que ce conflit larvé occupe l’avant-scène du 20ème siècle pendant près de 45 ans.
Comme il a été dit (tapé?) hier, des dizaines, que dis-je, des centaines de quotidiens américains parlent de l’article sut un tout nouvel aéronef à propulsion nucléaire soviétique paru dans le numéro du 1er démembre 1958 du magazine américain Aviation Week. De nombreux quotidiens canadiens en parlent également. Ils reproduisent plus ou moins tous les détails techniques du texte, et ce sans les remettre en question.
Certains articles rapportent que des officiers de la United States Air Force (USAF) bien au fait au programme américain Aircraft Nuclear Propulsion (ANP) reconnaissent l’existence du bombardier mentionné par le magazine. Un tel aéronef va voler sous peu si ce n’est pas déjà fait, affirment-ils. Le bureau d’une personne assez haut placée du United States Department of Defense indique à un journaliste, des propos traduits ici bien sûr, que « On nous a dit de ne nier aucune confirmation de l’histoire. »
Un membre de la United States House of Representatives et président du Research and Development Subcommittee du Joint Committee on Atomic Energy, Charles Melvin « Mel » Price, s’emporte, par des propos traduits ici : « Nous avons atteint une étape critique dans notre programme d’aéronef nucléaire. Soit nous avançons vigoureusement vers une conclusion réussie de nos efforts, soit nous perdons, une fois de plus, notre leadership technologique. »
Les ingénieurs qui planchent depuis des années sur le programme ANP ne méritent pas d’être soumis à l’indécision, à l’indifférence et à l’inefficacité de l’administration dirigée par le président Dwight David « Ike » Eisenhower, ajoute Price.
Le président du Appropriations Subcommittee on Defense Spending du United States Senate Committee on Appropriations s’emporte lui aussi. Le sénateur Dionisio « Dennis » Chávez affirme que le United States Congress donnerait à Eisenhower tout l’argent dont il aurait besoin pour faire voler un avion à propulsion nucléaire américain.
Comme vous l’avez peut-être compris, Price et Chávez d’une part et Eisenhower d’autre part ne sont pas du même parti politique.
Comme vous pouvez l’imaginer, l’article d’Aviation Week est l’éléphant dans le salon lors d’une conférence de presse qui a lieu le 10 décembre 1958. Eisenhower doit répondre à un barrage de questions. Il affirme, et je cite, en traduction, que « Il n’y a absolument aucun renseignement, aucune preuve fiable d’aucune sorte, qui indique que les Soviétiques ont fait voler un aéronef à propulsion nucléaire. »
Cela étant dit (tapé?), ajoute Eisenhower, le gouvernement américain n’abandonne pas la recherche fondamentale qui rendra un jour possible le premier vol d’un aéronef à propulsion nucléaire américain.
On peut supposer qu’Eisenhower et son secrétaire à la Défense, Neil Hosler McElroy, réalisent fort bien que l’article d’Aviation Week avait pour fonction de mobiliser le soutien pour le programme ANP. Ils réalisent également fort bien que les sommes pharaoniques investies dans ce programme depuis plus d’une décennie n’ont donné lieu à aucun vol d’essai d’un aéronef à propulsion nucléaire.
En guise de comparaison, la United States Navy a mis en service 5 sous-marins à propulsion nucléaire entre 1954 et 1958. Mieux encore, 9 autres sous-marins de ce type, sans parler d’un croiseur et d’un porte-avions, sont en construction au moment où l’année 1958 prend fin.
Dans les faits, la communauté du renseignement américain ne semble pas s’inquiéter outre mesure de ce qui se passe en Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Fin décembre 1958, un National Intelligence Estimate préparé par le très bien informé Office of National Estimates (ONE) estime que « dans les prochaines années, l’URSS pourrait faire voler un banc d’essai nucléaire aérien. » Certains membres de ce groupe on ne peut plus sélect pensent qu’un tel vol pourrait avoir lieu en 1959.
De l’avis du ONE, oui, le susmentionné bureau, et non le programmeur informatique / cybercriminel connu sous le nom de Thomas A. Anderson et Neo dans la franchise médiatique cyberpunk américaine The Matrix, le prototype d’un bombardier à réaction récemment, baptisé Bounder par le Air Standards Coordination Committee (ASCC), le comité qui assigne des noms de code aux nouveaux aéronefs du bloc soviétique, pourrait peut-être se trouver impliqué tôt ou tard dans le programme d’aéronef à propulsion nucléaire soviétique.
Soit dit en passant, les membres du dit ASCC proviennent alors des États-Unis (USAF et United States Navy), du Royaume-Uni (Royal Air Force) et du Canada (Corps d’aviation royal canadien / Aviation royale du Canada).
Le chef d’état-major adjoint au renseignement de la USAF, émet toutefois une opinion dissidente. De l’avis du major général James Howard Walsh, des propos traduits ici, « un système de propulsion nucléaire d’aéronef pourrait maintenant subir des essais en vol dans une cellule prototype. »
Vers la mi-janvier 1959, lors d’une réunion à huis clos d’un sous-comité du United States Senate Committee on Armed Services, le directeur du renseignement central, autrement dit le directeur de la Central Intelligence Agency, ajoute, dit-on, sa voix à celle du ONE. Allen Welsh Dulles ne croit pas que l’URSS dispose d’un aéronef à propulsion nucléaire.
Répondant peut-être au scepticisme exprimé par McElroy, Eisenhower et d’autres personnes, Aviation Week publie un bref article intitulé, en traduction, « Les Soviétiques annoncent leur plan concernant un avion nucléaire » dans son numéro du 12 janvier 1959.
Cet article indique que, dans le cadre d’une émission radio en langue française, La Science soviétique en 1959, je pense, diffusée le 1er janvier, par Moskovskoye radio, un annonceur non identifié affirme que des chercheurs soviétiques travaillent depuis longtemps sur l’utilisation de moteurs atomiques pour l’aviation civile. Mieux encore, les résultats déjà obtenus permettent de dire que 1959 verra les premiers essais dans ce domaine.
Et oui, l’article publié en janvier 1959 par Aviation Week (1er vol en 1959) semble contredire celui qui paraît en décembre 1958 (1er vol en 1958). Allez comprendre.
Et oui encore, il n’est pas hors du domaine du possible que l’information diffusée le 1 janvier par Moskovskoye Radio est destinée à embrouiller davantage la situation aux États-Unis concernant l’existence d’un aéronef à propulsion nucléaire soviétique.
Permettez-moi de mentionner que, comme par hasard, le numéro de janvier 1959 du mensuel américain Flying, en traduction « le magazine aéronautique le plus lu au monde, » contient un article plutôt positif sur le susmentionné programme ANP.
Début février, un ingénieur qui œuvre pour le département Aircraft Nuclear Propulsion de la division Atomic Products de General Electric Company, Leonard Franklin Harman, déclare lors d’une réunion de la Aviation Writers Association que l’article publié par Aviation Week est sensiblement exact. Cet officier de la USAF à la retraite ne voit pas pourquoi l’URSS n’aurait pas un aéronef à propulsion nucléaire en cours d’essais.
Un peu après la mi-février, le susmentionné Price rend public un rapport d’une quarantaine de pages complété pour et envoyé au président Eisenhower, vers la mi-janvier, soit peu après sa conférence de presse, par un membre assez haut placé du même département Aircraft Nuclear Propulsion. John Wilmerton Darley, Junior, affirme agir de la sorte en tant que citoyen préoccupé et non pas en tant que représentant de son employeur. N’ayant reçu aucune réponse d’Eisenhower ou d’un membre de son personnel, il rompt le silence qu’il s’était imposé et envoie son rapport à Price vers la mi-février.
Darley affirme que Eisenhower est mal informé par le personnel qui l’entoure. Il est convaincu que des renseignements concernant l’existence de l’aéronef soviétique sont disponibles. Darley croit par ailleurs que des preuves importantes existent selon lesquelles un aéronef similaire à celui décrit par Aviation Week a été vu. L’existence de cet aéronef est par ailleurs mentionné par les Soviétiques eux-mêmes par le biais de la susmentionnée émission radiophonique du 1er janvier.
Darley conclut par les lignes suivantes son examen détaillé du programme ANP :
Je crois qu’une écrasante majorité de citoyens américains préféreraient être absolument sûrs que le niveau de défense nationale est suffisant pour assurer la sécurité, plutôt que de risquer ne serait-ce qu’une période momentanée d’effondrement potentiel de la dissuasion de représaille.
Le programme d’aéronefs nucléaires peut contribuer à prévenir cet effondrement potentiel.
En avril 1959, de plus en plus préoccupés par la survie du programme ANP, Price et le major général Donald John Keirn, sous-chef d’état-major adjoint de la USAF responsable des systèmes d’armes nucléaires et directeur de la United States Atomic Energy Commission responsable des moteurs nucléaires d’aéronef, invitent le sous-secrétaire à la Défense, l’ingénieur en communications Donald Aubrey Quarles, de visiter les installations où les ingénieurs du département Aircraft Nuclear Propulsion de General Electric travaillent sur un moteur nucléaire à cycle direct qui pourrait un jour propulser l’aéronef à propulsion nucléaire américain.
Price croit (s’imagine?) que Quarles est favorablement impressionné par la présentation hyper enthousiaste de la firme.
Début mai, Keirn et le sous-chef d’état-major de la USAF responsable du développement, le lieutenant général Roscoe Charles Wilson, rencontrent Quarles afin de l’encourager à appuyer l’idée de faire voler un prototype de validation de principe, vraisemblablement le l’aéronef connu sous le nom de Convair NX2, et ce aussi vite que possible. Ils affirmeront par la suite que Quarles se rend à leurs arguments.
Cette conversion ne peut toutefois pas être confirmée. Voyez-vous, Quarles meurt subitement pendant la nuit qui suit la rencontre avec les deux généraux.
Ces officiers, sans parler d’autres défenseurs du programme ANP, ne sont toutefois pas sans savoir que le physicien nucléaire Herbert Frank York, directeur de Defense Research and Engineering au sein de l’Advanced Research Projects Agency, l’agence de recherche et développement du United States Department of Defense, accorde une plus grande importance aux missiles balistiques intercontinentaux qu’à l’aéronef à propulsion nucléaire.
Certains défenseurs du programme conjoint ANP œuvrant au sein de la USAF ou de la United States Atomic Energy Commission ont également entendu la boutade concernant le programme visant le conception d’un bombardier stratégique à propulsion nucléaire américain, le programme Continuous Airborne Alert, Missile Launching and Low Level Penetration (CAMAL). Si un camel, en français un chameau, est un cheval conçu par un comité, un CAMAL est un cheval conçu par un comité conjoint.
Oserai-je affirmer que les rumeurs entourant l’existence d’un aéronef à propulsion nucléaire soviétique sont entretenues par des représentants haut placés de firmes américaines qui ont des contrats liés au programme ANP et des hauts gradés de la USAF tout aussi liés au dit programme? Comme c’est trop souvent le cas en pareilles circonstances, pourquoi laisser les faits entraver un projet militaire? Désolé, désolé.
C’est par exemple ce que semble croire la direction du quotidien conservateur français Le Figaro de Paris. Elle appuie son impression par le biais d’un texte, présenté en partie ici, un texte publié dès le lendemain de la publication de la pléthore d’articles sur l’article d’Aviation Week, soit le 2 décembre 1958 :
Par une coïncidence assez remarquable, cette affaire arrive au moment où le président Eisenhower, ayant proclamé son intention de réduire les dépenses de l’Etat, a convoqué pour aujourd’hui deux réunions du Conseil national de sécurité qui seront consacrées à l’examen des crédits militaires, à la révision du programme de fabrication des fusées balistiques et au transfert à un nouvel office civil des responsabilités que se partageaient jusqu’à présent dans ce domaine les services techniques des trois armes. De puissants intérêts de toute sorte sont donc en jeu, qui seraient servis par la nouvelle d’un ‘triomphe’ soviétique.
L’auteur de la chronique humoristique (sarcastique?) « Les commentaires de Wing » dans le magazine aéronautique français bien connu Les Ailes abonde dans le même sens, dans un texte dialogique, publié vers la mi-janvier, qui met en scène Monsieur Wing et son faire-valoir, La Goupille. Les lignes les plus importantes se lisent comme suit :
Au moment de la discussion de leurs crédits, les spécialistes de l’action psychologique du Pentagone lancent ordinairement une information sensationnelle destinée à aiguillonner un peu le Congrès pour lui permettre de monter la dure pente du vote du budget sans trop renâcler. Le Congrès étant allergique à l’atome, sa pompe et ses œuvres, c’est un avion atomique russe qu’il vient de recevoir dans les gencives.
Un bimensuel aéronautique français bien connu, Aviation Magazine, va plus loin encore. Son premier numéro de l’année 1959 contient en effet un bref article intitulé « Des faux qui rapportent. »
Le magazine ne nie pas l’existence d’un aéronef à propulsion nucléaire soviétique. Nenni. « Mais de là à ‘gober’ le super-bombardier que vient de ‘révéler’ la revue ‘Aviation Week’, il y a une marge. » Elle appuie ses dires par le biais de l’article paru dans Le Figaro.
De fait, la direction d’Aviation Magazine souligne qu’Aviation Week n’en est pas à ses premières armes en matière de révélations de super bombardiers soviétiques. Elle avait déjà fait le coup en février 1954. Le magazine américain publie alors deux photographies bien floues montrant deux nouveaux bombardiers stratégiques turbopropulsés soviétiques, les Iliouchine Il-38 et Toupolev Tu-200, similaires en capacités aux bombardiers stratégiques américains du Strategic Air Command de la USAF.
Or il se trouve que cet article fracassant fut publié quelques jours avant la discussion du budget du Strategic Air Command que l’on menaçait de certaines réduction de crédit. Grâce, en partie, à cet article, le dit budget devint tabou du fait de la menace qui, de la menace que, etc.
La direction d’Aviation Magazine souligne que, comme vous l’aurez sans doute deviné, ami(e) lectrice ou lecteur qui en a vu d’autres, les Il-38 et Tu-200 sont des aéronefs purement fictifs.
Ce que la dite direction ignore, c’est que des analystes (charitables?) de la susmentionnée CIA sont d’avis que la direction d’Aviation Week est la victime d’une fraude. Ils sont même d’avis que ce ne serait pas la première fois, mais revenons à notre histoire.
Quoi qu’en pensent les défenseurs du programme ANP, le tsunami politique déclenché par l’article d’Aviation Week ne tarde pas à s’apaiser.
C’est ainsi que, en juillet 1959, lors d’audiences tenues par le Subcommittee on Research and Development du Joint Committee on Atomic Energy au sujet du programme ANP, le président de la United States Atomic Energy Commission, le très conservateur John Alexander McCone, n’hésite pas à affirmer que, et je cite, en traduction, que
Je pense que toute déclaration faite par quiconque quant au moment où les Soviétiques pourraient faire voler un aéronef est purement une question de conjecture. Je ne sais absolument rien. Je ne connais personne au sein du gouvernement qui possède des informations fiables concernant le programme soviétique de propulsion nucléaire.
Mieux encore, ou pis encore, le choix est vôtre, lors d’une conférence de presse en sol américain, en novembre 1959, des journalistes posent des questions concernant le désormais fameux aéronef à propulsion nucléaire soviétique au représentant permanent de l’URSS auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique et chef de la Glavnogo upravleniya po ispol’zovaniyu atomnoy energii pri Sovete Ministrov SSSR, en d’autres mots la direction principale pour l’utilisation de l’énergie atomique au conseil des ministres de l’URSS.
Vasiliy Semenovich Yemel’yanov affirme qu’aucun aéronef à propulsion nucléaire ne vole en URSS. Il ajoute que si son pays avait produit une telle machine, les Américains peuvent être sûrs qu’ils l’auraient su, parce que l’URSS aurait été fière de cette réalisation et l’aurait fait savoir à tout le monde.
En privé, Yemel’yanov reconnaît volontiers que l’URSS a un programme d’aéronef à propulsion nucléaire car ce serait idiot de ne pas en avoir un. Cela étant dit (tapé?), il affirme ne pas connaître son statut car il est entièrement entre les mains des militaires.
Quoi qu’il en soit, Eisenhower et son équipe choisissent de ne pas mettre fin au programme ANP. Le président américain donne toutefois sa bénédiction à de fortes réductions en juin 1959. Le programme subit de nouvelles coupures en 1960. Eisenhower décide en fin de compte de laisser son sort entre les mains de l’administration, élue en 1960, qui va suivre la sienne.
Comme vous pouvez l’imaginer,
- l’utilisation routinière du ravitaillement en vol par les bombardiers stratégiques à réaction américains Boeing B-47 Stratojet et Boeing B-52 Stratofortress,
- l’entrée en service celle du premier missile balistique intercontinental américain, le Convair SM-65 Atlas, en septembre 1959,
- la livraison des premiers exemplaires du premier bombardier stratégique supersonique au monde, le Convair B-58 Hustler, à partir de mars 1960, et
- l’entrée en service du premier missile mer-sol balistique stratégique au monde, le Lockheed Fleet Ballistic Missile Polaris, en novembre 1960,
alliées aux résultats encore incertains et aux coûts élevés à la fois passés, présents et à venir du programme ANP lui portent de durs coups.
Croiriez-vous par exemple que ce programme avait coûté la modique somme d’environ un milliard de dollars aux Américaines et Américains depuis 1946, une somme qui correspond à environ 18 milliards de dollars en devises canadiennes de 2024? Ou qu’il faudrait probablement dépenser quelques centaines de millions de dollars supplémentaires, une somme qui correspond à plusieurs milliards de dollars dans ces mêmes devises canadiennes de 2024, pour obtenir des résultats dignes de mention?
De fait, les susmentionnés coups s’avèrent finalement fatals. La nouvelle administration dirigée par un gentilhomme mentionné à plusieurs reprises depuis mai 2019 dans notre fantabuleux blogue / bulletin / machin, John Fitzgerald « Jack » Kennedy, met fin au programme ANP fin mars 1961.
Au cours des semaines et mois qui suivent, des milliers d’employés hautement qualifiés de firmes participant à ce programme perdent leur boulot.
Le susmentionné Price est furieux. Il l’est d’autant plus que Kennedy et lui sont du même parti politique. Price ne peut toutefois pas lancer la moindre attaque contre le charismatique, jeune et populaire président.
Sentant peut-être que la proverbiale hache est sur le point de tomber sur le programme ANP, un de ses principaux promoteurs, le susmentionné major général Keirn, avait pris sa retraite en octobre 1959, à l’âge de 54 ans.
Le bombardier stratégique Convair B-36 utilisé en tant que banc d’essai volant est mis au rancart bien avant la décision de Kennedy. De fait, il est ferraillé vers septembre 1958.
Dans un éditorial publié début avril 1961 dans Aviation Week, le rédacteur en chef et éditeur de cette publication, Robert B. Hotz, affirme, en traduction, après avoir mentionné le quasi abandon du bombardier stratégique supersonique North American B-70 Valkyrie, bien avant qu’un prototype n’ait volé, que
Nous sommes enclins à verser une larme plus grande pour l’élimination du programme de propulsion nucléaire d’aéronef comme un abandon beaucoup trop précoce de ce qui est encore une ligne révolutionnaire et prometteuse de développement pour toute une famille de véhicules aériens.
Incidemment, l’annulation du Valkyrie s’avère être une décision vraiment très sage. Compte tenu de l’introduction en service, en 1955, du premier d’une série de missiles antiaériens soviétiques capables d’abattre des aéronefs volant à haute altitude, cette machine très coûteuse aurait été forcée de partir en guerre à basse altitude, à une vitesse qui n’aurait pas été beaucoup plus élevée que celle du Stratofortress qu’elle avait été conçue pour remplacer. Pis encore peut-être, le Valkyrie n’aurait pas pu voler aussi loin que son prédécesseur.
Piloter un Valkyrie au ras des pâquerettes aurait eu autant de sens que d’utiliser une Ferrari ou Lamborghini pour livrer de la pizza.
Cela étant dit (tapé?), Pizza Hut Malaysia (Bonjour, EP!) a bel et bien livré quelques pizzas le 1er avril 2021 en utilisant au moins une super auto Ferrari.
Ayant atteint mon quota pontificatif hebdomadaire, votre humble serviteur va quitter son clavier pour quelques jours. Reposez-vous un peu. Nous allons compléter ce fascinant récit plus tard.