« Défendons ce bien précieux / Digne de défense » – Un bref aperçu de la campagne publicitaire de 1954 d’une importante firme canadienne de fabrication d’aéronefs, Canadair Limited de Montréal, Québec, partie 3
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur fasciné(e) par la guerre froide. Votre humble serviteur est ravi de vous accueillir dans cette 3ème partie de notre article sur la campagne publicitaire de 1954 du fabricant d’aéronefs Canadair Limited de Montréal, Québec, une campagne inspirée par un discours de janvier 1941 d’un important président américain, Franklin Delano Roosevelt.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur horrifié(e) et déprimé(e), cette 3ème partie devrait être moins horrifiante et déprimante que la 2ème. J’espère.
Canadair revient aux quatre libertés de Roosevelt, à la première plus exactement, avec une publicité intitulée « La liberté d’expression / Liberté de parole, » en anglais « Freedom of speech, » offerte en avril 1954 aux lectrices ou lecteurs de divers journaux et magazines nord-américains et européens.
Euh, oui, vous avez en effet raison, ami(e) lectrice ou lecteur pointilleuse / pointilleux. Les publications européennes qui contiennent nos publicités sont toutes des magazines. Et oui, le Royaume-Uni est en effet un pays européen.
Le dessin dans la publicité présente un homme d’un certain âge, sinon d’une âge certain, debout sur une petite plate-forme en train de parler à une foule composée en grande majorité d’Homo sapiens mâles et blancs. Un petit drapeau britannique est fixé à la structure de cette plate-forme.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur anglophile, le dessin montre en effet le Speakers’ Corner, en français espace des orateurs, qui se trouve à Londres, Angleterre, dans un parc royal, Hyde Park, plus précisément. Le dit espace des orateurs, le premier au monde, avait été officialisé par le Parks Regulation Act de 1872.
Vous serez peut-être content(e), ou mécontent(e), d’apprendre que le premier espace des orateurs du Canada est apparemment consacré à Regina, Saskatchewan, en avril… 1966. Il y en a au moins un en Australie depuis 1878, mais je digresse.
Le texte de la sous-version québécoise de langue française de la publicité d’avril 1954 se lit comme suit :
« Je désapprouve de ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire! » – VOLTAIRE
Cette déclaration historique est souvent évoquée au nom du franc-parler, du droit de tout individu à défendre ses opinions politiques … de protester contre les décisions du gouvernement … d’exprimer des idées nouvelles ou de défendre les anciennes. Or, tout cela est qualifié de ‘crime’ et réprimé sans merci partout où règne le fascisme ou le communisme. Dans ces pays, la liberté de pensée et de conscience, la libre parole doivent disparaître … en fait, elles disparaissent, et bien souvent au milieu d’atrocités sans nom!
Évaluons à sa juste valeur la liberté dont nous jouissons au Canada … le droit que nous avons de dénoncer ce qui est injuste et de défendre ce qui est juste! Notre liberté d’expression est la clé de voûte d’une véritable démocratie. Elle vaut la peine d’être défendue!
Le texte de la sous-version de langue française européenne de cette même annonce, un peu moins véhémente, est suffisamment différent pour vous justifier sa présentation, une fois traduit :
« Je désapprouve de ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire! » – François M. A. Voltaire
Liberté de parole – le droit de soutenir des opinions politiques … de protester contre le gouvernement … d’exprimer des idées nouvelles ou de défendre la tradition … voilà autant de ‘crimes’ étouffés en hâte dans les régimes totalitaires … et la liberté de pensée, la liberté de conscience ne sont plus.
Considérons la liberté dont nous jouissons dans les pays libres … dénoncer la mal … exalter le bien! Notre liberté de parole est la clé de voûte de la vraie démocratie. Notre liberté de parole est digne de défense!
Le rapprochement entre fascisme et communisme présenté par les auteurs des deux textes nord-américains est de nouveau à noter, et ce même si le texte de langue anglaise est pas mal moins véhément. Pour une raison ou une autre, les auteurs des textes européens semblent préférer encore une fois ne pas utiliser le terme communisme.
Parlant (tapant?) de « La liberté d’expression, » oserai-je mentionner ici la Loi protégeant la province contre la propagande communiste adoptée au Québec en mars 1937 par le gouvernement on ne peut plus conservateur dirigé par Maurice Le Noblet Duplessis?
Cette mesure législative, rapidement surnommée loi du cadenas, ne contenant aucune définition du communisme, les corps policiers du Québec opérant dans les années 1930, 1940 et 1950 peuvent harceler en toute liberté des organisations portant un tant soit peu vers la gauche.
Il suffit de penser à diverses organisation juives, à la Civil Liberties Union du Québec ou à la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), un parti socio-démocrate représenté à la Chambre des communes du Canada, à Ottawa, Ontario. Si, si, représenté à la Chambre des communes du Canada, par des individus élus hors du Québec, et ce entre octobre 1935 et août 1961, lorsque la CCF devient le Nouveau Parti démocratique.
Ces mêmes forces policières harcèlent évidemment le Parti communiste du Canada (PCC) et le Parti-ouvrier progressiste (POP), le nom sous lequel opère le PCC après qu’il ait été déclaré illégal, en mai 1940, par le gouvernement fédéral. Incidemment, le POP reprend ouvertement et publiquement son ancien nom en octobre 1959. Peu de gens remarquent ce changement, ou s’en soucient.
Et oui, le PCC est un parti politique on ne peut plus légal quand Loi protégeant la province contre la propagande communiste est adoptée.
Soit dit en passant, cette loi est déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême du Canada en mars 1957, mais je digresse.
Ai-je besoin de souligner que le poète / philosophe / encyclopédiste / écrivain / dramaturge français François-Marie Arouet, plus connu sous le nom de Voltaire, est mentionné dans des numéros de juin 2023, octobre 2023 et mai 2024 de notre poétique, philosophique et encyclopédique blogue / bulletin / machin? C’est bien ce que je pensais.
Une brève digression si vous me permettez. La citation avec laquelle les auteurs des 2 sous-versions de langue française et des 2 sous-versions de langue anglaise introduisent la publicité d’avril 1954 de Canadair est de la pure foutaise. Si, si, de la foutaise. Arouet / Voltaire n’a jamais écrit, voire même prononcé, ces mots.
La citation en question a été inventée de toute pièce, et en anglais, par une auteure anglaise, Evelyn Beatrice Hall, dans une populaire biographie anecdotique du dit Arouet / Voltaire, The Friends of Voltaire, qu’elle publie en Angleterre en 1906 sous le pseudonyme de S.G. Tallentyre.
Mieux encore ou pis encore, je vous laisse choisir, le rôle joué par Hall dans la création de la citation en question est connu depuis… 1935.
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La publicité « Les droits de l’homme, » publiée par Canadair Limited de Montréal, Québec, dans le cadre de sa campagne publicitaire Défendons ce bien précieux / Digne de défense de 1954. Anon, « Canadair Limited. » La Presse, 11 mai 1954, 35.
La 5ème publicité de Canadair, « Les droits de l’homme, » en anglais « The Rights of Man, » oui, celle publiée en mai 1954, prend de nouveau ses distances par rapport aux quatre libertés du président Roosevelt. Il est à noter que, pour la première fois, elle ne paraît pas pour ainsi dire simultanément dans les toutes publications avec lesquelles l’avionneur québécois fait affaire. Le magazine hebdomadaire britannique Flight and Aircraft Engineer ne la publie pas, par exemple.
Quoi qu’il en soit, la dite publicité montre l’intérieur d’une cour de justice canadienne, je pense. Un avocat ou procureur parle aux membres d’un jury. Presque toutes les personnes présentes sont des hommes blancs. Une statue on ne peut plus classique de la déesse romaine Iustitia / Justice, blanche elle aussi, avec son bandeau, épée et balance, domine la scène.
Laissant de côté le fait important qu’un titre comme « Les droits de l’homme » laisse allègrement de côté la moitié de la population du Canada, votre humble serviteur s’en voudrait de ne pas souligner que, avant février 1964, au Québec, une femme mariée a un devoir d’obéissance envers son époux. Elle n’a pas le droit d’administrer et disposer de ses biens, pas plus qu’elle ne peut légalement ouvrir un compte bancaire, demander un prêt ou contracter une hypothèque de son propre chef. On croit rêver.
Les droits des hommes, désolé, de l’homme, vraiment.
Saviez-vous par ailleurs que les mesures fédérales qui interdisent la vente de produits contraceptifs, voire même la diffusion d’information sur les méthodes contraceptives / de contrôle des naissances ne sont officiellement retirées du code criminel, en d’autres termes de la Loi concernant le droit criminel, qu’en juillet… 1969? Ces mesures étaient, bien sûr, alors allègrement ignorées par de nombreuses personnes et travailleuses / travailleurs de la santé, sans parler de quelques gouvernements locaux, au grand dam de l’église catholique, apostolique et romaine.
Voyez-vous, pour la hiérarchie exclusivement masculine de cette église, l’utilisation de toute forme de moyens artificiels de contrôle des naissances est un péché mortel.
Il va sans dire que les relations sexuelles entre deux hommes ou deux femmes constituent aussi un péché mortel. Les personnes qui ont de telles relations sont généralement qualifiées de malades mentaux ou de pervers. Toute indication d’attraction sexuelle entre hommes est illégale au Canada depuis 1892. Toute indication d’attraction sexuelle entre les femmes devient illégale en 1953.
Entre le début des années 1950 et le début des années 1990, la Gendarmerie royale du Canada mène une chasse intensive et honteuse aux personnes aux deux esprits, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et intersexuées et celles qui indiquent leur appartenance à divers groupes sexuels et de genre présentes dans la fonction publique fédérale et les forces armées.
Jusqu’à 9 000 personnes qui n’avaient rien fait de mal, pour la plupart des homosexuels, sont rétrogradées, licenciées ou forcées de démissionner dans le cadre de cette chasse aux sorcières.
Et non, contrairement à ce que vous avez pu lire ou entendre, l’homosexualité n’est pas officiellement retirée de la Loi concernant le droit criminel en juin 1969. Cette tant vantée décriminalisation est un mythe. Les actes homosexuels sont toujours définis en droit comme des crimes en 1969, à moins qu’ils ne se déroulent en privé et qu’ils impliquent deux personnes âgées de plus de 21 ans. Ce n’est qu’en mai 1995 que la Cour suprême du Canada statue que l’orientation sexuelle constitue un motif de discrimination interdit.
Le texte de la sous-version de langue française québécoise de la publicité intitulée « Les droits de l’homme » se lit comme suit :
Les cours de justice devraient symboliser la liberté et les droits de l’homme; dans bien des parties du monde, ce symbole n’est plus qu’un travesti. Arrestations sans mandat, confessions obtenues par la torture psychologique ou physique … condamnation sans inculpation … toutes ces parodies de la justice ont failli triompher deux fois au cours de notre génération.
Dans notre démocratie, un procès en bonne et due forme devant un jury, et la protection de nos droits individuels font partie de nos plus précieuses acquisitions.
Il est de notre devoir formel d’être toujours en garde contre le fascisme et le communisme … car les droits de l’homme valent bien qu’on les défende.
Si les textes des sous-versions de langue et française de cette publicité sont fort similaires, la présence des termes fascisme et communisme dans les sous-versions nord-américaines est à noter encore une fois.
Il est tout aussi notable que, tout au long de son histoire, les États-Unis n’ont vraiment pas été un pays où « tous les hommes sont créés égaux, » une déclaration qui laisse la moitié de la population de côté de toute façon, comme l’avaient déclaré les signataires de The unanimous Declaration of the thirteen united States of America, des propriétaires d’esclaves dans bien des cas, en juillet 1776.
La terrible vérité est que les Afro-Américain(e)s étaient une minorité opprimée en 1954, tout comme les Latino-Américain(e)s et Autochtones Américain(e)s. Oserai-je demander si elles et ils sont traité(e)s aussi équitablement que les Américain(e)s blanches / blancs en 2024? Vous avez probablement raison, ami(e) lectrice ou lecteur. Je n’oserai pas.
Vous voudrez peut-être noter que ce qui suit est horrible.
Au moins 4 400 Afro-Américain(e)s, 600 Latino-Américain(e)s et 150 Autochtones Américain(e)s sont lynché(e)s entre 1875 et 1950. Par rapport à leurs compatriotes blancs comme neige, les Afro-Américain(e)s, Latino-Américain(e)s et Autochtones Américain(e)s ont une probabilité beaucoup plus élevée d’être incarcéré(e)s, ou d’être blessé(e)s ou tué(e)s par des policiers, qui sont presque exclusivement des hommes blancs en 1954.
Pendant que nous sommes dans le sujet des hommes blancs, il est intéressant de noter que les interdictions légales contre les mariages interraciaux sont en vigueur dans 18 états américains aussi tard que 1967. La dernière de ces infâmes lois anti-métissage est retirée des livres en novembre… 2000.
Incidemment, c’est en mars 1954 qu’un célèbre journaliste américain, Edward Roscoe Murrow, né Egbert Roscoe Murrow, martèle un tristement célèbre sénateur américain, Joseph Raymond « Joe » McCarthy, dénonçant sa malhonnêteté, son irresponsabilité et ses abus envers les nombreuses personnes qu’il accuse depuis 1950 d’appartenir au Communist Party of the United States of America, des personnes souvent contraintes de comparaître devant le tout aussi tristement célèbre House Committee on Un-American Activities de la United States House of Representatives.
Ce martelage, fait pendant une des fameuses transmissions télévisées en direct de l’émission de nouvelles See It Now de Murrow, est un épisode clé du déclin et de la fin de la persécution et répression d’Américaines et Américains de gauche, une honteuse entreprise connue sous le nom de maccarthysme.
Incidemment, le Communist Party of the United States of America n’est interdit qu’en août 1954.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur politiquement conscient(e) et légèrement sarcastique, l’éthylique, démagogique et bouffonesque sénateur John Yerkes « Johnny » Iselin du film de suspense psychologique néo-noir de 1962 intitulé Un crime dans la tête / The Manchurian Candidate, mentionné dans la 2ème partie de cet article, est une version parodique du récemment (mai 1957) mais pas regretté disparu McCarthy.
En ce qui concerne la protection des droits individuels, votre humble serviteur s’en voudrait de ne pas vous rappeler que les attaques japonaises de décembre 1941 contre les colonies et territoires américains, britanniques et néerlandais en Asie et dans l’océan Pacifique mènent à l’internement, en 1942, de plus de 20 000 Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise – et d’environ 120 000 Américaines et Américains d’origine japonaise – qui n’avaient rien fait de mal, et qui n’avaient aucune intention de faire quoi que ce soit de mal, des gens, des enfants souvent, comme l’activiste / auteur / communicateur / zoologiste canadien David Takayoshi Suzuki, et l’acteur / activiste / auteur américain George Takei, né Takei Hosato, bien connu en tant que premier Hikaru Sulu de la franchise télévisée et cinématographique Star Trek.
Et oui, le grand Canadien qu’est Suzuki est mentionné dans des numéros de novembre 2018 et août 2002 de notre blogue / bulletin / machin. Takei, quant à lui, est mentionné dans le même numéro de 2022 de cette publication.
Croiriez-vous que les Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise sont privé(e)s de leur droit de voyager comme bon leur semble jusqu’en avril 1949? À ce moment-là, bien sûr, leurs maisons et entreprises avaient été confisquées depuis longtemps.
Remarquez, la Loi sur l’immigration chinoise de 1923, ou loi d’exclusion des Chinoises et Chinois, une loi canadienne selon laquelle toutes les Chinoises et Chinois vivant au Canada, même celles et ceux qui y sont né(e)s, doivent s’inscrire auprès du gouvernement ou risquer d’être condamné(e)s à des amendes, détenu(e)s ou déporté(e)s, n’est abrogée qu’en mai 1947.
Votre esprit peut également être quelque peu tourneboulé par le fait que, en septembre 1953, les gouvernements américain et espagnol signent les accords de Madrid en vertu desquels le premier accepte d’apporter une importante aide économique et militaire au second, en échange de l’utilisation de 4 bases navale et aériennes sur le sol espagnol, des bases dont la construction doit être payée par le gouvernement américain.
Il est intéressant de noter que, à l’époque, l’Estado Español, comme on appelle l’Espagne à l’époque, est explicitement exclu de toutes les organisations internationales et conférences organisées par l’Organisation des Nations unies. C’est un état paria, et voici pourquoi.
L’Estado Español est une dictature qui, bien qu’officiellement neutre pendant la Seconde Guerre mondiale, avait maintenu des liens politiques, militaires et économiques étroits avec l’Allemagne nationale-socialiste et l’Italie fasciste au moins jusqu’en 1944. De fait, des volontaires espagnols combattent contre l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) entre octobre 1941 et octobre 1943 (soldats), voire même mars 1944 (aviateurs).
Créé en mars 1939, lorsque le gouvernement légitime de l’Espagne s’effondre à la fin d’une guerre civile qui avait commencé en juillet 1936, un effondrement appuyé par l’Allemagne nationale-socialiste et l’Italie fasciste, l’Estado Español emprisonne entre 365 et 500 000 personnes dans quelque 300 camps de concentration entre 1936 et 1977, quand cette dictature prend finalement fin. À cette date, entre 130 et 150 000 personnes avaient perdu la vie. Les restes de l’immense majorité d’entre elles n’ont pas encore été découverts.
En 1954, obnubilé comme il l’est par son combat épique contre l’URSS, le gouvernement américain est prêt à ignorer le mépris total pour les droits de l’homme de son homologue espagnol.
Incidemment, la première grande organisation internationale qui brise l’isolement bien mérité de l’Estado Español est l’église catholique, apostolique et romaine. Ces deux parties avaient signé un traité, ou concordat, en août 1953.
Remarquez, l’Estado Novo, comme on appelle alors le Portugal, est alors lui aussi une dictature peu ragoutante qui n’a que faire des droits de l’homme. Malgré cela, le gouvernement américain lui accorde une importante aide économique et militaire à partir de 1948 ou 1949. Incidemment, comme le Canada et les États-Unis, le Portugal est un membre fondateur de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, une alliance militaire fondée en avril 1949.
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La publicité « L’abondance du pain quotidien, » publiée par Canadair Limited de Montréal, Québec, dans le cadre de sa campagne publicitaire Défendons ce bien précieux / Digne de défense de 1954. Anon, « Canadair Limited. » La Presse, 15 juin 1954, 37.
En juin 1954, Canadair publie une publicité consacrée à la troisième des quatre libertés de Roosevelt : « L’abondance du pain quotidien / Assurance contre le besoin, » en anglais « Freedom from Want. »
Curieusement, cette publicité paraît à la fois en juin et octobre dans des quotidiens tels que Toronto Daily Star, de… Toronto, Ontario, et La Presse, de Montréal, Québec. Elle paraît par contre en juillet dans des magazines aéronautiques tels que Interavia et Canadian Aviation ainsi que Flight and Aircraft Engineer, une publication tout aussi bien connue que ses vis-à-vis mensuels suisse et canadien.
Dans tous les cas, l’artiste montre une famille à table, une famille chrétienne blanche comme neige composée d’un père, d’une mère, d’une grand-mère et de deux enfants, une fille et un garçon, en train de prier.
La double présence de cette publicité n’est peut-être pas si curieuse que ça, affirmez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? C’est en effet en octobre que des familles canadiennes célèbrent l’Action de grâce, en anglais Thanksgiving, affirmez-vous, une fête de la récolte également célébrée aux États-Unis, bien qu’en novembre? Humm, un excellent point qui explique selon toute vraisemblance pourquoi la publicité intitulée « L’abondance du pain quotidien » paraît une seconde fois, en octobre 1954, et…
Eh oui, ami(e) lectrice ou lecteur aux yeux de lynx, c’est bel et bien la sous-version canadienne de langue anglaise de cette publicité qui donne le coup d’envoi du présent article dans notre blogue / bulletin / machin.
Il reste à expliquer pourquoi le titre de la sous-version française parue en sol québécois de la dite publicité parle d’abondance du pain quotidien et non pas d’être libéré du besoin, une expression qui colle un tantinet plus au texte de Roosevelt, une expression qui va bien au-delà de la simple disponibilité d’aliments. Quoi qu’il en soit, passons à autre chose.
Le texte de cette sous-version française parue en sol québécois de la publicité se lit comme suit, soit dit en passant :
Un people privé de liberté ne sera jamais à l’abri du besoin. L’histoire nous enseigne qu’une économie fondée sur l’esclavage abaisse le niveau de vie… Or de nos jours encore, des millions d’êtres sans défense manquent de tout.
Tous les gouvernements démocratiques s’efforcent de procurer aux peuples libres un niveau de vie élevé. L’abondance du pain quotidien est une bénédiction qui mérite bien qu’on la défende!
Il est à noter que les sous-versions de langue anglaise de « L’abondance du pain quotidien, » des sous-versions identiques soit dit en passant, ne font pas appel au mot très fort qu’est esclavage. Pour preuve, voici le libellé des sous-versions de langue anglaise, traduit ici bien sûr :
Être libéré du besoin ne peut jamais s’appliquer à un peuple dominé. L’histoire nous apprend que toute économie construite au prix de la liberté a toujours eu pour résultat une baisse du niveau de vie ... et le Besoin est encore aujourd’hui la marque de millions de personnes sans défense.
Être libéré du besoin est le droit de tous les peuples libres – l’objectif de toute nation démocratique. Être libéré du besoin ... vaut la peine d’être défendu!
De bien jolies paroles, à n’en pas douter. Votre humble serviteur se demande toutefois combien de personnes vivant dans des pays dits libres ne sont pas libérées du besoin en 1954. Des dizaines de millions, dites-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, et bien plus dans les territoires coloniaux exploités de la France et du Royaume-Uni? Vous avez probablement raison. Soupir… En 2024, incidemment, environ 700 000 000 de personnes vivent dans une pauvreté extrême.
Votre humble serviteur aimerait par ailleurs noter que le libellé de la sous-version de langue française venant d’Europe ne contient pas d’erreur. Ayant lu le bout de phrase suivant, « et le besoin aujourd’hui est le lot de millions d’êtres qui n’en peuvent mais, » je me suis en effet demandé si quelques mots étaient manquants. Il n’en est rien.
L’expression n’en peuvent mais est on ne peut plus française, et ce même si son usage est à toutes fins utiles inexistant en 2024 – et rare en 1954. Le mais en question est un adverbe d’ancien français qui veut dire plus, ce qui revient à dire (taper?) que les millions de personnes de la citation sont des personnes qui ne peuvent rien changer à leur situation.
Notre blogue / bulletin / machin est vraiment un puits de savoir, n’est-ce pas? Et c’est sur cette joyeuse note que prend fin la 3ème partie plutôt horrible et déprimante de cet article. Désolé pour ça. À plus.