« Oubliez que les temps sont durs et sombres, prenez courage et souriez avec Sunny Jim » – La saga croustillante de la Force de Force Food Company, la 1ère céréale pour petit déjeuner aux flocons de blé commercialement réussie de la Terre, partie 2
Bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, et bienvenue dans cette 2ème partie de notre article sur la céréale pour petit déjeuner Force, un produit de la firme américaine Force Food Company, partie dans laquelle vous découvrirez si le battage publicitaire de 1902 mentionné dans la 1ère partie du dit article a porté ses fruits, un battage publicitaire centré sur un personnage nommé Sunny Jim.
Pour le plus grand plaisir d’Edward Ellsworth, le patron d’une autre firme américaine, Edward Ellsworth & Company, qui contrôle Force Food, Sunny Jim séduit le public. Les gens s’intéressent à lui et, si votre humble serviteur comprend bien les faits, à son épouse, à ses deux filles, à son fils, à sa belle-mère, etc. Des centaines de ritournelles publicitaires non sollicitées commencent rapidement à s’accumuler dans les bureaux de Force Food. Elles finissent par remplir 5 grands albums de coupures.
Croiriez-vous qu’une enseigne de Sunny Jim peinte en décembre 1902 sur le côté d’un immeuble de New York, New York, mesure environ 34.3 mètres (environ 112.5 pieds) de haut? Wah! Même des New-Yorkaises et New-Yorkais blasé(e)s sont étonné(e)s par la taille de cet hénaurme panneau. En comparaison, le texte qui l’accompagne, traduit ici, est à la fois court et petit : « Vigueur, Énergie, Équilibre parfait, la ‘FORCE’ a fait de lui ‘Sunny Jim’. »
Croiriez-vous, encore, que Sunny Jim devient une figure nationale? On suggère que, à deux occasions distinctes, un théologien réputé et un éminent juge en chef admonestent les personnes qui leur font face en soulignant ses qualités exceptionnelles.
D’après un numéro de septembre 1902 de l’hebdomadaire américain Printers’ Ink, le premier magazine commercial national de publicité aux États-Unis, voire au monde, et une voix influente dans le secteur, Sunny Jim est aussi connu que le plutôt impopulaire financier / banquier d’affaires américain John Pierpont Morgan ou que le pas mal plus populaire président et soldat / politicien / naturaliste / historien amateur / explorateur / écrivain / chasseur / conservateur américain, Theodore « Teddy » Roosevelt, Junior. Je ne plaisante pas.
Une publicité typique pour la céréale pour petit-déjeuner Force publiée par Force Food Company de Buffalo, New York. Anon., « Force Food Company. » Le Journal, 2 octobre 1902, 2.
Une autre publicité typique pour la céréale pour petit déjeuner Force publiée par Force Food Company de Buffalo, New York. Anon., « Force Food Company. » La Patrie, 16 juin 1903, 7.
Incidemment, la Force est disponible au Québec et en Ontario au plus tard en avril 1902. Un paquet se vend de 14 à 17 cents, des sommes qui correspondent à environ 4.45 à 5.40 $ en devises de 2024.
En juin 1902, Force Food étudie la possibilité de s’installer à Brantford, Ontario, ou à Hamilton, Ontario, dans des bâtiments respectivement occupés auparavant par une filature de coton et une fonderie. Remarquez, Peterboro / Peterborough, Ontario, est aussi en lice.
Le même mois, Force Food prétend que l’afflux de commandes est tel qu’elle doit utiliser en sol américain le nouvel outillage qu’elle vient de recevoir pour équiper une usine au Canada. Selon The Brantford Expositor, des mots traduits ici, « il reste à déterminer si les gens de Force Food ont réellement cherché un emplacement au Canada ou sont simplement des publicitaires rusés. » Ayoye…
En février 1903, Force Food étudie brièvement la possibilité d’installer une usine à St. Catherines, Ontario, mais le conseil municipal ne peut pas accepter ses demandes.
Compte tenu de cela, la firme prend contact avec le conseil municipal de Hamilton. Un accord est rapidement signé avec une fonderie canadienne, McClary Manufacturing Company de London, Ontario, concernant la location de l’usine vide de Hamilton précédemment occupée par Copp Brothers Company Limited.
L’usine canadienne de Force Food ouvrit finalement ses portes en mai 1903, à Hamilton.
À cet effet, des publicités commencent à paraître dans des journaux, tant à Hamilton qu’à Toronto, Ontario, et peut-être ailleurs, et ce, au plus tard en juin 1903, offrant un minimum de 3 $ par semaine aux nouvelles employées, et jusqu’à 7.50 $ par semaine une fois que cette personne serait devenue experte en emballage et étiquetage. Ces sommes correspondent respectivement à environ 90 $ et 230 $ en devises de 2024, ce qui n’est pas grand-chose.
Il convient de noter, cependant, que des gains hebdomadaires de 7.50 $ sont ce qu’un travailleur typique de l’industrie manufacturière canadienne emporte alors chez lui. Voyez-vous, en 1905, le salaire annuel de cet ouvrier typique est de 375 $, une somme qui correspond à environ 11 450 $ en devises de 2024. Je ne plaisante pas.
Ceci étant dit (tapé?), étant donné que les femmes sont toujours moins bien payées que les hommes, un salaire hebdomadaire de 7.50 $ est plutôt bon pour une femme en 1903.
En tout cas, bénis soient les syndicats! Où serions-nous, prolétaires désunis du monde, sans eux? Et oui, ceci est mon opinion, mais je digresse.
Curieusement, Force Food Company de Hamilton n’est constituée qu’en mars 1904. Les fondateurs sont apparemment tous américains, et ce parce qu’aucun homme d’affaires canadien ne choisit, ou n’est autorisé, à investir dans la nouvelle firme.
Est-ce que tout le tapage autour de la Force pousse un certain nombre d’épiciers américains et canadiens à commander ce produit, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, et ce de gré ou de force? Une bonne question. Vous pourriez très bien être sur une bonne piste.
Ceci étant dit (tapé?), votre humble serviteur doit admettre que les installations de Force Food sont peut-être des endroits très occupés. Voyez-vous, début juin 1903, la direction de l’installation récemment ouverte à Hamilton est obligée de faire venir (certains de? tous?) ses employés masculins un dimanche à au moins une occasion. Quelqu’un contacte le service de police de la ville, qui envoie rapidement quelqu’un d’autre pour enquêter. En conséquence, 6 employés masculins sont accusés d’avoir enfreint le Lord’s Day Act ontarien.
Le surintendant de l’usine déclare au magistrat de police que le travail le dimanche est courant à l’usine de Force Food de Buffalo et qu’il n’avait aucune connaissance de la loi ontarienne. Il demande que les employés soient libérés avec un avertissement. Le magistrat de police accepte de rejeter les accusations contre eux, mais ajoute qu’il y aurait des problèmes si la loi n’était pas respectée une seconde fois. Le surintendant l’assure qu’aucun employé ne travaillerait le dimanche à partir de ce moment.
Votre humble serviteur a le sentiment qu’il aurait pu y avoir quelques légers problèmes si les employés avaient été condamnés à une amende. Voyez-vous, le Lord’s Day Act ontarien est déclaré ultra vires à la mi-juillet 1903, par His Majesty’s Most Honourable Privy Council, à Londres. Oui, celle d’Angleterre, mais nous digressons.
Incidemment, le marché de l’emploi à Hamilton est si serré que Force Food ne peut pas trouver toutes les travailleuses dont elle a besoin pour répondre à la demande, ce qui peut expliquer sa tentative infructueuse de faire venir des travailleurs un dimanche.
À cet égard, une campagne publicitaire lancée au plus tard début juillet 1903 n’aide pas les tout aussi stressés travailleurs américains de Force Food.
Cet effort en vaut-il la peine, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur curieuse / curieux et légèrement effronté(e)? Eh bien, lisez ce qui suit et découvrez-le.
Au milieu de 1903, Force Food embauche un échassier du Maine connu sous le nom de Professeur Elliot, né H.J. Elliot, pour jouer le rôle d’un Sunny Jim mesurant environ 3.35 mètres (11 pieds). Un gentilhomme par ailleurs peu spectaculaire du nom de F.H. Wilson joue le rôle d’un Jim Dumps d’environ 1.65 mètre (5 pieds 6 pouces), Dumps étant le bougon bourru qui se transforme en Sunny Jim lorsqu’il prend de la Force au petit-déjeuner.
Ces jumeaux, surnommés Before and After par certains, en français avant et après, arrivent au Maine début juillet avec une escorte enthousiaste de publicitaires et beaucoup de babioles et bidules pour les enfants de quelques villes et petites villes. Cette équipe visite quelques états du nord-est américain, dont les Massachusetts et Rhode Island, au cours de l’été 1903 et oui, le Maine est peut-être sa première étape.
Des villes dans au moins deux états, le Rhode Island et l’Iowa, sont témoins de défilés d’hommes (sur des échasses??) déguisés en Sunny Jim au cours de l’été 1903. À cet égard, la publicité suivante pourrait peut-être vous intéresser...
Publicité typique pour la céréale pour petit déjeuner Force publiée par Force Food Company de Buffalo, New York. Anon., « Force Food Company. » The Times Dispatch, 4 avril 1903, 3.
Votre humble serviteur ne sait malheureusement pas si les jumeaux Sunny Jim visitent le Canada à un moment donné. J’ai le sentiment que non. De fait, j’ignore s’ils reprennent leurs voyages en 1904.
Le grand succès commercial de la Force peut, je répète peut, avoir irrité et / ou inquiété certains individus, vraisemblablement aux États-Unis. Voyez-vous, à la mi-juillet 1903, Force Food commence à placer de grandes publicités dans un grand nombre de journaux américains, ainsi que dans quelques journaux canadiens, publiés au Québec, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et peut-être ailleurs. Cette publicité offre, en traduction, une « récompense de 5 000 $ pour l’arrestation et la condamnation des personnes qui ont lancé et fait circuler la rumeur selon laquelle la nourriture ‘Force’ contenait des drogues ou autres ingrédients nocifs ».
La firme offre 5 000 $ ÉU supplémentaires à quiconque pourrait prouver que la Force contient « une drogue ou un autre ingrédient nocif ou malsain. »
À propos, ces sommes correspondent à environ 245 000 $ en devises de 2024, ce qui n’est certainement pas de la petite monnaie.
Le coût de toutes ces publicités n’est pas non plus de la petite monnaie. Un journal suggère que ce coût aurait pu atteindre 50 000 $ ÉU, une somme qui correspond, vous l’avez deviné, à environ 2 450 000 $ en devises de 2024. La perte de ventes aurait pu être comparable. Une rumeur peut en effet être extrêmement dommageable.
Et non, aucune information n’a émergé quant à savoir si l’une ou l’autre des récompenses est attribuée.
Et non encore une fois, je ne peux pas croire que ces deux grosses récompenses font partie d’une machiavélienne campagne publicitaire de la part de Force Food. Je peux, toutefois, naïf à cet égard.
Parlant (tapant?) de récompense, saviez-vous que Force Food publie un livret de recettes intitulé The Gentle Art of Using ‘Force’ au plus tard en avril 1904, en français l’art subtil d’utiliser la « Force? » Je ne plaisante pas. Et non, ami(e) lectrice ou lecteur facétieuse / facétieux, le diminutif grand maître Jedi Yoda n’a rien à voir avec cette publication.
Un livret contenant de nombreuses ritournelles, The Story of Sunny Jim, avait été publié en 1902, je pense.
Des poupées Jim Dumps et Sunny Jim prêtes à être coupées, rembourrées et cousues ou prêtes à l’emploi arrivent sur le marché au plus tard en 1903. Ces poupées de lin en 5 couleurs sont disponibles en au moins 2 tailles, l’une d’elles mesurant environ 38 centimètres (environ 15 pouces) de haut.
Comme on peut s’y attendre, les poupées Jim Dumps s’avèrent impopulaires et sont rapidement abandonnées.
Ceci étant dit (tapé?), les deux poupées Jim Dumps et Sunny Jim traversent l’Oc.an Atlantique et arrivent au Royaume-Uni à temps pour la saison de Noël 1903.
Croiriez-vous que la Force est en vente à Paris, France, Londres, oui, encore une fois, celle d’Angleterre, et Berlin, Empire allemand, au plus tard en août, septembre et novembre 1902? Ou que de telles ventes commencent à Sydney, Australie, au plus tard en mars 1903? Incidemment, la Force est mise en vente Auckland, Nouvelle-Zélande, au plus tard en octobre 1903. Mieux encore, Force Food ouvre un bureau de vente à Malmö, Suède, en juin 1904. Et voici des preuves...
Une publicité pour la céréale pour petit déjeuner Force, publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui prouve que ce produit est en vente à Paris, France, au plus tard en août 1902. Anon., « Force Food Company. » The New York Herald (édition européenne – Paris), 11 août 1902, 8.
La section illustrée d’une publicité pour la céréale pour petit déjeuner Force publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui prouve que ce produit est en vente à Londres, Angleterre, au plus tard en septembre 1902. Anon., « Force Food Company. » The Daily Telegraph, 19 septembre 1902, 5.
Une publicité pour la céréale pour petit déjeuner Force, publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui prouve que ce produit est en vente dans l’Empire allemand au plus tard en novembre 1902. Anon., « Force Food Company. » Straßburger Post, 17 novembre 1902, non paginée.
Avez-vous remarqué que Force Food n’utilise pas notre ami Sunny Jim dans ses publicités pour les journaux allemands, britanniques et français de 1902 (et 1903?)? La jeune personne de la publicité anglaise est connue sous le nom de Miss Prim soit dit en passant. Cette création d’un artiste anglais non identifié est bientôt mise de côté en faveur de Sunny Jim.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur observatrice / observateur, une mouche poussant une boîte de céréale pour petit déjeuner est tout simplement bizarre. La dernière chose qu’une firme comme Force Food veut, c’est de voir son produit associé à quelque chose d’aussi antihygiénique que des mouches. Miss Prim a vraiment besoin d’un faire-valoir moins louche! Merci.
Un paquet de Force, en traduction « le plus délicat et délicieux de tous les Aliments Céréaliers, le Grand ALIMENT pour le CERVEAU et les NERFS, » d’une taille non divulguée, sur l’étagère d’un magasin de Sydney, vaut 10 pence vers mars 1903, une somme qui correspond à environ 7.35 $ en devises de 2024. En comparaison, un paquet (de taille similaire?) coûte 50 pfennigs dans l’Empire allemand vers novembre 1902, une somme qui correspond à environ 5.90 $ en devises de 2024.
Vous avez bien entendu remarqué, ami(e) lectrice ou lecteur observatrice / observateur, que les dessins utilisés dans les publicités françaises et allemandes sont identiques. Étant donné l’animosité entre ces deux pays, je serais curieux de savoir d’où vient ce dessin. Vu son aspect général, votre humble serviteur parierait quelques pfennigs qu’il est allemand. Enfin, passons à autre chose.
Incidemment, quelques voire plusieurs personnes en Australie (et Angleterre?) n’ont pas compris que la Force ne doit pas être cuite comme des flocons d’avoine. Ce petit détail doit leur être signalé dans certaines publicités. Malgré cela, certaines personnes mangent apparemment leur Force trempée dans du lait chaud. Beurk! Désolé.
Saviez-vous qu’une des publicités populaires que les jeunes acteurs de la première représentation scénique de Peter Pan; or, the Boy Who Wouldn’t Grow Up, en 1904, à Londres, présentent au créateur de ce personnage mondialement célèbre, James Matthew Barrie, pour voir s’il peut l’identifier, est une populaire publicité pour Sunny Jim qui fait sauter ce personnage par-dessus une clôture? La ritournelle qui accompagne cette publicité, traduite ici, est la suivante : « Par-dessus la clôture saute ‘SUNNY JIM’ - La ‘FORCE’ est la puissance qui l’a soulevé. »
À l’automne 1903, la Force est produite dans pas moins de 4 installations, 2 à Buffalo, 1 à Chicago, Illinois, et 1 à Hamilton. Force Food prétend produire environ 360 000 paquets par jour. Wah!
Une des dernières publicités pour la céréale pour petit-déjeuner Force publiée par Force Food Company de Buffalo, New York, qui inclut Sunny Jim. Anon., « Force Food Company. » The Prince George’s Enquirer and Southern Maryland Advertiser, 12 février 1904, 1.
Tout ne va pas pour le mieux, cependant. Voyez-vous, au printemps 1904, la firme a une toute nouvelle campagne publicitaire et le Sunny Jim original disparaît pratiquement des journaux partout aux États-Unis et au Canada – et fort possiblement ailleurs. Ce changement de cap est provoqué par un changement récent d’agence de publicité.
Les nouveaux dessins et textes de Sunny Jim sont le fruit de l’imagination d’une célèbre agence de publicité américaine, Calkins & Holden Incorporated, oui, la firme mentionnée dans la 1ère partie de cet article.
Earnest Elmo Calkins, un publicitaire américain qui est le pionnier de l’utilisation de l’art et des personnages fictifs dans la publicité, est un des plus bruyants promoteurs de l’industrie publicitaire américaine et de son professionnalisme. Calkins déteste la campagne publicitaire originale de Force Food, malgré son succès indiscutable. Il décide de la changer et…
Juste pour être clair, votre humble serviteur n’insinue en aucun cas que Calkins & Holden sabote délibérément la campagne publicitaire de Force Food. Après tout, un procès en diffamation est si vite arrivé.
Sunny Jim 2.0 tel qu’il apparaît dans une publicité publiée par Force Food Company de Londres, Angleterre. Anon., « Force Food Company », Birmingham Evening Dispatch, 27 mai 1904, 6.
Sunny Jim n’est toutefois plus un personnage de dessin au trait simple et fantaisiste. Nenni. Sunny Jim 2.0 est un type bizarre, voire à la limite sinistre, avec une tête tridimensionnelle en forme d’œuf. Les ritournelles, tout aussi fantaisistes, sont remplacées par des paragraphes et paragraphes de prose froide et souvent moralisatrice qui sermonnent les consommatrices et consommateurs sur les mérites d’une bonne nutrition et d’une pensée positive. La plupart de ces publicités contiennent les mots « Be Sunny!, » en français soyez ensoleillés!
Les nouvelles publicités sont aussi captivantes que de regarder de la peinture sécher.
Une publicité des plus intéressantes publiée par un pharmacien français, Edmond Capmartin, pour chanter les louanges de sa Poudre Cap. Vous remarquerez bien sûr la présence de Sunny Jim 2.0. Anon., « Revue de la publicité – Poudre Cap. » La Publicité, juillet 1905, 22.
L’apparence étrange de Sunny Jim 2.0 n’empêche pas un pharmacien français, Edmond Capmartin, de le plagier afin de l’utiliser dans ses publicités pour une sorte de poudre de bicarbonate de sodium disponible depuis au moins 1888, la Poudre Cap, qui peut être mélangée à de l’eau pour produire une sorte d’eau minérale (buvable??). Mieux encore, ce même Capmartin plagie également la version originale de Sunny Jim. Quel culot!
Incidemment, la Poudre Cap de Capmartin est un tout un élixir, étant capable d’aider les personnes atteintes d’affections de l’estomac, du foie, des reins et de la vessie, sans parler d’albuminurie, du diabète, de la dyspepsie, de la gastralgie, de la gastrite, de la goutte et de la gravelle – ou du moins il le prétend.
Une publicité tout aussi intéressante publiée par le pharmacien français Edmond Capmartin pour chanter les louanges de sa Poudre Cap. Vous remarquerez bien sûr la présence de la version originale de Sunny Jim. Anon., « ? » Le Progrès, 28 mai 1905, non paginée.
L’attitude plagiaire de Capmartin est dûment notée par le doyen des magazines publicitaires français, La Publicité.
Remarquez, il se peut également que ce soit l’agence de publicité avec laquelle Capmartin fait affaire qui commette ce crime de lèse-Sunny Jim, euh, lèse-majesté.
Mais revenons à la nouvelle campagne publicitaire de Force Food.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, vous avez tout à fait raison. La campagne publicitaire lancée en 1903 par Force Food est une des plus coûteuses lancées jusqu’alors par un fabricant de produits alimentaires. La firme aurait dépensé 500 000 $ ÉU par an en publicité, une somme colossale qui correspond à environ 24 500 000 $ en devises de 2024. Wah!
L’humeur de la direction de Force Food n’est cependant pas restée ensoleillée très longtemps. Voyez-vous, les ventes commencent à faiblir. Calkins & Holden se voit montrer la porte de sortie à un moment donné, vers 1905 peut-être, peut-être sans avoir été payé en totalité pour le travail effectué ou avec une facture salée pour un lot de montres promotionnelles qu’elle avait commandé, ou les deux. Ou ni l’un ni l’autre. Je ne saurais vraiment pas dire.
Votre humble serviteur oserait-il suggérer que cette célèbre agence de publicité américaine est un exemple classique de la professionnalisation toujours croissante du métier de publicitaire, une professionnalisation qui conduit à un élitisme rampant mis en avant par des Homo sapiens mâles blancs professionnels qui prétendent que le meilleur moyen de stimuler les ventes est d’utiliser un art de la vente sérieux, autrement dit des textes longs et sérieux? Vous avez probablement raison, ami(e) lectrice ou lecteur prudent(e), je n’oserai pas.
Je m’abstiendrai bien sûr de suggérer que les braves gens de Calkins & Holden font partie des professionnels de la publicité qui avaient critiqué le Sunny Jim original et la campagne publicitaire qu’il avait menée. De même, je n’oserais jamais suggérer que plus la campagne de Sunny Jim avait de succès, plus la communauté publicitaire américaine le détestait.
Pourquoi une telle retenue de ma part, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe, en plus de la crainte d’être poursuivi pour diffamation? Voyez-vous, je soutiens que les susmentionnés Homo sapiens auraient pu craindre que le succès de la campagne publicitaire de Sunny Jim de la Force, une campagne dans laquelle leurs firmes n’avaient joué aucun rôle, puisse donner des idées à d’autres firmes manufacturières américaines qui pourraient avoir décidé d’abandonner les contrats coûteux qu’elles avaient signés avec les dites agences de publicité et concevoir leurs propres campagnes publicitaires, ce qui n’aurait pas été bon du tout pour les résultats financiers de l’industrie publicitaire américaine.
Les malheurs n’arrivant que rarement en un seul paquet, Force Food subit un sérieux revers en février 1904, lorsqu’une de ses installations de Buffalo est sérieusement endommagée, voire détruite dans un énorme incendie qui dévaste une grande partie du noyau de cette ville.
Pour couronner le tout, Force Food se retrouve à la merci d’un procès pour violation de brevet intenté en juin 1904 par un autre fabricant américain de céréales pour petit-déjeuner à base de flocons de blé, Malta Vita Pure Food Company. Il semble que cette affaire ait été réglée hors cours.
Ce que l’on peut décrire comme les cerises sur le gâteau aux fruits, ce sont les campagnes publicitaires lancées en janvier et septembre 1906 par Battle Creek Toasted Corn Flake Company et Postum Cereal Company Limited, un duo dynamique de firmes américaines qui vont devenir célèbres en tant que fabricants de céréales pour petit-déjeuner sans doute meilleures, connues sous le nom de Corn Flakes et Post Toasties.
Soit dit en passant, ce dernier produit est initialement connu sous le nom d’Elijah’s Manna. Curieusement, ce petit nom biblique donne de sérieuses crises d’urticaire à plus d’un groupe religieux américain. Charles William Post, lui aussi, a une sérieuse crise d’urticaire. Il reste sur ses positions jusqu’à ce que la baisse des ventes l’oblige à transformer Elijah’s Manna en Post Toasties, vers septembre 1907.
Ceci ne constitue cependant pas la liste complète des boules de quilles avec lesquelles Force Food doit jongler. Nenni. Voyez-vous, Force Food se retrouve dans de beaux draps début 1905. Voyez-vous, encore, son système de primes exaspère sérieusement des épiciers de tous les États-Unis. Le dit système permet aux clientes et clients d’acquérir des articles aussi variés que des carabines à air comprimé ou lorgnettes en échange d’un ou quelques coupons et d’un peu de pognon.
En avril, lors d’une réunion convoquée par la National Association of Retail Grocers of the United States, tous les producteurs de céréales pour petit-déjeuner du pays, sauf trois, acceptent de mettre fin à leurs programmes respectifs. Ces dissidents indiquent qu’ils mettraient fin à leurs programmes respectifs si leurs concurrents faisaient de même. Ne parvenant pas à un accord, ils ne le font pas. Ces trois firmes représentent malheureusement environ 80 % des céréales pour petit-déjeuner vendues aux États-Unis.
Et oui, vous avez raison, ami(e) lectrice ou lecteur, Edward Ellsworth & Company, qui possède Force Food et sa firme sœur H-O Company, fait partie de ces producteurs délinquants.
En janvier 1906, lors de leur congrès annuel, les membres de la National Association of Retail Grocers of the United States adoptent avec enthousiasme une résolution très ferme condamnant Force Food et H-O.
Quelques jours plus tard, le président de cette association, John A. Green, envoie une lettre à tous les membres indiquant que Force Food et H-O modifieraient leur système de primes afin qu’il ne soit pas plus contestable que celui des autres firmes.
De nombreux membres de la National Association of Retail Grocers of the United States sont très mécontents, m*rd*, ils sont furieux, et exigent que Green s’explique et rende publique sa correspondance avec Force Food et H-O. On ne sait pas si l’explication requise est fournie ou non.
Remarquez, de nombreux membres de la National Retail Furniture Dealers’ Association sont tout aussi mécontents que leurs homologues de la National Association of Retail Grocers of the United States. Voyez-vous, les primes distribuées par les producteurs délinquants de céréales pour petit-déjeuner comprennent des meubles bon marché. Oui, des meubles. Je ne plaisante pas.
Au fil du temps, Green réalise qu’il a été dupé par les principaux producteurs de céréales pour petit-déjeuner. Ces firmes n’ont aucune intention de mettre fin à leurs programmes de primes. Elles savent que, malgré l’agacement de nombreux détaillants, tous ne souhaitent pas la fin de ces programmes. Il leur suffit de patienter et d’attendre que la tempête passe, ce qui semble se produire, ne serait-ce que temporairement.
Incidemment, le catalogue de primes de la Force est également disponible au Royaume-Uni et, très probablement, ailleurs (Canada?).
Et oui, les personnes à la tête de Force Food et de H-O sont certainement des opérateurs rusés.
Il suffit de penser aux manigances qui entourent la création de Pawnee Cereal Company à Cedar Rapids, Iowa, début janvier 1906. Voyez-vous, ces opérateurs rusés avaient aussi envisagé la possibilité de s’installer à Davenport, Iowa. Ils abandonnent apparemment cette possibilité lorsque les autorités locales montrent une certaine réticence à leur demande que les habitants de Davenport fournissent 10 % du capital de la nouvelle firme, une somme qui s’élève à 200 000 $ ÉU, soit environ 9 400 000 $ en devises de 2024.
Les braves gens de Cedar Rapids ne commettent pas cette erreur. De plus, ils n’ont qu’à réunir 100 000 $ ÉU, une somme qui correspond à environ 4 900 000 $ en devises de 2024. Quelle aubaine!
Beaucoup de gens à Davenport ne sont pas content(e)s. Leurs dirigeants n’ont pas fait preuve du leadership nécessaire.
Chose intéressante, Pawnee Cereal est placée sous séquestre au plus tard en juillet 1907, quelques mois seulement après la mise en service de son usine, en novembre 1906.
Curieusement, au moins deux journaux de l’Iowa publient en novembre 1907 des publicités dans lesquelles Pawnee Cereal affirme avoir désespérément besoin de 50 femmes pour emballer les paquets de céréales. Je sais, je sais, je ne comprends pas ce besoin non plus.
Quoi qu’il en soit, on peut se demander si les braves gens de Davenport qui avaient critiqué le manque de leadership de leurs dirigeants les ont remerciés d’avoir fait preuve de prudence face à des requins, désolé, désolé, à des hommes d’affaires aux discours mielleux et costumes chics.
Le capitalisme est une chose merveilleuse, n’est-ce pas? Pour paraphraser, en traduction, le fonctionnaire / intellectuel / économiste / diplomate canado-américain John Kenneth « Ken » Galbraith, le communisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le capitalisme? C’est le contraire. Désolé, désolé. Encore.
Quoi qu’il en soit, le groupe de firmes en difficulté financière contrôlé par le susmentionné Ellsworth, à savoir Edward Ellsworth & Company, Force Food, H-O et Pawnee Cereal, est regroupé au sein d’Edward Ellsworth Company en septembre 1907. Edward Ellsworth, oui la firme, elle-même en difficulté financière, est réorganisée en juillet 1909 et devient H-O Company. À son tour, cette firme devient H-O Cereal Company Incorporated en décembre 1920.
Ellsworth n’est plus à la tête d’aucune de ces firmes depuis 1907, lorsqu’il s’avère incapable de rembourser la somme importante d’argent qu’il avait empruntée pour maintenir son empire à flot. En d’autres termes, Ellsworth avait essayé d’en faire trop et s’est surendetté. Il peut, je répète, peut s’être enlevé la vie peu de temps après l’effondrement de son empire.
Une explication plutôt intéressante de l’effondrement de l’empire d’Ellsworth peut être trouvée dans une publication contemporaine, mais vous devrez attendre un peu avant de pouvoir la lire. Si votre humble serviteur peut se permettre de citer un extrait d’une comédie romantique et film culte de 1987 (!? – 1987 étant l’année pendant laquelle j’ai commencé à travailler au ce qui est maintenant le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario), La Princesse Bouton d’Or, habituez-vous à la déception.