« Dans l’intérêt de la sécurité nationale » : Le rôle joué par un avion-cargo Fairchild C-119 Flying Boxcar de la United States Air Force dans le développement des gisements de minerai de fer de la région du lac Knob
Salutations, ami(e) lectrice ou lecteur, et asseyez-vous. Je suis avec vous tout de suite. Créer une pierre philosophale n’est pas chose facile, surtout quand les gens interrompent sans cesse. Demandez à Nicolas Flamel, le Potterien, pas le vrai qui était libraire-juré, écrivain public et copiste. Pas alchimiste.
Il était une fois, en novembre 1949, plusieurs (5 ou 6?) aciéristes américains qui constituent Iron Ore Company of Canada Incorporated (IOCC), une firme américaine malgré son nom. À l’époque, les opérations de IOCC sont apparemment dirigées par une firme formée la même année, Hollinger-Hanna Company de St. John’s, Terre-Neuve, une province canadienne depuis mars 1949.
Et non, ni le Royaume-Uni ni le Canada ne conspirent pour amener les Terre-Neuviennes et Terre-Neuviens à se joindre à ce dernier en truquant / trafiquant / corrigeant les résultats du référendum de juillet 1948, mais je digresse.
L’objectif des firmes américaines est d’exploiter les riches gisements de fer à proximité d’un plan d’eau québécois, le lac Knob, dans une région qui chevauche la frontière du Québec et de la partie du territoire labradorien du Québec transférée en 1927 à Terre-Neuve, alors un dominion, par un des plus hauts tribunaux britanniques, le Judicial Committee of the Privy Council – une décision rejetée par tous les gouvernements du Québec depuis cette date, mais revenons à notre histoire.
Pourquoi les aciéristes américains s’intéressent-ils au minerai de fer canadien, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Et bien, voyez-vous, divers milieux d’affaires et gouvernementaux américains craignent que les États-Unis épuisent ou, pire encore, ont épuisé leurs propres gisements de minerai de fer. Compte tenu de la détérioration des relations entre les dits États-Unis et l’Union des Républiques socialistes soviétiques, ces personnes pensent qu’un effort devait être fait pour créer de nouvelles mines de fer dans des pays amis des États-Unis. Le Canada est bien sûr un de ces pays. Les hommes d’affaires canadiens et politiciens provinciaux sont plus qu’heureux de rendre service.
La présence d’importants gisements de minerai de fer près du lac Knob est en fait connue depuis un bon bout de temps. Louis Babel, un prêtre oblat et missionnaire suisse ordonné à Bytown, aujourd’hui Ottawa, Ontario, rencontre au moins un gisement vers 1867-1868, mais peu de gens s’en préoccupent. À l’époque, la région appartient en partie à un géant britannique vieillissant, Hudson’s Bay Company (HBC) de Londres, Angleterre. Soit dit en passant, le gouvernement britannique transfert les terres de HBC au Canada en 1870.
Et oui, la Congregatio Missionariorum Oblatorum Beatae Mariae Virginis Immaculatae, en d’autres mots les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, est fortement impliquée dans le tristement célèbre système de pensionnats indiens du Canada, un réseau obligatoire de pensionnats financé par le gouvernement fédéral mais géré par diverses églises chrétiennes, dont surtout l’église catholique, apostolique et romaine.
Albert Peter Low, un arpenteur / explorateur / géologue de la Commission géologique du Canada (CGC), est une figure un peu plus importante dans cette histoire des gisements de la région du lac Knob. Ses opinions concernant la présence possible d’importants gisements de fer dans le district d’Ungava des Territoires du Nord-Ouest sont détaillées dans un rapport annuel de la CGC publié en 1897. Low peut bien avoir dessiné la première carte de la région du lac Knob.
Et oui, Babel et Low doivent utiliser des canots pour se déplacer, avec des insectes mauvais (mouches noires et moustiques) et pires encore (mouches à orignal / chevreuil / cheval / caribou) à gogo. Oh, jours heureux.
Une digression si je puis me permettre. Croiriez-vous qu’une espèce de mouche à chevaux puisse bien être la forme de vie invertébrée la plus rapide sur la planète Terre? Pour paraphraser, en traduction, une chanson à succès de 1983 du groupe de rock américain ZZ Top, un mâle bien habillé en quête d’amour aurait été chronométré à une vitesse époustouflante de 145 kilomètres/heure (90 milles/heure) – un résultat non publié et non confirmé, remarquez. Fin de la digression.
La découverte réelle de gisements de minerai de fer à haute teneur doit attendre jusqu’en 1929 environ et les premiers jours du vol de brousse dans ces parages, grâce au travail effectué par les géologues canadiens James Edward Gill et William Fleming James pour New Quebec Company de Toronto, Ontario.
En 1938, le gouvernement de Terre-Neuve accorde un permis d’exploration / prospection à Labrador Mining and Exploration Company de Montréal, Québec, qui couvre une superficie d’environ 50 000 kilomètres carrés (environ 20 000 milles carrés). En 1942, Hollinger North Shore Company Limited de Montréal, une filiale de Hollinger Consolidated Gold Mines Limited de Toronto fondée en juillet de la même année, obtient un permis similaire du côté québécois qui couvre une superficie d’environ 10 000 kilomètres carrés (environ 3 900 milles carrés). La même année, Hollinger Consolidated Gold Mines acquiert le contrôle de Labrador Mining and Exploration.
À l’époque, Hollinger Consolidated Gold Mines peut être davantage intéressée par la localisation de gisements d’or et / ou de métaux de base (cuivre, plomb, nickel et zinc), et non de fer.
Fait intéressant, les personnes qui fondent Hollinger North Shore sont un comptable, une sténographe et deux étudiants, tous francophones, de Québec, Québec. Pas le genre de personnes que l’on s’attendrait à voir au cœur d’une firme de 3 millions de dollars. Votre humble serviteur doit admettre que je ne peux pas comprendre pourquoi les vrais bailleurs de fonds de Hollinger North Shore ont recours à de telles marionnettes / personnes de paille / prête-noms.
S’il est vrai que le forage dans la région commence en 1943, le programme principal ne commence qu’en 1947, après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au fur et à mesure que Hollinger Consolidated Gold Mines réalise l’importance des gisements de fer, son intérêt se déplace progressivement dans cette direction. Ce changement devient peut-être permanent vers 1945. Un camp temporaire installé à Burnt Creek en 1946 devient un camp permanent l’année suivante. La ville de Schefferville est créée à proximité en 1954. Et oui, un réseau routier local (environ 240 kilomètres / environ 150 milles vers 1951) se constitue progressivement.
L’homme qui gère les opérations au lac Knob est un certain William H. « Bill » Durrell, la personne qui supervise la construction de l’aéroport de Goose Bay, Labrador, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Et oui, le seul moyen pratique de faire entrer et sortir des gens et choses de cette région est par avion, plus précisément par hydravions à flotteurs exploités principalement par Canadian Pacific Airlines Limited, au moins jusqu’en 1944, lorsqu’une firme, peut-être Labrador Mining and Exploration, achète un hydravion à coque – peut-être, et je veux dire peut-être, un ancien Consolidated PBY Catalina de la United States Navy.
Une piste de glace achevée au cours de l’hiver 1946-1947, je pense, permet d’utiliser des aéronefs de la taille d’un Douglas DC-3 – l’aéronef préféré d’une ancienne collègue (Bonjour, EG !) et un type trouvé dans l’incendièrement bonne collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa. Remarquez, le Catalina est un autre type d’aéronef que l’on trouve dans cette collection, sous la forme d’un Consolidated Canso.
Canadian Pacific Airlines, filiale d’un géant canadien du transport, Canadian Pacific Railway Company, comme nous le savons toutes / tous les deux, est mentionnée quelques / plusieurs fois dans notre blogue / bulletin / machin depuis mai 2019. La seconde yadda yadda avril 2019.
Quoiqu’il en soit, Hollinger-Ungava Transport Company Limited de Mont-Joli, Québec, est fondée en 1948. Cette filiale de IOCC, je pense, joue un rôle crucial dans le développement des gisements de la région du lac Knob.
La paire de DC-3 qu’elle acquiert, des ex-aéronefs militaires convertis par Canadair Limited de Cartierville, Québec, une firme mentionnée à plusieurs reprises dans notre vous savez quoi depuis février 2018, permet à Hollinger-Ungava Transport de réduire un tout petit peu le coût de transport des marchandises dans la région du lac Knob, de 1.61 $ le kilogramme (73 cents la livre) à l’époque de Canadian Pacific Airlines, à environ 22 cents le kilogramme (10 cents la livre).
Remarquez, ce n’est pas ainsi que le minerai de fer (jusqu’à 10 millions de tonnes par an en 1957) peut être livré aux bouches béantes des hauts fourneaux américains qui fonctionnent à plein régime pour répondre aux besoins sans fin du complexe militaro-industriel des États-Unis. Nenni. Le chemin de fer d’environ 580 kilomètres (environ 360 milles) de Quebec North Shore and Labrador Railway Company, une firme formée en 1947, entre Schefferville et la ville portuaire et aéroportuaire frontalière de Sept-Îles, Québec, sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, est payé par sa maison mère, Hollinger North Shore, je pense. Il est inauguré en août 1954. Les premiers ministres de Terre-Neuve et du Québec, Joseph Roberts « Joey » Smallwood et Maurice Le Noblet Duplessis, sont sur place pour accueillir l’arrivée du premier train chargé de minerai de fer.
Croiriez-vous que le baron minier ontarien Jules Robert Timmins, président de Hollinger Consolidated Gold Mines et vice-président de IOCC, enfonce apparemment le dernier crampon du chemin de fer Québec North Shore and Labrador?
Et oui, « le chef / cheuf », comme on appelle souvent Duplessis, est mentionné à maintes reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis janvier 2018, et…
Vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Quand l’aéronef dépeint au début de cet article de notre incomparable blogue / bulletin / machin fera-t-il une apparition, demandez-vous? N’ayez crainte, nous y sommes. Presque.
Le développement du minerai de fer du Québec était-il une bonne affaire pour les Québécois, demandez-vous? Vous fauteur de troubles que vous êtes. J’aime votre nouveau vous. Pour répondre à votre question, la triste vérité était / est que ce développement n’était pas une bonne affaire. Il s’agissait pourtant d’un accord typiquement duplessien. En tenant compte de toutes les taxes et redevances, le gouvernement Duplessis obtient environ 30 cents la tonne alors que les bonnes gens du Minnesota obtiennent 1.25 $ la tonne. Pis encore, comme vous le savez déjà, le minerai est raffiné aux États-Unis et non au Québec, même s’il faut noter que ce minerai est pastillé et concentré au Québec au cours des années suivantes.
Remarquez, on peut soutenir que le gouvernement Smallwood n’a pas non plus obtenu grand-chose.
Et maintenant, pour ce que vous avez réclamé à cor et à cri, mon ami(e) lectrice ou lecteur. Si, si, à cor et à cri. Ne le niez pas.
Comme vous pouvez l’imaginer, le développement d’un complexe minier dans un endroit éloigné comme la région du lac Knob nécessite de l’équipement lourd. Il est peut-être possible de démonter une partie de ces équipements et de transporter les morceaux à bord de la douzaine d’aéronefs sur lesquels IOCC peut compter. Un tel démantèlement a effectivement lieu. Cependant, certains types d’équipements lourds ne peuvent pas être démontés. Ils sont peut-être aussi trop lourds de toute façon. Les bouldozeurs, pelles mécaniques et grattoirs entrent dans cette catégorie.
Ceci étant dit (tapé?), il semble qu’un unique bouldozeur soit transporté en quelques morceaux vers la région du lac Knob vers 1947-48, pour aider à créer la piste d’atterrissage locale.
Bien consciente que des bouldozeurs, pelles mécaniques et grattoirs s’avéreraient indispensables, IOCC, une firme américaine vous vous souviendrez, contacte le United States State Department avec une demande quelque peu inhabituelle. Elle veut louer ou emprunter un Fairchild C-119 Flying Boxcar, un aéronef très réussi plus ou moins souvent appelé Packett à l’époque, qui se trouve être le camion volant le plus récent et moderne de la United States Air Force (USAF).
« Dans l’intérêt de la sécurité nationale », la USAF accepte d’aider – ou se fait dire de le faire. Un contrat est dûment préparé et signé.
Fairchild Engine and Airplane Corporation sélectionne soigneusement une équipe civile de 10 humains dans son département de vol d’essai. A sa tête se trouve Elvin Relvin « Dutch » Gelvin, le pilote d’essai en chef de la firme. Une brève digression si je puis me le permettre. A quoi pensent les parents de cet excellent gentilhomme en lui donnant un nom pareil?
Quoiqu’il en soit, Gelvin et son monde entrent en action à la fin de mai 1951. Ils se divisent en 2 équipes de 5. Chacune d’elles travaille pendant 8 heures, pour profiter pleinement des longues heures de lumière du jour trouvées dans le nord. Croiriez-vous que le Danemark soit aussi loin au nord, mais pas aussi froid, que la lac Knob? Et bien, il l’est et ne l'est pas. Je ne plaisante pas.
Le Flying Boxcar effectue le trajet de 515 kilomètres (320 milles) entre Sept-Îles et la région du lac Knob aussi souvent que possible. Il transporte des bouldozeurs, pelles mécaniques et grattoirs. Il transporte des camions. Il transporte des compresseurs, convoyeurs, générateurs et treuils. Il transporte des tuyaux et poutres de 7.6 mètres (25 pieds) de long. Il transporte également des tonnes et des tonnes de produits d’épicerie – et 23 000 sacs de ciment.
Les camions peuvent être transportés 2 à la fois et les bouldozeurs, 1 à la fois. Une pelle mécanique, quant à elle, nécessite 3 voyages.
Et oui, la piste d’atterrissage du lac Knob, à environ 13 kilomètres (environ 8 milles) de Burnt Creek, est composée de sable et de gravier. Lorsque le Flying Boxcar y effectue son premier atterrissage, son équipage inverse le pas des hélices des moteurs pour réduire la distance d’atterrissage – une pratique courante et une bonne pratique, sur une piste pavée. Comme vous pouvez l’imaginer, au lac Knob, l’aéronef est immédiatement enveloppé par un nuage de sable et de gravier.
Dès lors, les équipages du Flying Boxcar comptent sur les freins de l’aéronef pour l’immobiliser. Ils n’ont nullement l’intention de soumettre leur machine à un sablage quotidien, sans parler de la possibilité d’endommager les moteurs et / ou les hélices. D’ailleurs, les braves gens de la USAF auraient peut-être été un peu contrariés de recevoir un aéronef sérieusement tabassé.
Malgré cela, les garnitures de freins sont rapidement rongées par le sable et doivent être remplacées au moins une fois. Gravement endommagés par le gravier, les pneus sont remplacés plus d’une fois. Les garnitures de frein et pneus doivent être vérifié(e)s régulièrement. Perdre l’un ou l’autre à l’atterrissage ou au décollage pourrait avoir de graves conséquences.
Ajoutant à la tension à bord du Flying Boxcar est le fait que, même en juillet, il peut y avoir des averses de neige. Les nuages bas sont de fréquents compagnons. L’aéronef peut même rencontrer des conditions de givrage au-dessus d’environ 800 mètres (environ 2 600 pieds), Knob Lake étant à environ 500 mètres (environ 1 650 pieds) au-dessus du niveau de la mer. Et oui, la présence d’importants gisements de fer éparpillés un peu partout signifie que la boussole s’avère souvent inutile. Dans certaines parties de la route, les équipages du Flying Boxcar doivent garder un œil sur des lacs très particuliers pour savoir où ils sont – une approche utilisée par les pilotes de brousse canadiens des années 1920 et 1930.
À l’exception d’une piste d’atterrissage de sable et gravier à environ 140 kilomètres (environ 85 milles) au nord de Sept-Îles, il n’y a aucun endroit où le Flying Boxcar peut atterrir en relative sécurité si quelque chose de mauvais se produit. Vous sentez-vous en sécurité, ami(e) lectrice ou lecteur?
Le ciment, en passant, est pour le barrage hydroélectrique que Ungava Power Company de Montréal, une firme fondée en novembre 1947, veut construire. La centrale hydroélectrique du lac Menihek, au Labrador, est achevée en 1954.
Soit dit en passant, il s’avère assez difficile de trouver du sable et du gravier à mélanger avec le ciment. Vous voyez, il y a tellement de fer dans une grande partie de ces matériaux disponibles localement qu’ils rouillent rapidement et endommagent le béton fabriqué avec eux. Je ne plaisante pas, mais je digresse vraiment.
Le Flying Boxcar effectue sa dernière livraison à la fin d’août 1951, achevant ainsi ce que beaucoup décrivent comme la plus grande opération de transport aérien civil de son époque et la première opération de transport aérien civil de ce type jamais réalisée. Suivant les traces des pilotes de brousse canadiens des années 1920 et 1930, ses équipages ont prouvé que des aéronefs peuvent être utilisés pour transporter toutes sortes de choses dans des endroits éloignés inaccessibles par voie terrestre ou maritime.
Leur travail dans le nord terminé, Gelvin et son monde retournent à leur routine quotidienne. Le Flying Boxcar fait probablement de même.
Incidemment, des équipages de l’Aviation royale du Canada pilotent environ 35 Flying Boxcar entre 1952 et 1967. Le poste de pilotage d’une de ces machines a, pendant de nombreuses années, fait les délices de nombreuses jeunes visiteuses et visiteurs du Musée national de l’aviation, l’actuel Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
Amusez-vous mais soyez prudent(e), ami(e) lectrice ou lecteur.
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