« Un prophète n’est sans honneur que dans son pays. » – Le Hongro-Canadien Louis Gyory et le futur inaccompli de ses véhicules électriques et hybrides, partie 3
Bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur qui s’impatiente d’en savoir plus sur Marathon Electric Vehicles Incorporated de Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Québec, et ses véhicules aujourd’hui tristement oubliés. Commençons-nous?
Même si sa Marathon C-300 fait encore parler d’elle et fait encore tourner les têtes durant l’été 1979, Marathon Electric Vehicles commence à concentrer ses efforts de vente sur une camionnette légère à 6 roues de forme carrée ayant une charge utile d’environ 450 kilogrammes (environ 1 000 livres), la Marathon C-360, que des acheteurs potentiels voient comme un moyen pratique de livrer une variété d’articles en milieu urbain.
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La camionnette de livraison électrique Marathon C-360 exploitée par le service postal du Dartmouth College, Hanover, Connecticut. Cette université privée américaine aurait pu ou non payer le prix total de ce véhicule. Voyez-vous, le président de Marathon Electric Vehicles Incorporated de Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Québec, David Cameron Salter, est diplômé du Dartmouth College en 1953. Anon., « Community – People, Places, Events. » Valley News, 19 juin 1981, 16.
Vendue entre 13 000 $ et 16 000 $, des sommes qui correspondent à 51 500 $ à 63 400 $ environ en devises de 2024, la C-360 est alimentée par 16 batteries plomb-acide de 6 volts pour voiturette de golf qui lui procurent une autonomie d’environ 60 kilomètres (environ 37 milles). Ce bloc d’alimentation propulse la dite petite camionnette à des vitesses allant jusqu’à environ 70 km/h (environ 43 mi/h). La recharge des batteries nécessite de 8 à 10 heures.
Le remplacement des batteries coûte entre 800 $ et 880 $, des sommes qui correspondent à environ 3 150 $ à 3 500 $ en devises de 2024. Ce remplacement doit avoir lieu après environ 300 recharges, et apparemment pas après environ 400 recharges comme le prétend la firme.
Compte tenu des tarifs d’électricité de l’époque au Québec, le propriétaire d’une C-360 doit débourser la maigre somme de 2.15 $ par 100 kilomètres (environ 62 milles) de conduite en ville, une somme qui correspond à environ 8.50 $ en devises de 2024. Il n’existe pas une seule camionnette à essence sur la planète Terre capable de parcourir cette même distance pour un si petit tas de foin.
De fait, selon Marathon Electric Vehicles, le conducteur d’une C-360 doit débourser la maigre somme de 120 $ pour parcourir une distance d’environ 12 000 kilomètres (environ 7 500 milles). Celui d’une camionnette de livraison à essence de taille similaire doit débourser environ 935 $. Wah! Ces sommes correspondent d’ailleurs respectivement à 475 $ et 3 700 $ environ en devises de 2024.
Ceci étant dit (tapé?), une personne peut acheter deux camionnettes à essence de base pour le prix d’une C-360.
Il faut noter que les personnes qui conduisent les premiers exemplaires de la C-360 trouvent qu’elle est difficile à contrôler en marche arrière et virage dans des situations exigeantes. La transmission est également sujette à des pannes.
Veuillez que ce qui suit est une… Alerte au divulgâcheur!
Au moment où ces problèmes sont corrigés, Marathon Electric Vehicles est pratiquement au bout du rouleau.
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Une des premières camionnettes de livraison électriques Marathon C-360 en construction dans les installations de Marathon Electric Vehicles Incorporated à Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Québec. Louis Gyory prend la pose pour le photographe. Michael Shelton, « Electric answer to petroleum ransom. » The Montreal Star, 16 mars 1979, C 1.
Incidemment, la carrosserie de la C-360 est en Alucobond, un matériau composite européen léger mais rigide constitué de deux feuilles d’alliage d’aluminium collées sur un noyau en polyéthylène.
La plupart des composants de la C-360, sinon la totalité, proviennent des États-Unis.
De fait, si Marathon Electric Vehicles est satisfaite du soutien technique qu’elle reçoit de ses fournisseurs américains, elle n’est pas aussi satisfaite de la maigre somme que le gouvernement fédéral budgétise pour aider au développement des véhicules électriques. Pis encore, le gouvernement élu en mai 1979 met cette somme au congélateur pendant qu’il élabore ses priorités de dépenses.
Vous serez peut-être heureuse / heureux d’apprendre (lire?) que la Hydro-Electric Power Commission of Ontario de Toronto, Ontario, prend possession d’une douzaine de C-360 à la fin de l’été et au début de l’automne 1980. Elles doivent être utilisées pour un essai de 2 ans.
Croiriez-vous que le premier ministre de l’Ontario, William Grenville « Bill » Davis, fait un tour autour du Ontario Legislative Building, à Toronto, dans la première C-360 à être livrée, un tour décrit comme étant saccadé? Non? Eh bien, en voici la preuve…
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Le premier ministre de l’Ontario, William Grenville Davis, au volant de la première camionnette de livraison électriques Marathon C-360 livrée à la Hydro-Electric Power Commission of Ontario de Toronto, Ontario. Joe Fox, « Electric van plant could recharge Windsor’s economy. » The Windsor Star, 25 septembre 1980, 1.
Pour citer Davis, en traduction, la C-360 « roule très bien tant qu’on n’accélère pas trop vite. Elle est confortable, a une bonne visibilité et est amusante. » L’absence d’embrayage peut être à l’origine de la conduite saccadée du premier ministre.
Les 12 véhicules de la Hydro-Electric Power Commission of Ontario sont constitués de 2 camionnettes électriques, 2 camionnettes hybrides et 8 véhicules pour passagers dont votre humble serviteur n’a pas pu identifier le système de propulsion.
Incidemment, une C-360 hybride coûte entre 17 500 $ et 18 000 $ en 1980, des sommes qui correspondent approximativement à 62 750 $ à 64 500 $ en devises de 2024.
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Louis Gyory montrant le compartiment des batterie de la première camionnette de livraison hybride Marathon C-360 après leur voyage Montréal, Québec-Ottawa, Ontario. Paul Whitelaw, « His battery of batteries. » The Ottawa Journal, 20 octobre 1979, 4.
Gyory voyage de Montréal, Québec, à Ottawa, Ontario, dans une C-360 en octobre 1979, ce qui est le plus long trajet qu’un véhicule de ce type particulier ait fait jusqu’à cette époque. Le véhicule qu’il conduit est la toute première C-360 hybride, terminée ce même mois d’octobre. Capable de parcourir une distance d’environ 80 kilomètres (50 milles) en utilisant uniquement ses batteries, ce prototype a une autonomie allant jusqu’à environ 800 kilomètres (environ 500 milles) lorsque son moteur à essence est utilisé tout seul.
Une autre C-360 hybride fait le trajet d’Ottawa à Toronto au plus tard en 1980. Elle parcourt les quelque 435 kilomètres (environ 270 milles) entre les deux villes sans aucune difficulté.
Le United States Postal Service commande une dizaine de C-360 entièrement électriques en 1980.
À la fin de cette année-là, ce service exploite environ 380 véhicules électriques de divers types, ce qui n’est qu’une toute petite goutte d’eau dans son océan véhiculaire de 125 à 175 000 véhicules.
De fait, la C-360 est apparemment conçue pour répondre aux besoins du United States Postal Service, ce qui explique pourquoi le volant de ce véhicule peut être à droite ou gauche. Voyez-vous, avoir le volant à droite signifie que l’employé(e) de la poste qui conduit une C-360 n’a pas besoin de la contourner à chaque fois qu’elle ou il doit se rendre à une boîte aux lettres. Plutôt astucieux, non?
Croiriez-vous que, à l’automne 1980, le United States Postal Service a apparemment une commande permanente de 10 C-360 par mois? Malheureusement, Marathon Electric Vehicles ne peut tout simplement pas la respecter. Sa capacité de production totale est de… 6 à 10 C-360 par mois.
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Quatre des camionnettes électriques d’entretien Marathon C-360 livrées à l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent de Cornwall, Ontario. Le président de cette administration, William Andrew O’Neill, est au volant de celle au premier plan. Mike Hamilton, « Canal workers try out electric vans. » The Standard, 19 septembre 1980, 16.
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Une des camionnettes électriques d’entretien Marathon C-360 livrées à l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent de Cornwall, Ontario. Dave Kewley, « Electric vans give Seaway workers a charge. » The Spectator, 19 septembre 1980, 11.
En septembre 1980, sept C-360 entièrement électriques sont livrées à l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent de Cornwall, Ontario. Les électriciens et mécaniciens de cet organisme fédéral les utilisent comme véhicules d’entretien sur le système du canal Welland, en Ontario.
Ces véhicules sont l’élément central d’un projet de 5 ans de Transports Canada, le premier du genre au Canada, visant à tester la C-360, à suggérer des améliorations à sa technologie et à développer un prototype amélioré capable de voyager à la fois plus loin et plus vite.
Incidemment, le Centre de développement des transports d’Ottawa, une unité de la Direction générale de la recherche et du développement de Transports Canada, est responsable de ce projet.
Dans le cadre de la phase initiale de test du projet, le personnel de la firme de génie-conseil choisie pour le travail, DSMA Atcon Limited d’Etobicoke, Ontario, installe une sorte de mini-ordinateur sur chaque camionnette. Ces appareils enregistrent une variété de paramètres liés aux performances et à l’état du système électrique.
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La toute première camionnette électrique Marathon C-360 livrée à l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent de Cornwall, Ontario, exposée au séminaire sur les véhicules électriques tenu à Etobicoke, Ontario. Le ministre de l’énergie de l’Ontario, Robert Stanley Kemp Welch, est au volant. Brian Clark, « Local firm giving electric vehicles a boost. » The Etobicoke Guardian, 31 octobre 1979, C1.
Incidemment, encore, une C-360 acquise à des fins expérimentales par l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent au début de 1979 est exposée en octobre de la même année lors d’un séminaire sur les véhicules électriques tenu à Etobicoke. Le ministre de l’énergie de l’Ontario, Robert Stanley Kemp Welch, prend le volant de ce véhicule et peut l’avoir essayé brièvement.
Le véhicule en question peut, je répète peut, être la première C-360 de série.
Le temps qu’il passe avec les employés de l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, en 1979-80, mène à l’ajout d’une sorte de coussin chauffant autour des batteries des C-360 livrées à cette administration en septembre 1980.
Comme le sait sans doute le puits de connaissances que vous êtes, ami(e) lectrice ou lecteur, le froid peut priver une batterie plomb-acide d’une bonne partie de son oumph. Mon père, par exemple, branchait religieusement, pendant l’hiver, le chauffe-moteur de chaque automobile qu’il a possédé.
À première vue, le projet de Transports Canada n’a pas atteint sa 3ème et dernière phase. Remarquez, il n’a peut-être pas atteint sa 2ème phase non plus.
Incidemment, euh, encore, saviez-vous que DSMA Acton est la firme qui, à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, développe une sorte de robot pour insérer des grappes de combustible dans le cœur des réacteurs nucléaires générateurs d’énergie de conception canadienne CANDU?
Ou que ce même robot attire d’une certaine façon l’attention d’ingénieurs de la National Aeronautics and Space Administration (NASA), une administration américaine de renommée mondiale mentionnée à moult reprises dans notre blogue / bulletin / machin spatial depuis mars 2018?
Et oui, le robot en question est un lointain ancêtre du Shuttle Remote Manipulator System (SRMS), plus connu, du moins au Canada, sous le nom de Canadarm.
Au total, 5 SRMS vont dans l’espace à bord des 5 Orbiter, ou navettes spatiales, opérationnel(le)s du Space Transportation System de la NASA.
DSMA Acton joue un rôle crucial dans le développement de l’effecteur terminal, ou main, du SRMS. Elle conçoit également un banc d’essai qui permet aux ingénieurs de simuler de manière sûre mais réaliste, sur le plancher des vaches, certains mouvements de cet appareil complexe lorsqu’il serait dans l’espace.
Une brève digression si vous me le permettez. Le premier Canadarm est exposé au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, depuis mai 2013. Cette icône de l’ingénierie canadienne est en prêt permanent à cette institution, gracieuseté de la NASA et de l’Agence spatiale canadienne. Fin de la digression.
Au début de 1982, la Société canadienne des postes, nouvellement créée, évalue une paire de C-360 entièrement électriques fournie par Marathon Electric Vehicles. Elle n’est pas suffisamment impressionnée pour en acquérir une, ni aucune autre d’ailleurs.
Combien de C-360 sont construites, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Bonne question. Je n’en ai aucune idée, mais je ne serais pas surpris d’apprendre que la production totale, prototype(s) compris, ne dépasse pas 75 véhicules, si cela. Au plus tard à l’automne 1980, par exemple, les quelque 25 employé(e)s de Marathon Electric Vehicles n’en avaient produit qu’une quarantaine.
Étant donné les retards qu’elle rencontre dans l’exécution des commandes américaines en raison de la taille limitée de son usine de Saint-Léonard-de-Port-Maurice, étant donné aussi la fin de son bail sur cette usine, au printemps 1981, Marathon Electric Vehicles envisage sérieusement, au début de l’automne 1980, la possibilité de déménager dans des usines plus grandes près de la frontière canado-américaine, soit dans la région de Windsor, Ontario / Detroit, Michigan, ou dans la région de Brockville, Ontario / Ogdensburg, New York.
Et oui, avisé(e) ami(e) lectrice ou lecteur, ce déménagement projeté peut signifier que l’alliance avec Davis 500 Incorporated mentionnée dans la 2ème partie de cet article s’est effondrée.
Les véhicules destinés aux utilisateurs canadiens et aux utilisateurs américains qui ne sont pas sujets aux desiderata d’une mesure législative américaine, le Surface Transportation Assistance Act of 1978, je pense, seraient fabriqués dans l’usine canadienne.
Ceux destinés aux utilisateurs américains qui sont sujets aux desiderata de la loi en question, signée en novembre 1978 par le président américain, James Earl « Jimmy » Carter, Junior, seraient assemblés dans l’usine américaine, à partir de véhicules partiellement terminés expédiés du Canada sans taxes.
Pour y arriver, Marathon Electric Vehicles a besoin d’un décret en conseil du gouvernement fédéral, oui, du gouvernement canadien.
Au début de 1981, la firme envisage sérieusement la possibilité de s’installer à Kingston, Ontario, et ce, en partie parce qu’un site dans cette ville serait admissible à une subvention de développement économique régional du ministère de l’Expansion économique régionale fédéral.
En fin de compte, la firme s’avère incapable de réunir les fonds nécessaires au déménagement de sa chaîne de production. Apparemment, le décret en conseil n’est jamais émis.
Même si son projet de déménagement échoue, Marathon Electric Vehicles fait ce qu’elle peut pour rester dans l’actualité. Elle est présente dans la section des transports Moving with the ‘80s du Ottawa Energy Show qui se déroule à… Ottawa, au parc Lansdowne plus précisément, par exemple, et ce du 30 octobre au 1er novembre 1981.
L’exposition en question est une des activités liées à la 4ème Semaine des sciences et du génie du Canada, qui se déroule du 24 octobre au 1er novembre.
Un des nombreux sites que les gens de la région peuvent visiter est ce qui est alors le Musée national des sciences et de la technologie, l’actuel Musée des sciences et de la technologie du Canada, à Ottawa. Cette institution sœur / frère de l’étonnant Musée de l’aviation et de l’espace du Canada offre à la fois des démonstrations informatiques et une présentation (exposition?) d’ordinateurs aux hordes qui passent par ses portes.
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Le président de Marathon Electric Vehicles Company Limited de Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Québec, William Howard Candlish, avec une camionnette de livraison électrique Marathon C-360. Gilles Boivin, « Un véhicule électrique de fabrication québécoise est en demande aux États-Unis. » Le Soleil, 26 novembre 1980, C-1.
À ce moment-là, oui, au plus tard en novembre 1981, beaucoup de choses avaient changé. Voyez-vous Gyory ne fait plus partie de Marathon Electric Vehicles. La firme est alors présidée par son ancien vice-président, marketing, je pense, William Howard Candlish, qui obtient le poste au plus tard en octobre 1980. Et oui, Candlish est bien la personne que vous avez vue il y a quelques secondes,
David Cameron Salter, en revanche, est toujours le président de la firme – et le plus gros investisseur individuel.
Et non, votre humble serviteur ne sait pas si Gyory part de son plein gré ou non.
Et c’est tout pour aujourd’hui.
Vous aurez une belle surprise lorsque vous ouvrirez la 4ème et dernière partie de cet article, chère / cher ami(e) lectrice ou lecteur toujours si patient(e).