3 choses à savoir sur les modèles de gravité variable du géoïde, les espèces d'insectes envahissantes nuisibles et les diamants
Voici Cassandra Marion, Renée-Claude Goulet et Gordon Bardell.
Cassandra et Renée-Claude sont deux conseillères scientifiques d'Ingenium. Elles fournissent des avis scientifiques sur des sujets clés concernant respectivement le Musée de l'aviation et de l'espace du Canada et le Musée de l'agriculture et de l'alimentation du Canada. Gordon Bardell, collaborateur invité, est stagiaire en communication scientifique au Musée des sciences et de la technologie du Canada et au Musée de l'aviation et de l'espace du Canada. Il remplace ce mois-ci Michelle Campbell Mekarski, conseillère scientifique au Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif. Pour cette édition de septembre, ils nous expliquent comment le modèle gravitationnel du géoïde aide les scientifiques à faire face à la forme irrégulière de la Terre, comment les espèces envahissantes telles que le scarabée japonais nuisent à l'agriculture canadienne, et à quel point les propriétés des diamants synthétiques sont similaires à celles de leurs homologues naturels.
Modéliser la Terre avec la gravité
La forme de la Terre n’est pas une sphère, mais plutôt un ellipsoïde imparfait, soit une sphère légèrement écrasée avec une surface très inégale. Bien qu’ils soient utiles pour générer des projections cartographiques et mesurer des distances sur la surface, les modèles ellipsoïdes de la forme de la Terre présentent une surface lisse non réaliste. Grâce à des mesures prises à partir du champ gravitationnel de la Terre, les scientifiques peuvent modéliser la forme de la Terre et sa surface inégale. Ce modèle de gravité, appelé géoïde, est une surface imaginaire du niveau de la mer ondoyante autour de la planète créée pour agir comme une surface de référence afin de mesurer les élévations de la terre et de la mer, et comprendre comment la gravité varie autour du globe.
La gravité est, bien entendu, la force d’attraction entre deux masses. Bien que chaque objet sur notre planète ait une masse, la masse de la Terre n’est pas distribuée uniformément partout autour du globe. Par exemple, la Terre présente une topographie considérablement variée depuis la masse des chaînes de montagnes ayant une élévation pouvant atteindre 8,8 km au-dessus du niveau de la mer (mont Everest) à la fosse océanique la plus profonde, la fosse des Mariannes, à 10,9 km sous le niveau de la mer.
Un modèle de gravité créé à partir de mesures satellitaires provenant de la mission GRACE de la NASA montre des variations dans le champ gravitationnel de la Terre. Les zones en rouge indiquent une gravité plus forte et celles en bleu une gravité plus faible.
On s’entend généralement pour dire que la gravité terrestre s’établit à 9,8 m/s2, mais elle varie selon l’emplacement, l’heure, la latitude, la hauteur et la densité volumique régionale. Plusieurs facteurs peuvent influencer la gravité, y compris les changements de topographie, le type de roche, l’eau de surface, l’eau souterraine et les glaciers qui fondent rapidement. La masse sur Terre est continuellement redistribuée à cause des marées, des tremblements de terre, des éruptions volcaniques, de l’exploitation minière et de l’extraction de pétrole, de la surrection glaciaire, etc. Les changements de niveau de la mer ajoutent de la masse aux océans et la retirent de la terre, et la gravité locale influence la hauteur de la surface de l’océan. Par exemple, lorsqu’un glacier fond, le niveau de la mer moyen monte, mais près du glacier, la perte de masse de glace peut réduire la gravité.
Le champ gravitationnel peut être évalué à l’aide d’une vaste gamme de données d’enquête gravimétriques terrestres, maritimes et aériennes, en plus de mesures satellitaires comme celles des missions GRACE de la NASA (site en anglais) et GOCE de l’Agence spatiale européenne (site en anglais). Les mesures peuvent être prises à l’aide de gravimètres, ou en calculant la différence d’accélération et de distance entre deux lieux ou entre deux satellites ou plus.
Parmi ses nombreux usages, le géoïde est incroyablement important pour la localisation (GPS) et la cartographie, particulièrement comme référence pour les mesures verticales relatives au niveau moyen de la mer. Des données d’élévation précises sont requises pour les cartes topographiques et l’arpentage; elles sont essentielles pour les grands projets d’ingénierie comme la construction de barrages, de ponts et de tunnels; pour la surveillance du niveau de la mer et les impacts des changements climatiques sur les côtes du Canada, les évaluations du risque d’inondation, une vaste gamme d’utilisations relatives à la géologie, qu’il s’agisse d’exploitation des ressources ou de surveillance des tremblements de terre, de la planification de l’utilisation du territoire, de l’océanographie et des sciences atmosphériques, et finalement pour l’observation de la Terre. Les données de géoïde permettent d’assurer que les diverses applications scientifiques et pratiques se basent sur des informations géographiques constantes et précises.
Faire correspondre les systèmes de coordonnées géographiques à cette forme irrégulière de la Terre est très difficile. La latitude et la longitude, par exemple, sont définies à l’aide d’un modèle ellipsoïde, et les élévations à l’aide du géoïde.
Différents systèmes de référence géodésiques se servent de différentes estimations pour obtenir la forme et la taille précises de la Terre, mais aucune projection ou carte n’est parfaite.
Le géoïde fournit une représentation plus juste qu’un simple ellipsoïde de la forme de la Terre. Puisqu’il tient compte des variations gravitationnelles et de la surface inégale de la Terre, il soutient une vaste gamme d’applications scientifiques et pratiques, assurant la constance et la précision des informations géographiques.
Aller plus loin
Plus à propos de l’origine de la géodésie, l’étude de la forme de la Terre.
Détails sur le géoïde du Canada et la Modernisation du système de référence altimétrique de RNCan : Système canadien de référence altimétrique de 2013
Réseau canadien de normalisation gravimétrique (RCNG) – stations de contrôle partout au pays.
Levés géodésiques du Canada de Ressources naturelles Canada
Mission pour cartographier la gravité de la Lune : GRAIL (Gravity Recovery and Interior Laboratory) (site anglais)
Par Cassandra Marion
Le Canada contre le scarabée japonais : Une petite terreur en cavale
Un petit envahisseur provoque beaucoup de frustrations chez les jardiniers et les agriculteurs du Canada : le scarabée japonais. Vous les avez probablement déjà vus... de petits scarabées d’un vert cuivré métallique brillant. On les retrouve souvent en train de s’accoupler en masse sur les plantes. Pendant les mois d’été, cet insecte vorace fait des ravages sur les plantes ornementales et les cultures partout au Canada, laissant derrière lui des plantes dénudées aux feuilles squelettiques. Mais, heureusement, à partir de septembre, nos plantes peuvent récupérer un peu, car le grignotage des plantes au-dessus du sol s’est atténué pour le reste de l’année puisque les scarabées meurent et leurs descendants poursuivent le cycle de vie dans le sol. Mais, y a-t-il une façon de s’en débarrasser pour de bon? Ne comptez pas trop là-dessus...
Les fleurs de rosiers sont un des aliments préférés des scarabées japonais.
Le scarabée japonais, comme son nom l’indique, est originaire du Japon. Il a accidentellement été transporté jusqu’au New Jersey en 1916 et, dès 1939, il avait fait son chemin jusqu’au Canada. Maintenant, ces scarabées se sont répandus en Ontario, au Québec et ailleurs. Ils ont envahi la plupart des provinces et s’y sont établis. Ce qui veut dire que nos chances de les éradiquer sont extrêmement minces. Une province a toutefois été épargnée jusqu’à maintenant, probablement à cause de la chaîne de montagnes qui la sépare du reste du pays... la Colombie-Britannique. Et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) prend des mesures sévères pour tenter de maintenir le statu quo.
Une des raisons pour lesquelles cette bestiole est si destructrice est son appétit peu sélectif. Contrairement à de nombreux autres insectes qui préfèrent des hôtes bien particuliers, les scarabées japonais se nourrissent de plus de 300 types de plantes, dont les fèves de soja, les roses, les vignes de raisins, les arbres fruitiers et même le maïs! Ils commencent dans le haut d’une plante ou d’un arbre, puis font leur chemin vers le bas, consommant non seulement les feuilles, mais aussi les pétales des fleurs et les fruits mous, comme les pêches et les framboises ainsi que la barbe des épis de maïs.
Au cours de leur vie adulte de 40 jours, les scarabées femelles pondent de 40 à 60 œufs dans le sol, habituellement dans des zones herbeuses. Ces œufs éclosent et font place à de petites larves affamées qui se gavent de racines et de matière organique. Après quelques mois à se repaître, elles prennent une pause hivernale avant de devenir des adultes le printemps suivant, sortant du sol en juin pour poursuivre leur campagne de destruction.
Malgré leur longue histoire en Amérique du Nord, on cherche encore le meilleur moyen de gérer ces scarabées. Les pesticides étaient autrefois la solution de choix, mais leur impact négatif sur la faune les a en grande partie retirés du marché. Alors, que peut-on faire?
Un des moyens les plus efficaces (même si fastidieux) de combattre ces scarabées est de les retirer à la main des plantes chaque jour, avant qu’ils appellent leurs amis. La raison pour laquelle on les retrouve toujours en groupes se divise en deux parties. Tout d’abord, les femelles libèrent une substance attractive, ou phéromone, qui attire les mâles. Ensuite, lorsque les scarabées commencent à manger, les plantes libèrent des signaux chimiques que les autres scarabées en vol détectent et interprètent comme la présence d’un « buffet à volonté ».
Bien qu’il soit possible de se procurer des pièges, ceux-ci peuvent en fait attirer plus de scarabées qu’ils en capturent, en faisant davantage une épée à double tranchant. C’est parce que les scarabées sont appâtés par la phéromone femelle ainsi que par les signaux des composés de la plante blessée. Ces pièges aident toutefois les scientifiques à faire le suivi des populations de scarabées, ce qui est la clé pour comprendre comment les contrôler.
Les prédateurs naturels, comme les fourmis, les oiseaux et même les moufettes, aident un peu, mais pas suffisamment pour vraiment diminuer les populations. L’automne offre cependant une occasion en or pour les efforts de contrôle. Les larves de scarabées sont particulièrement vulnérables aux nématodes pouvant être appliqués aux pelouses, soit leurs endroits de prédilection pour l’incubation.
La lutte biologique est une approche prometteuse pour contrôler ces scarabées. Certains scientifiques ont identifié une guêpe parasite qui pond ses œufs dans le corps des larves. Lorsque les œufs éclosent, les larves de guêpes mangent leur hôte de l’intérieur et émergent en bébés guêpes. Il existe aussi une mouche qui pourrait faire le travail, mais l’introduction de nouvelles espèces dans un écosystème est un exercice d’équilibre délicat à réaliser. On ne veut pas régler un problème seulement pour en créer un autre.
Ces scarabées peuvent couvrir une distance pouvant atteindre huit kilomètres par une journée venteuse. Les efforts de contrôle locaux peuvent donc donner l’impression de jouer au jeu de la taupe. On pense avoir la situation sous contrôle, puis plus de scarabées surgissent des zones avoisinantes. Malheureusement, il n’existe pas de baguette magique pour se débarrasser de ce problème. Voilà pourquoi il est si important d’empêcher ces insectes de traverser les frontières.
Le périple du scarabée japonais depuis le Japon jusqu’au Canada a lancé un avertissement sur les dangers et la destruction qui peuvent survenir lorsque des espèces envahissantes trouvent de nouvelles demeures. L’ACIA travaille sans relâche pour surveiller les organismes qui traversent nos frontières, qu’il s’agisse de fruits ou de plantes, pour arrêter net les voyageurs indésirables. Leurs efforts soulignent l’importance de la vigilance lorsque vient le temps de protéger nos écosystèmes d’envahisseurs nuisibles.
Par Renée-Claude Goulet
Au-delà des mines : Naviguer dans la nouvelle ère des diamants synthétiques
Si vous avez magasiné les bagues dernièrement, vous avez possiblement remarqué qu’on parle de plus en plus de diamants synthétiques, car les gens cherchent des solutions de rechange aux diamants naturels très chers. Dans le monde des diamants, il y a trois groupes : les diamants naturels, les imitations de diamants et les diamants synthétiques. Les imitations de diamants sont en fait d’autres pierres non diamantaires utilisées pour copier les diamants. Ces imitations peuvent être des pierres naturelles, comme des topazes, ou des pierres artificielles, comme les zircones cubiques, qui sont fabriquées en laboratoire. Les diamants synthétiques sont des diamants fabriqués en laboratoire et qui ont les mêmes propriétés physiques et chimiques que les diamants naturels.
Les diamants synthétiques de HP/HT viennent dans une variété de formes, comme des croisements entre cubes et octaèdres.
Les diamants naturels sont très rares et se forment profondément dans la Terre, typiquement de 150 à 200 km sous la surface terrestre. Des éruptions volcaniques qui produisent des colonnes de roches s’élevant des profondeurs du manteau de la Terre, appelées kimberlites (ou d’autres sont des lamproïtes), les remontent à la surface. Pour que les diamants se forment naturellement, ils ont besoin de températures allant de 900 à 1 300 degrés Celsius et d’une pression de 5 millions kPa (kilopascals) ou de 725 lb/po2 (livres par pouce carré). Les diamants sont un minéral dont les cristaux cubiques ou octaédriques sont formés par une liaison carbone-carbone compacte, et qui sont reconnus pour leur résistance aux égratignures ainsi que leur éclat et leur brillance.
Les humains ont réussi à imiter les conditions de formation des diamants, alors il doit être facile de créer des diamants, non? Eh bien, pas exactement. Les premiers diamants fabriqués par General Electric, en Amérique, en 1954, ont exigé près d’une décennie de travail. Cependant, un ingrédient spécial manquait à General Electric pour créer un diamant suffisamment gros pouvant appartenir à la catégorie pour labos. Fabriquer un diamant synthétique exige plus que juste du carbone soumis aux bonnes conditions de pression et de température dans un laboratoire. Un point de nucléation ou « germe » — soit un morceau de diamant dans lequel la croissance du diamant peut être contractée en un seul cristal — est essentiel. General Electric a réussi à faire croître le premier diamant de qualité gemme dans les années 1970 à l’aide d’un germe de graphite qui influençait la croissance du diamant.
De nos jours, il y a deux principales façons de faire croître un diamant : la méthode de haute pression/haute température (HP/HT) et la méthode de dépôt chimique en phase vapeur (DCPV). Les diamants de HP/HT sont fabriqués, vous l’aurez deviné, sous haute pression et haute température (plus hautes que leurs homologues naturels, soit autour de 2 000 degrés Celsius et 100 millions kPa (kilopascals) ou 1,5 million lb/po). Une tranche de diamant, ou germe, est placée dans une poudre de graphite et de métal, ce qui provoque une réaction permettant au graphite de fondre et de transporter le carbone sur le germe de diamant, créant ainsi la formation d’un nouveau cristal. Le processus peut produire des diamants contenant des impuretés, comme des fragments de métal ou un surplus d’azote pouvant donner une couleur jaunâtre aux diamants.
Les diamants de dépôt chimique en phase vapeur sont un peu différents. Ils sont fabriqués dans une chambre remplie de gaz carbone chauffé par des micro-ondes à environ 900 degrés Celsius. Les atomes de carbone sont séparés du gaz et bruinent sur la plaque diamantaire. Lorsque plusieurs couches sont déposées sur le germe, on obtient un cube formé de nombreuses couches microscopiques. Puisque du carbone pur est utilisé dans la machine, les diamants ne comportent pas les mêmes impuretés qui occasionneraient de la couleur. On produit donc typiquement une sorte de diamant reconnu pour être exempt d’impuretés, soit de type IIa (rare dans la nature).
Les gemmes synthétiques sont généralement plus propres, moins chères et peuvent présenter une grande variété de couleurs à des prix abordables, et ce, même si certaines personnes considèrent encore qu’il ne s’agit pas de vrais diamants. Il faut comprendre et apprécier que ces pierres sont de véritables diamants ayant été créés en laboratoire et qu’ils ont les mêmes propriétés chimiques et physiques que leurs homologues naturels.
Par Gordon Bardell
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