Une maternelle pour l’ère de l’aviation : Ontario Model Aircraft Company / Model Craft Hobbies Limited et quelques autres mots sur l’aéromodélisme au Canada avant et pendant la Seconde Guerre mondiale
Comment va la vie, ami(e) lectrice ou lecteur? Le soleil brille dehors et je me prends à penser à une époque lointaine, la fin des années 1960 ou le début des années 1970. Je me souviens, pour la première fois depuis des lustres, d’une présentation en classe sur l’aéromodélisme. Je sais, je sais, j’étais un bollé. Oh, joie.
Ayant en ce moment les 2 mains sur le volant, je me permets de lancer notre véhicule dans une quête éperdue vers les lointaines origines de l’aéromodélisme au Canada / Québec.
L’intérêt pour la fabrication de modèles réduits capables de voler remonte à bien longtemps dans le grand nord blanc, qui n’est peut-être pas si grand que ça compte tenu de l’attitude et des actions passées et présentes de bien des blancs, mais je digresse.
À cette époque lointaine, lire années 1920, des magazines mensuels américains tels que Popular Aviation, l’actuel Flying, contiennent des trésors d’information pour ce public passionné que sont les aéromodélistes américains. Cela étant dit (tapé?), ce magazine est rapidement disponible au Canada. Un autre mensuel américain, Model Airplane News, fait son apparition en 1929. Il est toujours publié en 2020, tout comme Flying d’ailleurs. Ces 2 publications contiennent de nombreux plans de modèles réduits de toutes sortes, capables de voler ou non, au cours de la période de l’entre-deux-guerres. D’autres magazines plus ou moins connus, que ce soit The American Boy ou Flying Aces, publient quelques plans au fils des mois et des années. De fait, une Airplane Model League of America voit le jour dès septembre 1927. L’introduction du balsa, un bois ultra léger provenant de l’Équateur, vers la fin des années 1920, constitue un point tournant dans l’histoire de l’aéromodélisme.
Et oui, il y a fort à parier que la traversée de l’Atlantique en solitaire réalisée en mai 1927 par l’Américain Charles Augustus Lindbergh, un personnage mentionné dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis septembre 2017, compte pour beaucoup dans la croissance de l’aéromodélisme aux États-Unis – et ailleurs.
Comme vous pouvez l’imaginer, la fabrication de modèles réduits capables de voler suscite en fait beaucoup d’intérêt au Canada. Canadian Model Aircraft Works de Montréal, Québec, commence à produire des modèles réduits dès 1926, par exemple. Cette filiale de Ideal Aeroplane & Supply Company Incorporated, une firme américaine, devient Canadian Model Aircraft Company en 1930. Elle semble disparaître en 1935.
Ontario Model Aircraft Company de Toronto, Ontario, une firme mentionnée dans un numéro de janvier 2019 de notre blogue / bulletin / machin, connaît davantage de succès. Elle fabrique des modèles réduits utilisés par les membres canadiens du Jimmie Allen Flying Club, par exemple.
Au printemps 1942, Model Craft Hobbies Limited, une raison sociale adoptée au plus tard à cette époque, produit, dit-on, environ 90 000 modèles réduits par mois. En comparaison, la production mensuelle de la firme à la fin des années 1920 ou au début des années 1930 est d’environ 125 modèles réduits.
Il existe par ailleurs de nombreux individus et firmes spécialisé(e)s au Canada qui vendent des plans et / ou des modèles réduits. En ce qui concerne la première moitié des années 1930, il suffit de songer à
Jack Denay, Hamilton, Ontario
E.H. Harris, Victoria, Colombie-Britannique
Homer Kells, Sault-Sainte-Marie, Ontario
Frederick White, Brandon, Manitoba
C.F. George Company, Scarboro Bluffs, Ontario
Gregg Model Aircraft and Supply Company, Toronto, Ontario
Hyak Model Airplane Company, Victoria, Colombie-Britannique
Maple Leaf Model & Supply (Company?), Québec, Québec
Model Airplane Supply (Company?), Welland, Ontario
Noro Model Aircraft & Supply Company, Toronto, Ontario
Ontario Model Aircraft Company, Toronto, Ontario
Rainey Model Supply Company, Hamilton, Ontario
St. John Brothers & Twomey (Company?), Winnipeg, Manitoba
David Spencer Limited, Vancouver, Colombie-Britannique
Windsor Model Aircraft (Company?), Windsor, Ontario
Une telle liste est fort impressionnante et… Voulez-vous s’il vous plaît arrêter de bouger sur votre chaise? Vous n’avez jamais entendu parler du Jimmie Allen Flying Club, n’est-ce pas? Soupir. Qu’est-ce que les enfants apprennent à l’école en ce 21ème siècle? Si je peux me permettre de paraphraser l’acteur / comédien / scénariste américain Rodney Dangerfield, né Jacob Rodney Cohen, dans une traduction sans grand impact je dois l’avouer, personne ne respecte les classiques.
La fascination envers les aviateurs, lire Lindbergh, se retrouve à la radio où The Air Adventures of Jimmie Allen, un feuilleton d’aventure américain, soulève l’enthousiasme de jeunes auditrices et auditeurs nord-américain(e)s. Produites entre 1933 et 1937 à partir de textes rédigés par 2 pilotes de la Première Guerre mondiale, Robert M. « Bill » Burtt et Wilfred G. « Bill » Moore, les aventures du jeune pilote civil demeurent en ondes jusque vers 1943. Une seconde série d’aventures de Jimmie Allen, commanditée par International Shoe Company et d’autres firmes, entre en ondes en 1946-47.
Le Jimmie Allen Flying Club aurait compté jusqu’à 600 000 Jimmie Allen Cadets au cours des années 1930 et 1940. Le commanditaire canadien du club est British American Oil Company Limited de Toronto, une société sans lien direct avec le commanditaire américain du feuilleton, Skelly Oil Company. Le bulletin mensuel envoyé aux membres du club, le Jimmie Allen Flying Club News, existe en version canadienne, mais en anglais seulement selon toute vraisemblance. British American Oil, l’actuelle Gulf Canada Corporation, publie par ailleurs une brochure pouvant recevoir des timbres portant les portraits de 16 pilotes canadiens, principalement des as de la chasse de la Première Guerre mondiale et des pilotes de brousse.
The Air Adventures of Jimmie Allen est la première émission de radio qui inclut dans sa promotion des modèles réduits munis de moteur à propulsion élastique. Une vingtaine de modèles réduits officiels sont fabriqués à des centaines de milliers d’exemplaires. De nombreux jeunes gens, pour ainsi dire exclusivement des garçons, qui les assemblent participent à des courses qui se tiennent aux États-Unis et au Canada. Deux de ces modèles réduits, le B.A Cabin / Skokie et le B.A. Parasol / J.A. Racer, sont spécifiquement conçus pour participer aux courses commandités par British American Oil.
Comme on peut s’y attendre, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale bouleverse l’existence de nombreux aéromodélistes qui endossent l’uniforme bleu de l’Aviation royale du Canada (ARC), une force aérienne alors connue sous le nom de Corps d’aviation royal canadien, ou les bleus de travail de l’industrie aéronautique.
Donald Prentice, le gagnant de la course de modèles réduits Jimmie Allen qui se tient à Ottawa, Ontario, en 1939, compte parmi ceux qui s’enrôlent. La carrière de cet ingénieur aérospatial et aéromodéliste passionné au sein de l’ARC et des Forces armées canadiennes dure environ 30 ans. Ce membre du Niagara Region Flying Model Club enseigne par la suite au District School Board of Niagara, en Ontario. Prentice compte parmi les membres du Model Aeronautics Association of Canada Hall of Fame.
Mentionnons également Frederick Charles « Fred » Bowers, un jeune Torontois qui s’enrôle lui aussi dans l’ARC. En 1939, il se rend aux États-Unis pour participer à la Wakefield International Cup, une compétition internationale pour modèles réduits munis de moteur à propulsion élastique. Bowers obtient une seconde place – le meilleur résultat obtenu jusqu’alors par un Canadien. Avant de s’enrôler, Bowers travaille pour Ontario Model Aircraft et de Havilland Aircraft of Canada Limited, un avionneur bien connu mentionné à plusieurs reprises depuis février 2018 dans notre blogue / bulletin / machin, dont l’usine se trouve à Downsview, tout près de Toronto.
Cette digression ayant complété sa course, revenons au sujet qui nous concerne, Ontario Model Aircraft / Model Craft Hobbies.
Notre histoire commence avec un adolescent né vers 1914, Frank E. Lucas, un gentilhomme mentionné dans un numéro de janvier 2019 de notre blogue / bulletin / machin. Ce Torontois sans fortune quitte l’école à la fin des années 1920. Avant trop longtemps, Lucas se trouve un emploi chez un courtier en bois de sciage.
Hors des heures de travail, Lucas passe une bonne partie de ses temps libres au Central Young Men’s Christian Association of Toronto. Il y rencontre un groupe de jeunes garçons plus jeunes que lui qui fabriquent des modèles réduits à l’aide de bandes de pin taillées. Ceux-ci ne tardent pas à demander conseil à Lucas, et ce même s’il n’a aucune expérience en aéromodélisme. Cela étant dit (tapé?), il les aide lorsqu’il le peut. De fait, leur enthousiasme plaît à Lucas.
Un jour, un vendeur rend visite au courtier en bois de sciage. Il tente de lui vendre un chargement de balsa. Lucas entend le vendeur dire que ce bois est utilisé pour fabriquer des boîtiers de radio – et des modèles réduits. Intrigué, il achète un peu de balsa et le vend à prix coûtant à ses jeunes amis aéromodélistes. Ceux-ci ne tardent pas à demander à Lucas s’il peut leur vendre de la colle, du tissu et des élastiques, ce qu’il semble faire.
De fait, l’aide que Lucas apporte à ses jeunes amis lui vaut d’être nommé conseiller principal du club d’aéromodélisme du Central Young Men’s Christian Association of Toronto. Il ne tarde pas à organiser des courses de modèles réduits qui attirent l’attention de certains médias, et ce qui devait arriver arriva. Lucas reçoit bientôt des lettres de jeunes aéromodélistes qui, bien souvent, vivent dans des villes et villages canadiennes où il est pour ainsi dire impossible de trouver des matériaux et / ou des kits.
Lucas se prend à penser que l’aéromodélisme n’est pas une mode passagère; ce passetemps est là pour rester. Mieux encore, c’est un excellent passetemps pour les jeunes gens, lire les jeunes garçons. L’aéromodélisme encourage leur créativité et leur désir de fabriquer des choses avec leurs mains.
Lucas décide alors de produire un kit d’aéronef bien à lui, avec des plans et toutes les pièces nécessaires. Rien de spécial mais une bonne machine volante relativement facile à assembler.
Lucas commence à préparer des exemplaires de son kit dans l’arrière cuisine du domicile familial hors des heures de travail. Sa mère et sa sœur l’aide à tailler les hélices, à découper les bandes de balsa à partir desquelles sont faites le fuselage et les ailes, et à emballer les plans et toutes les pièces de chaque kit. Afin de cacher un tant soit peu le caractère artisanal de son projet, Lucas fait imprimer des étiquettes colorées qui porte les mots suivants : Manufactured by the Ontario Model Aircraft Company, Toronto – en français Fabriqué par la Ontario Model Aircraft Company, Toronto.
Les hommes d’affaires que Lucas visite se montrent très réticents à ajouter une nouvelle ligne de produits qui est leur est inconnue alors que la Grande dépression cogne de plus en plus fort. Les modèles réduits invendus occupent ainsi de plus en plus de place dans la demeure familiale. Ayant investi toutes ses économies dans ce projet, Lucas refuse d’abandonner. Au travail, il passe une partie de son temps de repas à contacter des clients potentiels. Un jour, il appelle un des acheteurs d’un grand magasin à rayons torontois. Intrigué, celui-ci commande un millier de modèles réduits – une première lueur d’espoir pour Lucas.
Trop pauvre pour placer de la publicité dans un quotidien ou magazine, Lucas parvient à obtenir un petit espace à la Canadian National Exhibition de Toronto, un événement annuel d’importance mentionné dans un numéro de février 2019 de notre vous savez quoi. Il participe également à quelques foires ailleurs en Ontario. Ces efforts assez coûteux sont des échecs complets qui passent à un cheveu de couler le rêve de Lucas.
Lucas en vient à penser qu’il doit prouver aux jeunes gens que l’aéromodélisme peut être un passetemps fascinant. Il lance un bulletin polycopié distribué lorsqu’il en a les moyens, par exemple. Au fil des semaines, le nombre de jeunes gens qui souhaitent acheter ses modèles réduits grandit. C’est par leur entremise que les propriétaires de magasins commencent à réaliser que l’aéromodélisme peut leur permettre d’augmenter leurs profits. Occasion plus instinct égalent profit, si je peux me permettre de citer la 9ème règle d’acquisition férengie. Le nombre de commandes commencent peu à peu à augmenter. Une seconde visite à la Canadian National Exhibition s’avère fort réussie. De nombreux jeunes gens se pressent autour du kiosque de Ontario Model Aircraft.
Lucas déménage sa chaîne de montage artisanale et ses stocks de modèles réduits dans une cave située sous un barbier torontois. Le local est plutôt lamentable mais ne coûte pas cher. Lucas engage 2 jeunes gens que l’aéromodélisme passionne et quitte son emploi chez le courtier en bois de sciage. De nouveaux types de modèles réduits sont peut-être introduits à partir de cette époque. Lucas n’a pas encore 20 ans.
Soucieux de mousser ses ventes, Lucas organise des douzaines de clubs d’aéromodélisme à Toronto et ailleurs. Il organise également des courses de modèles réduits qui attirent l’attention de certains journaux. Certains articles contiennent même une photographie. Cette publicité gratuite entraîne une augmentation graduelle des ventes, ce qui permet à Lucas d’acheter de l’outillage afin d’augmenter sa production. Il peut fort bien engager du personnel additionnel.
En moins d’un an, la cave devient trop petite. Ontario Model Aircraft a besoin d’un plus grand espace. Lucas trouve une vaste maison à 3 étages, avec une devanture, à Toronto. Ses ventes continuant d’augmenter, Lucas achète encore de l’outillage et engage davantage de personnel.
Son bras droit est alors un des 2 jeunes gens engagés une éternité auparavant. Il travaille encore pour / avec Lucas en 1940. R.T. Smith est alors un aéromodéliste qui a gagné plus d’une compétition. Les modèles réduits qu’il a conçus sont connus au Canada et à l’étranger.
Si je peux me permettre une digression, après tout je vous en impose un si petit nombre, il ne faut pas confondre Smith avec « Scorchy » Smith, le héros de l’importante bande dessinée quotidienne américaine éponyme, lancée en 1930. Quelques dessinateurs et scénaristes y travaillent, dont le fameux Noel Douglas Sickles. Le style de cet artiste consommé a une influence considérable dans le milieu de la bande dessinée américaine. Soit dit en passant, le scénario des bandes dessinées Scorchy Smith du dimanche semble différer de celui des bandes dessinées publiées en semaine.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, « Scorchy » Smith se retrouve en Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Il y rencontre une jeunes femme pilote de chasse des Voenno-Vozdushnye Sily – Raboche Krestyanskaya Krasnaya Armiya (VVS-RKKA), en d’autres mots des forces aériennes militaires de l’armée rouge des travailleurs et paysans. Bien rares sont les bandes dessinées de cette époque, voire de la nôtre, en 2020, qui abordent cet aspect méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Sans l’URSS, ce conflit se serait terminé de manière bien différente. Wir würden 2020 in Europa viel Deutsch sprechen.
Certaines aventures de « Scorchy » Smith se retrouvent dans des numéros de Famous Funnies, le premier album de bande dessinée moderne, paru pour la première fois en 1934. Scorchy Smith cesse de paraitre en 1961.
Détail intéressant, du moins pour votre humble serviteur, une version en langue française de Scorchy Smith, Bob l’aviateur, paraît en 1941 et 1943 dans un hebdomadaire illustré belge, Le journal de Spirou. Un tel choix peut surprendre compte tenu du fait que la Belgique est alors sous la botte de troupes d’occupation allemandes en guerre avec les États-Unis.
Franklin « Frank » Robbins compte parmi les artistes qui travaillent sur Scorchy Smith. Ce dessinateur, illustrateur et peintre américain fort talentueux lance une bande dessinée quotidienne, Johnny Hazard, en juin 1944, tout juste avent le débarquement allié en Normandie. Ce pilote fictif des United States Army Air Forces devient un pilote aventurier une fois le conflit terminé. Certaines aventures de Hazard sont republiées dans des magazines de bande dessinée. Johnny Hazard cesse de paraître vers août 1977.
L’hebdomadaire montréalais Photo-Journal, que nous connaissons fort bien n’est-ce pas, lance une version française de cette bande dessinée, Jean Vaillant, en mars 1945. Celle-ci cesse de paraître en mai 1952. L’Action catholique introduit une autre version française en novembre 1945. Johnny Hazard poursuit sa route dans l’édition du samedi de ce quotidien de Québec, Québec, que nous connaissons également fort bien, et ce jusqu’en juin 1957.
Il ne faut pas non plus confondre le susmentionné Smith avec « Billy » Smith, le héros d’une série de 5 romans détaillant les aventures de Billy Smith Flying Ace. L’auteur américain Noel Everingham Sainsbury, Junior, aviateur de la United States Navy pendant la Première Guerre mondiale, publie le premier ouvrage de cette série en 1928. Le dernier d’entre eux sort en 1934. Une seconde série, Bill Bolton Naval Aviation Series, paraît en 1933. Utilisant cette fois un nom de plume, soit Dorothy Wayne, Sainsbury publie 4 romans consacrés à une jeune aviatrice, Dorothy Dixon, en 1933. Croiriez-vous que, au fil de ses aventures, Dixon est sauvée à plus d’une reprise par Bolton? Et vive la patriarchie, mais revenons à notre histoire.
Il ne faut surtout pas confondre Smith avec 2 personnages de bande dessinée très intéressants qui sont fortement liés au parachutisme. Ces personnages féminins insolites, Sue and Sally Smith, Flying Nurses, font leur apparition aux États-Unis, dans leur propre album de bandes dessinées, vers novembre 1962. Joltin « Joe » Sinnott dessine ces braves et indépendantes sœurs jumelles et infirmières parachutistes du Emergency Corps, un groupe médical fictif basé aux États-Unis qui fournit de l’aide dans le monde entier. Il écrit également le scénario de leurs aventures, qui se termine vers novembre 1963. Sinnott, qui est mentionné dans un numéro de mars 2019 de notre blogue / bulletin / machin, est membre du prestigieux Will Eisner Comic Book Hall of Fame depuis 2013.
Qui est ce dénommé Eisner, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous plaisantez, n’est-ce pas? Vous ne savez pas qui est William Erwin « Will » Eisner? Vraiment? Je suis choqué et consterné. Eisner, mentionné dans le même numéro de mars 2019 de notre vous savez quoi, est un des géants de la bande dessinée du 20ème siècle, mais revenons à notre histoire.
Au printemps 1940, Lucas, âgé de tout juste 26 ans, peut compter sur environ 40 jeunes employés qui connaissent bien les goûts des jeunes aéromodélistes et qui ont des aptitudes pour la conception, la fabrication et le lancement de modèles réduits Ironiquement, il n’a lui-même jamais assemblé un modèle réduit pour le plaisir de la chose, mais je digresse.
Des ouvriers effectuent alors des travaux visant à joindre l’usine de Lucas à l’édifice voisin, acheté un plu plus tôt pour répondre aux besoins croissants d’espace de Ontario Model Aircraft.
Si la compagnie peut avoir des difficultés à obtenir du balsa pendant la Seconde Guerre mondiale, le fait est qu’elle obtient des contrats gouvernementaux liés à l’effort de guerre canadien ou, plus spécifiquement, à des essais en soufflerie et avec des équipements radar. Au moment où l’année 1945 prend fin, Model Craft Hobbies est le plus important fabricant de modèles réduits du Commonwealth.
Si je peux me le permettre, une telle affirmation ne veut pas nécessairement dire grand-chose. En effet, la situation économique catastrophique du Royaume-Uni affecte négativement les efforts des fabricants de modèles réduits britanniques pour relancer leur production une fois la Seconde Guerre mondiale finie.
Si votre humble serviteur peux se permettre un commentaire un tant soit peu controversé, l’affirmation de nature nationaliste concernant l’importance de Model Craft Hobbies en 1945 ressemble un tant soit peu à celles concernant la Marine royale du Canada (MRC) et la susmentionnée ARC, respectivement 3ème marine de guerre et 4ème force aérienne au monde en 1945.
Les marines de guerre japonaise, française, italienne et allemande étant plus ou moins anéanties au cours du conflit, que reste-t-il sinon la United States Navy, la Royal Navy et la MRC, une force navale constituée avant tout de petits navires (fabriqués au Canada?) destinés à l’escorte des convois de navires marchands?
De même, les forces aériennes japonaise, française, italienne et allemande étant plus ou moins anéanties au cours de la Seconde Guerre mondiale, que reste-t-il sinon les United States Army Air Forces, la Royal Air Force (RAF), les susmentionnées VVS-RKKA et l’ARC, une force aérienne constituée en bonne partie d’avions d’entraînement fabriqués / utilisés au Canada, et d’aéronefs de combat britanniques et américains fournis gratuitement aux unités canadiennes basées outremer?
Je vous dis ça comme ça, moi.
Votre humble serviteur doit avouer ne pas avoir été en mesure de fouiller des quotidiens torontois afin de trouver des informations sur l’histoire de Ontario Model Aircraft / Model Craft Hobbies après 1940. Cela étant dit (tapé?), je m’en voudrais de ne pas vous casser les pieds avec ce qui suit.
Flairant la bonne affaire, des fabricants canadiens de modèles réduits munis de moteur à propulsion élastique approuvés par la Ligue des cadets de l’air du Canada tels que, oui, vous avez parfaitement raison, brillant(e) ami(e) lectrice ou lecteur, Ontario Model Aircraft, placent des annonces publicitaires dans Canadian Air Cadet, le magazine officiel de cette organisation. Ontario Model Aircraft et au moins aune autre firme vendent par ailleurs un planeur miniature ayant reçu lui aussi une approbation officielle.
Il existe en fin de compte 5 modèles réduits officiellement approuvés distincts munis de moteur à propulsion élastique. Le jeune homme qui conçoit le plus avancé d’entre eux, le No. 5 Senior Commercial, connu par la suite sous le nom de Miss Canada Senior, est nul autre que Robert William « Bob » Bradford. Ce gentilhomme des gentilshommes quitte par la suite son emploi pour s’enrôler dans l’ARC. Bradford dirige le Musée national de l’aviation, l’actuel musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, une fabulissime institution s’il en est, pendant plusieurs années. Il compte parmi les meilleurs peintres de l’air canadiens de tous les temps.
Deux mots sur la Ligue des cadets de l’air du Canada si vous me le permettez. Trois mots si vous ne me le permettez pas.
Les attaques répétées de l’armée de l’air allemande, ou Luftwaffe, contre le Royaume-Uni au cours des semaines qui suivent la chute de la France, en juin 1940, ont un profond impact au Canada. Soucieux de renforcer l’ARC, plusieurs personnalités influentes proposent la création d’une organisation nationale offrant une formation de base à des milliers de jeunes garçons qui s’enrôleraient une fois arrivés à l’âge adulte. Le ministre de la Défense nationale (Air), Charles Gavan « Chubby » Power, juge l’idée excellente. Un arrêté en conseil signé en novembre 1940 autorise la création d’une organisation.
Basée à Ottawa, la Ligue des cadets de l’air du Canada voit officiellement le jour en avril 1941. Le maréchal de l’air honoraire William Avery « Billy » Bishop est son président honoraire. Son président d’honneur est nul autre que le gouverneur général du Canada, le comte de Athlone, Alexander Augustus Frederick William Alfred George Cambridge, né prince de Teck. Un premier escadron formé sous la direction de la ligue voit le jour à Montréal en septembre 1941. Le premier numéro du susmentionné Canadian Air Cadet, une publication mensuelle qui ne contient pour ainsi dire aucun article en français, date d’octobre. Ce mensuel disparaît en 1947.
La Ligue des cadets de l’air du Canada s’inspire du Air Defence Cadet Corps britannique, une organisation privée fondée en 1938 et absorbée par la susmentionnée RAF au début de 1941 sous le nom de Air Training Corps.
La croissance de la Ligue des cadets de l’air du Canada est rapide. Présente d’un océan à l’autre, la ligue compte environ 10 000 cadets répartis dans 135 escadrons en mai 1942. En septembre 1944, elle atteint un sommet inégalé depuis lors : 29 000 cadets et 374 escadrons. L’absence de statistiques couvrant la période de la guerre ne me permet pas d’évaluer l’importance de la Ligue des cadets de l’air du Canada en matière de recrutement. Cela étant dit (tapé?), entre octobre 1943 et juin 1944, pas moins de 3 000 cadets de l’air joignent les rangs de l’ARC.
La Ligue des cadets de l’air du Canada est encore très active en 2020.
Frustrées par leur incapacité de joindre la ligue, plusieurs adolescentes canadiennes joignent des unités indépendantes de cadettes au cours de la Seconde Guerre mondiale. La première de ces unités peut être apparue en Colombie-Britannique.
Il suffit de songer aux Canadian Girl Air Cadets, la branche féminine des Canadian Boy Air Cadets (CBAC), fondée en 1941. Cette association fondée à Toronto en 1938 par C.H. MacKinnon, un ancien officier de la RAF, est la plus importante du genre au Canada pendant la période de l’entre-deux-guerres. Le vice-maréchal de l’air honoraire Bishop compte parmi les parrains des CBAC. C.E. Reynolds, président de la Canadian Corps Association, un important groupe de vétérans de la Première Guerre mondiale, devient chef honoraire au printemps 1940. Avant même le début de l’été, les CBAC comptent 18 unités, ou flight, à Toronto et ailleurs en Ontario. D’autres unités peuvent voir le jour à Montréal, de même qu’à Winnipeg, Manitoba; Calgary Alberta; etc.
L’organisation publie le premier numéro de son magazine officiel, Military Aviation, en avril 1940. Ce mensuel indépendant ne semble pas avoir survécu longtemps. De fait, il disparaît après quelques numéros seulement, voire un seul.
Certaines unités masculines des CBAC existent encore à l’été 1942, ne serait-ce qu’en Ontario. L’une d’entre elles offre un service de patrouille cycliste au quartier général des Précautions contre les raids aériens, à Ottawa. Les CBAC finissent toutefois par disparaître, victimes de la naissance de la Ligue des cadets de l’air du Canada, qui peut compter sur l’appui du gouvernement fédéral.
Mentionnons par ailleurs les Airettes, une unité formée en 1942 qui regroupe des étudiantes du Kitchener-Waterloo Collegiate, l’actuelle Kitchener-Waterloo Collegiate and Vocational School. Appuyées par des officiers de la Ligue des cadets de l’air du Canada de cette région de l’Ontario, les Airettes comptent entre 80 et 100 membres lorsque la Seconde Guerre mondiale prend officiellement fin, en septembre 1945. Un autre groupe de Airettes fait son apparition, à Toronto, au début de 1944. Les liens unissant ce groupe d’étudiantes d’école secondaire âgées de 15 à 18 ans avec son homonyme de Kitchener et Waterloo sont malheureusement inconnus. De fait, il se peut que d’autres groupes de Airettes fonctionnent en Ontario, voire même dans d’autres provinces.
Au plus tard au début de 1943, des officiers de la Ligue des cadets de l’air du Canada basés en Saskatchewan fournissent par ailleurs une formation à au moins 4 groupes d’adolescentes demeurant à Assiniboia, Prince Albert, Regina et Unity.
Vous savez quoi, c’en est assez pour aujourd’hui. À la revoyure.