Dieu aurait pu être son copilote, Ou, La carrière remarquable d’une pilote remarquable, Vera Elsie Strodl
Hej, min læsekammerat. Hvordan har du det i dag? En effet, bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur. Comment allez-vous aujourd’hui? Votre humble serviteur pense que quelques mots en danois pourraient être une manière appropriée de plonger dans le sujet de cette semaine de notre blogue / bulletin / machin. Commençons donc sans plus tarder.
Vera Elsie « Toni » Strodl naît en juillet 1918, en Angleterre. Elle est cependant la fille d’un couple danois qui s’est installé au Royaume-Uni pour exploiter un élevage de bétail. Cette entreprise connaît malheureusement des difficultés financières, un problème compliqué par la lutte de M. Strodl contre l’alcool.
En 1929 ou 1930, notre jeune amie effectue un bref vol dans un avion, très probablement un Avro Type 504 – un type d’aéronef que l’on retrouve dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario. Le directeur de son école lui a prêté l’argent pour payer le vol. Strodl doit trimer dur sur la ferme de son père pendant 6 mois avant de pouvoir rembourser le prêt. Quoiqu’il en soit, déjà profondément envieuse des mouettes qu’elle voit souvent, Strodl est accro. Elle veut voler et devenir pilote.
Croiriez-vous que Strodl et au moins un de ses frères construisent une sorte d’avion un peu avant ou après ce vol, en utilisant de la toile de sac et des caisses de pommes? Le premier et unique vol d’essai n’est pas un succès. Le pilote en herbe, Strodl, bien sûr, n’est pas blessé.
Peu de temps après, à ce qu’il semble, la mère de Strodl, Maren Sophie Christine Strodl, née Holst, est blessée par une vache trop agressive. À cette date, la joyeuse vieille Angleterre a perdu tout son éclat. En 1930, Strodl retourne au Danemark avec sa mère et ses 4 frères et sœurs, pour vivre avec sa grand-mère maternelle récemment enveuvée.
Soit dit en passant, le grand-père maternel de Strodl est le portraitiste Johan Peter Holst. Une de ses cousines pas mal plus âgée est Bodil Louise Jensen Ipsen, une des grandes vedettes du cinéma danois.
Le premier travail (rémunéré?) de Strodl est de traduire les paroles de pilotes danois pour des capitaines de navires / barges (britanniques?), ce qui n’est pas toujours facile compte tenu de la technicité de ces mots. Un jour de brouillard, elle dit tribord alors qu’elle aurait dû dire bâbord, ou vice versa, et la barge heurte un banc de sable. Son capitaine est fou de rage. Strodl est licenciée sur-le-champ.
En avril 1934, la mère de Strodl autorise sa fille de 15 ans à retourner en Angleterre pour suivre une formation de pilote. Pour une raison ou une autre, Strodl choisit de s’entraîner au Sussex Aero Club, le second club de ce type portant ce nom, le premier ayant disparu en mars 1922.
Strodl trouve un emploi de serveuse dans un café de ruelle afin d’économiser l’argent nécessaire pour payer ses cours de pilotage, mais est rapidement licenciée. L’adolescente trouve toutefois un emploi dans un autre café. Au début, elle nettoie les planchers, puis sert aux tables. Strodl commence ses cours en 1935. Deux semaines de dur labeur lui donnent 20 minutes de vol, pendant ses heures de déjeuner, ce qui signifie qu’elle doit trimer dur pendant assez longtemps pour atteindre son objectif.
Comme de nombreuses et nombreux élèves de l’époque, Strodl reçoit ses leçons d’un pilote du Royal Flying Corps / Royal Air Force (RAF) qui a servi pendant la Première Guerre mondiale. Elle s’entraîne en fait sur un de Havilland Moth, un autre type d’aéronef que l’on retrouve dans la collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Strodl obtient son brevet de pilote en janvier 1937. La collection de cette institution est-elle toujours incomparable, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Oui, elle l’est, pour les siècles des siècles. Amen. Désolé.
Avant trop, trop longtemps, Strodl obtient un emploi chez Philips & Powis Aircraft Limited et se qualifie ensuite comme inspectrice. Intéressée par les aéronefs en métal, dans lesquels Philips & Powis Aircraft a peu d’expérience mais qui représentent clairement l’avenir du vol, elle obtient un poste chez Gloster Aircraft Company Limited.
En 1939, Strodl a décidé d’émigrer en Australie. L’imminence de la guerre l’oblige toutefois à revoir ses plans. Strodl rejoint ainsi le personnel de Taylorcraft Airplanes (England) Limited, la filiale britannique récemment (1938) fondée d’un avionneur américain, Taylor-Young Airplane Company / Taylorcraft Aviation Corporation. Au cours des 2 années suivantes, elle travaille comme inspectrice d’aéronefs et pilote d’essai de production.
À l’époque, la petite entreprise produit des avions légers / privés qui ressemblent beaucoup au Taylorcraft BC trouvé dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
Une des premières, sinon la toute première affectation de Strodl avec Taylorcraft Airplanes (Angleterre) peut, je répète, peut être un vol de démonstration devant des représentants du gouvernement. L’aéronef semble décrocher, sans dessus dessous, avant que son moteur ne lâche. Strodl réussit à redresser l’aéronef qui, selon elle, se pose pratiquement tout seul alors qu’elle s’accroche de toutes ses forces.
En 1938, Strodl reçoit 2 licences de pilote de planeur. De fait, elle les gagne le même jour. Elle rejoint également une organisation paramilitaire britannique, la Civil Air Guard, dont le but est d’encourager et subventionner la formation de pilotes dans les aéroclubs du Royaume-Uni.
Incapable de servir dans la RAF en tant que pilote, pas même en tant qu’instructrice de vol, parce qu’elle est une femme, mais désireuse de contribuer à l’effort de guerre, Strodl rejoint une organisation civile des plus intéressantes en décembre 1941.
Le Air Transport Auxiliary (ATA) est créé en 1939 pour transporter du courrier, du personnel, des fournitures, etc. destinées aux forces armées britanniques dans les îles Britanniques. Il est bientôt chargé du convoyage des aéronefs neufs, réparés et endommagés de la RAF et de la Fleet Air Arm de la Royal Navy entre les diverses usines, unités de maintenance et bases. Le ATA s’avère pour ainsi dire indispensable tout au long de la Seconde Guerre mondiale.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, c’est un travail dangereux. Les pilotes du ATA doivent faire face au mauvais temps, aux occasionnels aéronefs allemands et aux servants de canons antiaériens de la British Army ayant parfois la gâchette facile. Remarquez, les grandes formations, ou barrages, de ballons captifs utilisés pour protéger d’importants sites contre les attaques aériennes peuvent également s’avérer fatales. Comme beaucoup, sinon la plupart des pilotes du ATA, Strodl évite la catastrophe à plus d’une reprise pendant la Seconde Guerre mondiale.
En tant que pilote du ATA de plus en plus habile, Strodl pilote une variété d’aéronefs militaires, des avions de chasse monoplaces comme le Supermarine Spitfire aux bombardiers lourds comme le Avro Lancaster – 2 types d’aéronefs britanniques hyper connus trouvés dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Une liste très incomplète des aéronefs de combat britanniques et américains qu’elle pilote comprend d’autres machines du musée, à savoir les Bristol Beaufighter, de Havilland Mosquito, Fairey Firefly, North American Mitchell et North American Mustang.
Il convient de noter que chaque fois qu’elle pilote un aéronef qu’elle n’a jamais piloté auparavant, Strodl écrit son nom sur le blouson de vol en cuir vu sur la photographie au début de cet article. Sur sa manche droite, par exemple, on peut lire les mots Spitfire et Tiger Moth. Et oui, il y a un Tiger Moth dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. En fait, ce musée national du Canada a un Menasco Moth, mais ne nous inquiétons pas pour une si petite peccadille.
Soit dit en passant, le dit blouson de vol peut, je répète, peut être exposé au Nordfyns Museum, un petit musée situé à Bogense, Danemark, la ville où Strodl vit avec sa mère au début des années 1930.
Au total, Strodl effectue environ 200 vols de convoyage pendant la Seconde Guerre mondiale.
Strodl est une des rares Scandinaves, femme ou homme, à voler avec le ATA pendant le conflit. Ce fait est bien connu à l’époque. De fait, elle fait la couverture du numéro de mai 1943 du journal clandestin Frit Danmark, édité par le mouvement de résistance danois du même nom, où on la voit dans le cockpit d’un aéronef.
Strodl peut très bien avoir parlé (en Danois?) dans une ou quelques émissions de radio de la British Broadcasting Corporation, London Calling Europe peut-être. Selon certains, elle peut, je répète peut, avoir largué des tracts sur le Danemark, qui souffre alors sous occupation allemande.
Bien que démobilisée en novembre 1945, Strodl rejoint la Women’s Royal Air Force Volunteer Reserve en 1946 ou 1947 et sert brièvement comme instructrice de vol (en chef?). Elle fournit des instructions de vol aux membres adolescentes du Women’s Junior Air Corps, une organisation de cadets britannique formée en 1939, par exemple.
Ce qui se passe ensuite est un peu flou. Strodl revient peut-être chez Taylorcraft Aeroplanes (England), une firme devenue Auster Aircraft Limited en 1946, avant de rejoindre l’équipe d’un petit opérateur civil suédois, Ostermans Aero Aktiebolaget. Entre autres choses, en Suède, elle transporte des passagers et du fret dans des camps de bûcherons situés à la fois au-dessous et au-dessus du cercle polaire arctique. Strodl pose même des lignes électriques depuis les airs. En d’autres termes, elle est une pilote de brousse jusqu’au bout des ongles. De fait, Strodl elle-même travaille peut-être comme bûcheron pendant quelques mois.
Il est possible, je répète possible, que Strodl apprenne à piloter des hydravions lors d’une visite aux États-Unis en 1946.
Croiriez-vous que Ostermans Aero, alors connue sous le nom de Aero Service Aktiebolaget, a l’agence générale de Taylorcraft Aeroplanes (England) / Auster Aircraft en 1946? Et bien vous devriez. De fait, Strodl livre, en janvier 1946, le premier de plusieurs avions légers / privés Taylorcraft / Auster immatriculés en Suède après la Seconde Guerre mondiale.
À un moment donné, vers 1946, un vol de convoyage vers la Suède se transforme en une sorte d’opération de sauvetage. Deux des frères Strodl et une belle-sœur détruisent pratiquement le voilier qu’elle et ils utilisent pour naviguer de l’Angleterre au Danemark. Préférant sa famille à la nécessité de livrer l’aéronef dans les délais, Strodl récupère un de ses frères à Hambourg, Allemagne, et le dépose au Danemark. Elle livre ensuite l’aéronef à son propriétaire suédois.
Strodl devient une célébrité en Scandinavie. De fait, elle fait la couverture de quelques numéros de magazines. Les photographies la montrent généralement vêtue de son blouson de vol en cuir.
À un moment donné, vers 1950-51, Strodl s’associe à une autre ancienne pilote et amie du ATA devenue directrice fondatrice du Isle of Wight Flying Club et directrice générale d’un petit aéroport anglais, en 1950 – une première européenne pour une femme. Et oui, Strodl devient l’instructrice de vol en chef du club. Incidemment, elle devient sujet / citoyenne britannique en 1948.
Comme les Homo sapiens vont, la directrice générale en question, Mary Wilkins, est un personnage aussi intéressant que Strodl. Accro à l’aviation suite à un bref vol vers 1925, à l’âge de 8 ans, elle obtient son brevet de pilote en 1939. Après la Seconde Guerre mondiale, Wilkins devient une des premières femmes au monde à piloter un avion à réaction, plus spécifiquement un avion de chasse Gloster Meteor de la RAF. Après sa démobilisation, elle devient pilote de rallye automobile et remporte plusieurs compétitions, mais revenons à notre train de pensée. Choo, choo. Désolé.
Strodl parcourt un magazine d’aviation un jour lorsqu’elle voit une annonce pour un poste d’instructeur de vol à Lethbridge, Saskatchewan. Oui, la publicité du Lethbridge Flying Club aurait indiqué la Saskatchewan, et non l’Alberta, où se trouve réellement Lethbridge. Quoiqu’il en soit, Strodl postule pour le poste et l’obtient. Elle émigre au Canada en 1952 et enseigne à des pilotes dès mai de la même année.
Strodl est un des pilotes impliqués dans le programme de cours de recyclage des instructeurs de l’Aviation royale du Canada destiné aux instructeurs de vol du temps de la guerre. Elle est la première femme instructrice de vol en Alberta et une des premières, sinon la première, dans l’Ouest canadien.
Une petite digression si je peux me permettre. Le premier pilote albertain qui s’entraîne en solo après être formé par Strodl est David « Scott » Kinniburgh, un des cofondateurs, en 1952, de Kinniburgh Spray Service Limited – une firme d’épandage aérien, basée à Taber, Alberta, qui existe encore au 2022.
Strodl déménage à Edmonton, Alberta, vers 1957, où elle travaille également comme instructrice de vol, au Edmonton Flying Club.
Et oui, elle enseigne peut-être la voltige à Lethbridge et Edmonton.
À ce moment-là, Strodl détient des licences de pilote professionnel délivrées par au moins 4 pays : le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède.
Vers 1958-59, dans le prolongement de l’œuvre missionnaire qu’elle accomplit depuis 1955 environ, dans des petites villes autour de Lethbridge, Strodl commence à voler de Edmonton vers des communautés éloignées des Territoires du Nord-Ouest et des régions du nord des provinces de l’Ouest du Canada, pour porter l’évangile aux populations autochtones. Remarquez, elle se porte également volontaire dans une mission d’aide aux personnes aux prises avec l’alcool.
Le passage de Strodl du vol commercial au travail évangélique s’avère initialement difficile, surtout lorsqu’elle met pratiquement de côté le vol commercial, vers mai 1958. Pratiquement fauchée, elle ne peut pas se permettre d’acheter le petit avion jaune qu’elle a en tête, jusqu’à ce qu’un bienfaiteur anonyme lui prête l’argent en fait, de l’argent qu’elle rembourse au plus tard à l’automne 1959.
Soit dit en passant, la machine de Strodl porte des inscriptions telles que, en traduction, « Dieu est un bon Dieu » et « Jésus sauve et guérit aujourd’hui. » Votre humble serviteur ne peut pas dire quand, ou si, elle le remplace à un moment donné.
Strodl passe généralement 2 semaines environ dans chaque endroit, puis part. N’appartenant à aucune église protestante en particulier, cette évangéliste volante dévouée mais autodidacte laisse ses converti(e)s aux soins d’un pasteur local, s’il y en a un. S’il n’y en a pas, elle écrit aux dites et dits converti(e)s jusqu’à ce qu’un pasteur soit envoyé.
Strodl est peut-être relativement bien connue aux États-Unis grâce à une bande dessinée chrétienne, le numéro 111 (septembre 1958) de Oral Roberts True Stories, intitulé The Sky Ranger. Au cas où vous ne le sauriez pas, Granville Oral Roberts est un télévangéliste chrétien américain décédé en décembre 2009. De fait, il est un des prédicateurs américains les plus reconnus, et controversés, de la période de la Guerre froide, mais je digresse.
Strodl se marie en 1963 avec un certain Standford J. « Stan » Dowling, mais continue à voler en tant qu’instructeur jusqu’en 1987. Elle continue peut-être à voler pour le plaisir jusqu’en 2000.
En 1971, Strodl commence à travailler au Northern Alberta Institute of Technology, à Edmonton, en tant qu’instructrice au sol du ministère des Transports pour les cours de pilote privé, pilote professionnel et vol aux instruments. La même année, ce ministère lui envoie une citation en reconnaissance de sa contribution à l’aviation civile dans l’Ouest canadien.
En 1972, le gouvernement de l’Alberta décerne à Strodl un prix en reconnaissance de ses réalisations exceptionnelles dans le domaine de l’aviation. La même année, la Guild of Air Pilots and Air Navigators, une organisation britannique connue en 2022 sous le nom de Honorable Company of Air Pilots, lui décerne son prestigieux Award of Merit. Elle est la première personne de nationalité canadienne et la 9ème Homo sapiens sur la planète Terre à être ainsi honorée depuis la création de la guilde, en 1929.
En 1982, le International Northwest Aviation Council de Edmonton décerne à Strodl sa Amelia Earhart Medal. Amelia Mary Earhart a-t-elle besoin d’être présentée? Je ne pensais pas. En 1987, le Western Canada Aviation Museum de Winnipeg, Manitoba, lui décerne son Pioneer Aviation Award. En 1993, le Alberta Aviation Council de Edmonton décerne à Strodl son Molly Reilly Memorial Trophy. Moretta Fenton Beall « Molly » Reilly est une pilote de renom, décédée en novembre 1990, avec un certain nombre de premières canadiennes à son actif.
En 2000, Strodl est intronisée au Canada’s Aviation Hall of Fame en reconnaissance, en traduction, de « son enthousiasme extraordinaire et son dévouement de longue date envers l’aviation, en temps de guerre et de paix, en particulier son dévouement à l’instruction au vol[.] »
En juillet 2003, le jour de son 85ème anniversaire, Strodl saute d’un avion en parfait état de marche. En d’autres termes, elle fait un saut en parachute alors qu’elle est attachée à un sauteur expert. Elle peut, je répète peut, avoir répété l’expérience en 2004 et 2005.
Cet être humain remarquable quitte ce monde en janvier 2015, à Edmonton, à l’âge de 96 ans.
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