« La grenouille est-elle gibier ou poisson? Là est le chiendent. » Un bref coup d’œil sur l’histoire de la raniculture au Canada et au Québec, partie 1
Ne fermez pas cette page Web, ami(e) lectrice ou lecteur dérangé(e) / alarmé(e) par notre sujet d’aujourd’hui! Votre humble serviteur réalise fort bien que l’élevage des grenouilles pour fin de consommation de leurs cuisses, en d’autres mots la raniculture, peut être un sujet passablement rebutant. Cela étant dit (tapé?), il s’agit là d’un sujet qui s’intègre fort bien au mandat du Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, à Ottawa, Ontario, une institution muséale frère / sœur du formidablement bon Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, lui aussi situé à Ottawa.
Ce sujet s’intègre d’autant mieux à notre blogue / bulletin / machin qu’il s’agit du premier sujet de nature agricole ou alimentaire présenté en ces lieux virtuels depuis le mois d’août 2022. Toutes mes excuses.
De plus, la viande de grenouille renferme des tonnes de protéines, seulement une trace de matière grasse et pas l’ombre d’un glucide (hydrate de carbone). Une viande santé d’une délicatesse et d’une blancheur exceptionnelle, mais un tantinet insipide, en somme.
Avant d’aller plus loin, je me dois de souligner que j’ai mangé des cuisses de grenouilles à quelques reprises, dont, peut-être, 1 ou 2 fois en France. J’oublie. Je me fais vieux. Ça n’est certes pas mauvais du tout, surtout avec du beurre à l’ail, mais je peux comprendre que vous ne partagez pas cette opinion. Cela étant dit (tapé?), votre humble serviteur n’est pas le seul consommateur occasionnel ou habituel de cuisses de grenouilles sur notre grosse bille bleue. Nenni.
La viande de grenouille se consomme depuis fort longtemps dans des pays d’Asie (Cambodge, Indonésie, Thaïlande et Vietnam par exemple) et d’Europe (Albanie, Bulgarie, Espagne, Grèce, Italie, Portugal, Roumanie et Slovénie par exemple). Elle se consomme aussi en France, bien sûr.
Croiriez-vous que, bon an, mal an, il se consomme chaque année environ 4 000 tonnes métriques (4 000 tonnes impériales / 4 400 tonnes américaines) de cuisses de grenouilles en France, le principal consommateur européen de cette source de protéines animales? Ce total correspond toutefois à moins de 0.1 % de la quantité totale de viande animale consommée annuellement dans ce pays passablement carnassier. Dans les faits, chaque Française ou Français, peu importe son âge, ne consomme qu’environ 60 grammes (environ 2.1 onces) de viande de grenouille par an.
Aux dires des personne bien informées, j’espère, à peine 1 ou 2 % de la viande de grenouilles consommée en France provient de sites français. Tout le reste vient de Turquie et d'Albanie (grenouilles vivantes ou viande fraîche) et, bien davantage, du Vietnam et d'Indonésie (viande surgelée).
En guise de comparaison, bon an, mal an, il se dévore environ 10 000 tonnes métriques (10 000 tonnes impériales / 11 000 tonnes américaines) de viande végétale / végétalienne chaque année en France, ce qui revient à dire (taper?) que chaque Française ou Français, peu importe son âge, consomme environ 150 grammes (environ 5.3 onces) de viande végétale / végétalienne par an.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, les cuisses de grenouilles végétales / végétaliennes existent, tout comme les crevettes et le thon végétales / végétaliennes. (Bonjour, EP!) Vous pouvez aller en ligne et rechercher de tels produits si vous ne me croyez pas, mais pas maintenant.
Soit dit en passant, les cuisses de grenouilles ne font pas leur apparition dans l’alimentation de notre espèce en sol français. Nenni. On peut supposer que nos très lointains ancêtres tirent rapidement profit de cette source de protéines relativement facile à facile à capturer et préparer. De fait, des fouilles effectuées en 2013, dans le sud de l’Angleterre, si, si, de l’Angleterre, sur un site vieux d’environ 10 000 ans révèlent que des grenouilles sont au menu. En guise de comparaison, les premières mentions de consommation de grenouilles en France datent peut-être du 12ème siècle.
Me permettriez-vous de citer les premières lignes d’une chanson de l’auteur / compositeur / interprète montréalais Jean Chevrier, une chanson immortalisée par un géant de la chanson québécoise, l’acteur / auteur / compositeur / interprète / musicien Robert Charlebois? Vermouilleux!
Ton beurre est dur pis tes toast sont brûlées.
Ton lait est sûr, ton jaune d’œuf est crevé.
T’as pus d’eau chaude pour te faire un café instantané.
You’re a frog, I’m a frog, kiss me. And I’ll turn into a prince suddenly.
Donne-moi des peanuts, j’m’en va te chanter Alouette sans fausse note.
The frog song est sortie en 1976, alors que Alouette est sortie vers 1879, comme vous le savez bien, ami(e) lectrice ou lecteur, après avoir lu les articles de septembre et octobre 2022 de notre blogue / bulletin / machin sur le premier satellite artificiel canadien, Alouette.
Et oui, de nombreux Canadiens anglophones qualifiaient (qualifient encore?) leurs compatriotes francophones de frogs, en français grenouilles, et pas toujours de manière amicale, tout comme de nombreux Britanniques qualifiaient (qualifient encore?) leurs voisins français de grenouilles, et pas toujours de manière amicale, mais revenons à notre histoire.
Votre humble serviteur n’a pas l’intention de titiller vos petites cellules grises en ce nébuleux jour de novembre par l’entremise d’un texte sur la raniculture française. Nenni. Je prévois les titiller par l’entremise d’un texte sur la raniculture canadienne et québécoise.
À vos marques, prêtes, sautez!
Désolé.
Je dois avouer bien aimer la chanson Jump, en français saute!, sortie en décembre 1983 (!), du groupe de rock américain Van Halen, mais peut-être pas autant que la chanson Thunderstruck, sortie en septembre 1990, du groupe de rock australobritannique AC/DC. (Bonjour, EP et EG!)
Contrairement à ce que vous pourriez croire, et à ce que je croyais moi-même, la raniculture a une assez longue histoire au sein des peuples européens qui ont exploité / envahi / colonisé l’Amérique du Nord.
En sol canadien, vers 1880, pendant la saison estivale, la demande pour des cuisses de grenouilles dans les grands hôtels ontariens de la région des chutes Niagara atteint un niveau tel que les fournisseurs ne parviennent pas à satisfaire la demande.
Il y a quelques grenouillères au Canada au plus tard en 1886, dont une, importante, aux environs de Waterloo, Ontario. La demande se maintient toutefois à un niveau tel que les fournisseurs ne parviennent pas à satisfaire la demande.
La question est de savoir en quoi consiste les grenouillères canadiennes. Le présence de barrières ou enclos peut rarement être confirmée, pas plus que la fourniture régulière d’aliments d’ailleurs. Une grenouillère canadienne peut fort bien n’être qu’un ou quelques marais ou marécage(s) dont la population est accrue, ou pas, au printemps par l’ajout d’œufs trouvés dans des marais ou marécages avoisinants.
De fait, le propriétaire de la grenouillère de la région de Waterloo ne nourrit pas les grenouilles dont il supervise la capture, de nuit, à l’aide de flambeaux. Alors âgés de 4 ou 3 ans, les batraciens sont placés dans de petites mares facilement asséchables au moment de la récolte.
Soit dit en passant, il y a fort à parier que les batraciens élevés / chassés pour leur viande sont des grenouilles mugissantes / grenouilles-taureaux / ouaouarons / wawarons. Cette espèce, la plus grosse grenouille nord-américaine, peut mesurer jusqu’à 46 centimètres (18 pouces) de long, pattes étendues, et peser jusqu’à 800 grammes (1.75 livre).
Votre humble serviteur se souvient d’avoir attrapé des grenouilles-taureaux il y a des éternités, il y a environ 55 ans en fait. Elles étaient grosses et avaient de GROSSES cuisses. Manger ces cuisses aurait semblé injuste, et vraiment dégoûtant.
Quel que soit l’intérêt d’un certain nombre d’épicuriens canadiens, le fait est que le gros de la demande au cours des années 1880 vient des États-Unis. Aux dires du commissaire des pêcheries de New York, l’état et non la ville, Eugene G. Blackford, une bonne partie des cuisses de grenouilles vendues à New York, la ville et non l’état, provient du Canada. Un seul étal en vend environ 90 kilogrammes (200 livres) par jour vers mars 1881, par exemple.
Croiriez-vous que, selon le magazine français La Chasse illustrée, il se vend vers 1890 entre 1 000 et 1 500 kilogrammes environ (2 200 à 3 300 livres environ) de cuisses de grenouilles dans les marchés de la ville de New York, et ce pratiquement à tous les jours?
Ces amphibiens sont souvent livrés vivants, dans des barils / tonneaux bourrés d’herbe humide et mousse. Cette méthode est à ce point efficace que d’aucuns (Américains? Canadiens?) l’utilisent pour expédier des grenouilles en France.
Vous comprendrez que les propriétaires américains d’élevages de grenouilles n’aiment pas tant que ça leurs concurrents canadiens.
Soit dit en passant, une mesure législative tarifaire américaine, le Dingley Act de 1897, ou une mise à jour du dit acte décrétée en février 1904 par le secrétaire au trésor, Leslie Mortier Shaw, place les cuisses de grenouilles dans la catégorie dite dressed poultry, ou volaille parée. Et oui, la viande de grenouille canadienne qui entre aux États-Unis est sujette à des tarifs passablement salés.
La situation des dits propriétaires américains aurait pu s’aggraver considérablement. Ne l’oublions pas, les gouvernements canadien et américain signent un accord de réciprocité / libre échange en janvier 1911. Cet accord joue un rôle significatif dans la défaite du gouvernement canadien, et de l’accord de réciprocité, lors de l’élection générale de septembre 1911. Le premier accord de réciprocité / libre-échange nord-américain pleinement mis en œuvre, le fameux Accord de libre-échange nord-américain, n’entre en vigueur qu’en janvier 1994.
Il est à noter que la viande de grenouille compte apparemment parmi les rares produits (agricoles?) non couverts par les hauts tarifs douaniers instaurés par le ministre des Finances du Canada, sir Samuel Leonard Tilley, à partir de 1878, dans le cadre de la Politique nationale du premier ministre de l’époque, sir John Alexander Macdonald – un personnage mentionné dans un numéro de juillet 2021 de notre blogue / bulletin / machin.
Il est à noter que les grenouilles ontariennes sont, dit-on, passablement plus grosses que leurs rivales du New Jersey ou de New York, soit entre 115 et 150 grammes environ (4 à 5.3 onces environ) par paire de cuisses d’une part et moins de 40 grammes environ (1.3 once environ) d’autre part. Des grenouilles du Tennessee et du Missouri, le principal état producteur aux environs de 1900, la dernière année du 19ème siècle, seraient plus grosses encore, avec entre 190 et 230 grammes environ (6.7 à 8 onces environ) par paire de cuisses.
Les cuisses des grosses grenouilles missouriennes, ontariennes et tennessiennes se vendent entre 85 ¢ et 1.35 $ le kilogramme environ (38.5 à 61.5 ¢ la livre environ), ce qui correspond à entre un peu moins de 37.40 $ à 59.80 $ le kilogramme (un peu moins de 17$ à un peu plus de 27 $ la livre environ) en devises canadiennes 2022.
En guise de comparaison, le blanc de poitrine de poulet désossé se vend apparemment un peu moins de 20 $ le kilogramme (un peu plus de 9 $ la livre) à Ottawa, en 2022.
Votre humble serviteur serait négligent si je n’insérais pas ici, maintenant, une citation provenant d’un des grands quotidiens français de l’époque, Le Journal de Paris. Si des Américains prétendent que les meilleures grenouilles au monde grandissent chez eux,
il est généralement admis que les Canadiens sont de première force pour tout ce qui concerne la préparation de la cuisse de grenouille. Les marchands canadiens ont, paraît-il, un ‘tour de main,’ une habileté spéciale qui leur permet de présenter très avantageusement leurs produits et de battre sur tous les marchés leurs concurrents des États-Unis.
Une bonne partie du texte paru dans Le Journal, en août 1900, paraît ce même mois dans Les Débats, un éphémère (1899-1904) hebdomadaire de combat de Montréal, Québec, dont les prises de position font parfois / souvent grimper dans les rideaux proverbiaux des représentants des fort conservatrices élites laïques et religieuses du Québec.
Un détail avant que je ne l’oublie. Au début des années 1880, la Société nationale d’acclimatation de France fonde un prix visant à encourager l’implantation de la grenouille-taureau en France. Des expériences ont lieu en région parisienne mais les (rares?) survivantes et survivants ne tardent pas à s’évanouir dans la nature. La société poursuit ses efforts au moins jusqu’en 1913-14, mais sans grand résultat. Ces efforts tiennent au fait que les cuisses du batracien nord-américain font 4 fois celles de la grenouille française typique (grenouille rieuse?). Le féroce géant nord-américain pourrait par ailleurs aider le paysan français, croit-on, en bouffant force souris et jeunes rats.
Ce paysan français peut fort possiblement se compter chanceux que les efforts d’acclimatation aient échoué. En effet, l’introduction du crapaud buffle en Australie en 1935-37, pour limiter l’infestation d’insectes qui ravagent alors les plantations de canne à sucre, tourne à la catastrophe. La présence du batracien d’Amérique centrale et du Sud n’a aucun impact sur les insectes. Pis encore, cet animal vorace s’en prend à tout ce qui lui tombe sous la langue. Et ce n’est pas tout. Les redoutables toxines présentes tant chez les têtards de crapauds buffles que chez les adultes provoquent une baisse non négligeable des populations de certains reptiles prédateurs australiens, mais revenons à notre sujet.
Saviez-vous qu’une grenouillère d’importance entre en existence non loin de Fredericton, Nouveau-Brunswick? En 1899, son propriétaires, un certain Coleman, expédie 50 barils de (cuisses de?) grenouilles à Boston, Massachusetts.
Votre humble serviteur se demande si ce gentilhomme est Frederick B. « Fred » Coleman, propriétaire du Barker House Hotel, un établissement connu d’un bout à l’autre de l’Amérique du Nord à une certaine époque, dit-on. L’item qui fait la renommée de Coleman et son hôtel est aujourd’hui le plus connu de tous les artefacts en montre au Musée de la région de Fredericton, une petite institution muséale opérée par la York Sunbury Historical Society. L’artefact en question est la grenouille Coleman.
Cette belle histoire commence à une date indéterminée au cours des années 1880 – en 1885 ou 1889 peut-être. Un beau jour alors qu’il pêche sur le lac Killarney, au nord de Fredericton, Coleman a la surprise de voir un animal faire surface près de sa chaloupe, avant de foncer vers lui. Un tant soit peu inquiet, il rame vigoureusement vers la rive. C’est alors qu’une grenouille, selon toute vraisemblance une grenouille-taureau, saute dans la dite chaloupe. Surpris, il décide de faire un animal de compagnie de ce batracien qui, dit-on, pèse alors environ 3.2 kilogrammes (7 livres).
Le dit batracien semble accepter sa nouvelle vie (captive?) sans trop de difficulté, et ce même si l’alimentation que lui fournit Coleman après de nombreuses offres infructueuses ne ressemble en rien à son régime habituel. En effet, connaissez-vous une grenouille-taureau qui se tape du petit lait et du whisky 7 jours semaine?
Une autre version de l’histoire, mise à jour dans un quotidien de l’époque et peut-être plus exacte, à supposer que la grenouille Coleman soit autre chose qu’une légende urbaine bien sûr, mentionne un menu fait de farine de maïs et… de sang – une forme de sustentation suggérée à Coleman vers 1890, dit-on, par un acteur américain bien connu, Joseph « Joe » Jefferson III, alors que celui-ci se trouve dans la région de Fredericton avec quelques amis.
Et non, votre humble serviteur ne sait pas comment Jefferson est tombé sur ce régime improbable.
Coleman nourrit par la suite sa grenouille 2 fois par semaine, avec une pelle, dit-on, au grand plaisir de visiteuses et visiteurs qui sont simplement abasourdi(e)s. Deux de ces visiteurs sont, dit-on, l’ex secrétaire à la marine des États-Unis, Benjamin Franklin Tracy, et un futur gouverneur du Massachusetts, William Eustis Russell.
Le plus surprenant, c’est que la grenouille semble beaucoup apprécier sa diète peu commune. De fait, elle devient de plus en plus grande au fil des semaines et mois.
Les liens entre Coleman et sa grenouille suivent une trajectoire similaire. Le batracien va à la rencontre de son humain lorsque celui-ci l’appelle ou fait sonner une cloche ou joue du cor. Il le suit souvent comme un chien, enfin, comme un chien qui saute au lieu de marcher ou courir. La grenouille, parfois un tantinet timide, accepte néanmoins assez souvent de divertir les invité(e)s de Coleman. Elle remorque alors des chaloupes et fait même la course avec des chats.
Frederick B. Coleman et sa grenouille. Anon., « Talking to the largest frog in the world. » The Halifax Herald, 3 juillet 1903, 8.
La grenouille Coleman n’est peut-être pas aussi grosse qu’un bœuf mais elle fait finalement osciller la balance à environ 19 kilogrammes (42 livres). Elle mesure environ 1.6 mètre de long (environ 5 pieds 4 pouces) de long, pattes étendues. Je ne plaisante pas.
Tragiquement, la grenouille Coleman périt environ 8 ans après sa rencontre avec son humain, suite à une explosion causée selon certains / plusieurs par des braconniers qui pêchent dans le lac où elle a élu domicile en faisant appel à de la dynamite.
Si je peux me permettre d’ouvrir une parenthèse, la chasse à la grenouille pratiquée à la grenade à main par une des triplettes de Belleville, Blanche, Rose ou Violette, dans le film d’animation belgo-franco-québécois Les Triplettes de Belleville, sorti en mai 2003, est évidemment on ne peut plus illégale – et dangereuse. Mis à part la scène du souper et de sa préparation, un tantinet dérangeante je dois l’avouer, ce film vaut vraiment, mais alors là vraiment, vraiment, la peine d’être vu. Plus d’une fois. Fermeture de la parenthèse.
Comme vous pouvez l’imaginer, Coleman est inconsolable suite au tragique décès de son ami amphibien. Il récupère son corps et le fait parvenir à un taxidermiste de Bangor, Maine. Une fois naturalisée, la grenouille est placée dans une vitrine bien en vue au Barker House Hotel.
Selon une autre version de l’histoire, Coleman fait fabriquer une reproduction grandeur nature de son défunt ami.
La grenouille ayant perdu sa vitrine protectrice à une date indéterminée après le décès de Coleman, en 1901, des clients masculins plus ou moins ivres du Barker House Hotel commencent à écraser leurs cigares sur sa surface, ce qu’ils jugent très amusant. Constatant des dégâts de plus en plus sérieux, la direction de l’hôtel défraye les coûts d’une restauration bâclée qui affecte beaucoup l’apparence de la grenouille.
La grenouille Coleman fait son entrée dans la collection du York Sunbury Museum, comme on appelle alors le Musée de la région de Fredericton, en 1959, suite au décès du fils de Coleman.
Immédiatement mise en exposition, la grenouille Coleman se voit reléguée quelques / plusieurs années plus tard au grenier d’une garage en banlieue de Fredericton. Cet exil découle du fait que quelques / plusieurs citoyens influents de la ville croient que la saga de la grenouille Coleman n’est rien d’autre qu’une légende urbaine.
Des recherches subséquentes laissant entendre que la dite saga semble basée sur certains faits, le grenouille retrouve sa place d’honneur au York Sunbury Museum.
L’Institut canadien de conservation d’Ottawa, un organisme fédéral connu mondialement, examine et répare la grenouille Coleman vers 1987-88. Son personnel conclut supposément que les techniques de naturalisation utilisée sur elle sont compatibles avec celles de la fin du 19ème siècle. D’autres tests devant prouver ou réfuter l’authenticité de la bête s’avèrent malheureusement non concluants. Cela étant dit (tapé?), l’examen, les réparations et / ou des tests montrent apparemment que la grenouille Coleman est une dame grenouille, ce qui lui vaut par la suite le charmant nom de Cornelia Webster. Je ne plaisante pas, et…
Vous pouvez agiter votre main dans l’éther aussi longtemps que vous voudrez, ami(e) lectrice ou lecteur. Je ne sais pas du tout pourquoi ou par ce qui ce nom est choisi.
Arrivé à ce point final de cette biographie de la grenouille Coleman, votre humble serviteur se doit de mentionner que le Musée de la région de Fredericton peut, je répète peut, avoir choisi de ne pas laisser des chercheurs effectuer des tests sur sa grenouille pour prouver ou réfuter son authenticité.
Si je peux me permettre, je dois avouer ne pas croire en l’authenticité de la grenouille Coleman. Je ne suis certes pas le seul. De fait, on peut se demander jusqu’à quel point le personnel du Musée de la région de Fredericton croit que sa grenouille est authentique. Cela étant dit (tapé?), la grenouille Coleman est un élément précieux et extraordinaire de l’histoire de Fredericton.
Le rabat-joie sheldonien en moi ferait preuve de négligence si je ne mentionnais pas que le plus gros exemplaire connu de la plus grosse grenouille connue à ce jour, la bien nommée grenouille géante / grenouille goliath, une espèce africaine, pesait environ 3.6 kilogrammes (un peu moins de 8 livres). Ce spécimen capturé au Kamerun, ou Cameroun allemand, en 1889, mesurait environ 88 centimètres de long (2 pieds 10.5 pouces), pattes étendues.
Cette espèce de batracien étant bien vivante de nos jours, vous vous demandez sans doute, ami(e) lectrice ou lecteur aimant bien les animaux, si une espèce éteinte était encore plus grosse. Et oui, c’est apparemment le cas. Une espèce de crapaud vivant il y entre 65 et 70 millions d’années dans ce qui est aujourd’hui l’île de Madagascar faisait osciller la balance à environ 4.5 kilogrammes (environ 10 livres). Son nom? Beelzebufo ampinga, ou crapaud de Belzébuth à bouclier. Charmant, n’est-ce pas? Aussi terrifiant qu’ait été ce prédateur pour tout animal pouvant être avalé, des insectes aux dinosaures fraîchement éclos (!), on est toutefois loin des 19 kilogrammes (42 livres) de la grenouille Coleman.
Mais si vous croyez que cet amphibien est impressionnant, permettez-moi de vous présenter Prionosuchus, un animal de ce qui est aujourd’hui le Brésil similaire en apparence, mode de vie et taille à un crocodilien piscivore vivant de nos jours en Inde, le gavial du Gange. Disparu il y a environ 270 millions d’années, Prionosuchus pouvait atteindre 5.5 mètres (18 pieds) de long, ce qui en fait le plus imposant amphibien ayant jamais vécu – en autant qu’on le sache. Son poids potentiel? Jusqu’à 1 250 kilogrammes environ (2 750 livres environ). Méchantes cuisses…
Constatant votre état de choc, votre humble serviteur croit qu’il est temps de clore cette première partie de notre article sur la raniculture.
Que voulez-vous que je vous dise, pendant ma lointaine jeunesse, alors que des dinosaures hantaient encore les ruelles de ma ville natale, Sherbrooke, Québec, je rêvais parfois du jour où j’irais dans un coin perdu de la planète afin de mettre à jour des fossiles de ces incroyables animaux. Plus tard, j’ai dû abandonner ce rêve, soupir… Soyez maudites, algèbre et physique! En fait, je devrais être reconnaissant envers l’algèbre et la physique, car les choses se sont plutôt bien passées au final. (Bonjour EP, EG et bien d'autres!)
À la semaine prochaine.