« Un serpent de mer sans affidavit, c’est comme une dinde rôtie sans sauce aux canneberges; » Ou, Comment la famille Larocque a créé la première atocatière du Québec, partie 1
Maintenant que votre humble serviteur a toute votre attention, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe et légèrement alarmé(e), permettez-moi de vous rassurer en déclarant sans équivoque qu’il y a de la folie, euh, de la méthode derrière la folie, cette fois du moins. La référence à un ophidien océanique n’a pas grand-chose à voir avec le sujet du numéro de cette semaine de notre absolument fabuleux blogue / bulletin / machin, c’est-à-dire avec l’histoire de la première atocatière / marécage à canneberges / marais à canneberges / tourbière à pommes de pré au Québec – en anglais the first cranberry marsh / farm / bog.
Ceci étant dit (tapé?), j’ai été complètement sidéré lorsque la dite référence a jailli des pages de numéros d’avril et mai 1830 de quelques hebdomadaires et bimestriels américains. Les dits articles font référence à, vous l’aurez deviné, l’observation récente d’un serpent de mer au large des côtes de la Caroline du Sud.
Étant donné que vous savez que votre humble serviteur a eu, a et continuera vraisemblablement d’avoir une forte affinité pour l’inhabituel, l’étrange, le bizarre, etc., vous me pardonnerez si je choisis de citer, en traduction, un des articles brefs et identiques qui contient cette référence à un ophidien océanique, celui publié fin avril 1830 par Roanoke Advocate. Le contexte est toujours important quand on raconte une histoire.
Vous vous souviendrez bien sûr, par exemple, à quel point Hannibal Lecter, un psychiatre légiste anthropophage que nous avons croisé, à bonne distance, dans un numéro de mars 2021 de notre blogue / bulletin / machin végétalien, semble heureux à l’idée d’avoir un vieil ami pour le dîner.
Nous sommes susceptibles d’avoir enfin, que la fortune soit bénie, un serpent de mer à nous, sans dépendre du cap Cod. Nous avons longtemps été d’avis que la « chose » pourrait être fabriquée aussi bas ici, que n’importe où au nord du Potomac; bien que les affidavits, sorte de condiment nécessaire à la cuisine, ne soient pas faciles à obtenir. – Dans ce cas particulier, notre comptabilité est quelque peu défectueuse. Un serpent de mer sans affidavit, c’est comme une dinde rôtie sans sauce aux canneberges.
Et oui, il y a des observations de serpents de mer au large du cap Cod, Massachusetts, en avril 1825, juin 1826, etc. Croiriez-vous que les restes plutôt, euh, putrides d’une énorme créature marine (Bonjour, EG!) sont sortis de l’eau au large du cap Cod en mai 1828? L’hénaurme crâne de ce monstre marin est exposé à Lancaster, Massachusetts, à l’automne de cette année-là. Je ne plaisante pas.
Et non, votre humble serviteur ne croit pas que des serpents de mer peuvent être trouvés dans les océans du globe. Si vous croyez cela, vous croyez probablement qu’il peut y avoir la paix sur Terre. Le crâne en question est sans aucun doute celui d’une baleine. En ce qui concerne les observations, si les fées et gobelins sont des suspects peu probables, les baleines ou requins-baleines sont une possibilité, tout comme les calmars géants ou colossaux d’ailleurs, mais revenons à notre histoire.
Croiriez-vous que la dinde et les canneberges se rencontrent dans nos assiettes bien avant 1830, ami(e) lectrice ou lecteur gourmet(te)? Ouais, elles le font. Meleagris gallopavo, autrement dit la dinde, et Vaccinium macrocarpon, autrement dit la pomme de pré / mocauque / canneberge à gros fruits / grande canneberge / baie de grue / gros atoca / airelle à gros fruits, se rencontrent pour la première fois en version imprimée en 1796, dans American Cooke, or the art of dressing viands, fish, poultry, and vegetables, and the best modes of making pastes, puffs, pies, tarts, puddings, custards, and preserves, and all kinds of cakes, from the imperial plum to plain cake: Adapted to this country, and all grades of life, le premier livre de cuisine connu écrit / publié par un Nord-Américain , une Américaine en fait, Amelia Simmons.
Les peuples européens qui envahissent / exploitent / colonisent la partie nord-est de ce que sont aujourd’hui les États-Unis découvrent la canneberge au 17ème siècle, grâce aux bons offices des Premières Nations, qui consomment ces baies rouges depuis des milliers d’années.
Un Américain du nom de Henry Hall est le pionnier de la culture commerciale des canneberges aux États-Unis, sinon en Amérique du Nord dans son ensemble, vers 1816. Et oui, ce capitaine au long cours à la retraite vit dans la région du cap Cod, à Dennis, Massachusetts, pour être plus précis. Il s’installe apparemment dans une zone où des gens avaient creusé le sol marécageux au 17ème siècle, à la recherche de nodules de fer des marais qu’ils pourraient transformer en outils – ou en armes. Au plus tard dans les années 1820, Hall envoie des canneberges à Boston, Massachusetts, et à New York, New York. Au fil du temps, d’autres personnes commencent à cultiver des canneberges dans le nord-est des États-Unis.
Il suffit de mentionner Abel D. Makepeace. Le travail qu’il commence au Massachusetts en 1854 se poursuit toujours en 2023.Croiriez-vous que A.D. Makepeace Company est le plus grand producteur de canneberges sur la planète Terre? Maintenant, est-ce que je dirais quelque chose qui n’est pas vrai? Je vous demande, ami(e) lectrice ou lecteur. Est-ce que je vous mentirais?
Remarquez, le pionnier des pionniers peut être un célèbre botaniste / horticulteur / naturaliste anglais. Voyez-vous, sir Joseph Banks mène apparemment des expériences dans son grand domaine, près de Londres, Angleterre, dès 1813, en utilisant des semis qu’il avait ramassés lors d’un voyage aux États-Unis. La méthode de culture qu’il invente n’est cependant pas reprise par ses compatriotes. Et oui, ce Banks-là. Celui qui a participé au 1er grand voyage de l’officier de marine / explorateur / cartographe anglais James Cook, un tour du monde rien de moins, entre août 1768 et juillet 1771.
Mais qu’en est-il du Canada, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur brandissant un drapeau? Eh bien, pour commencer, les Premières Nations consomment des canneberges depuis des milliers d’années, bien sûr. De fait, saviez-vous que 2 des mots de la langue française pour la canneberge, à savoir atoca / ataca, peuvent, je répète peuvent, être dérivés du mot d’une langue des Premières nations (iroquoien?) atocaor, qui signifie bon fruit?
Quoi qu’il en soit, les canneberges sont cultivées commercialement pour la première fois au Canada en 1872 sur une petite parcelle de terre d’une ferme appartenant à William McNeil de Melvern Square, Nouvelle-Écosse. La première atocatière de la Colombie-Britannique voit le jour en 1946 lorsque Jack Bell plante ses premiers semis sur l’île Lulu, près de Richmond. En Ontario, le travail de pionnier est effectué à MacTier, une communauté dans la région de la baie Georgienne, par George Mollard. Son atocatière est créée en 1947, je crois.
À l’est de la Colombie-Britannique et de l’Ontario et à l’ouest de la Nouvelle-Écosse se trouve le Québec, la province au cœur de cet article. Enfilons donc nos bottes de sept décennies pour voyager dans le temps. À vos marques, prêt(e)s, partez!
L’individu autour duquel se tissent les fils de notre histoire vient au monde en février 1887, à Roxton Falls, Québec – ou Saint-Étienne-de-Bolton, Québec. Il s’appelle Jean Baptiste Edgar Larocque.
Issu d’une famille francophone typiquement grande vivant sur une ferme pas si grande que ça, Larocque est à peine entré dans l’adolescence lorsqu’il quitte l’école et le Québec, tout comme d’innombrables autres Québécois d’ailleurs, pour aller travailler aux États-Unis. Lors de son séjour dans ce pays, le jeune homme séjourne quelque temps dans la région du… cap Cod. Larocque y visite quelques atocatières et est fasciné par ce qu’il voit.
Incidemment, croiriez-vous que la fréquentation scolaire ne devient obligatoire au Québec qu’en mai 1943? Je ne plaisante pas. Les échelons supérieurs de l’église catholique, apostolique et romaine du Québec et de nombreux membres de l’élite laïque de cette même province défont au moins 5 tentatives d’introduction de l’enseignement obligatoire entre 1887 et 1943. Avoir affaire à des agriculteurs et ouvriers qui pensent par eux-mêmes n’aurait pas été bon. Nenni. Ils auraient pu se rendre compte à quel point une petite minorité vivant dans le luxe les maintenait dans l’ignorance et la peur pour mieux les exploiter.
En comparaison, la fréquentation scolaire est obligatoire en Ontario depuis… 1871.
Larocque revient finalement au Québec et emménage à Drummondville, Québec, où il ouvre une boucherie. Plus tard, il commence à vendre des fruits. Se rendant compte que les distributeurs qui lui vendent les dits fruits gagnent plus de pognon que lui, Larocque se rallie à la déclaration, ici traduite, d’un grand ami suprêmement pacifique et d’humeur égale d’un certain petit lapin, vous savez, Sam le pirate, en anglais Yosemite Sam : « Si tu ne peux pas les vaincre, joins-toi à eux! » Larocque devient ainsi un distributeur de fruits actif dans le sud du Québec.
Bien que malmené par la Grande Dépression qui malmène le monde à partir de 1929, Larocque réussit à maintenir sa firme à flot, en partie grâce à l’aide de ses 3 fils et d’un gendre. Au milieu des années 1930, ces personnes connaissent parfaitement cette firme. En conséquence, Larocque commence à se demander ce qu’il ferait désormais. Trop jeune et actif pour prendre sa retraite, il se souvient de ses visites dans les atocatières de la région du cap Cod.
Intrigué par le fait que les Québécoises et Québécois consomment des canneberges importées principalement des États-Unis alors que ce petit fruit pousse à l’état sauvage dans des milieux humides de la province, Larocque commence à étudier la possibilité de cultiver la canneberge au Québec pour répondre au moins en partie à la demande locale. Remarquez, le fait qu’il n’aurait plus à payer de frais de transport et / ou une sorte de taxe à l’importation sonne également bien.
Peut-être accompagné d’un ou de quelques-uns de ses fils, et assurément accompagné d’experts à au moins une occasion, Larocque se rend aux États-Unis, présumément dans le région du cap Cod, pour s’initier à la culture de la canneberge.
Pour reprendre une expression utilisée depuis les années 1890, il apprend vite l’importance des mots emplacement, emplacement, emplacement. Si, si, les années 1890. Le baron Samuel de Wych Cross, un magnat de l’immobilier anglais né Harold Samuel, n’invente peut-être pas cette expression mondialement connue vers 1944-45, mais je digresse.
Une atocatière / marécage à canneberges / marais à canneberges / tourbière à pommes de pré… Euh, vous avez une question ami(e) lectrice ou lecteur intellectuellement curieuse / curieux? L’identité des susmentionnés experts qui vont aux États-Unis avec Larocque? Ils sont
- Louis-Charles Roy, surintendant pour l’est du Canada du Service agricole de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada,
- Joseph-Henri Lavoie, chef du Service d’horticulture du ministère de l’Agriculture du Québec,
- Malcolm Bancroft Davis, horticulteur en chef à la Ferme expérimentale centrale d’Ottawa, Ontario (Bonjour WK et MM!), et
- Frederick S. « Fred » Browne, chef de la sous-station expérimentale de Sainte-Clotilde-de-Châteauguay, Québec, un site qui fait partie du réseau des fermes expérimentales du dominion dont le siège est à Ottawa.
Remarquez, Browne, un phytopathologiste qui connaît une chose ou trois sur les canneberges, est peut-être en poste à la Ferme expérimentale centrale à l’époque. Sainte-Clotilde-de-Châteauguay ou Ottawa, entre les deux mon cœur balance / in between my heart swings.
Et oui, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, une société d’état, est mentionnés quelques / plusieurs fois dans notre étonnant blogue / bulletin / machin depuis avril 2018, mais revenons à notre histoire.
Une atocatière ne sera pas productive si elle n’a pas le sol approprié et une abondance d’eau. Par conséquent, Larocque finit par s’établir près de Lemieux, Québec, dans ce qui est alors la région des Bois-Francs, au printemps 1938, dans un coin de pays où la production de céréales ou légumes est souvent difficile, sinon impossible, en raison du mauvais sol, à la fois sablonneux et acide, et d’une (sur)abondance d’eau. De fait, Lemieux est un centre de colonisation qui ne devient une paroisse qu’en 1921. Et oui, la terre est bon marché dans ce coin du Québec.
Remarquez, le sol tourbeux foncé sur le terrain acquis par Larocque est un peu trop fertile pour la culture de la canneberge, en ce sens qu’il laisse la chance aux mauvaises herbes d’envahir le dit terrain.
Soit dit en passant, ce lopin de terre était jusqu’alors la propriété de Joseph Leclair / Leclerc, un gentilhomme qui devint le contremaître de longue date de Larocque.
Fait intéressant, Larocque ne trouve peut-être pas ce terrain tout seul. Nenni. Des experts provenant du Service d’horticulture du ministère de l’Agriculture sont apparemment d’une grande utilité. Un de ces gentilshommes peut, je répète peut, être Louis Baribeau, un agronome bien connu dans la région. Et oui, les susmentionnés Roy, Lavoie, Davis et Browne peuvent également être d’une grande utilité.
Le terrain particulier que Larocque acquiert pour son atocatière est nivelé pour le rendre le plus horizontal possible. Avant que ce nivellement puisse être fait, toutefois, environ 50 hommes vivant près de Lemieux doivent travailler pendant des mois sur environ 18 hectares (environ 45 acres) de terrain, défrichant des arbustes, abattant des arbres et enlevant leurs souches. Il y a des tracteurs et chevaux mur à mur. Au total, l’équipe ne sort pas moins d’environ 6 500 mètres cubes (environ 1 800 cordes) de bois de chauffage utilisé par la suite par des agriculteurs locaux.
Des centaines de tonnes (tonnes) de sable sont ensuite déversées sur le site de l’atocatière, et soigneusement nivelées. Des murets sont par la suite érigés autour de chaque champ, en utilisant l’excédent de terre. Une fois ce travail effectué, des canaux d’eau sont creusés à l’intérieur de chaque mur, tout autour de chaque champ.
Afin de fournir la H2O nécessaire pour inonder les champs avant la récolte, les eaux d’un petit lac et de deux ruisseaux doivent être canalisées à l’aide d’un réseau de barrages et digues de différentes tailles, et…
Si, si, inondés. Je ne vous dirai toutefois pas pourquoi en ce moment. Il vous faudra en fait revenir sur ce site Web dans une semaine pour consulter la seconde partie de cet article. Bwa ha ha. Désolé, et revenons à notre histoire.
Et si le travail décrit dans les paragraphes précédents ressemble à beaucoup de travail, eh bien, c’en est. De fait, on peut soutenir que la quantité de travail nécessaire à l’implantation d’une atocatière, et le coût de celle-ci, peuvent expliquer pourquoi personne au Québec ne l’a fait avant que Larocque, le roi des atocas, comme on l’appelle parfois, dès 1940, ne se jette à l’eau et le fasse.
Aménager un seul hectare de terrain, par exemple, coûterait apparemment 7 400 $, une somme qui correspond à environ 84 000 $ en devises de 2023. Combien cela coûte-t-il par acre, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur peu au fait des subtilités du système métrique? Eh bien, cela revient à 3 000 $, une somme qui correspond à environ 34 000 $ en devises de 2023.
De plus, Larocque doit payer des frais de location élevés pour l’équipement lourd nécessaire à l’exécution des travaux et des frais de transport élevés pour faire livrer le dit équipement à la gare de Lemieux, une gare qui se trouve le long du parcours du célèbre train de voyageurs Ocean Limited exploité entre Montréal, Québec, et Halifax, Nouvelle-Écosse, par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. (Bonjour, SB!)
Une petite digression si je peux me permettre. Le lac harnaché à la demande de Larocque, le lac Soulard / Saint-Louis s’il faut le savoir, est un plan d’eau insolite dont le contenu débordait presque chaque année mais dont le lit s’asséchait lors des canicules estivales.
De plus, même s’il a une superficie équivalente à près de 70 terrains de football canadiens, zones d’extrémité incluses, le lac Soulard est considéré comme presque invisible en 1942 lorsqu’un individu qui semble écrire principalement pour C-I-L Oval, le magazine interne de Canadian Industries Limited, un important fabricant de produits chimiques bien connu basé à Montréal, visite l’atocatière de Larocque. Dans un article publié dans le numéro de novembre 1942 de Paysana, Jean Robitaille affirme que cette improbable invisibilité résulte des énormes quantités de débris provenant de la forêt environnante qui couvrent presque tout le lac.
Incidemment, Paysana est un magazine mensuel d’économie domestique et éducation familiale publié à Montréal par des femmes urbaines pour des femmes rurales. Une des femmes urbaines en question est Françoise Gaudet-Smet, la directrice du magazine et auteure / journaliste / rédactrice bien connue devenue animatrice de télévision bien connue dans les années 1960 et 1970. C’est sous cet aspect que ma défunte mère la découvre, à moins qu’elle n’ait rencontré plus tôt un ou quelques-uns de ses livres, ce qui est tout à fait possible. Ma mère ne devait pas être dérangée lorsque Mme Gaudet-Smet était présente à la télé, mais revenons à notre histoire, et…
Pour répondre à votre question, Paysana n’est pas le seul magazine québécois à proposer un article sur Larocque et son atocatière pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y a des articles
- dans un numéro de décembre 1941 du magazine hebdomadaire d’intérêt général Le Samedi,
- dans le numéro de juillet 1942 du magazine mensuel catholique, apostolique et romain d’intérêt général Relations, et
- dans le numéro de décembre 1944 du magazine mensuel d’intérêt général La Revue moderne.
Remarquez, il y a aussi un article dans un numéro de décembre 1945 de Le Samedi.
La première variété de canneberge cultivée par Larocque provient de la région de… Cape Cod. Pour être plus précis, les plantes en question proviennent de la Cranberry Experiment Station de la Massachusetts Agricultural Experiment Station et / ou d’un producteur du Massachusetts. Notre monde est petit, n’est-ce pas?
Larocque, Lucien Larocque, son fils, et un commis du nom de Paul Corriveau, forment Les Producteurs de Québec Limitée de Drummondville en février 1939.
Quelle est la récolte de 1938 ou 1939, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Eh bien, il n’y a pas de récolte en 1938, ni en 1939 d’ailleurs. Voyez-vous, un plant de canneberge ne produit apparemment des fruits que 3, voire 4 ou même 5 ans après avoir été planté. Je ne plaisante toujours pas. Et c’est peut-être une autre raison pour laquelle Larocque est le premier Québécois à se jeter à l’eau et à aménager une atocatière.
Remarquez, un plant de canneberge traité aux petits oignons peut rester productif pendant jusqu’à 150 ans. Je ne, euh, plaisante pas.
Les hommes de la région embauchés par Larocque, jusqu’à une centaine, plantent leurs premiers plants de canneberges en 1939, à la main. La superficie cultivée cette année-là est d’environ 1.7 hectare (environ 4.2 acres). Le site semble si prometteur qu’environ 6.9 hectares (environ 17 acres) supplémentaires sont mis en culture en 1940. La superficie cultivée passe à environ 12.3 hectares (environ 30.4 acres) en 1941. À cette époque, l’atocatière exploitée par Les Producteurs de Québec peut, je répète peut, être une des plus grandes, sinon la plus grande au Canada.
Théoriquement, les quelque 12.3 hectares (30.4 acres) de l’atocatière peuvent produire jusqu’à environ 95 tonnes métriques (environ 95 tonnes impériales / environ 105 tonnes américaines) de baies valant entre 31 500 $ et 37 800 $, des sommes qui correspondent à entre 600 000 $ et 720 000 $ en devises de 2023. Les revenus réels ont tendance à être inférieurs à cela, bien sûr. Et oui, vous avez tout à fait raison, ami(e) lectrice ou lecteur observatrice / observateur, la terre qui produit cette richesse était jugée pratiquement inutile / sans valeur avant l’arrivée de Larocque à Lemieux.
Fait intéressant, Larocque n’est pas le seul à développer une atocatière au Québec à l’époque. Nenni, il ne l’est pas.
En août 1939, un maître de poste de Shawinigan Falls, Québec, commence à aménager une atocatière près d’un plan d’eau voisin et plutôt petit dont il est propriétaire, le lac Valmont, près de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Québec. Le conseil municipal de cette communauté est tellement intrigué qu’il offre une petite subvention à Napoléon Jacques. Ce dernier reconnaît d’emblée que l’aide du susmentionné Browne et d’un autre expert provenant de la susmentionnée Ferme expérimentale centrale, le pathologiste horticole H.N. Racicot (Bonjour, RR!), s’avère indispensable au lancement de son projet.
Une petite équipe commence à planter des plants de canneberges en mai 1940. En août, Jacques a un peu moins de 0.2 hectare (environ 0.45 acre) de canneberges en culture. En 1945, cette superficie passe à environ 1.2 hectare (environ 3 acres). L’atocatière de Jacques semble s’estomper dans l’histoire à un moment donné dans les années 1940, fort possiblement à la suite de la mort de ce dernier, en décembre 1946, à l’âge de 71 ans, ce qui signifie que nous devrions probablement revenir à notre histoire.
Nous ne le ferons cependant que la semaine prochaine. Vous avez sans aucun doute des endroits à faire et des choses à voir.
À plus.