Une petite bière qui n’était pas de la petite bière : F.A. Fluet Enregistré de Québec, Québec, et la bière d’épinette La Canadienne
Bonne et heureuse année, ami(e) lectrice ou lecteur. Je dois avouer avoir éprouvé certaines difficultés à choisir le sujet de cette semaine. Si je peux me permettre de recycler une citation de la princesse Irulan, un personnage mineur de Dune, un film de science-fiction plutôt décevant de 1984, un commencement est un moment d’une délicatesse extrême. Faisons donc preuve d’originalité – et de sobriété.
Votre humble serviteur souhaite en effet amorcer l’année 2021 avec un article sur la… bière d’épinette – un classique de la boîte à outils culinaire québécoise.
Avant d’aller plus loin, permettez-moi de préciser qu’il sera ici question de la véritable bière d’épinette et non pas de la trop souvent décevante succédanée disponible au 21ème siècle. La bière d’épinette dont il est question ici est une boisson alcoolique pour soldats et / ou marins produite il y a quelques siècles à l’aide d’aiguilles et / ou de bourgeons d’épinette. D’accord, d’accord, respirez par le nez. Il sera également question dans cet article de la version non alcoolique de la bière d’épinette.
À Québec, Nouvelle-France, le Québec actuel, c’est apparemment au premier apothicaire et colon européen de ce territoire, Louis Hébert, que l’on doit la première version européenne nord-américaine de cette boisson, brassée en 1617.
Le terme européenne est approprié. De nombreuses Premières Nations produisent en effet une boisson non alcoolique à base de conifères bien avant l’arrivée des premiers explorateurs / envahisseurs venus d’Europe, et ce pour se protéger du scorbut, une terrible affliction causée par une carence en acide l-ascorbique dextrogyre, ou vitamine C, au cours de la saison hivernale, pendant laquelle il n’y a évidemment pas beaucoup de fruits à cueillir.
Voyant ses hommes mourir comme des mouches (25 sur 110 en 2 ou 3 mois), à cause du scorbut, au cours du terrible hiver de 1535-36, passé à Québec, Cartier obtient par la ruse la recette de la dite boisson, apparemment faite à partir de pin blanc. Initialement, dit-on, seuls quelques volontaires la boivent. Leur guérison quasi miraculeuse convainc Cartier et les autres de s’en gaver avec enthousiasme. Ils sont eux aussi sauvés.
Cartier est à ce point reconnaissant (sarcasme) qu’il force Donnacona, le chef du village iroquoien de Stadaconé, et une dizaine d’autres résident(e)s, dont quelques enfants, garçons et filles, à partir pour la France. Bien qu’assez bien traité, Donnacona meurt loin de chez lui, vers 1539. Ses compatriotes, dont ses deux fils, décèdent eux aussi loin de chez eux. Avec des amis comme Cartier, et bien d’autres… La vie des gens des Premières nations compte.
Au fait, saviez-vous que des populations scandinaves vivant il y a de nombreux siècles consomment elles-aussi une boisson (non alcoolique?) à base de conifères? Ils le font pour se protéger contre le scorbut, mais aussi pour accroître leur force et fertilité.
Certaines informations laissent par ailleurs entendre que des marins qui sillonnent la mer Baltique consomment de la bière d’épinette au plus tard au 16ème siècle.
Avec le vin et l’eau de vie, la bière d’épinette compte parmi les boissons alcooliques favorites de la population de la forteresse de Louisbourg, Isle royale, l’actuelle île du Cap-Breton, Nouvelle-Écosse, entre les années 1710 et 1750. Elle est par ailleurs populaire ailleurs en Nouvelle-France. Rafraîchissante et moins dangereuse que l’eau disponible à l’époque, elle est par ailleurs relativement facile et peu coûteuse à produire.
Croiriez-vous que les troupes britanniques qui occupent Québec au cours de l’hiver 1759-60 ont droit à une ration quotidienne de bière d’épinette? Une recette se trouve dans les dossiers du major général Jeffery Amherst, le commandant en chef des dites troupes et un personnage dont les opinions génocidaires envers les Premières Nations sont on ne peut plus révoltantes.
Croiriez-vous aussi qu’un mot bien connu tire son origine du fait que les autorités de la Nouvelle-France, à une certaine époque avant la conquête, limitent la consommation de bière d’épinette à un contenant par jour? Des résidents de la colonie, fort marris par ce diktat, font connaître leur opinion en criant, plus ou moins fort, vous l’aurez deviné, « can a day, can a day. » C’est du moins ce qu’affirme (sérieusement?) l’auteur anonyme d’une note parue en 1811 dans le quotidien Kingston Gazette de Kingston, Haut Canada, l’Ontario actuelle. Cette affirmation est évidemment absurde. Totalement absurde. Personne en Nouvelle-France ne parle anglais.
Soit dit en passant, vers 1697-98, le récollet Louis Hennepin, né Antoine Hennepin, suggère apparemment que le mot Canada tire son origine de l’expression espagnole « aca nada, » qui signifie « ici rien » – une référence aux commentaire désabusés d’explorateurs / envahisseurs hispanophones, voire même d’un historien et cosmographe castillan bien connu du 16ème siècle, Juan López de Velasco, tous fort marris par l’absence de trésors dans les régions nordiques du continent nord-américain, mais revenons à notre petite bière.
La production de bière d’épinette prend son envol suite à la prise de contrôle de la Nouvelle-France, rebaptisée Québec, par le Royaume-Uni, en 1763. Un chirurgien et apothicaire anglais, Henry Taylor, découvre en effet le moyen de produite l’essence d’épinette en quantité industrielle – une révélation et révolution. La distillerie dont la construction commence en 1773, peu avant son décès, et qui porte le nom de Johnston & Purss (Company?) une fois complétée, détient le monopole de cette production jusqu’en 1788. La dite essence est exportée dans diverses colonies britanniques, de New York aux Antilles, de même qu’en Angleterre.
La bière d’épinette produite à partir de cette essence peut-être double ou simple, pour les équipages de navires par exemple. Un pot contenant 340 millilitres (12 onces) d’essence permet de produire environ 135 litres (30 gallons impériaux / 36 gallons américains) de bière d’épinette double, et le double de bière d’épinette simple.
Soit dit en passant, la veuve de Taylor est la sœur de James Johnston, le partenaire d’affaires de John Purss. Ils sont toute et tous trois Écossais(e)s.
La distillerie de Johnston & Purss demeure active jusqu’en 1795. Des querelles familiales qui entraînent de coûteuses procédures judiciaires entrainent la vente des installations en 1798.
Une fois les privilèges de Johnston & Purss échus, en 1788 vous vous souviendrez, plusieurs brasseries de bière d’épinette font leur apparition, principalement à Québec et Montréal, Québec. Une d’entre elles existe encore en 2021. La fondation de la multinationale américaine Molson Coors Beverage Company remonte en effet à 1786. Molson Brewery (Company?), le nom de la firme montréalaise à l’époque, brasse évidemment de la bière bière en plus de produire de la bière d’épinette.
Une autre firme digne de mention est George Bramley & Company. Elle possède sa propre distillerie d’essence d’épinette, à William Henry, Québec, l’actuelle Sorel. George Bramley peut par ailleurs compter sur 5 magasins de détail le long de la vallée du fleuve Saint-Laurent, dont 2 à Québec et Montréal.
De nombreux producteurs de bière d’épinette apparaissent et disparaissent au Québec tout au long des 19ème et 20ème siècles, et… Quand finirai-je de tourner autour du pot d’essence d’épinette pour introduire F.A. Fluet Enregistré, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur un tant soit peu exaspéré(e)? Du calme, dis-je. Nous y arrivons. Enfin, presque.
Avant que je ne l’oublie, lors d’au moins un séjour en Aotearoa / Nouvelle-Zélande, probablement au cours des années 1770, le fameux marin et explorateur britannique James Cook dit à ses hommes de produire une boisson antiscorbutique à l’aide d’aiguilles et / ou de bourgeons d’un arbre qui ressemble beaucoup à l’épinette noire nord-américaine.
Croiriez-vous par ailleurs que la famille d’une auteure britannique dont vous connaissez peut-être le nom semble produire sa propre bière d’épinette, afin de pallier à la piètre qualité de l’eau potable disponible en Angleterre à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle? En vérité je vous le dis, Jane Austen mentionne cette boisson dans un chapitre de son roman Emma, paru, en anglais, en 1816.
Détail intéressant, du moins pour votre humble serviteur, 2 des 6 frères de Austen, Francis William « Frank » Austen et Charles John Austen, servent dans la Royal Navy, un service qui fait appel aux vertus protectrices de la bière d’épinette. Fin de la digression.
Je présume que vous savez que Frankenstein ou le Prométhée moderne est publié anonymement, en anglais, au Royaume-Uni en janvier 1818 par Mary Wollstonecraft Shelley. Je me demande… Nah. Cela doit être une coïncidence. Quand même, « Frank » Austen… Et oui, tant Shelley que Frankenstein ou le Prométhée moderne sont mentionné(e)s dans un numéro de décembre 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Quoiqu’il en soit, François Alphonse Fluet arrive dans ce monde vers la fin de 1855. Tadaa. Qu’est-ce que je vous vous disais?
Vers septembre 1891, cet homme à l’accent acadien travaille pour un producteur de bière de gingembre et liqueurs douces de Québec, la ville bien sûr. L’arrivée dans le monde des affaires de Nérée Yves Montreuil remonte en fait mars 1880, lorsque Jean Baptiste Richer fonde Richer et Compagnie avec lui, afin de distribuer (entre autres choses?) des produits de la brasserie John Labatt’s Brewing (Company? Limited?) de London, Ontario.
Et oui, Labatt Brewing Company de Toronto, Ontario, est aujourd’hui, en 2021, une filiale du géant multinational belge Anheuser-Busch InBev Société anonyme / Naamloze Vennootschap.
Un jour, une fois les bureaux fermés, Montreuil demande à Fluet et un collègue, Wilfrid Paquet, s’ils seraient intéressés à acheter la firme. Bien fort intéressé, le duo ne dispose pas des ressources financières pour effectuer un tel achat. Montreuil, Fluet et Paquet en viennent à un accord au cours de la soirée. Ces derniers remettent 100 $ à Montreuil et s’engagent à lui payer la somme de 1 700 $ en paiements différés.
Avant même la fin de 1894, Fluet et Paquet ne doivent plus un sou à Montreuil et leur firme occupe maintenant de nouveaux locaux à Québec. Il est à noter que ce dernier décède en 1898, à l’âge de 42 ou 43 ans. Richer, quant à lui, quitte ce monde en 1894, à l’âge de 43 ou 44 ans.
Alors que les semaines, les mois et les années s’écoulent, la petite firme prend de l’ampleur.
Vers février 1901, convaincu qu’il se débrouillerait mieux tout seul, Fluet offre à Paquet d’acheter sa part de la firme. Son offre est apparemment généreuse mais il demande à son partenaire de s’engager à travailler dans un domaine autre que la production de breuvages. Paquet s’y engage.
Cela étant dit (tapé?), Paquet déménage à Grand-Mère, Québec, à une date indéterminée, et y fonde une petite firme de production de boissons gazeuses. La réaction de Fluet à cette entourloupette n’est pas connue.
L’eau minérale Ste-Léontine produite par la firme de Paquet se trouve sur les tablettes de magasins au moins jusqu’en 1971. Elle est alors produite par Lafrance & Fils Limitée de Grand-Mère, puis de Saint-Hyacinthe, Québec, mais je digresse.
Le Québec vivant à l’heure des campagnes de tempérance lancées par la Société de tempérance de la Croix noire, la bière d’épinette devient la boisson de tempérance la plus populaire à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle.
Homme d’affaires énergique, Fluet se met en tête d’augmenter le chiffre d’affaires de sa firme. Il semble faire paraître une première annonce publicitaire au plus tard en octobre 1901, par exemple – dans un important quotidien de Montréal, La Presse. Sa firme y est décrite comme étant un producteur de boissons de divers types (bière de gingembre, eau gazéifiée, nectar de pomme, soda au gingembre et soda mousse).
Au début du 20ème siècle, année après année, lors de l’Exposition du comté de Québec, Fluet se rend sur le site en charrette à cheval afin de livrer, jour après jour, des douzaines de cruchons de grès de bière de gingembre toute fraîche aux détaillants de rafraîchissements répartis sur le site. En fin de journée, il retourne dans sa petite usine et passe une bonne partie de la nuit à ré-emplir ses cruchons.
F.A. Fluet distribue par ailleurs ses produits dans des villages de la région de Québec, le long de la rive sud du fleuve Saint-Laurent, de Sainte-Croix-de-Lotbinière à Montmagny, au Québec bien sûr. Les dits produits effectuent habituellement le voyage à bord de petits bateaux à voile (et à moteur?), dits goélettes du Saint-Laurent – ou voitures d’eau.
Les bouteilles sont en fait placées dans des barils contenant beaucoup de paille, pour amortir les chocs. Les dites goélettes pouvant rouler et / ou tanguer un peu beaucoup en cours de route, les bouchons de certaines / plusieurs bouteilles cèdent sous la pression du dioxyde de carbone qui s’y trouve. Lors de certaines livraisons, le contenu de barils entiers est ainsi perdu.
Profondément économe et, oserons-nous dire, un peu retord, Fluet tire profit du fait que le notaire dont le bureau se trouve en face de sa petite usine aime s’asseoir sur sa galerie après une longue journée de travail. Lorsqu’il se pose des questions d’ordre légal, Fluet quitte son propre bureau un peu plus tard qu’à l’accoutumée, accidentellement bien sûr, et engage une conversation qui finit par porter sur le problème du jour. Il y a fort à parier que le notaire réalise fort bien rapidement ce qui se passe. Il ne semble toutefois pas s’en offusquer. De fait, Fluet peut avoir agi de la sorte pendant des années, évitant ainsi de payer le moindre sou à un avocat ou notaire.
Fluet lègue sa firme, alors florissante, à son fils, J. Wilfrid Fluet, en février 1916. Celui-ci en change la constitution en 1924. En 1932, de plus en plus insatisfait par ce qui se passe, Fluet fils rachète les actions détenues par d’autres personnes. F.A. Fluet Enregistré voit alors le jour. La firme devient F.A. Fluet Incorporée en novembre 1956.
Homme d’affaires estimé sans sa ville, Fluet père décède en mai 1933, à l’âge de 77 ans.
La première annonce publicitaire mentionnant la bière d’épinette La Canadienne paraît apparemment dans un numéro de juin 1934 d’un quotidien de Québec, L’Action catholique.
Si je peux me permettre une digression, le terme Canadienne ou Canadien décrit ici un produit d’origine canadienne-française ou, pour utiliser le terme utilisé en 2020, désolé, 2021, québécois – et non pas un produit canadien canadien. De nombreux francophones du Québec, voire même la (grande?) majorité, se décrivent alors en effet comme étant les Canadiennes / Canadiens, leurs voisins anglophones étant les Anglaises / Anglais.
Vers 1938, semble-t-il, le fils de Fluet fils, Émilien Fluet, semble abandonner ses études, semble-t-il, à l’École d’agriculture du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Québec, et ce pour des raisons hors de son contrôle. Il devient alors le bras droit de son père.
C’est ce fils du fils qui propose de déménager la firme familiale dans un local plus convenable et plus vaste. Une occasion en or s’offre à lui en septembre 1939. Une église anglicane, St. Peter’s Anglican Church, construite en 1842 et déconsacrée en 1924, est mise en vente. Elle est vite achetée. Si F.A. Fluet souhaite rénover l’édifice, les restrictions liées à la Seconde Guerre mondiale font en sorte que les travaux ne sont complétés qu’après le décès de J. Wilfrid Fluet, en avril 1946. Celui-ci a alors presque 67 ans. Émilien Fluet prend alors les commandes de F.A. Fluet.
Une brève digression si vous me le permettez. Vers avril 1941, F.A. Fluet devient le producteur (et embouteilleur?) de la boisson gazeuse Orange Crush, un produit de la firme américaine Orange Crush Company, « le SEUL breuvage gazeux recommandé par Sports College. »
Sports College of the Air, si vous devez le savoir, est une émission diffusée par une station affiliée du radiodiffuseur d’état canadien Canadian Broadcasting Corporation (CBC) entre 1941 et 1944. Diffusée par CBC entre 1944 et le milieu des années 1960, Sports College, un nom adopté à une date indéterminée, est l’œuvre d’un personnage hors du commun : Lloyd Percival.
Comme vous le savez sans doute, cet auteur / entraîneur / promoteur de la santé physique un tant soit peu controversé publie, en 1951, un ouvrage aujourd’hui quasi légendaire. Ignoré, voire décrié par la Ligue nationale de hockey (LNH) lors de sa sortie, The Hockey Handbook devient vite le bréviaire des entraîneurs des grandes équipes de hockey de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), y compris le grand des grands, le père du hockey soviétique, Anatoli Vladimirovitch Tarassov.
Croiriez-vous que l’équipe soviétique qui participe aux VIIe Jeux olympiques d’hiver tenus en janvier et février 1956, une première pour l’URSS, s’offre le luxe de remporter la médaille d’or? De fait, l’équipe soviétique gagne 7 des 9 médailles d’or décernées entre 1956 et 1988, de même que 1 d’argent et 1 de bronze. L’équipe américaine gagne les 2 autres médailles d’or, ainsi que 2 d’argent. En guise de comparaison, l’équipe canadienne doit se contenter de… 2 médailles de bronze et 1 d’argent.
Je crois me souvenir avoir écouté à la radio, en classe (!), une partie de la fin de la oh, tant fameuse 8ème et dernière partie de la Série du siècle 1972, remportée par l’équipe canadienne, mais par la peau des dents (4 contre 3, avec une partie nulle). Une victoire qui s’avère être, oserais-je le dire (taper?), un méchant déculottage pour la LNH et ses joueurs étoiles, convaincus qu’ils étaient d’écraser l’équipe soviétique sans même se fatiguer, mais je digresse. Désolé.
Soit dit en passant, F.A. Fluet devient le producteur et embouteilleur pour la région de Québec d’une boisson gazeuse très populaire au Québec avant et après la Seconde Guerre mondiale, le Kik Cola, le produit de la firme montréalaise Kik Company. La firme distribue par ailleurs la racinette Dry Ginger Ale d’une autre firme montréalaise également bien connue à son époque, Charles Gurd & Company.
Publicité pour le moins sobre pour la bière d’épinette La Canadienne de F.A. Fluet Incorporée. Anon., « Publicité – F.A. Fluet Incorporée. » L’Action catholique, 23 mars 1961, 21.
F.A. Fluet poursuit son petit bonhomme de chemin mais le fait est que, au fil des ans, les petits producteurs et / ou embouteilleurs québécois de boissons gazeuses ont de plus en plus de difficultés à tenir tête à leurs hénaurmes rivaux américains.
La firme a également des rivaux microscopiques. Tant avant qu’après la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses familles québécoises produisent leur propre bière d’épinette au cours de la période estivale. Certaines d’entre elles utilisent pour ce faire la baignoire familiale, une fois bien lavée et astiquée bien sûr. Les bouteilles ainsi remplies sont parfois placées au soleil, afin d’activer la fermentation. Elles sont entreposées pour consommation par la suite lorsque le premier bouchon saute.
Les lettres patentes de F.A. Fluet peuvent, je répète peuvent, être annulées au printemps 1978. Cela étant dit (tapé?), une demande de la dissolution de la firme est soumise en octobre 1980. Le nom de F.A. Fluet est officiellement annulé en 1985.
Émilien Fluet, quant à lui, quitte ce monde en juin 1988.
Petite anecdote. En août 1992, lors d’une inspection de routine, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec réalise que la bière d’épinette Marco, produite par une petite firme de Sainte-Rose-de-Laval, Québec, connue sous le nom de Bière d’épinette Marco (Canada) Incorporée au cours des années 1960 et / ou 1970, peut fermenter en bouteilles et atteindre un taux d’alcool qui frôle les 3 %. Saisie du dossier, la Régie des permis d’alcool confirme ces résultats. Des parents qui ont vent de l’affaire sont scandalisés.
Toute boisson ayant un taux d’alcool supérieur à 1 % étant jugée boisson alcoolique, la vente de la bière d’épinette Marco est interdite, et ce tant que son producteur ne peut garantir sa stabilité. Toutes les caisses se trouvant dans des commerces sont saisies par des corps policiers – possiblement au grand dam de pré-adolescents qui apprécient l’effet produit par le dit produit. Pour une raison ou une autre, le petit producteur semble fermer ses portes à une date indéterminée.
Et oui, vous avez bien raison. Quelques brasseries actives en 2021 ont fait / font appel à des conifères pour aromatiser certains de leurs produits. Il suffit de songer à des bières canadiennes telles que
- la bière d’épinette Spruce Moose de Beau’s All Natural Brewing Company de Vankleek Hill, Ontario,
- la IPA blanche à l’épinette Tip Hop de Dead Frog Brewery Company de Langley, Colombie-Britannique,
- la bière forte aromatisée Spruce Beer de Garrison Brewing Company de Halifax, Nouvelle-Écosse,
- la IPA brut à pointes d’épinette The Sprut de Mount Arrowsmith Brewing Company de Parksville, Colombie-Britannique, et
- la bière ambrée avec pointes d’épinette Spruce Tip de Winterlong Brewing Company de Whitehorse, Yukon.
Et c’est tout pour aujourd’hui. Prenez bien soin de vous, ami(e) lectrice ou lecteur.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.