« On dirait une clé à tube animée, » mais il a volé il y a 70 ans, 2 mois et 6 jours; Ou, Comment un Blériot Type XI fabriqué Alberta a effectué un vol aller-retour illégal d’une heure et 40 minutes entre Calais à Douvres en juillet 1955, partie 3
Bienvenue, bienvenue, ami(e) lectrice ou lecteur. Concluons sans plus attendre la saga du Blériot Type XI de fabrication albertaine qui effectue un vol aller-retour illégal d’une heure et 40 minutes entre Calais, France, à Douvres, Angleterre, en juillet 1955.
Trois jours après le vol réussi entre la France et l’Angleterre réalisé le 28 juillet 1955 par le Français Jean-Baptiste Salis, Jean Henri Brion Chopin de La Bruyère, co-propriétaire de cet aéronef, est prêt à effectuer sa propre traversée. Et oui, il avait remonté lui-même le Type XI, possiblement avec l’aide d’un mécanicien français.
De La Bruyère n’était certes pas passé inaperçu. Nenni. Un correspondant spécial du renommé bimensuel français Aviation Magazine, Lucien Espinasse, parle (tape?) d’un « très jeune grand seigneur » aux « magnifiques yeux bleus illuminant un visage racé qui rappelle fort Louis Breguet, » son grand-père et un pionnier français de l’aviation, vous vous souviendrez.
De La Bruyère conduit par ailleurs une voiture de sport de luxe britannique, une Jaguar XK120 ou XK140 pour être plus précis, encore immatriculée au Royaume-Uni, qu’il avoue avoir poussée jusqu’à 210 kilomètres/heure (130 milles/heure), possiblement sur des routes de campagne près de Calais. Yee-ha! Et oui, il marche encore avec une canne à ce moment-là.
Salis peut, je répète peut, avoir envoyé sa propre remorque à Antwerpen / Anvers, Belgique, pour récupérer le Type XI de son rival et l’amener à Calais, un geste très sportif si votre humble serviteur peut l’affirmer, mais je digresse.
Des représentants du Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale du ministère des Travaux publics et des Transports font toutefois rapidement éclater la bulle de de La Bruyère. Ils l’empêcheraient de décoller jusqu’à ce qu’il obtienne une autorisation de leurs supérieurs à Paris, France. Les dits peuvent fort bien savoir que l’immatriculation du Type XI de de La Bruyère avait été annulée par le ministère des Transports du Canada.
Remarquez, il est suggéré que les autorités françaises auraient cloué au sol le Type XI en raison d’un trafic aérien exceptionnellement intense, plus de 100 vols par jour, à l’aéroport de Calais, près de Marck, France.
Malgré tout, de La Bruyère réussit cependant à effectuer quelques brefs vols d’essai.
Il est suggéré que de La Bruyère saisit également un pot de peinture rouge et voile l’immatriculation canadienne désormais inutile du Type XI. Intrigué par cette action, une personne en autorité à l’aéroport lui aurait demandé pourquoi il avait fait cela. De La Bruyère aurait plaisanté : « Pas de numéro d’identification, pas de nationalité – pas de permis nécessaire pour voler. » Cette suggestion se révèle toutefois totalement infondée. L’immatriculation n’est pas voilée.
De La Bruyère décolle subrepticement vers Douvres le 31 juillet, avec un aéronef d’escorte à sa suite, le pilote d’un second aéronef ayant décidé de rester sur place car le temps était un tantinet trop mauvais à son goût – et ce n’était pas lui qui pilotait le fer à repasser volant. En d’autres mots, le Type XI.
Le bouchon du réservoir d’huile du Type XI se desserre toutefois rapidement. Le visage et les lunettes de protection couvert(e)s d’huile, de La Bruyère ne voit rien. Évitant des nappes de brouillard, le jeune pilote n’a d’autre choix que de regagner l’aéroport de Calais. Un rouleau de ruban adhésif est bientôt mis à contribution. Je ne plaisante pas.
Alors que quelques hommes poussent le Type XI vers la piste, ils ne voient pas un marqueur de piste. Le gouvernail de profondeur de l’aéronef le heurte et est endommagé. Le rouleau de ruban adhésif est peut-être utilisé une seconde fois.
De La Bruyère, semble-t-il, n’a vraiment pas de chance.
Le jeune pilote réussit à décoller une seconde fois, ce qui soulève une question intéressante : que fait le personnel de l’aéroport pendant tout ce grenouillage? Votre humble serviteur a l’impression que notre jeune ami s’assure de décoller avant les heures de bureau, mais encore et je digresse encore.
De la Bruyère avait espéré décoller de Sangatte-Blériot-Plage, le site d’où Louis Charles Joseph Blériot avait décollé en juillet 1909, mais le Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale avait vraisemblablement opposé son veto.
A quelques kilomètres (quelques milles) de Douvres, le moteur du Type XI commence à rater et vibrer assez violemment. De La Bruyère arrive à Douvres mais n’atterrit pas. Il peut avoir craint que le Ministry of Transport and Civil Aviation britannique confisque son aéronef. Après tout, le vol que de La Bruyère tente de compléter est totalement illégal.
Quoi qu’il en soit, de La Bruyère fait une fois le tour d’une partie de Douvres et se dirige vers Calais. Et oui, son moteur se comporte toujours mal. De fait, de la fumée s’en échappe désormais. De La Bruyère doit nettoyer ses lunettes de protection couvertes d’huile au moins une fois. Les choses se détériorent tellement qu’il commence à chercher des navires, au cas où il devrait effectuer un amerrissage d’urgence. De fait, un de La Bruyère effrayé peut avoir effectué son voyage de retour en se déplaçant de navire en navire.
Le Type XI arrive enfin au-dessus de l’aéroport de Calais. Le temps est venteux et loin d’être idéal pour un atterrissage. Le personnel de la tour dégage le ciel pour faciliter cet atterrissage. Alors que l’aéronef touche la piste et commence à rouler, deux hommes se précipitent vers lui. Ils saisissent le Type XI et l’arrêtent.
Les personnes présentes sont évidemment ravies. Salis est présent pour féliciter de La Bruyère.
Le vol aller-retour de De La Bruyère avait duré environ une heure et 40 minutes.
Aimeriez-vous voir des séquences en langue française de ce vol et de ses préparatifs, sans parler de quelques séquences du vol réalisé par Salis? Eh bien, voilà…
Bien conscient que le Type XI ne volerait plus jamais s’il revenait au Canada, conscient aussi qu’il n’a pas l’argent nécessaire pour ramener l’aéronef en Alberta, de La Bruyère en fait gracieusement don à Salis ou, plus précisément, au Centre de La Ferté-Alais de ce dernier, un musée volant situé près de… La Ferté-Alais, France, au sud de Paris.
Le jeune pilote le fait après avoir plaisanté, en traduction ici, qu’il aurait ramené le Type XI au Canada s’il « avait pu faire en sorte qu’un porte-avions soit ancré tous les [8 kilomètres] cinq milles à travers l’Atlantique. »
De l’argent change-t-il de main, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne question. Qui sait?
Bien qu’assez agacé par ce qui s’est passé, le Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale décide de ne pas porter plainte. Il peut toutefois avoir brièvement confisqué le Type XI avant de le restituer à son pilote. En fin de compte, les autorités françaises laissent de La Bruyère s’en tirer en l’avertissant de ne plus commettre un tel coup. Le jeune pilote est soulagé. Ses jours sauvages et fous sont terminés, déclare-t-il aux journalistes, ajoutant qu’il veut simplement retourner à Edmonton, Alberta, et à son boulot.
Croiriez-vous qu’une nageuse canadienne de 17 ans, Marilyn Grace Bell, traverse avec succès la Manche le jour même de la traversée de La Bruyère, soit le 31 juillet 1955? Je ne plaisante pas. Elle accomplit ce voyage épuisant en 14 heures et 36 minutes. À l’époque, Bell est la plus jeune personne à avoir effectuer la traversée.
Un très heureux Jean Henri Brion Chopin de La Bruyère quelques jours après son vol transmanche, Edmonton Municipal Airport, Edmonton, Alberta. Anon., « Jean de la Bruyère de retour. » La Presse, 11 août 1955, 46.
De La Bruyère passe une fin de semaine à Ottawa, Ontario, début août. Lui et son partenaire d’affaires, Alastair Auld « Sandy » Mactaggart, rencontrent quelques journalistes désireux d’entendre leur histoire.
De La Bruyère arrive à Edmonton un peu avant la mi-août. Il indique aux journalistes qui l’attendent qu’il avait traversé la Manche pour le plaisir et qu’il est heureux de reprendre son boulot.
De La Bruyère souligne toutefois que le susmentionné Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale avait facilité le vol transmanche effectué par Salis car il ne pouvait accepter qu’un étranger accomplisse cet acte de mémoire.
Il convient de noter que Salis n’a pas gardé le Type XI albertain bien longtemps. Un des studios de cinéma les plus importants de la planète Terre l’achète peu de temps avant le début du tournage, en octobre 1956, en sol américain, d’un film de guerre américain connu à l’époque sous le nom de C’est la Guerre. Warner Brothers Pictures Incorporated remet ensuite l’aéronef au directeur technique aéronautique du film, afin qu’il puisse en superviser l’exploitation.
Et oui, cette personne superviserait l’utilisation de la dizaine (?) d’aéronefs en état de vol impliqués dans l’intrigue, ainsi que la paire d’aéronefs utilisés pour filmer les scènes aériennes.
Quoi qu’il en soit, C’est la Guerre est le premier projet cinématographique du collectionneur américain d’aéronefs anciens / consultant en cinéma / pilote de cascades de films Frank Gifford Tallman III. Ce ne serait pas son dernier.
Rebaptisé With You in My Arms à un moment donné en 1957, je pense, pour mieux refléter son aspect romantique, le long métrage en question est projeté pour la première fois sur grand écran en février 1958. À cette époque, il est connu en anglais sous le nom d’Escadrille Lafayette. Le titre de la version doublée en français du film semble être C’est la Guerre.
S’il est vrai que ses séquences de vol sont bien accueillies, Escadrille Lafayette n’est pas populaire auprès de la critique ou du public, en raison de son histoire médiocre et de son jeu d’acteur sans profondeur – un problème qui afflige plusieurs (la plupart?) des films d’aviation du 20ème siècle.
Pis encore, les membres survivants de l’unité de chasse américaine de la Première Guerre mondiale connue sous le nom d’Escadrille Lafayette de même que le réalisateur du film, William Augustus Wellman, un vétéran qui avait servi dans une autre escadrille de l’Aéronautique militaire, sont tellement contrariés par ce qui est montré à l’écran qu’ils désavouent le film.
Et oui, l’escadrille Lafayette est officiellement connue sous la désignation d’escadrille N124 de l’Aéronautique militaire de l’Armée de Terre française.
S’il ne le l’achète pas réellement en 1956, Tallman acquiert apparemment le Type XI à un moment donné en 1957.
Une brève digression si je peux me le permettre. Croiriez-vous que Tallman acquiert en 1956 un biplan Farman S. 11 / MF.11 datant de 1915-16? Cet aéronef trouve finalement sa place dans la collection de ce qui est aujourd’hui le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario. Fin de la digression.
Frank Gifford Tallman III et son Blériot Type XI, Friendship International Airport, près de Baltimore, Maryland. Walter Ward, « Wing And A Prayer – 47-Year-Old [sic] Bleriot Monoplane Is Flown Over Friendship Field. » The Evening Sun, 25 juillet 1957, 56.
Le 25 juillet 1957, Tallman « reproduit » le vol transmanche effectué par Blériot le 25 juillet 1909 en parcourant la quarantaine de kilomètres (environ 25 milles) séparant Friendship International Airport, près de Baltimore, Maryland, et Andrews Air Force Base, près de Morningside, Maryland.
Ce vol effectué entièrement au-dessus de la terre ferme est effectué sous les auspices de la Air Force Association, une association qui sert d’association de vétérans et de groupe de pression sur de la puissance aérienne, dans le cadre d’une semaine de commémoration du 50ème anniversaire de la United States Air Force.
Et oui, je me rends compte que ce service est créé en septembre 1947, pas en 1909. Ce qui a eu lieu au début d’août 1907 est la création de la Aeronautical Division du United States Army Signal Corps, le premier service aérien militaire sur la planète Terre.
Tallman ne savoure pas vraiment le vol effectué le 25 juillet 1957. Voyez-vous, son casque et ses lunettes de protection lui sont arrachés du visage à peu près à mi-chemin. À partir de ce moment-là, Tallman ne peut plus voir grand-chose. Il a sans doute beaucoup de chance de terminer son voyage et d’atterrir en un seul morceau.
D’autres vols s’avèrent également problématiques, à d’autres égards.
Début mars 1957 par exemple, Tallman quitte Van Nuys Airport, à Los Angeles, Californie, à bord du Type XI pour rejoindre Palmdale Airport, à… Palmdale, Californie, à une cinquantaine de kilomètres (environ 30 milles) de là. Il entreprend ce voyage pour participer à un spectacle aérien qui doit devenir un des éléments d’un épisode de Wide Wide Word, une série télévisée documentaire populaire diffusée par un réseau de radio et de télévision américain en difficulté, National Broadcasting Company.
Alors que Tallman approche des monts San Gabriel, il se rend vite compte que le Type XI ne serait pas en mesure de les franchir. Il fait par conséquent demi-tour et se pose à Van Nuys Airport. Le Type XI est alors en partie démonté et chargé sur un camion qui effectue le voyage en toute sécurité jusqu’à Palmdale Airport.
Curieusement, Tallman contacte le ministère des Transports du Canada en juin 1959 pour voir si le Type XI avait été immatriculé au Canada. Il a besoin de cette information parce que la Civil Aeronautics Authority américaine souhaite disposer de la dite information afin de décider si le Type XI peut ou non être immatriculé aux États-Unis. Tallman est dûment informé que le Type XI avait effectivement été immatriculé au Canada à un moment donné. Grâce à cela, Tallman peut immatriculer le Type XI en septembre 1959.
Ce qui est étrange à propos de la date d’immatriculation de septembre 1959, c’est que le Type XI avait volé aux États-Unis dès 1957, comme le montre la photographie ci-dessus. De fait, il semble avoir volé pendant le tournage d’Escadrille Lafayette, fin 1956. Comment cela peut-il être, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe? Si seulement je savais.
Ceci étant dit (tapé ?), vous aurez sans doute remarqué qu’au moins une photographie du Type XI datant de juillet 1957 ne montre pas l’immatriculation visible sur celles datant du début des années 1960. Oserait-on envisager la possibilité que l’aéronef ait volé aux États-Unis avant septembre 1959 sans une immatriculation appropriée?
Votre humble serviteur se demande si l’enquête de Tallman est liée à un projet à lui de se rendre à Long Beach Airport, à… Long Beach, Californie, après avoir décollé de Catalina Airport, près d’Avalon, Californie, une ville située sur l’île Santa Catalina, une petite île au large des côtes de l’état. Pour une raison ou une autre, un nombre insuffisant de commanditaires peut-être, ce vol d’une cinquantaine de kilomètres (environ 30 milles) n’a pas lieu.
Tallman avait apparemment voulu faire la même traversée en 1957 dans le cadre d’une émission de télévision, mais ce projet avait été contrecarré par des dirigeants d’un réseau de télévision qui ne veulent pas participer à ce qu’ils pensent être un suicide. L’émission en question est-elle Wide Wide Word, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Si seulement je savais.
En octobre 1961, cependant, Tallman vole avec succès entre l’île de Santa Catalina et Long Beach lors du International Air Show organisé à Chino Airport, près de Chino, Californie. Et en voici la preuve…
Frank Gifford Tallman III et son Blériot Type XI lors du vol entre Catalina Airport, près d’Avalon, Californie, et Long Beach Airport, à Long Beach, Californie. Anon., « Relic Revives Past – 1910 [sic] Plane Flies From Catalina in 58 Mins. » Los Angeles Times, 16 octobre 1961, partie 3, 2.
Un avion et un hélicoptère accompagnent Tallman pendant son vol, pour prendre des photos et aider en cas de besoin. Le hasard veut que la Californie connaît une vague de chaleur à l’époque. La température à Long Beach est un torride 43° Celsius (110° Fahrenheit). Ayoye!
Incidemment, le voilier dans la photographie que vous venez de voir est une réplique agrandie du HMAV Bounty, le navire de la Royal Navy impliqué dans une célèbre mutinerie d’avril 1789, dans l’océan Pacifique.
Saviez-vous que la dite réplique est construite par Smith & Rhuland Limited, un chantier naval bien connu, voire célèbre, situé à Lunenburg, Nouvelle-Écosse ?
Il avait été commandé par un des grands studios de cinéma de la planète Terre, un studio américain bien sûr, Metro-Goldwyn-Mayer Incorporated, pour un film dont la première a lieu en novembre 1962. Bien que visuellement splendide, Les Révoltés du Bounty est un échec commercial.
Si je peux me permettre une parenthèse un instant, le commandant du HMAV Bounty au moment de la mutinerie, William Bligh, n’est apparemment pas le personnage peu ragoutant décrit par 3 acteurs de cinéma au fil des ans. Nenni. C’est un perfectionniste, certes, mais aussi un superbe navigateur.
Incidemment, encore, Bligh est apparemment lieutenant commandant en 1789, pas capitaine, et vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Que signifie HMAV, dites-vous? Cet acronyme signifie His Majesty’s Armed Vessel, en français navire armé de sa majesté, dis-je, marin d’eau douce.
Au fait, avez-vous remarqué que les acteurs qui incarnent Bligh (le méchant du film) et le chef des mutins (le gentil du film), Fletcher Christian, dans les 3 films sortis depuis les années 1930 sont respectivement britanniques et américains ? Il va sans dire que ces films sont américains. À bien y penser, des acteurs de cinéma britanniques / anglais sont souvent utilisés pour incarner des personnages dont la diablerie est entravée par des héros joués par des acteurs nés aux États-Unis, mais revenons à notre histoire.
Frank Gifford Tallman III et son Blériot Type XI en vol lors des activités entourant l’inauguration du Metropolitan Oakland International Airport, près d’Oakland, Californie. L’aéronef à l’arrière-plan est un avion de ligne à réaction Douglas DC-8 exploité par United Air Lines Incorporated. Anon., « Old and New. » Redding Record-Searchlight, 19 septembre 1962, 26.
Tallman vole par ailleurs du Metropolitan Oakland International Airport, près… d’Oakland, Californie, jusqu’à Crissy Field, un aérodrome de la United States Army situé à San Francisco, Californie. Il le fait un peu avant la mi-septembre 1962, environ une semaine avant que l’aéroport ne soit officiellement inauguré.
Albert Paul Mantz, à gauche, et Frank Gifford Tallman III prenant la pose avec le Blériot Type XI qui sera bientôt exposé dans leur musée international de l’air et de l’espace, Movieland of the Air, Orange County Airport, près de Santa Ana, Californie. Anon., « –. » The Tustin News, 5 décembre 1963, 6.
Le Type XI est exposé au Movieland of the Air, un musée de l’air et de l’espace ouvert à la mi-décembre 1963 au Orange County Airport, près de Santa Ana, Californie, par Tallman et son partenaire d’affaires, le consultant américain en cinéma / pilote de cascades de cinéma Albert Paul Mantz. Incidemment, il semble que le susmentionné biplan S. 11 / MF.11 soit également exposé au Movieland of the Air.
Votre humble serviteur présume que cette institution muséale est d’une manière ou d’une autre liée à Tallmantz Aviation Incorporated, une société de services à l’industrie cinématographique créée en 1961 par Tallman et Mantz.
Durant les semaines et les mois qui suivent l’ouverture du Movieland of the Air, le Type XI est décrit comme un Type XI fabriqué en France vers 1910, ce qui est un non-sens total.
La veuve récemment remariée de David Franz McTavish, Marjorie Mae Stauffer, née Elias, McTavish étant un des co-commanditaires de l’aéronef en 1952-53, le souligne lorsqu’elle visite Movieland of the Air pendant sa lune de miel, apparemment dans le milieu des années 1960. Après avoir vu les initiales de son nouveau mari, Gerald Victor « Gerry » Stauffer, gravées sur le réservoir de carburant du Type XI, Tallman accepte gracieusement de modifier le panneau de texte.
Le changement est-il réellement effectué, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur un peu cynique? Même si votre humble serviteur n’a aucune raison de douter de la bonne foi de Tallman, les choses ne se passent pas toujours comme prévu dans le monde des musées. (Bonjour, EP, EG et SB!)
Vous voudrez peut-être noter que ce qui suit est vraiment très triste.
Mantz décède début juillet 1965, dans l’écrasement d’un aéronef unique conçu et construit pour un film de survie américain financièrement décevant de 1965, Le vol du Phénix. Tallman était censé piloter cet aéronef, mais avait dû se retirer lorsqu’il s’était cassé une jambe dans un accident de karting, début juin. L’infection s’étant déclarée, la jambe doit être amputée au-dessus du genou, fin juillet.
Comme vous pouvez l’imaginer, ces événements affectent grandement les activités du Movieland of the Air et de Tallmantz Aviation. De fait, Tallman doit recueillir des sommes substantielles pour régler la succession de Mantz, lutter contre les poursuites connexes et maintenir Tallmantz Aviation à flot.
Malgré tout, en février 1966, Tallman doit vendre le cœur du Movieland of the Air, soit environ 45 aéronefs ainsi que de nombreux moteurs et armes d’aéronefs, sans oublier les présentoirs et dioramas, à un groupe d’investisseurs américains qui possèdent un grand concessionnaire de camions et automobiles ainsi qu’une firme de vente de céréales, Rosen-Novak Auto Company d’Omaha, Nebraska, et Morrison-Quirk Grain Company de Hastings, Nebraska.
Les nouveaux propriétaires acceptent de conserver les aéronefs, dioramas et expositions dans le musée jusqu’à ce qu’ils soient revendus, si possible comme une seule unité qui pourrait être utilisée pour lancer un autre musée.
Le problème avec ce projet est que le prix demandé pour au moins certains aéronefs s’avère trop élevé. En conséquence, seulement une dizaine d’aéronefs sont vendus en 1966-67.
En 1968, les nouveaux propriétaires se rendent à l’évidence. Ils ne trouveraient pas quelqu’un disposé à acheter les aéronefs aux prix espérés. Ils engagent donc une des plus grandes maisons de ventes aux enchères de beaux-arts des États-Unis, Parke-Bernet Galleries Incorporated de New York, New York, pour se débarrasser de tout.
Le Type XI est un des quelque 40 aéronefs complets, démontés ou incomplets vendus aux enchères fin mai 1968. Son acheteur paye l’aéronef 6 750 $ ÉU, une somme qui correspond à environ 80 500 $ en devises canadiennes de 2024. Et oui, le susmentionné biplan S. 11 / MF.11 est également vendu aux enchères de mai 1968.
Au total, les nombreux items proposés se vendent pour une fraction de leur valeur réelle. L’acquisition du cœur du Movieland of the Air s’est avérée être une erreur très coûteuse, mais je digresse.
Bien que votre humble serviteur ne puisse pas dire qui acquiert le Type XI en 1968, je peux affirmer avec une grande certitude qu’il est acquis à un moment donné, en 1971 je pense, par le flamboyant Irving B. « Irv » Perlitch, un des fondateurs de l’industrie des véhicules récréatifs, et / ou sa tout aussi flamboyante épouse, Janice « Jan » Perlitch, née Levine, une pilote avec qui votre humble serviteur partage apparemment un jour de naissance. Le monde est petit, n’est-ce pas?
Non, pas une année de naissance, un jour. Je ne suis pas si vieux que ça.
Notre monde n’est en réalité pas si petit. Croiriez-vous qu’il y a 1 chance sur 2 qu’un groupe de 23 personnes comprenne 2 individus ayant le même jour de naissance? Je ne plaisante pas. Cette conclusion contre-intuitive est connue sous le nom de paradoxe véridique, soit dit en passant. Mais je digresse. Encore. Désolé.
Le couple Perlitch, également connu sous le nom de Perch, est le fier et fortuné propriétaire, entre autres, du The Flying Lady, un restaurant situé dans sa zone de loisirs / parc d’attractions familiales, Hill Country, près de Morgan Hill, Californie.
Pourquoi un tel couple achèterait-il le Type XI, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne question. Voyez-vous, M. Perlitch est un collectionneur d’aéronefs.
De fait, il est un collectionneur si passionné qu’il finance la construction d’un nouveau bâtiment plus grand pour abriter The Flying Lady. Achevé en 1981, cet immense complexe comprend une piste de danse avec kiosque à musique, une boutique de cadeaux, 4 bars et 2 salles à manger pouvant accueillir jusqu’à 1 200 personnes.
Le dit complexe n’abrite pas moins de 7 aéronefs suspendus au plafond d’une ou des deux salles à manger et une centaine de modèles réduits d’aéronefs qui font le tour en continu d’une ou des deux salles à manger sur une piste montée sous leurs plafonds. Je ne plaisante pas.
Il y a aussi une zone en bas connue sous le nom de Main Street qui comprend une fromagerie, un hôtel, un hôtel de ville et un saloon. Il peut également y avoir eu une réplique de la maison où, en 1777, Elizabeth « Betsy » Ross, née Griscom, crée le second drapeau officiel des États-Unis, si l’on en croit une histoire largement discréditée.
Et oui, le Type XI est un des aéronefs suspendus à un plafond, au moins à un moment donné, jusqu’à ce que le restaurant rénové ouvre peut-être.
The Flying Lady 2.0, autrefois le plus grand restaurant du monde si l’on en croit The Guinness Book of Records, est situé à proximité de l’institution muséale de l’automobile et de l’aviation antiques privée mais ouverte au public des Perlitch, le Wagons to Wings Museum, qui contient une centaine de véhicules terrestres et aériens.
Contraints à la faillite à la suite des poursuites engagées après l’effondrement d’une extension de la terrasse en bois du The Flying Lady, en janvier 1989, un effondrement qui fait une quinzaine de blessés, les Perlitch vendent Hill Country en 1994, au nouvellement fondé American Institute of Mathematics, une organisation à but non lucratif fondée par John Fry, un passionné de mathématiques et copropriétaire de Fry’s Electronics Incorporated, une chaîne américaine de magasins à grande surface, et Stephen « Steve » Sorenson, un ingénieur en informatique.
Les aéronefs et automobiles antiques sont vraisemblablement vendu(e)s à des collectionneurs et / ou musées à cette époque.
Il est suggéré qu’un certificat de navigabilité américain est délivré, vraisemblablement au(x) propriétaire(s) du Type XI, en janvier 2003. Ce certificat aurait expiré en juillet 2013.
Votre humble serviteur ne sait pas si le Type XI albertain est toujours parmi nous en 2024. Toute information sur les coordonnées actuelles de cet aéronef historique serait la bienvenue.
Malheureusement, ni de La Bruyère ni Mactaggart n’étaient avec nous lorsque j’ai écrit ces lignes. Le premier meurt en avril 1990 à l’âge de 62 ans. Mactaggart, quant à lui, décède en juillet 2012 à l’âge de 89 ans.
Le gentilhomme à l’origine de la création du Type XI albertain, Stanley N. « Stan » Green, meurt en octobre 1977, à l’âge de 72 ans. Son partenaire dans ce projet, David Franz McTavish, avait péri dans un accident, en février 1963. Il n’avait que 46 ans.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.
À plus tard.