Trois choses à savoir : pourquoi retarder le nettoyage du jardin au printemps favorise la biodiversité, comment les supernovæ intègrent les dates anciennes dans les cernes des arbres et pourquoi une lune énigmatique de Jupiter pourrait abriter de la vie.
Voici Renée-Claude Goulet, Michelle Campbell Mekarski et Cassandra Marion.
Ces conseillères scientifiques d’Ingenium fournissent des conseils éclairés sur des sujets importants pour le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif.
Pour l'édition d'avril, elles nous expliquent comment le fait de retarder le nettoyage du jardin au printemps peut favoriser la biodiversité, comment la datation d’arbres anciens à l’aide de supernovæ est une façon novatrice de déterminer des dates dans l’histoire ancienne de l’humanité et comment la mission spatiale Europa Clipper permettra de déterminer si l'énigmatique lune Europe de Jupiter peut abriter la vie.
Donner un coup de pouce à la biodiversité en retardant le nettoyage de notre jardin au printemps
Le retour des températures plus clémentes donne envie à bien des gens de sortir et de commencer les corvées printanières, comme le nettoyage du jardin et de la cour. Il y a cependant une bonne raison de freiner notre enthousiasme et de laisser le temps à la nature de faire son travail!
Au début du printemps, lorsque les températures se mettent à monter et que la neige disparaît, de nombreux invertébrés, ou insectes, qui passent l’hiver en dormance demeurent cachés en attendant que les choses se tassent et que les sources de nourriture fassent leur apparition. Si certains passent l’hiver en dormance à l’état adulte, bon nombre de nos espèces diurnes et nocturnes de papillons passent l’hiver sous forme de chrysalides bien dissimulées, cachées dans les amoncellements de feuilles et sur les tiges mortes. D’autres insectes, comme de nombreuses espèces d’abeilles indigènes, se cachent dans des terriers creusés dans le sol ou à l’intérieur de tiges creuses et de tas de bois.
Une des meilleures façons de protéger les insectes qui pourraient être encore en dormance est de laisser les plantes mortes là où elles sont!
On trouve sur Internet de nombreuses sources indiquant qu’il faut retarder les travaux de nettoyage jusqu’à ce que les températures extérieures se stabilisent à au moins 10 °C, alors que selon d’autres, il y aurait peu de preuves scientifiques à l’appui de cette recommandation. Dans certaines régions du pays, il se peut que le seuil de 10 °C de jour et de nuit ne soit pas atteint avant que l’été ne batte son plein. Il peut donc être difficile pour les gens de suivre ce conseil bien intentionné. Nous pouvons plutôt choisir d’en apprendre un peu plus et de miser sur nos connaissances pour nous aider à prendre nos décisions sur le moment et la façon de nous mettre au travail.
À l’instar de bien des aspects du jardinage, il n’y a pas de règles strictes en la matière, surtout lorsqu’il s’agit de tenir compte de la biodiversité. Chaque espèce d’invertébrés a ses propres besoins en ce qui a trait à son développement et à sa sortie de dormance (période d’inactivité). Comme les insectes ont le sang froid, leur activité biologique repose sur la température ambiante. Ils ne peuvent se développer qu’à l’intérieur d’une certaine plage de températures. Hors de celle-ci, leur développement s’arrête. Les entomologistes (spécialistes des insectes) agricoles misent sur le concept de degré-jour pour déterminer le moment où les insectes nuisibles risquent de faire leur apparition et, par le fait même, le moment opportun pour déployer des stratégies de surveillance et de contrôle en conséquence. Un degré-jour représente la quantité d’unités thermiques accumulées au fil du temps à compter d’une date donnée,en général le 1er janvier. Par la connaissance des plages de températures nécessaires aux insectes pour atteindre les stades clés de leur développement, de même que les températures quotidiennes, nous pouvons prédire, au moyen de calculs, à quel moment ils sortiront après l’hiver. Mais, comme de tels calculs nécessitent une certaine quantité d’information et une surveillance étroite des températures quotidiennes, ce n’est pas un moyen pratique ni réaliste pour le citoyen moyen qui espère éviter de déranger les insectes.
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une autre approche. L’intensité du nettoyage est vraiment déterminante. Les tâches habituelles associées au début du printemps, comme l’élagage des plantes vivaces et des arbres, ne dérangent pas nécessairement la faune. Mais, pour plusieurs, le nettoyage du jardin et de la cour englobe le ratissage des feuilles et de la végétation mortes, que l’on met dans des sacs, puis à la rue en prévision de leur ramassage. Dans bien des cas, cela peut entraîner l’élimination de beaucoup d’insectes en dormance et en développement. Si vous ratissez, une approche plus délicate pourrait consister à faire un petit tas et à le laisser se décomposer, afin de donner une chance de survie à ce qui vit dans votre jardin. Vous pouvez aussi utiliser les débris ratissés comme paillis dans le jardin et autour des arbres, ce qui contribue aussi à nourrir l’écosystème du sol. Il faut toutefois faire attention, certaines créatures vivent aussi dans les premiers centimètres du sol. Il est donc judicieux de ne pas le recouvrir complètement! Il est même préférable de couper ce qui doit être taillé et de laisser les déchets dans le jardin.
Il est également recommandé d’éviter de travailler le sol trop tôt, voire d’éviter tout simplement de le travailler! À nos yeux, le sol peut sembler assez uniforme, mais si on s’imaginait de la taille d’un insecte, on verrait que les premiers centimètres du sol se transforment en un habitat riche et organisé. Le travail du sol peut détruire les terriers et contribuer au compactage, privant ainsi le sol de sa structure et le rendant dense et dur, ce qui n’est bon ni pour les plantes ni pour la vie du sol.
Une des meilleures façons d’encourager la biodiversité dans sa cour ou son jardin est de laisser une zone non aménagée, c’est-à-dire à l’état sauvage. Cela permet à nos amis invertébrés de bénéficier d’un abri et de sources de nourriture indigènes.
Un petit bémol à cette approche de nettoyage en douceur, cependant : si elle favorise la survie des insectes bénéfiques, elle peut aussi aider ceux dont nous ne voulons pas vraiment et que nous considérons comme des nuisibles. Mais, c’est un bien petit prix à payer pour favoriser la survie des autres!
Alors, peu importe comment vous déciderez d’aborder le nettoyage de votre terrain ce printemps, souvenez-vous qu’un petit ajustement de nos habitudes peut parfois avoir des bienfaits importants sur les bestioles qui nous entourent!
par Renée-Claude Goulet
La datation d’arbres anciens à l’aide de supernovæ : une façon novatrice de déterminer des dates dans l’histoire ancienne de l’humanité
En l’an 1021 de notre ère, à L’Anse aux Meadows, à Terre-Neuve, un Viking a abattu un arbre qui a servi à construire une longue maison. Cette affirmation peut sembler anodine, mais la possibilité d’inscrire une date exacte sur un tronc d’arbre provenant d’un site archéologique constitue une façon novatrice de déterminer l’âge d’objets en bois dans les archives archéologiques.
Pour les chercheurs de nombreux domaines, il est essentiel de connaître l’âge des objets, car il fournit des renseignements contextuels fondamentaux sur ce qui se passait dans le monde à l’époque : environnement, faune et flore, climat, cultures humaines, technologies et croyances qui avaient cours.
Voilà pourquoi les scientifiques ont mis au point toute une série de techniques créatives pour déterminer l’âge des objets. Ces techniques vont de la mesure de la radioactivité de certains éléments à la recherche de pollen ancien, en passant par l’observation des molécules de protéines et la mesure du magnétisme des roches. Chaque méthode varie selon son degré de précision, les matériaux sur lesquels elle fonctionne et la fourchette d’âge qu’elle peut livrer. Toutefois, jusqu’à maintenant, aucune ne pouvait donner une année précise.
Chaque année, les arbres créent un nouvel anneau dans leur tronc. L’analyse de ces anneaux de croissance peut nous en apprendre beaucoup sur le monde à l’époque où a vécu l’arbre, y compris sur les événements cosmiques majeurs.
Cette nouvelle méthode repose sur les rayons cosmiques et les anneaux de croissance des arbres. De temps à autre, des événements cosmiques, comme les éruptions solaires bombardent la Terre de rayons cosmiques. Lorsque ces rayons entrent en collision avec l’azote gazeux de l’atmosphère, la réaction peut créer des atomes de carbone plus lourds que la moyenne. En respirant du CO2, les arbres absorbent ce carbone lourd et en emmagasinent une partie dans leurs anneaux annuels.
En mesurant le carbone qui se trouve dans les anneaux de croissance des arbres, les scientifiques peuvent déterminer lesquels (et donc quelles années) ont subi un bombardement important de rayons cosmiques. Ces événements portent le nom d’« événements Miyake », du nom de Fusa Mikaye, qui a découvert ces marqueurs temporels dans les anneaux des arbres.
Au moment de la rédaction de cet article, 10 ou 11 événements Miyake avaient été identifiés (et certains doivent encore être vérifiés) au cours des 15 000 dernières années. Comme les événements Miyake se répercutent à l’échelle de la planète, ils constituent pour les chercheurs des points de repère pouvant servir à dater avec exactitude des objets en bois dans le monde entier : bâtiments, navires, bois de construction ou clôtures.
Cette technique offre un niveau de précision sans précédent pour déterminer l’âge d’objets datant des 50 000 dernières années. Les documents écrits fiables ne remontent qu’à environ 2 500 ans et sont limités aux sociétés qui les ont conservés. La datation par radiocarbone ne livre que des dates approximatives, et non des années exactes. La chronologie exacte des civilisations anciennes demeure un grand mystère que les événements Miyake peuvent contribuer à résoudre. Songeons notamment à la concordance entre le calendrier maya et le nôtre, la date à laquelle remonte la construction des pyramides ou la date à laquelle d’anciennes éruptions volcaniques ont détruit certaines civilisations, comme celle des Minoens. Il s’agit d’une autre façon de faire appel à la science pour élucider des mystères qui ont été obscurcis par le passage du temps.
par Michelle Campbell Mekarski
Mission Europa Clipper : L’énigmatique lune de Jupiter est-elle habitable?
La très attendue mission Europa Clipper de la NASA, dont le lancement est prévu pour octobre 2024, se profile à l’horizon. La sonde Europa Clipper devrait atteindre la lune Europe de Jupiter d’ici 2030, après un voyage de cinq ans et demi. La sonde sera en orbite autour de Jupiter et effectuera des douzaines de survols rapprochés de la lune glacée. La mission a pour principaux objectifs de déterminer si la lune Europe a le potentiel d’abriter la vie, d’en analyser la composition et d’en étudier la géologie.
Vue composite en couleur d’Europe, lune de Jupiter, captée par la sonde Galileo dans les années 1990, montrant la diversité des motifs de sa surface.
Europe est l’une des quatre grandes lunes galiléennes de Jupiter. Sa taille équivaut à environ 90 % de celle de la lune de la Terre, mais c’est un monde très différent. La surface gelée d’Europe est recouverte de glace d’eau, avec des températures d’environ -200 °C aux pôles. La surface est constituée d’un entrecroisement de crêtes et de fractures, et de terrains chaotiques irréguliers ressemblant à des radeaux de glace (voir l’image en gros plan). Des preuves irréfutables indiquent l’existence d’un vaste océan liquide d’eau salée à des kilomètres sous sa surface glacée, renfermant beaucoup plus d’eau que tous les océans de la Terre réunis. De plus, les scientifiques soupçonnent l’existence d’une source de chaleur hydrothermale sous l’océan, qui serait à l’origine d’éruptions glacées sous forme de minces panaches d’eau éjectés à plus de 160 km au-dessus de la surface et que la sonde Europa Clipper a notamment pour mission d’analyser.
Gros plan de radeaux de glace à la surface de la lune Europe, capté par la sonde Galileo en 1998.
Comment pouvons-nous savoir s’il y a un océan?
L'existence d'un océan salé souterrain est fortement étayée par divers facteurs, l'un des plus importants étant une perturbation du champ magnétique de Jupiter causée par Europe, selon ce qu’a identifié la sonde spatiale Galileo. Cette perturbation peut s'expliquer par la présence d'un fluide conducteur sous la surface, en l'occurrence, de l'eau. Les fractures et l'absence de hautes falaises ou de montagnes à la surface ne correspondent à aucun modèle lié à la tectonique ou aux marées, et seraient logiques si la glace de surface se déplaçait de manière indépendante. L'absence de cratères d'impact en abondance suggère également que la surface est relativement jeune et que des matériaux peuvent circuler entre la surface et l'intérieur.
De la vie sur la lune Europe?
D'après nos connaissances actuelles, la vie a besoin d'eau à l’état liquide, d'une source d'énergie, comme le Soleil, et de molécules organiques. Fait à noter, on croit que chacun de ces facteurs existe sur la lune Europe, ce qui en fait un milieu idéal pour vérifier la présence de conditions propices à la vie sur un monde océanique glacé situé dans les confins du système solaire. De plus, la lune Europe fait partie des quatre mondes océaniques potentiellement susceptibles d'abriter la vie.
La mission Europa Clipper marque une étape décisive dans l'élucidation des mystères d'Europe et de la perspective d'une vie au-delà de la Terre. La mission vise également à cartographier les sites d'atterrissage potentiels en vue d'une éventuelle collecte d'échantillons à l'avenir. En outre, l'impatience grandit avec la prochaine mission JUICE qui s’apprête à étudier les autres lunes glacées de Jupiter. Imaginez ce que nous découvrirons bientôt!
par Cassandra Marion
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