« Une pierre tombée de la Lune… ou d’ailleurs » – La météorite de Bendegó, partie 2
Bem, olá novamente, amiga leitora ou amigo leitor.
Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, ami(e) lectrice ou lecteur, reprenons de ce pas notre examen de l’histoire fascinante de la météorite de Bendegó.
Ce visiteur interplanétaire quitte le site de Bendegó, province de Bahia, empire du Brésil, le 25 novembre 1887. Et oui, le chariot sur laquelle il se trouve est tiré par des bœufs la plupart du temps.
Soit dit en passant, ne serait-ce qu’initialement, le capitaine lieutenant José Carlos de Carvalho et ses proches collaborateurs font preuve d’une réelle condescendance envers les hommes de la région qui arrachent la météorite du lit du ruisseau Bendegó avant de la placer sur son chariot et de la tirer vers les plaines qui surplombent le dit lit, avec l’aide des bœufs.
Des scientifiques parmi les membres de l’équipe examinent la végétation rencontrée en cours de route. Ils notent par ailleurs la présence d’ossements fossiles de mammifères de grande taille, des Megatheriidae et des Gomphotheriidae / Mammutidae, autrement dit des paresseux terrestres et des mastodontes. Ces membres de la mégafaune sud-américaine, comparables en dimensions et poids à un éléphant d’Asie, ont disparu il y a environ 12 000 ans.
Et oui, la présence de notre espèce en Amérique du Sud n’est sans doute pas étrangère au déclin, voire même à l’extinction de cette mégafaune, qui comprend également des tatous géants et ours géants ainsi que des félins à dents de sabre, des chevaux et des chameaux, mais je digresse. Toutes mes excuses, mais le fait est que la paléontologie me fascine, et ce depuis ma plus tendre enfance.
Il va de soi que l’équipe de de Carvalho doit fréquemment améliorer, élargir, voire ouvrir la route que doit suivre le chariot. Et oui, elle construit de nombreux ponts temporaires, une centaine peut-être, dont un d’environ 50 mètres (environ 165 pieds). L’équipe doit également faire face à des pentes ascendantes et descendantes parfois assez impressionnantes. Il lui faut alors utiliser des systèmes de poulies attachées à des arbres.
Lors d’une descente en particulier, vers la fin décembre 1887, de Carvalho a une belle frousse. Un arbre ayant cédé, des câbles cèdent à leur tour. Le chariot prend immédiatement de la vitesse. La météorite ayant glissé vers l’avant du véhicule, celui-ci fait une culbute, ce qui met fin à sa course. Je ne plaisante pas. Environ 6 550 kilogrammes (environ 14 450 livres) de roc et de métal faisant la culbute. Wah!
Heureusement, personne n’est blessé. Je ne peux qu’espérer qu’aucun bœuf n’a péri.
C’est toutefois à partir de ce jour que de fortes pluies commencent à tomber fort fréquemment. Des essieux cassent à 4 reprises et la météorite tombe du chariot à 7 reprises. Dans un cas, vu l’absence de ressources lui permettant de réparer un essieu cassé, l’équipe demeure clouée sur place pendant près de 4 semaines, en janvier et février 1888.
La météorite de Bendegó et son chariot dans la lagune de Giboia, province de Bahia, empire du Brésil, mars 1888. Elle tombe du dit chariot dans cette lagune à au moment donné. Pis encore, un des essieux du chariot casse non loin de là. José Carlos de Carvalho, Meteorito de Bendegó: Relatório apresentado ao Ministerio da Agricultura, Commercio e Obras publicas e a Sociedade de Geographia do Rio de Janeiro sobre a remoção do meteorito de Bendengó do sertão da provincia da Bahia para o Museu Nacional (Rio de Janeiro : Imprensa Nacional, 1888), non paginée.
Le chariot et la météorite arrivent le 14 mai 1888 à la gare de Jacurici, au village de Vila Bela de Santo Antonio das Queimadas, province de Bahia, empire du Brésil, après environ 170 jours do voyage.
Veuillez noter que la distance parcourue est d’environ 113.5 kilomètres (environ 70.5 milles), ce qui correspond à moins de 670 mètres (moins de 2 200 pieds) par jour. Wah!
Avant que je ne l’oublie, le site de Bendegó et la gare de Jacurici se trouvent à environ 65 kilomètres (environ 40 milles) l’un de l’autre, à vol d’oiseau. Des détours, il y en avait eu de toute évidence beaucoup.
Chargement de la météorite de Bendegó sur un wagon plat de l’Estrada de Ferro da Bahia ao São Francisco, gare d’Alagoinhas, province de Bahia, empire du Brésil, mai 1888. José Carlos de Carvalho, Meteorito de Bendegó: Relatório apresentado ao Ministerio da Agricultura, Commercio e Obras publicas e a Sociedade de Geographia do Rio de Janeiro sobre a remoção do meteorito de Bendengó do sertão da provincia da Bahia para o Museu Nacional (Rio de Janeiro : Imprensa Nacional, 1888), non paginée.
Le chariot et la météorite quittent la gare de Jacurici le 17 mai. Votre humble serviteur présume qu’ils et elle sont parti(e)s sur une sorte de wagon plat.
Après 3 jours passés à l’atelier d’Aramarys mentionné dans la première partie de cet article, ils arrivent à la gare d’Alagoinhas, province de Bahia. La météorite est alors chargée sur un wagon plat de l’Estrada de Ferro da Bahia ao São Francisco. Le directeur général de la firme qui opère ce chemin de fer, Bahia and San Francisco Railway Company, l’arpenteur / ingénieur anglais Richard Tiplady, suit ce chargement avec beaucoup d’intérêt.
La météorite quitte Alagoinhas le 22 mai et arrive à la gare de São Salvador da Bahia, province de Bahia, autrement dit l’Estação Calçada, pas mal plus tard dans la journée.
Soit dit en passant, les gares de Jacurici et São Salvador da Bahia se trouvent à près de 370 kilomètres (près de 230 milles) l’une de l’autre. Le train, c’est quand même bien comme technologie. Un train à vapeur, dans ce cas-ci.
Exposée à l’Estação Calçada des 22 aux 28 juin, la météorite est transférée à l’Arsenal de Marinha do Estado da Bahia, à São Salvador da Bahia, afin de préparer son transport vers Rio de Janeiro, province de Rio de Janeiro, empire du Brésil.
Un commerçant de São Salvador da Bahia, Claudio Vincenzi, offre alors aux autorités de transporter gratuitement la précieuse météorite à bord d’un des navires opérés par la petite société de transport maritime appartenant à sa famille, J.N. de Vincenzi & Filhos.
L’Arlindo appareille le 2 juin. Le susmentionné de Carvalho se trouve à son bord, de même que la météorite bien sûr.
Après quelques jours passés à Recife de Pernambuco, province de Pernambuco, empire du Brésil, l’Arlindo arrive à Rio de Janeiro le 15 juin.
La santé défaillante de l’empereur Pedro II ne lui permettant d’être sur place, c’est l’héritière présomptive au trône, la princesse impériale Isabel Cristina Leopoldina Augusta Micaela Gabriela Rafaela Gonzaga de la maison Bragança e Bourbon, qui accueille la météorite. Le directeur du Museu Nacional de Rio de Janeiro, le botaniste brésilien Ladislau de Souza Mello Netto, est lui aussi sur place.
Après avoir passé un certain temps à l’Arsenal de Marinha da Corte, afin de prélever des échantillons destinés à près de 30 universités et musées de divers pays (Vatican, Empire russe, Royaume-Uni, France, États-Unis, Danemark, Canada, Empire austro-hongrois, Argentine et Empire allemand par exemple), la météorite est transférée au Museu Nacional en novembre 1888.
Soit dit en passant, le fragment envoyé au Canada est destiné à la Commission géologique du Canada, à Ottawa, Ontario. Il pèse un peu moins de 45 grammes (un peu moins de 1.6 once). Ce fragment fait aujourd’hui partie de la Collection nationale de météorites du Canada.
En récompense pour son travail, de Carvalho devient commandeur d’un ordre honorifique brésilien, l’Imperial Ordem da Rosa, en 1888. Il peut par ailleurs être ennobli, devenant ainsi baron de Bendegó.
Un hebdomadaire scientifique américain, Science, a ceci à dire sur de Carvalho et son équipe, des mots traduits ici bien sûr, dans un éditorial paru en juillet 1888 :
En surmontant ces nombreux et graves obstacles, M. Carvalho et ses compagnons ont réfuté de façon brillante et pratique l’idée quelque peu répandue, mais injuste, parmi les étrangers que le caractère brésilien est déficient en qualités d’ingéniosité, d’énergie et de persévérance.
Wah!
Cette même année, la maison d’édition officielle de l’empire du Brésil publie un ouvrage rédigé par de Carvalho, Meteorito de Bendegó: Relatório apresentado ao Ministerio da Agricultura, Commercio e Obras publicas e a Sociedade de Geographia do Rio de Janeiro sobre a remoção do meteorito de Bendengó do sertão da provincia da Bahia para o Museu Nacional.
Détail intéressant, une version française de cet ouvrage, Météorite de Bendégo : Rapport présenté au Ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, et à la Société de Géographie de Rio-de-Janeiro, sur le déplacement et le transport du Météorite de Bendégo, de l’intérieur de la province de Bahia au Musée national, paraît à peu près au même moment. Cette version ne contient toutefois pas toutes les photographies qui se trouvent dans l’ouvrage rédigé en portugais.
Le directeur de l’Imperial Observatório do Rio de Janeiro, le géodésien / astronome belgo-brésilien Louis Ferdinand Cruls, ne tarde pas à étudier la météorite, aidé en soi par un proche collaborateur, le très versatile ingénieur franco-brésilien Henri Charles Morize.
Soit dit en passant, la météorite de Bendegó est la seconde plus lourde météorite découverte au Brésil, un fait qui demeure tout aussi vrai en 2024 d’ailleurs, après la météorite de Santa Catharina, un mastodonte fragmenté d’environ 25 000 kilogrammes (environ 55 000 livres), découverte en 1875, non loin de Nossa Senhora da Graça do Rio São Francisco do Sul, province de Santa Catharina, empire du Brésil.
À cette époque, toutefois, personne ne sait qu’il s’agit d’une météorite. Le site devient par conséquent une mine d’où on extrait du nickel exporté vers l’Angleterre. Ce n’est qu’en 1882 que la nature extraterrestre du gisement est reconnue, grâce à l’analyse d’échantillons par des chercheurs français basés à Paris, France. Moins de 30% de la masse originale de la météorite se trouve toutefois encore sur le site.
Cette perte est d’autant plus triste que l’origine extraterrestre de l’objet présent à Nossa Senhora da Graça do Rio São Francisco do Sul est envisagée au plus tard en 1877, ne serait-ce qu’en France, mais je digresse. Encore.
Comme vous pouvez l’imaginer, la météorite de Bendegó est une source de fierté pour le gouvernement brésilien. Celui-ci va en fait faire appel à ce caillou pour ajouter au oumph du pavillon qu’il fait construire sur le site de l’Exposition universelle de 1889 qui se tient à Paris de mai à octobre 1889.
Enfin, presque. Voyez-vous, l’objet qui se trouve au rez-de-chaussée du pavillon de l’empire du Brésil est en fait une copie en bois et plâtre du dit caillou. Cette copie fabriquée par le personnel du susmentionné Arsenal de Marinha da Corte est expédiée à Paris par l’entremise de la Sociedade de Geografia do Rio de Janeiro.
Un organisme créé en mars 1888 pour maximiser le oumph créé par la présence de l’empire du Brésil à l’exposition, le Comité franco-brésilien, met vraiment le paquet, et ce avec la bénédiction de l’empereur Pedro II.
Le pavillon brésilien, un superbe édifice à 3 étages accompagné d’une serre et d’un palais de dégustation, regorge d’échantillons de bois, meubles, minéraux, monnaies, œuvres d’art, peaux de bêtes, pierres précieuses, produits pharmaceutiques, tissus, etc. Environ 1 600 exposants sont présents sur le site.
Croiriez-vous que le dit pavillon est inauguré à la mi-juin par nul autre que le président français, Marie François Sadi Carnot? Je ne plaisante pas. Une véritable trolée de représentants de l’exposition et du gouvernement français l’accompagne.
Le commissaire général brésilien, le vicomte de Cavalcanti, né Diogo Velho Cavalcanti de Albuquerque, un avocat et homme politique, accueille Sadi Carnot avec une extrême courtoisie et dans un français impeccable. Ses commissaires adjoints, le Français Ernest Lourdelet, président de la Chambre syndicale des négociants-commissaires, et le baron de Santana Néri, né Frederico José de Santana Néri, un riche érudit / historien amateur brésilien, sont à ses côtés.
Sadi Carnot et sa trolée effectuent évidemment une visite guidée du pavillon. Le président français s’attarde longuement devant la copie de la météorite de Bendegó.
Sadi Carnot n’est certes pas le seul chef d’état intéressé par cet objet. Le shah de Perse, l’Iran actuelle, Nāser-ad-Din Ŝāh-e Qājār, l’examine avec beaucoup d’attention lors de sa brève visite du pavillon brésilien, début août. Remarquez, il avait également examiné avec beaucoup d’attention la tour Eiffel, officiellement inaugurée lors de l’ouverture de l’exposition universelle. Si, si, celle de 1889.
L’Exposition universelle de 1889 ayant pour objectif la commémoration de la Révolution française qui commence en mai 1789, une phase pour le moins sanglante de l’histoire de la France et de l’Europe tout entière qui entraîne l’exécution du roi des Français, en janvier 1793, on peut se demander ce que le shah a à l’esprit lors de sa visite.
De fait, la plupart des pays européens ayant des monarchies (Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède, sans parler des empires allemand, austro-hongrois, britannique et russe) refusent poliment de participer à la dite exposition universelle.
Ceci étant dit (tapé?), des comités organisateurs non-officiels voient à la création de pavillons austro-hongrois, belge, britannique, espagnol, italien, néerlandais, portugais, russe et suédois. Et oui, dans plus d’un cas, ces comités peuvent compter sur un appui officieux plus ou moins enthousiastes de leurs gouvernements respectifs.
Le très prussien empereur de l’Empire allemand rejette toutefois d’emblée tout soutien de ce genre. Et oui, Wilhelm II, né Friedrich Wilhelm Viktor Albert « Willy » de la maison Hohenzollern, est mentionné dans des numéros de décembre 2018 et janvier 2020 de notre impérial blogue / bulletin / machin.
Il est à noter que deux colonies de la couronne britanniques, la Nouvelle-Zélande et la Victoria, en Australie, ont de nombreux objets en exposition à l’Exposition universelle de 1889, que ce soient des plantes séchées, fourrures, échantillons de minéraux, animaux naturalisés, etc. D’énormes peintures murales présentent divers aspects de la vie dans ces territoires lointains, de l’agriculture à la prospection en passant par l’élevage et la viticulture. De fait, la Victoria s’offre même le luxe d’avoir un petit pavillon où on peut déguster en toute quiétude des vins produits sur son sol.
Et qu’en est-il du Canada, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur patriote? Participe-t-il à l’Exposition universelle de 1889? Une bonne question. Un Canadien en visite à Paris note avec tristesse que, contrairement à ce qui s’est produit lors des expositions universelles tenues à Londres, Angleterre, et à Paris depuis 1851, le gouvernement canadien ne juge pas bon de participer officiellement.
Et ce qui est encore plus provocant, ajoute ce patriote, c’est que les vitrines payées par les contribuables canadien(ne)s dans le cadre de l’Exposition universelle de 1878, tenue à Paris de mai à octobre, sont maintenant utilisées par les Australiens.
Aux dires du Guide bleu du Figaro et du Petit Journal, « Le Canada n’est que très faiblement représenté dans le palais des Industries diverses, ce qui étonne quand on connaît les sympathies de ce pays pour la France. » Cette participation est vraisemblablement le fait de firmes canadiennes qui souhaitent présenter leurs produits.
Si je peux me permettre un commentaire, les auteurs du Guide bleu du Figaro et du Petit Journal semblent exagérer un tantinet l’ampleur des sympathies du Canada envers la France. Au Québec, une bonne partie des élites francophones voient dans la France une république abominable, athée, dépravée, fanatique, impie, infâme, persécutrice ou sectaire. Ayoye.
Mais revenons à la présence canadienne sur le site de l’exposition universelle.
Un éducateur / homme politique québécois en visite à Paris afin de représenter la Chambre de commerce du district de Montréal dans divers congrès se déroulant dans la ville-lumière à l’occasion de la dite exposition universelle a quelques mots à dire là-dessus.
Joseph-Xavier Perrault décrit en effet une présence canadienne pas trop loin d’un espace occupé par les magnifiques pavillons argentin, bolivien, brésilien, chilien, mexicain et vénézuélien. Elle consiste en un tipi (et une hutte?) avec quelques canots d’écorce près desquels 3 personnes costumé(e)s, 1 femme et deux hommes, apparemment venu(e)s de Kahnawà:ke, un territoire de la première nation mohawk situé près de Montréal, Québec, donnent des informations et vendent des items d’artisanat autochtones à des visiteuses et visiteurs qui semblent un tantinet déconcerté(e)s.
Aus dires de Perrault, des propos parus dans en juin 1899 dans un quotidien bien connu de Montréal, The Montréal Daily Star, des propos traduits ici : « Oui, nous sommes représentés de la manière la plus digne, ce qui, sans aucun doute, entraînera une large extension de nos relations commerciales avec les pays étrangers et augmentera nos retours d’immigration à des proportions inhabituelles. »
On peut presque sentir le sarcasme dégoulinant de ces mots. Je ne déteste pas le sarcasme. En dose modérée.
Votre humble serviteur déteste toutefois beaucoup les propos insultants de Perrault envers le trio de personnes venu de Kahnawà:ke, surtout ceux qui concernent la dame.
Avant que je ne l’oublie, les efforts réalisés par la Sociedade de Geografia do Rio de Janeiro afin d’expédier à Paris la copie de la météorite de Bendegó ne passent pas inaperçus. Elle reçoit en effet une des nombreuses médailles d’argent ou or remises à des exposants.
Soit dit en passant, le directeur du Museu Nacional, le susmentionné de Souza Mello Netto, offre la copie de la météorite de Bendego à un vis-à-vis, le directeur du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, le chimiste français Edmond Frémy, avant même la fin de 1889. La dite copie prend place dans la galerie des météorites de cette institution connue mondialement entre 1889 et 1893.
Après plus de 4 décennies passées au Muséum national d’histoire naturelle, la copie de la météorite de Bendegó est prêtée au Palais de la Découverte de Paris, et ce peut-être avant même l’ouverture officielle de ce musée scientifique, en juin 1937.
Le dit musée fermant ses portes pour environ 4 ans, en août 2020, pour fins de rénovation, la copie est vendue vers novembre à un des plus importants chasseurs et collectionneurs de météorites français. Contacté par le Muséum national d’histoire naturelle, Alain Carion accepte toutefois de la céder à cette institution, mais revenons aux années 1880.
L’empereur Pedro II n’a guère le temps de tirer profit de la gloire que la contribution du Brésil à l’Exposition universelle de 1889 pourrait lui apporter. Voyez-vous, il est chassé du pouvoir en novembre de cette même année, à peine plus de 2 semaines après la clôture de la dite exposition, et ce par un coup d’état monté par des officiers de l’Exército Imperial Brasileiro.
Soucieux de faire oublier Pedro II, un monarque fort populaire en 1889, les putschistes ordonnent que le Museu Nacional quitte l’édifice de Rio de Janeiro où il se trouve depuis des décennies (1818?) et emménage au Paço de São Cristóvão, l’ancienne résidence officielle de la famille impériale brésilienne, toujours à Rio de Janeiro. Ce musée 2.0 ouvre ses portes en 1892. Il est à n’en pas douter le plus important musée national d’Amérique du Sud.
Remarquez, le fait est que le Museu Nacional se sentait de plus en plus à l’étroit dans son édifice initial. De plus, le gouvernement n’avait pas vraiment les moyens de subventionner la construction d’un édifice tout neuf.
Et oui, la météorite de Bendegó est évidemment exposée en bonne place dans le nouvel édifice du Museu Nacional. De fait, elle se trouve apparemment au centre du hall d’entrée qui mène aux salles d’exposition.
Il va de soi que toute personnalité visitant le Museu Nacional se voit offrir l’occasion d’examiner la météorite. Il suffit de songer au physicien germano-suisse qui visite Rio de Janeiro en mai 1925 afin d’y donner quelques conférences à la Universidade do Brasil. Albert Einstein est photographié en compagnie de représentants de l’Observatório Nacional, du Museu Nacional, de l’Escola Politécnica et de l’Academia Brasileira de Ciências. Qui aurait refusé d’être ainsi immortalisé en compagnie du savant le plus connu au monde?
Einstein est évidemment mentionné dans des numéros de juin 2021, juin 2022 et septembre 2022 de notre excellent blogue / bulletin / machin.
Ceci étant dit (tapé?), la météorite de Bendegó perd sa place d’honneur au cours de la période de refonte des expositions des années 1940 et / ou 1950 qui se déroule sous la gouverne de la première femme directrice du Museu Nacional, la très célèbre anthropologue brésilienne Heloísa Alberto Torres. Elle se retrouve alors dans la salle des météorites.
La météorite Bendegó ne retrouve sa place d’honneur qu’en 2005.
Il est à noter qu’il existe quelques copies de notre corps céleste :
- à l’Observatório Astronômico de Antares, à Feira de Santana, Bahia (papier mâché recouvert de caoutchouc),
- au Museu geológico da Bahia, à Salvador, Bahia (papier mâché recouvert de caoutchouc), et
- au Museu do Sertão, à Monte Santo, Bahia (plâtre)
Ceci étant dit (tapé?), encore, la distance qui sépare la météorite de Bendegó du lieu de sa découverte agace profondément bien des gens de la province de Bahia. Ils n’ont toutefois aucun moyen de changer cette situation.
Il convient de noter que, vers 1889-90, la région de Monte Santo, où la météorite avait été trouvée, est frappée par une grande sécheresse. De nombreuses personnes attribuent apparemment cette catastrophe au départ de la météorite. Certaines d’entre elles renversent un monument construit en 1887 sous les ordres du susmentionné de Carvalho, un monument dédié à Pedro II.
Pis encore, d’aucuns voient un lien plus ou moins ténu entre la sécheresse, le renversement du monument et les activités d’un très populaire prédicateur et chef religieux millénariste brésilien, Antônio Conselheiro, né Antônio Vicente Mendes Maciel, qui, en 1893, s’établit à Canudos, un village situé à environ 60 kilomètres (plus de 35 milles) au nord de Monte Santo, à vol d’oiseau.
Veuillez noter que ce qui suit est tragique.
Considéré comme étant un fanatique religieux qui veut rétablir la monarchie impériale, ce qui est faux, Conselheiro devient vite l’ennemi public numéro 1 pour de nombreux membres de l’élite brésilienne. Un combat plus ou moins accidentel avec des hommes de l’Exército Brasileiro, en novembre 1896, donne lieu à l’envoi de deux autres expéditions. L’une et l’autre sont défaites, en janvier et mars 1897.
Exaspéré par ces défaites embarrassantes, le gouvernement brésilien prend les grands moyens. Il envoie une force imposante qui écrase toute résistance. Jusqu’à 25 000 partisans de Conselheiro périssent entre juin et octobre 1897, dont celui-ci, mais revenons à notre récit.
Le groupe A Volta do Bendegó, ou une version de celui-ci, voit le jour au début des années 1980 afin de retourner la météorite sur le site de sa découverte. Ses appuis s’accroissent au fil des ans. Au milieu des années 2010, par exemple, ces appuis incluent les recteurs des Universidade Federal do Recôncavo da Bahia et Universidade do Estado da Bahia.
En juin 2011, un organisme faisant partie du ministère de la Culture brésilien, le Conselho Nacional de Política Cultural, recommande que le retour de la météorite soit favorisé par les gouvernement du Brésil et de Bahia. Un tel rapatriement pourrait permettre de mieux utiliser son potentiel culturel, historique et touristique.
La ministre de la Culture, l’actrice / chanteuse / compositrice / directrice / dramaturge / productrice / scénariste brésilienne Anna Maria Alvim Buarque de Hollanda ne dit pas non, mais n’est peut-être pas trop enthousiaste.
Le rapatriement de la météorite fait partie d’une nouvelle approche civilisationnelle qui définit la nécessité pour les monuments de l’humanité de rester ou revenir sur leurs lieux d’origine, en valorisant le territoire et la culture locale.
Cette approche se fonde sur les lignes directrices de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture qui guident le retour des biens patrimoniaux expatriés vers leurs communautés d’origine.
Oserai-je avouer partager cette approche, et ce même si je réalise fort bien que de nombreux grands musées du monde, le British Museum de Londres et le Musée du Louvre de Paris pour ne mentionner que ceux-là, perdraient une bonne partie de leurs collections? Des collections souvent / parfois acquises plus ou moins légalement, ou éthiquement, remarquez.
Il suffit de penser aux marbres du Parthénon, pris sur le site du… Parthénon, un temple autrefois magnifique à Athína / Athènes, Grèce, par l’ambassadeur britannique auprès de l’empire ottoman, Thomas Bruce, comte d’Elgin et comte de Kincardine, entre 1801 et 1812.
La météorite de Bendegó se trouve toutefois encore au Museu Nacional lorsqu’un terrible incendie ravage son édifice principal, le Paço de São Cristóvão, en septembre 2018. Elle survit à cette catastrophe mais plus de 90% des collections du musée, soit environ 18.5 millions d’artefacts absolument irremplaçables, sont détruites.
La communauté muséale brésilienne est choquée, sinon furieuse. Elle ne sait que trop bien à quel point les gouvernements avaient réduit les sommes d’argent accordées au Museu Nacional. Dépourvu de gicleurs et pourvu de bien peu d’extincteurs, le vieil édifice montrait des signes évidents de délabrement.
Cette communauté muséale subit un autre choc lorsqu’elle apprend que la pression de l’eau dans les bouches d’incendie situées près du musée était à ce point insuffisante que les pompiers accourus sur le site de l’incendie s’étaient vu dans l’obligation d’utiliser l’eau d’un petit lac avoisinant. Je ne plaisante pas.
La remise en état du Museu Nacional s’effectue lentement, avec quelques ratés. Un espace limité, la salle Bendegó, où trône notre météorite, peut, je répète peut, ouvrir ses portes en juin 2024.
N’hésitez pas à fréquenter vos musées, ami(e) lectrice ou lecteur. Leurs trésors valent le détour. N’hésitez pas non plus à gronder les gens qui n’ont que faire de la culture sous toutes ses formes. Il n’y a pas que les résultats financiers dans la vie.
L’auteur de ces lignes tient à remercier les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.