Sic itur ad astra : Quelques observations sur la stellaire carrière de l’astronome canadien Carlyle Smith Beals, partie 1
Ave, mi amice qui legit, salve. Quid agis hodie? Gaudeo te audire quod bene facis.
N’aimez-vous pas le son du latin au petit matin, ami(e) lectrice ou lecteur? Des traducteurs en ligne de plus en plus précis permettent à des rustres insuffisamment éduqués comme votre humble serviteur d’avoir l’air, et bien, civilisé / cultivé / raffiné. Quand ils fonctionnent correctement, s’entend.
Un cas d’espèce. Quelle est la bonne traduction du mot anglais several en français? Plusieurs ou quelques? Mon petit esprit gravite constamment vers quelques parce qu’il est convaincu que plusieurs signifie many. Qu’en pensez-vous? (Bonjour, EP!)
Soit dit en passant, Sic itur ad astra signifie C’est ainsi que l’on s’élève vers les étoiles / Ainsi atteint-on les astres.
Votre humble serviteur espère que vous aussi penserez que ces mots, mis sur papyrus ou parchemin entre 30 et 20 avant notre ère par Publius Vergilius Maro, un poète romain mieux connu sous le nom de Virgile, dans le cadre de son poème épique Aeneis, sont des plus appropriés pour introduire une des sommités de l’astronomie canadienne du 20ème siècle, Carlyle Smith Beals.
Beals vient au monde fin juin 1899, à Canso, Nouvelle-Écosse, et…
Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Ce nom vous dit quelque chose? Vous avez en effet raison. Canso est le nom donné par l’Aviation royale du Canada, pendant la Seconde Guerre mondiale, à ses amphibiens de patrouille maritime / anti-sous-marins Consolidated PBY Catalina de conception américaine mais de fabrication canadienne. Un aéronef de ce type se trouve bien sûr dans la collection prodigieuse et formidable du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, mais je digresse. Votre faute.
Beals s’inscrit à Acadia University, à Wolfville, Nouvelle-Écosse, pendant la Première Guerre mondiale. Le baccalauréat qu’il a obtient en 1919 est en physique et mathématiques. Des problèmes de santé forcent Beals à mettre temporairement de côté ses projets de poursuivre ses études. Pour joindre les deux bouts, il enseigne dans une petite école de campagne de Nouvelle-Écosse durant l’hiver 1920-21.
Beals s’inscrit à Yale University, à New Haven, Connecticut, en 1921, afin d’obtenir un doctorat, je pense. Des problèmes de santé le contraignent rapidement à mettre temporairement de côté son projet de poursuivre ses études. Beals change d’université en 1922. Il fréquente la University of Toronto, à… Toronto, Ontario, et obtient une maîtrise en physique en 1923.
À la recherche d’un emploi, Beals va à Québec, Québec, à l’école secondaire Quebec High School pour être plus précis, où il est responsable de l’enseignement des sciences pendant environ un an.
En 1924, Beals se rend à Londres, Angleterre, où il s’inscrit au programme de doctorat en physique du Royal College of Science du Imperial College of Science and Technology. Il obtient son diplôme en 1926.
C’est apparemment à Londres que Beals se familiarise avec l’astronomie d’observation, grâce aux instruments montés dans le petit observatoire du collège.
Beals est bientôt de retour à Acadia University, où il devint professeur adjoint de physique. Environ un an plus tard, en 1927, il quitte ce poste pour devenir astronome adjoint à l’Observatoire fédéral d’astrophysique, sur le mont Little Saanich, une colline en fait, au nord de Victoria, Colombie-Britannique.
L’Observatoire fédéral d’astrophysique est à l’époque le principal observatoire astronomique du Canada. Et oui, il est sans doute plus important que l’Observatoire fédéral, situé à Ottawa, sur la Ferme expérimentale centrale, et…
En effet, ami(e) lectrice ou lecteur, le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, institution sœur / frère du susmentionné Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, est situé sur la Ferme expérimentale centrale. (Bonjour, WK!) Mais revenons à notre histoire.
Beals rejoint rapidement la Victoria Astronomical Society de… Victoria. De fait, il est président de ce groupe au moins une fois, vers 1930. Votre humble serviteur ne peut pas dire si ce groupe est distinct du Victoria Centre de la Société royale d’astronomie du Canada, un centre au sein duquel Beals est successivement secrétaire, vice-président et président.
Incidemment, la société en question, oui, la royale, est bel et bien mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis décembre 2018.
Croiriez-vous que, en 1933, Beals termine une étude exhaustive des sons produits dans les régions nordiques par les aurores boréales / aurores polaires, les insaisissables et enchanteurs spectacles lumineux principalement observés dans les dites régions de la planète Terre? Si, si, les sons.
Beals devient apparemment accro aux soniques après être tombé sur un article publié dans le numéro de décembre 1927 d’un magazine américain, Publications of the Astronomical Society of the Pacific, par un certain James Halvor Johnson, à première vue opérateur minier de l’Alaska à la retraite depuis longtemps et avocat (à la retraite?), qui a lui-même entendu les sons émis par au moins une aurore boréale en Alaska.
Johnson n’est en aucun cas la première personne à entendre quelque chose. Nenni. La première référence à des sons auroraux que Beals peut trouver date de 1770-71, lorsqu’un explorateur / commerçant de fourrures / auteur anglais, Samuel Hearne, voit et entend au moins une aurore boréale alors qu’il explore les terres à l’ouest de la baie d’Hudson, dans ce qui est maintenant le Nunavut.
Il va sans dire que les gens qui vivent dans les régions septentrionales de l’Amérique du Nord depuis des centaines et milliers d’années connaissent fort bien les aurores boréales.
Soit dit en passant, Beals n’est pas le premier scientifique canadien intéressé par « L’audibilité de l’aurore », pour citer une traduction du titre d’un article publié dans le numéro de septembre 1923 du Journal of the Royal Astronomical Society of Canada. De fait, l’auteur de ce texte, Clarence Augustus Chant, le seul et unique astronome de la University of Toronto à l’époque, commence à recueillir des preuves sur ce sujet à la fin des années 1910. Considéré par certains comme le père de l’astronomie canadienne, ce gentilhomme est bien sûr mentionné dans des numéros d’avril 2019, juillet 2019 et juin 2021 de notre blogue / bulletin / machin
Quoiqu’il en soit, Beals envoie une lettre circulaire avec quelques questions à de nombreuses personnes de bonne réputation / fiables qui ont vécu ou voyagé dans le nord du Canada. Pas moins de 145 des quelque 185 personnes qui envoient des réponses affirment avoir entendu au moins une fois les sons émis par une aurore boréale, et ce à différentes périodes, dont l’été, et ce pendant différentes années. Ces personnes sont presque unanimes dans leurs témoignages. Les aurores, déclarent-ils, produisent un sifflement / froissement / crépitement / bruissement.
La conclusion de Beals est que les aurores produisent 2 types de sons distincts : un sifflement / froissement / bruissement et un crépitement.
Ceci étant dit (tapé?), les sons sont apparemment loin d’être courants. Un répondant indique que environ 95 % des aurores qu’il a vues étaient silencieuses. D’autres qui ont passé 20 ou 30 ans dans le Nord n’entendent les sons qu’une ou deux fois.
Alors que quelques / plusieurs membres de la communauté scientifique sont d’accord avec les conclusions de Beals, publiées dans le numéro de mai 1933 du Journal of the Royal Astronomical Society of Canada, plusieurs / la plupart ne le sont pas. Quelques / plusieurs pensent que les témoins ont une imagination trop active. D’autres pensent que, même si les sons sont réels, ils n’ont rien à voir avec les aurores.
Croiriez-vous que, en 2022, même si la communauté scientifique admet volontiers qu’un grand nombre de personnes d’origines ethniques diverses sont cohérentes dans leur description des sons qu’elles entendent sur une période de quelques, voire plusieurs siècles, alors que des aurores boréales sont bien visibles dans le ciel, le lien entre les dites aurores et les sons, s’il y a bien des sons, reste à démontrer à la satisfaction de la dite communauté?
Au risque de passer pour un fouille-caca, votre humble serviteur doit se demander si le scepticisme de la communauté scientifique, un scepticisme bien nécessaire pour éliminer les délires, erreurs et fraudes, un scepticisme comme celui qui s’exprime à chaque fois que certaines croyances populaires liées aux vaccins, à la vie après la mort, aux objets volants non identifiés, aux monstres lacustres, au créationnisme, etc., sont évoquées, ne rebute pas un grand nombre de personnes pour qui les scientifiques constituent une élite condescendante mais financée par les impôts plus intéressée, par exemple, à sauver l’habitat de quelque bestiole qui n’intéresse qu’eux seuls que de sauver les gens de la classe ouvrière qui gagnent leur vie grâce au développement des ressources situées dans l’habitat en question. Je vous dis ça comme ça, moi.
Il convient de noter qu’un aspect de la recherche aurorale de Beals s’avère erroné. Contrairement à ce que lui et quelques / plusieurs témoins, dont Johnson, pensent, des éléments de certaines aurores ne se trouvent pas très, très près de la surface de notre planète bleue.
Remarquez, Beals mène également des études bien reçues sur les gaz présents dans l’espace entre les étoiles au cours des années 1930. Il étudie également quelques types d’étoiles rares et inhabituelles.
De plus, Beals conçoit quelques instruments, dont un microphotomètre utilisé pour analyser la lumière d’étoiles lointaines. L’appareil en question est un des meilleurs de son genre au monde. Quelques exemplaires de ce microphotomètre sont assemblés par S.S. Girling de Victoria, la personne douée qui assemble plusieurs, sinon la plupart des instruments utilisés par l’Observatoire fédéral d’astrophysique pendant les années 1930 et au-delà. Incidemment, un des microphotomètres est fabriqué pour le célèbre Yerkes Observatory, le berceau de l’astrophysique moderne, exploité par la University of Chicago.
Et oui, au fil des années et décennies, Beals fait d’innombrables présentations devant divers groupes.
Comme vous pouvez l’imaginer, Beals se débrouille bien à l’Observatoire fédéral d’astrophysique. Il devient astronome à part entière en 1936. Mieux encore, Beals est nommé directeur adjoint de l’observatoire en 1940.
Beals et son épouse se trouvent sur un paquebot en route vers le Canada lorsque le pays entre dans la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939. Il venait de participer à une conférence internationale sur l’astrophysique tenue à Paris.
Pendant le conflit, Beals passe environ 2 ans, ou plus, à travailler sur des moyens de défense contre les armes chimiques. En mai 1942, par exemple, il fait la démonstration des masques à gaz / respirateurs improvisés qu’il a conçus, à l’aide de bouillottes, au kiosque de protection contre les raids aériens (Air Raid Protection) de la United Nations Victory Fair qui se tient à Victoria. À ce moment-là, environ 25 agents de raid aérien de Saanich ont assemblé leurs propres respirateurs en utilisant les concepts de Beals. Croiriez-vous qu’un de ces modèles a en son cœur la chambre à air d’un pneu d’automobile?
La nécessité de développer des masques à gaz faits maison est due au fait que, jusqu’en juillet, sinon août 1942, des masques à gaz fabriqués en usine ne sont pas disponibles en Colombie-Britannique en nombre significatif pour protéger les quelque 830 000 personnes qui y vivent.
Pourquoi des masques à gaz et agents de raid aérien sont-ils nécessaires en Colombie-Britannique, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur concerné(e)? Voyez-vous, les braves gens de cette province sont ébranlés jusqu’au plus profond d’eux-mêmes par les attaques japonaises de décembre 1941 contre les colonies et territoires américains, britanniques et néerlandais en Asie et dans l’océan Pacifique.
Leur peur et, soyons francs, un manque d’épine dorsale politique, une hystérie de guerre et un racisme exacerbé conduisent à l’internement, en 1942, de plus de 20 000 Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise – et d’environ 120 000 Américaines et Américains d’origine japonaise – qui n’ont rien fait de mal, et n’ont aucune intention de faire quoi que ce soit de mal, des gens, des enfants en fait, comme l’activiste / auteur / diffuseur / zoologiste canadien David Takayoshi Suzuki, et comme Takei Hosato, mieux connu sous le nom de l’activiste / acteur / auteur américain George Takei, le premier Hikaru Sulu de la franchise télévisuelle et cinématographique Star Trek.
Et oui, le grand Canadien qu’est Suzuki est mentionné dans un numéro de novembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin, qui reste toujours aussi impressionnant.
Croiriez-vous que les Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise sont privé(e)s de leur droit de voyager à leur guise jusqu’en avril 1949? À ce moment-là, bien sûr, leurs maisons et entreprises ont été confisquées depuis longtemps.
Les Américaines / Américains et Canadiennes / Canadiens d’origine japonaise doivent attendre jusqu’en 1988 pour recevoir des excuses et une maigre compensation financière des gouvernements des États-Unis et du Canada, mais revenons à Beals.
Le travail concernant la guerre des gaz de Beals est apprécié à un point tel qu’il est nommé Provincial Gas Officer, ou officier provincial des gaz, pour la Colombie-Britannique bien sûr, en février 1943. Il devient ainsi responsable de l’organisation des services civils anti-gaz, de la supervision de l’entraînement et de la coordination de toutes les activités liées à la guerre des gaz. Beals occupe ce poste en plus de son travail à l’Observatoire fédéral d’astrophysique. Votre humble serviteur ne peut pas dire quand son travail concernant la guerre des gaz prend fin.
Et c’est le meilleur endroit pour terminer la première partie de cet article. À plus.