Un méchant souffle du passé : Francis Xavier Theban Tinsley et la fusée atomique / nucléaire pulsée
Bonjour, bon après-midi ou bonsoir, ami(e) lectrice ou lecteur. Et bienvenue dans le monde toujours si surprenant de la science, de la technologie et de l’innovation. Comme vous le savez probablement, toutes les surprises ne sont pas bonnes – et le changement n’est jamais bon. (Bonjour EP!) Notre sujet de la semaine touche à une période assez effrayante du 20ème siècle connue sous le nom de Guerre froide.
Le lancement de Spoutnik I par l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) en octobre 1957 est une des mauvaises surprises dont votre humble serviteur vient tout juste de parler (taper?). Et oui, le premier satellite artificiel est mentionné dans quelques / plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis juillet 2018.
Ce lancement entraîne une vague d’activités de la part du gouvernement américain, notamment après l’explosion, en décembre 1957, sur sa rampe de lancement, de la fusée qui transporte le premier satellite artificiel américain, Vanguard. Cet embarras national télévisé est ridiculisé de manière amusante / insultante (stayputnik, stallnik, sputternik, splatnik, puffnik, pfftnik, oopsnik, kaputnik, goofnik, flopnik, failnik, dudnik, etc.) par de fort nombreux journaux américains et étrangers.
Quoiqu’il en soit, le programme spatial américain passe à la vitesse grand V (Bonjour, CF!) à la fin des années 1950. De nombreuses firmes américaines publient d’innombrables publicités dans des magazines sur papier glacé qui contiennent des visions souvent imaginatives et / ou magnifiques de ce que serait l’exploration / conquête spatiale. Américain Bosch Arma Corporation compte parmi ces firmes. À la fin des années 1950 et au début des années 1960, cette filiale de la firme bien établie d’ingénierie et de technologie ouest-allemande Robert Bosch Gesellschaft mit beschränkter Haftung offre au monde une série (de 12?) publicités intitulées Steps in the Race to Outer Space, qui contiennent des visions imaginatives et magnifiques de ce que serait l’exploration / conquête spatiale. Et oui, ces visions sont nées, pleinement formées, de l’esprit brillant de Francis Xavier Theban « Frank » Tinsley.
Votre humble serviteur voudrait maintenant vous offrir, chère / cher ami(e) lectrice ou lecteur, le texte qui accompagne le dessin qui montre le vaisseau spatial imaginé par Tinsley, vous savez, celui au début de cet article. Soupir. Revenez en arrière et regardez-le.
Ceci est la Atomic Pulse Rocket, un vaisseau spatial bedonnant presque de la taille du Empire State Building, propulsé par une série d’explosions atomiques. L’énorme fusée (pesant [68 000 tonnes métriques / 67 000 tonnes impériales] 75 000 tonnes à pleine charge) est conçue pour quitter la Terre avec une poussée de [91 000 tonnes métriques / 89 000 tonnes impériales] 100 000 tonnes. Au total, mille explosions atomiques – chacune équivalant à [910 tonnes métriques / 890 tonnes impériales] 1 000 tonnes de TNT – sont tirées à partir d’un canon à basse vitesse dans un moteur-fusée lourd en acier à raison de une par seconde jusqu’à ce que le véhicule quitte l’atmosphère de la Terre. La vapeur et l’acier vaporisé provenant de la chambre de combustion maintiennent la poussée. À l’intérieur de la fusée, les logements sont situés dans le bord d’une cabine pressurisée ressemblant à une roue qui tourne pour fournir une gravité artificielle. Des « jardins » hydroponiques tubulaires le long du bord produisent de l’oxygène et des aliments riches en protéines.
J’entends (lis?) que cette publicité déplaît à certains officiers de haut rang de la United States Air Force (USAF) qui pensent peut-être que l’illustration et la légende sont un peu trop proches de la vérité à leur goût.
Avez-vous entendu parler d’un projet classifié / secret nommé Project Orion, ami(e) lectrice ou lecteur? Non? Voilà un récit qui mérite d’être raconté.
En 1958, la division General Atomics de General Dynamics Corporation, un géant américain de la défense bien connu, mentionné à plusieurs reprises que notre vous savez quoi depuis mars 2018, commence à travailler sur une des premières, sinon la première tentative sérieuse de développer une fusée propulsée par des bombes atomiques / nucléaires. Et oui, c’est le Project Orion, qui reçoit son nom et son financement initial en avril 1958, grâce à la Advanced Research Projects Agency (ARPA), une organisation connue en 2020 sous le nom de Defense Advanced Research Projects Agency.
Croiriez-vous que l’idée d’utiliser des bombes atomiques / nucléaires pour propulser une fusée est avancée au plus tard en 1946 par Stanisław Marcin Ulam, un physicien et mathématicien polono-américain impliqué dans, vous l’aurez deviné, le Manhattan Project, le programme de recherche et développement qui entraîne la production des premières armes nucléaires, dont 2 finissent par être utilisées contre le Japon en août 1945?
Au moins deux auteurs de science-fiction ont une idée comparable dans les années 1950 : l’Américain John Dann MacDonald en 1951 dans Le vin des rêveurs et le Canado-Américain Alfred Elton « Van » van Vogt, né Alfred Vogt, en 1956 dans L’empire de l’atome. Et oui, van Vogt, un des grands auteurs de science-fiction du 20ème siècle, est né au Manitoba, à Edenburg pour être plus précis, une communauté mennonite, mais revenons à notre péroration.
En 1959-1960, l’équipe d’ingénierie du Project Orion met à l’essai une série de petits modèles, connus sous le nom de Putt-Putt, un surnom particulièrement attachant pour une entreprise aussi dangereuse. Les essais prouvent que, au moins à cette échelle, l’idée de base derrière la fusée atomique pulsée fonctionne réellement.
Remarquez, des calculs effectués à cette époque montrent apparemment que les particules radioactives diffusées dans l’atmosphère alors qu’une fusée Orion explose sa voie vers l’espace peuvent entraîner la mort de 7 à 10 personnes par lancement. Le fait qu’une telle découverte n’entraîne pas l’abandon du projet est simplement renversant.
Étant donné que ni la USAF ni la National Aeronautics and Space Agency (NASA), plus tard la National Aeronautics and Space Administration (NASA), une célèbre yadda yadda de renommée mondiale mentionnée dans yadda yadda, le considèrent comme un atout qui vaut la peine de combattre, le Project Orion reste sous la tutelle de ARPA jusqu’en 1960.
En 1960, la USAF accepte à contrecœur d’accepter le Project Orion si une version militaire de la fusée atomique pulsée peut être développée. L’équipe d’ingénierie propose une ou quelques versions d’une plate-forme orbitale armée de quelques / plusieurs ogives (thermo)nucléaires qui pourraient être larguées sur l’URSS. Le problème avec cette idée est que la USAF est sur le point de mettre en service des missiles balistiques intercontinentaux équipés d’une ogive thermonucléaire. Si je puis me permettre, elle a autant besoin d’une plate-forme spatiale que de la paix dans le monde et d’un désarmement planétaire. Désolé, c’était méchant.
Comment une fusée à impulsion atomique doit-elle fonctionner, vous demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur un peu nerveuse / nerveux qui essaye de voir s’il y a quelque chose là-haut dans le ciel? Et bien, une partie (importante?) de l’énergie libérée par les centaines d’explosions aurait frappé une grande et très robuste plaque de poussée à la base de la fusée. Cette plaque est reliée à la fusée par des hénaurmes amortisseurs.
Comme vous pouvez l’imaginer, la conception d’une plaque de poussée capable de prendre ce type de martèlement s’avère un tantinet difficile. Remarquez, la conception d’un compartiment d’équipage capable de protéger sa précieuse cargaison humaine s’avère également un tantinet difficile.
Pourquoi affronter tous ces ennuis, vous demandez-vous? Et bien, vous voyez, des calculs effectués vers 1958-59 montrent qu’une fusée Orion perfectionnée serait capable de faire un aller-retour vers Mars en… 4 semaines – ce qui est un peu plus court que les 9 mois qu’une mission pilotée aurait besoin en 2020pour atteindre Mars. Et oui, l’heureux équipage, la bande de sœurs et frères, aurait besoin de 9 mois supplémentaires pour faire le voyage de retour vers la Terre. Entre les deux, il faudrait passer encore 3 mois sur la planète rouge pour attendre que Mars et la Terre soient dans les meilleures positions possibles. Donc, 4 semaines ou 21 mois. Que choisiriez-vous?
Le slogan de l’équipe d’ingénierie à l’aube des années 1960 est ambitieux: Mars en 1965 et Saturne en 1970. Mais revenons à notre histoire.
En 1963, compte tenu de l’intérêt décevant manifesté par la USAF, le Project Orion tombe pour ainsi dire dans les bras de la NASA. Il attire rapidement l’attention d’une des figures clés du programme spatial américain et, oui, d’un individu dont le passé national-socialiste est soigneusement enterré pendant de nombreuses années, à savoir Wernher Magnus Maximilian von Braun, un individu mentionné quelques / plusieurs fois dans notre blogue / bulletin / machin depuis janvier 2019. Mise en orbite en morceaux par quelques fusées Saturn V, la fusée même qui doit emmener les astronautes du programme Apollo sur la Lune, une fusée Orion pourrait réaliser un des rêves de von Braun : un voyage piloté vers Mars. Malheureusement, relativement peu de gros bonnets de la NASA ont des pensées joyeuses lorsque le Project Orion est mentionné.
Et le Project Orion n’est pas beaucoup mentionné, car il s’agit toujours d’un projet classifié / secret, ce qui pose des problèmes au sein de la NASA, ne serait-ce que parce qu’une partie / une grande partie de son personnel n’a pas les autorisations nécessaires pour savoir de quoi il s’agit. Une déclassification partielle a d’ailleurs eu lieu à l’automne 1964.
La signature, en août 1963, par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS, du Traité interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau, n’aide pas du tout les perspectives du Project Orion.
La haute direction de la NASA sait également qu’elle aurait un problème de relations publiques de proportions hénaurmes si une fusée Orion, ou des éléments de celle-ci, subit un échec majeur lors de son voyage dans l’atmosphère. Des dizaines, sinon des centaines de petites bombes atomiques / nucléaires pourraient tomber du ciel. Bien que la moindre explosion soit improbable, des matières radioactives pourraient néanmoins finir par contaminer des zones de taille inconnue sur Terre.
Pour couronner le tout, le coût du programme Apollo augmente rapidement, oserait-on dire exponentiellement, et il est inconcevable sur la Terre verte du Monstre spaghetti volant que la NASA puisse trouver du pognon pour payer ce programme et le Project Orion. En décembre 1964, l’agence / administration annonce qu’elle ne mettra pas un sou de plus dans la tirelire du Project Orion. Voyant cela, la USAF annonce qu’elle ne mettra pas non plus un sou dans la dite tirelire. Le Project Orion prend officiellement fin en 1965, je pense. L’équipe d’ingénierie est très mécontente car elle pense que les concepts qu’elle a développés sont réalisables.
À vrai dire, la fusée atomique pulsée est une des rares technologies disponibles en 2020 qui peut, en théorie, permettre à un vaisseau spatial non piloté d’atteindre un système stellaire à proximité, probablement le plus proche, une étoile triple appelée Alpha Centauri, ou Alpha du Centaure, à environ 4.37 années-lumière. Cette patrouille du cosmos durerait environ 45 ans.
Aimeriez-vous lire quelques lignes sur la vie fascinante de l’artiste américain qui a imaginé la version d’une fusée à impulsion atomique montrée dans cet article? Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur blasé(e), c’était une question rhétorique.
Le susmentionné Tinsley naît en novembre 1899. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il travaille comme apprenti d’un artiste au département de recherche du célèbre Metropolitan Museum of Art de New York, New York.
Conscrit en 1918, en septembre pour être plus précis, comme environ 2.8 millions de jeunes hommes américains, Tinsley se retrouve bientôt dans une section de conception du United States War Department – une cheville carrée dans un trou carré. Stupéfiant. Désolé. La signature de l’armistice, en novembre, met rapidement fin à la carrière militaire de Tinsley.
Au début des années 1920, Tinsley travaille en tant qu’artiste à la plume et à l’encre pour des publications que des gens plus intelligents que votre humble serviteur n’ont pas pu identifier. Remarquez qu’il trouve également un emploi en tant que conseiller / artiste scénique / réalisateur (?) chez Cosmopolitan Productions Incorporated.
Incidemment, cette petite société cinématographique appartient à William Randolph Hearst, une personne très puissante pleine de contradictions mentionnée dans un numéro d’avril 2020 de notre blogue / bulletin / machin. Plus tard, Tinsley et Hearst deviennent de bons amis, mais je digresse.
En 1928 au plus tard, Tinsley livre des illustrations intérieures à la plume et à l’encre et des peintures de couverture en couleur pour des « pulps. » Au fil des ans, il travaille pour plusieurs éditeurs, dans des mensuels d’aventure / western comme Action Stories, Lariat Story Magazine, North West Stories et Western Story Magazine d’une part et dans des mensuels d’aventure aérienne / guerre aérienne comme Air Stories, Bill Barnes, Air Adventurer et ses successeurs, George Bruce’s Contact, George Bruce’s Squadron, Sky Birds et War Birds de l’autre.
Des exemples de couvertures peintes par Tinsley comprennent :
- George Bruce’s Contact de mars 1934, avec 2 avions de chasse, un Royal Aircraft Factory S.E.5 de la Royal Air Force (RAF) du Royaume-Uni et un Fokker D.VII de la Luftstreitkräfte de l’Empire allemand;
- George Bruce’s Contact de juin 1934, avec un avion de chasse Bristol F.2 Fighter de la RAF;
- Bill Barnes Air Trails d’avril 1936, avec un hydravion à coque de patrouille maritime Consolidated PBY Catalina de la United States Navy; et
- Air Trails de mai 1939, avec un avion de chasse Supermarine Spitfire de la RAF.
Et oui, tous ces aéronefs de renommée mondiale se trouvent dans la collection tout aussi renommée du renommé Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario.
Soit dit en passant, saviez-vous qu’un ingénieur aéronautique canadien, Beverley Strahan Shenstone, joue un rôle très important dans le développement de l’aile elliptique très efficace du Spitfire? (Bonjour, EP!)
Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous ne savez pas ce qu’est un « pulp »? Pauvre, pauvre petit(e) vous. Désolé. Les « pulps » étaient des publications mensuelles, principalement américaines, imprimées sur du papier de mauvaise qualité. Ils commencent leur montée vers la gloire dans les années 1890 et demeurent populaires jusqu’aux années 1950. L’étendue des sujets traités dans ces publications incroyablement nombreuses est à couper le souffle, des profondément purs et romantiques aux très violents et tordus.
Apparemment incapable de dessiner un Homo sapiens vraiment élégant si sa vie en dépend, une caractéristique de nombreux artistes de l’aviation (à la retraite?), Tinsley peut dessiner ou peindre des portraits incroyablement précis d’aéronefs, que les dits aéronefs soient réels ou fictifs. Il était / est un géant parmi les artiste des « pulps. » De fait, Tinsley est sans doute le meilleur artiste de guerre aérienne de son temps.
En 1940, Tinsley crée Yankee Doodle, une bande dessinée originale (quotidienne?) publiée dans un certain nombre de journaux. Rebaptisée Captain Yank en 1942, cette bande disparaît sans faire de bruit en 1945. Chose intéressante, du moins pour me / moi, Yankee Doodle / Captain Yank fait de brèves apparitions (? 1941-? 1941 et juillet 1945-janvier 1946) dans Le Soleil, le plus important journal quotidien de langue française de Québec, Québec, et dans Le Samedi, un hebdomadaire illustré publié à Montréal, Québec. Comment s’appelle cette bande dessinée en français, demandez-vous? J’avais presque oublié. Elle s’appelle Le Capitaine Martial. Désolé pour cela.
Dans les années 1950, Tinsley fournit des illustrations pour de nombreux articles publiés dans Mechanix Illustrated. Il écrit également quelques articles pour ce magazine mensuel. Et oui, Tinsley fournit ses propres illustrations. Remarquez, il fournit également des illustrations pour Amazing Stories, un des magazines de science-fiction les plus célèbres du 20ème siècle.
Au milieu des années 1950, Tinsley est fortement impliqué dans les affaires de la petite ville dans laquelle il vit, en tant que président / directeur / chef du comité de contrôle des inondations, de la chambre de commerce et de la commission d’urbanisme. Mieux encore, il est le président fondateur de la Old Saybrook Historical Society, à Old Saybrook, Connecticut.
Tinsley quitte cette Terre en juin 1965. Il n’a que 65 ans.
Plus d’un demi-siècle plus tard, l’œuvre de Tinsley demeure un exemple haut en couleur de l’exubérance culturelle de l’entre-deux-guerres et de l’après Seconde Guerre mondiale.