L’art de la négociation en Ontario rural; ou, La triste histoire de la chondrite de Dresden
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, le sujet que nous allons explorer dans le numéro de cette semaine de notre blogue / bulletin / machin est de nature astronomique. Pour paraphraser le chanteur du groupe new wave américain Talking Heads, dans sa chanson à succès de 1981 Once in an lifetime, vous pouvez vous demander pourquoi. Et bien, on peut soutenir que l’astronomie relève du mandat du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario. Je ne fais pas partie de cet « on » hypothétique – bien sûr.
Du moins pas officiellement.
Alors, parlons de l’espace et des innombrables météoroïdes, météores et météorites qui s’y trouvent, et… Laissez-moi deviner, il faudrait un peu d’éclairage pour différencier ces 3 types de corps célestes, n’est-ce pas? Le regard vide sur votre visage vous trahit un peu, vous savez. Très bien, commençons.
Pour être clair, j’étais aussi ignorant que vous quand j’ai commencé à écrire ce numéro de notre blogue / bulletin / machin. Et non, il n’y a pas de concours concernant le nombre de fois où votre humble serviteur peut insérer cette expression, dorénavant et depuis longtemps, insupportablement agaçante dans chaque article du dit blogue / bulletin / machin. Ça fait 3 fois jusqu’à présent, mais qui fait ce calcul? À part vous. Désolé.
Alors, qu’il soit dit partout sur cette Terre qu’un météoroïde est un objet rocheux ou métallique qui se déplace dans l’espace. Un météoroïde peut mesurer quelques millimètres (une fraction de pouce) ou un kilomètre complet (0.62 mille). Si un météoroïde d’une certaine taille pénètre dans l’atmosphère terrestre, le frottement avec des molécules de gaz présentes là-haut le réchauffent, créant ainsi une traînée de lumière magnifique / effrayante dans le ciel, autrement dit un météore. Si un météoroïde est suffisamment gros, il se fraye un chemin à travers la dite atmosphère et frappe la Terre, en un morceau ou non. La ou les parties du météoroïde qui frappent la Terre sont appelées météorites.
Si un météore est plus de 2 fois plus brillant que la Lune, il est baptisé un bolide. À son tour, un superbolide peut être plus brillant que le Soleil.
Peu avant 21 h, à la tombée de la nuit, le 11 juillet 1939, une boule de feu inspirant l’émerveillement traverse le ciel du sud-ouest de l’Ontario. La dite boule de feu, la plus grosse vue dans la région de mémoire humaine, éclaire le ciel comme s’il était midi. D’incomptables milliers de personnes dans cette province, de Windsor à l’ouest à Toronto à l’est, de même qu’au Michigan, en Ohio, en Pennsylvanie et au Wisconsin, la voient. Incroyablement, quelques personnes à Lethbridge, Alberta, affirment l’avoir vu aussi.
C’est quoi cette chose, se demande la ménagère qui se repose après une dure journée de travail ou le commis voyageur qui vient de garer son automobile au bord de la route? Une fusée transportant des envahisseurs en provenance de Chine? Une forme bizarre de foudre? Une fusée de feu d’artifice du 4 juillet tardive? Un feu de forêt? Un avion en feu sur le point de s’écraser? Un immeuble en feu? Ou quelque chose de complètement différent, comme la fin du monde? Les postes de police et journaux locaux sont rapidement submergés par les appels de citoyen(ne)s inquiet(e)s. Il y a de la peur, sinon de la panique, dans certains endroits, dit-on. Ce sont des temps troublés, vous voyez.
L’armée, ou Heer, de l’Allemagne nationale-socialiste entre en Autriche en mars 1938 sans avoir à tirer un coup de feu. Le chef monstrueux du pays, Adolf Hitler, annonce ensuite l’union de son pays d’origine avec son pays d’adoption. En juillet et août 1938, des troupes japonaises et soviétiques se battent le long de la frontière du Mandchoukouo, un état fantoche créé par le Japon dans le nord de la Chine à la suite de l’invasion de ce pays en juillet 1937. Si les combats à la frontière du Mandchoukouo cessent rapidement, la guerre sino-japonaise fait rage jusqu’à la reddition sans conditions du Japon, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, officialisée au début de septembre 1945.
En septembre 1938, alors que l’Europe retient son souffle, attendant de voir si une guerre va éclater, Hitler, Benito Amilcare Andrea Mussolini, le dictateur bouffon de l’Italie fasciste, et les premiers ministres effrayés de la France et du Royaume-Uni, Édouard Daladier et Arthur Neville Chamberlain, négocient les (tristement) fameux accords de Munich, à Munich, Allemagne. Le gouvernement tchèque, le parti le plus touché par ce coup de poignard dans le dos, n’est même pas invité à prendre part à ces « négociations. » À peine quelques jours plus tard, l’Allemagne occupe la région frontalière des Sudètes en Tchécoslovaquie, le dernier pays démocratique de cette région de l’Europe. La Pologne et la Hongrie profitent également de l'occasion pour accaparer quelques morceaux du pays, en octobre et novembre 1938. La Slovaquie proclame son indépendance en mars 1939. Ce territoire, de même que la Bohême et la Moravie, sont rapidement occupé(e)s par l’Allemagne. L’annexion de la Ruthénie par la Hongrie, en mars 1939, achève le démembrement de la Tchécoslovaquie.
En mars également, la monstrueuse guerre civile déclenchée en juillet 1936 par des officiers hauts gradés espagnols se termine par la victoire des forces nationalistes de Francisco Franco y Bahamonde, un triomphe rendu possible par le soutien massif de l’Allemagne et de l’Italie. Seule l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), une autre dictature diabolique, avait accepté de soutenir ouvertement le gouvernement démocratiquement élu de l’Espagne. En avril, l’Italie annexe l’Albanie et l’Allemagne mit fin à l’accord naval anglo-allemand de 1935, qui limite la taille de sa marine de guerre, la Kriegsmarine. Le mois suivant, l’Allemagne et l’Italie signent une alliance militaire. Comme nous le savons tou(te)s les 2, la Seconde Guerre mondiale débute en septembre 1939.
En juillet 1939, partout dans le monde, de nombreuses personnes craignent ainsi qu’un autre conflit majeur soit sur le point de déchirer l’Europe.
De fait, la peur frisant la panique ressentie par beaucoup explique pourquoi bien des gens, mais pas autant qu’on le croit à un moment donné, paniquent fin octobre 1938 lorsqu’un brillant jeune Américain du nom de George Orson Welles diffuse un des spectacles d’Halloween les plus étonnants et effrayants qui soit, avec l’aide de son équipe Mercury Theater, à savoir la diffusion à la radio d’une version modernisée du magistral roman scientifique datant de 1898 de l’auteur britannique Herbert George Wells, probablement son œuvre la plus célèbre, La guerre des mondes. Les susmentionnées personnes paniquées croient vraiment qu’une invasion martienne est en cours.
Et oui, Wells, avec un E, est mentionné dans des numéros de novembre 2018, décembre 2018 et juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin. À son tour, la version cinématographique de 1953 de son roman est mentionnée dans un numéro de novembre 2018 de ce même blogue / bulletin / machin. Mais revenons à notre histoire.
On observe notre météore subir 3 explosions avant que le fragment principal, une météorite d’environ 40 kilogrammes (environ 88 livres), ne s’enterre dans un champ de betteraves à sucre appartenant à un agriculteur afro-canadien, Daniel Alvy « Dan » Solomon, dans le comté de Chatham, à environ 10 kilomètres (environ 6 milles) au sud-ouest de Dresden, une petite ville du sud-ouest de l’Ontario, non loin de la frontière canado-américaine.
Il convient de noter que, dès 1939, un rapport préliminaire rédigé par 2 membres de la University of Western Ontario (UWO) de la Société royale d’astronomie du Canada déclare que jusqu’à 7 explosions ont lieu au-dessus de l’Ontario. La première envoie un fragment dans la baie Georgienne, dans le lac Huron, près d’un yacht et de son propriétaire. La seconde envoie un fragment dans le lac Huron, près de Listowel, à environ 15 mètres (50 pieds) du rivage. La troisième envoie un fragment entre Saint Marys et Stratford, pas très loin d’un témoin. La quatrième envoie un gros fragment près de Park Hill. Il s’avère que ce fragment en particulier s’avère être un morceau de laitier / scorie, mais revenons à notre histoire. Oui, ami(e) lectrice ou lecteur, le rapport préliminaire est inexact. Et oui, UWO est à London, Ontario.
Selon au moins un journal de juillet 1939, 5 agriculteurs, à part Solomon, découvrent des petits fragments de météorite dans leurs champs. Bruce Cumming et sa famille en trouvent un le 11 juillet qui pèse peut-être 500 grammes environ (environ 1 livre) dans sa ferme de betteraves à sucre, à environ 100 mètres (environ 330 pieds) de leur maison, le 11 juillet, grâce à leur chien Shep. Henry L. Lozon, quant à lui, trouve un fragment pesant plus de 2 kilogrammes (environ 5 livres) sur son terrain, le 12 juillet. A.V. Scott trouve un fragment de taille inconnue à une date inconnue. Un individu inconnu trouve un fragment de taille inconnue à une date tout aussi inconnue. George Highgate aurait découvert un tel fragment de taille inconnue à une date tout aussi inconnue. Selon un article de journal contemporain, les 5 agriculteurs veulent vendre leurs fragments et attendent des offres.
Un garçon de 8 ans environ du nom de Murray McKim trouve un fragment d’environ 150 grammes (environ 5 onces) non loin du domicile de ses parents, près de la ferme Solomon. Ce fragment découvert le 11 juillet reste inconnu de la science jusqu’en 2003.
De plus, Clarence Browning de Dresden trouve un fragment dans le jardin derrière son domicile le soir du 11 juillet.
D’autres fragments sont peut-être ramassés en 1939 ou plus tard par diverses personnes qui choisissent de se taire. En vérité, il peut fort bien rester des fragments de la météorite de Dresden dans le sol ou dans un ou des caves / combles de fermiers, mais poursuivons.
Une conclusion surprenante / déroutante / dérangeante s’impose après avoir pris connaissance des témoignages des personnes qui ont vu la boule de feu : aucun d’entre elles ne semble avoir vécu la même chose. Au risque de paraître condescendant, on peut soutenir que la mémoire est une faculté très malléable et faillible. En parlant d’autres événements tout à fait différents, on pourrait même dire qu’il est possible de se souvenir de choses qui ne se sont jamais réellement produites, mais je digresse. Euh, où en étions-nous? J’oublie.
Le météore de Dresden est décrit comme produisant un son grésillant ou fort et grondant. Selon l’emplacement des observatrices ou observateurs, il se déplace vers le nord ou le sud, ou depuis une autre direction de la boussole. Un moyen de sortir de ce dilemme serait de suggérer, comme un expert non identifié de UWO, probablement Harold Reynolds Kingston, chef du Department of Pure and Applied Mathematics et passionné d’astronomie, en juillet 1939, que le météore de Dresden tombe pour ainsi dire à la verticale. Un article de 2006 suggère que le météore de Dresden suit probablement une trajectoire nord-est / sud-ouest.
Creusons maintenant, sans jeu de mots, très bien, très bien, définitivement avec jeu de mots, l’histoire du fragment principal du météore de Dresden – la 4e plus grosse météorite connue du Canada et la 2e plus grosse de l’Ontario. Quelle est la plus grosse météorite connue du Canada et de l’Ontario, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur curieuse / curieux? Et bien, il s’agit de la météorite de Madoc, une météorite métallique, ou sidérite, trouvée en 1854 près de Madoc, Canada, la province unie d’avant 1867 et non pas le Dominion d’après 1867 bien sûr. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur attentive / attentif, Madoc se trouve maintenant en Ontario. Cette météorite fait osciller la balance à environ 169 kilogrammes (environ 373 livres). Personne ne sait quand elle frappe notre monde – ou vice versa.
Votre humble serviteur voudrait vraiment beaucoup parler (taper?) au sujet des météorites et de leurs cratères. Savez-vous, par exemple, que le géophysicien suédo-américain, plus tard suédo-canadien, Hans Torkel Fredrik Lundberg se rend en Arizona pour voir s’il peut détecter les restes d’une météorite sous le Crater Mound, un spectaculaire élément du paysage connu aujourd’hui sous le nom de Meteor Crater? Je m’abstiendrai cependant de parler (taper?) de météorites et de leurs cratères. Vous, ami(e) lectrice ou lecteur, avez des endroits à visiter et des choses à faire, après tout. Changer des couches sur le bord d’une route par exemple. Bonjour, EG! Et oui, Lundberg est mentionné dans des numéros de juillet 2017 de notre blogue / bulletin / machin.
Avant que j’oublie, saviez-vous qu’une météorite de grande taille, une météorite métallique pour être plus précis, est exposée au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada entre mai et septembre 2018? Ce visiteur de l’espace, la météorite Knowles, trouvée de Knowles, Oklahoma, en 1903, est un des nombreux éléments fascinants inclus dans l’exposition itinérante Au-delà de la planète Terre : l’avenir de l’exploration spatiale du American Museum of Natural History. Et oui, vous devriez visiter ce musée plus souvent, et… Non, pas le musée américain, même s’il est probablement fascinant lui aussi. Vous n’êtes jamais allé(e) à l’auguste institution qu’est le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada? Sérieusement? Wow. Passons à autre chose, et ... Jamais? Sérieusement? Allez-y! Pas maintenant bien sûr, vous avez un peu de lecture à faire. Or donc, revenons à notre histoire.
Hazel Bell Richardson Solomon est en train de désherber son jardin lorsque le météore apparaît. Il grossit rapidement et fait un bruit terrifiant lorsqu’il s’écrase dans un champ, à environ 200 mètres (environ 650 pieds) de sa maison. Elle se précipite à l’intérieur avec ses 4 enfants apeurés. Son époux, le susmentionné « Dan » Solomon, revient de Dresden quelques minutes plus tard, dans sa vieille automobile. Son épouse lui demande d’attendre le lendemain matin avant de jeter un coup d’œil sur le lieu de l’écrasement.
Votre humble serviteur est d’avis que la fumée verte et jaune émanant du lieu du dit écrasement n’existe que dans l’imagination d’un journaliste.
Solomon naît à Chatham, Ontario, non loin de Dresden, en octobre 1896. En âge de se battre au cours de la seconde moitié de la Première Guerre mondiale, il est enrôlé en juin 1918 mais ne combat pas avant la signature de l’Armistice, en Novembre.
Bien que le dit Armistice soit signé il y a plus d’un siècle, l’impact de la Première Guerre mondiale n’a pas encore fini de faire son chemin dans le monde entier. Au Québec, deuxième province la plus peuplée du Canada et fief de la minorité francophone du Dominion, le conflit laisse un goût particulièrement amer.
Vous voyez, ami(e) lectrice ou lecteur, en août 1917, à Ottawa, la Chambre des communes vote massivement en faveur de la Loi du service militaire. Cette imposition de la conscription pour le service à l’étranger par le gouvernement fédéral, alors dirigé par sir Robert Laird Borden, provoque la colère de nombreux immigrants récents dans l’Ouest canadien, de nombreux habitants des régions rurales de l’Ontario et de la grande majorité des Québécoises et Québécois francophones. Contrairement à beaucoup de leurs compatriotes anglophones, né(e)s au Royaume-Uni et / ou ayant encore des parent(e)s proches dans ce pays, l’attachement de ces dernières et derniers est avant tout à leur patrie et pays d’origine d’Amérique du Nord. En effet, pour la Québécoise ou Québécois francophone moyen(ne), la France est un pays inconnu, voire étranger, que ses ancêtres ont quitté au moins un siècle et demi auparavant. Le Royaume-Uni et l’empire britannique comptent encore moins dans son cœur.
Voir le Canada impliqué dans une guerre de l’autre côté de l’Atlantique est déjà assez pénible, mais se voir ordonner de quitter son domicile pour faire face à la mort à l’étranger est tout à fait hors de question. L’adoption en septembre 1917 de la Loi des élections en temps de guerre, qui donne le droit de vote à de nombreuses et nombreux partisant(e)s potentiel(le)s de la conscription et prive le droit de vote de nombreuses et nombreux opposant(e)s potentiel(le)s à la mesure, en préparation d’une élection fédérale, ne fait qu’aggraver les blessures. En octobre, Borden forme un gouvernement d’union avec l’aide de quelques membres de l’opposition officielle favorables à la conscription qui préfèrent l’attrait du pouvoir à la fidélité envers leur chef, l’ancien premier ministre sir Henri Charles Wilfrid Laurier et, fort possiblement, envers leurs propres électeurs. Toutes ces manœuvres, combinées à des fraudes généralisées parrainées par le gouvernement, à des actes d’intimidation et à la redistribution post-électorale du vote militaire dans plusieurs circonscriptions remportées par l’opposition officielle, garantissent à toute fin utile la victoire écrasante et, oserons-nous dire, à la limite de l’illégalité de Borden lors de l’élection fédérale tenue en décembre.
Curieusement, cette victoire entachée et, oserons-nous dire encore une fois, à la limite de l’illégalité survient 14 ans après le premier vol contrôlé et soutenu d’un avion à moteur fabriqué par Orville et Wilbur Wright, à Kitty Hawk, Caroline du Nord. Et oui, ces pionniers de l’aviation connus dans le monde entier sont mentionnés à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis août 2018
En toute justice, les jeunes Canadiens anglais se montrent presque aussi désireux que leurs homologues francophones de demander des exemptions de service outre-mer, du moins jusqu’à ce que le gouvernement fédéral les élimine, en avril 1918, peu après le lancement d’une offensive majeure des forces armées allemandes. C’est au Québec, cependant, que les tensions atteignent leur apogée avec la mort confirmée de 4 francophones non armés et apparemment non impliqués, aux mains de soldats anglophones de l’extérieur de la province, le 1er avril, au cours de la fin de semaine de Pâques. Jusqu’à 70 personnes peuvent être blessées. Pas exactement la paix sur Terre et la bonté envers l’humanité, je suppose. Désolé.
Apparemment pacifié(e)s, la plupart des Québécoises et Québécois francophones demeurent profondément hostiles à Borden, à son parti politique et / ou aux forces armées canadiennes pendant de nombreuses années après la signature de l’Armistice. De fait, les conscrits réfractaires peuvent souvent compter sur une sympathie généralisée en 1917-18, en particulier à la campagne, tandis que les personnes qui les cherchent trouvent principalement un silence renfrogné. Certain(e)s de mes ancêtres sont peut-être parmi ces personnes silencieuses et renfrognées. Oserais-je leur tirer mon chapeau? Mais revenons à notre histoire.
Qu’entends-je? L’impact de la Première Guerre mondiale n’est pas si grand que ça? Comme il est dit (tapé?) plus haut, le début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, est précédé par une série de crises plus sérieuses les unes que les autres. Bien qu’éloigné des zones de tension, le gouvernement fédéral / canadien réalise fort bien que le risque de guerre augmente. En 1936, le premier ministre William Lyon Mackenzie « Rex » King crée un Comité du Cabinet pour la défense qui va coordonner et définir les politiques de son gouvernement. Tous les gros canons du Cabinet en font partie : King; Charles Avery Dunning, ministre des Finances; Ernest Lapointe, ministre de la Justice et bras droit du premier ministre au Québec; et Ian Alistair Mackenzie, ministre de la Défense nationale. La création de ce comité préfigure le rôle coordinateur et directeur du gouvernement fédéral en matière de planification économique et de production de guerre.
Lors de la première réunion, les ministres prennent connaissances des rapports préparés par les forces armées canadiennes. Les nouvelles sont mauvaises et les carences, nombreuses. King et ses ministres décident par conséquent de lancer un programme de réarmement. Les ressources financières du pays étant par trop limitées, le gouvernement fédéral ne peut toutefois pas se permettre d’acheter tout le matériel recommandé par le ministère de la Défense nationale. King commence ainsi à s’intéresser de plus en plus à l’importance potentielle de l’Aviation royale du Canada (ARC) pour la défense du pays. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur qui aime la précision, cette force aérienne est alors connue sous le nom de Corps d’aviation royal canadien.
Sans être décisive, une rencontre avec le premier ministre britannique, Stanley Baldwin, en octobre 1936, joue un rôle significatif dans ce qui va suivre. Ce dernier suggère en effet à King de songer surtout à l’aviation militaire. Même si le Canada compte parmi les pays les moins vulnérables, une force aérienne lui serait des plus utiles en cas d’attaque. Baldwin ne semble pas croire qu’une marine de guerre ou une armée valent la peine qu’on leur consacre des sommes importantes.
À ces arguments militaires vient se greffer le fait qu’au contraire de l’Armée canadienne et de la Marine royale du Canada (MRC), l’ARC ne réveille pas de mauvais souvenirs, telles les émeutes contre la conscription du printemps 1918 et les difficultés entourant la création de la MRC en 1910. Ne l’oublions pas, l’opposition officielle semble alors plutôt favoriser le don d’une somme d’argent importante au Royaume-Uni afin que celui renforce la Royal Navy.
Quoi qu’il en soit, avant même la fin de 1936, King décide que l’ARC sera la première ligne de défense du Canada. En cas de danger, ses unités peuvent en effet se concentrer très rapidement et assurer la couverture du territoire en collaboration avec la MRC et l’Armée canadienne. En autant que King est concerné, cette politique met également en veilleuse l’idée d’un corps expéditionnaire de l’Armée canadienne, liée de près à l’idée de conscription et au danger potentiel que cette question fait peser sur l’unité du pays, mais revenons à notre histoire.
Lorsque Solomon se rend dans son champ pour comprendre ce qui s’est passé la veille, il trouve un trou de 30 x 45 centimètres (12 x 18 pouces) entouré de terre empilée. Le choc de l’impact est tel que des morceaux de terre ont volé à plus de 12 mètres (40 pieds). Solomon commence à creuser dans l’argile sous le regard de ses enfants. À une profondeur d’environ 2 mètres (6.5 pieds), il voit le dessus de l’objet qui a effrayé sa famille la veille. Les enfants de Solomon, de même que la foule de voisin(e)s venu(e)s sur les lieux, sont fasciné(e)s par cette apparition. Parmi eux figure Charles « Charlie / Chuck » Ross, jeune rédacteur en chef d’un hebdomadaire local récemment fondé, The Dresden News.
Solomon accroche une chaîne autour de la météorite avec l’aide de Ross. À leur tour, ils ont besoin de l’aide de quelques hommes pour sortir la météorite du trou. À l’aide de barres de fer, 2 hommes ou plus arrachent au moins 2 morceaux relativement gros du visiteur interplanétaire. Morley McKay, un habitant de Dresden de premier plan et propriétaire du Kay’s Café, un restaurant populaire, en prend apparemment un qui pèse environ 700 grammes (1.5 livre), par exemple.
Reconnaissant pour l’aide fournie par Ross, Solomon lui permet d’emmener la météorite au bureau du The Dresden News où elle est pesée, nettoyée et exposée à la fenêtre avant. La sœur de Ross, Beth Ross, fait au moins une partie du nettoyage. La météorite doit rester à cet endroit pendant 2 semaines. On peut se demander si Solomon entend dire que Ross affirme rapidement qu’il a lui-même plus ou moins sorti la météorite de sa prison d’argile.
La découverte de ce fragment important de météorite surprend quelque peu certains / plusieurs / la majorité des observateurs qui pensaient que rien ne serait trouvé car le météore s’est désintégré avant de heurter le sol ou s’est écrasé dans les lacs Érié ou Huron.
Solomon est bientôt contacté par un ancien dentiste vivant à Chatham impliqué dans la prospection pétrolière et gazière. Né à Bothwell, Ontario, en 1874, Luke Egerton Smith obtient un diplôme en médecine dentaire de la University of Toronto en 1899. Il exerce dans plusieurs villes de l’Ontario (Chatham, Hamilton, London et Oakville) avant de prendre sa retraite, vers 1925. Smith est également un inventeur qui met au point quelques types de machines. L’une d’entre elles, une remplisseuse de confiture, est encore utilisée à la fin des années 1940 ou au début des années 1950, mais revenons à notre histoire.
Smith voit la météorite en train d’être nettoyée. Il est plutôt impressionné et « pense qu’un homme de l’industrie pétrolière ne doit pas rater une occasion de se rapprocher de si près du ciel. » Smith rend rapidement visite à Solomon. Il offre peut-être 4 $ pour la météorite parce que quelqu’un a déjà fait une offre de 3 $. Smith et un ami fermier également intéressé par la prospection, Marshall McFadden, harcèlent Solomon, un homme mince, très doux et au ton très doux, à un point tel qu’il finit par céder, le 12 ou le 13 juillet. Fort possiblement à la demande de Ross, Smith accepte de laisser la météorite dans la fenêtre du bureau du The Dresden News pendant 1 semaine, sinon 2.
Soucieux comme il est de se débarrasser de la météorite, possiblement pour éviter que ses récoltes ne soient piétinées par des badauds impatients de voir le trou dans sa propriété, Solomon pense d’abord qu’il a fait une bonne affaire. Incidemment, les restauratrices et restaurateurs de Dresden font également de bonnes ventes. La petite ville est en effervescence. De nombreux journalistes et des centaines de badauds envahissent ses rues.
Au bout de quelques heures, Solomon réalise qu’on a profité de lui, une conclusion à laquelle aboutissent de nombreuses personnes à Dresden, Chatham et au-delà. De fait, Clarence Augustus Chant, directeur émérite du David Dunlap Observatory de Richmond Hill, près de Toronto, un gentilhomme mentionné dans un numéro d’avril 2019 de notre blogue / bulletin / machin, déclare que la météorite de Dresden, compte tenu de son état et de sa taille, peut aller chercher 200 $ n’importe quand sur le marché libre.
Un journaliste qui mentionne ce détail à l’épouse de Solomon ce même jour note à quel point elle est bouleversée. Il devait s’inquiéter d’un problème que sa famille avait, se dit-elle. Malgré tout, à quoi pensait-il? Solomon et son épouse concluent qu’ils devraient essayer de récupérer la météorite. Dans la soirée du 13 juillet, Solomon se rend à la résidence palatiale de Smith. Sa tentative de restituer les 4 $ en échange de la météorite se solde par un échec. Comme Smith le fait remarquer à celles et ceux qui mettent en cause son éthique, un accord est un accord.
Lorsqu’il s’est entretient avec des journalistes vers le 13 juillet, Smith déclare (en toute honnêteté?) qu’il ne sait pas pourquoi il a acheté la météorite, ni ce qu’il en ferait. Alors que plusieurs (7?) universités et musées aux États-Unis et au Canada, dont UWO et la University of Toronto, sans parler de quelques particuliers, le contactent avec des offres d’argent, il se rend compte que son investissement de 4 $ peut lui faire récolter un profit énorme. À la mi-juillet, Smith se rend au bureau du The Dresden News, exige que son bien lui soit restitué et rentre chez lui en automobile. Interrogé par des journalistes, il déclare qu’il dormirait juste à côté de la météorite, avec un pistolet / revolver sous son oreiller. Pour une raison ou une autre, Smith prête la météorite à un grand quotidien, Toronto Daily Star, le lendemain de sa visite au bureau de The Dresden News. Le quotidien de Toronto, conscient de l’importance de la publicité, place la météorite dans une fenêtre avant de ses bureaux.
Saviez-vous qu’une photo de la météorite en cours de nettoyage par Mlle Ross fait la une du numéro du 13 juillet du Toronto Daily Star? Vous le saviez? Oh oui, cette photo est en haut de cet article. Je le savais. Oui, oui, je le savais. Je pense, mais revenons à notre histoire.
Alors que ceci se déroule, des hordes d’automobilistes, dont beaucoup sont Américains, certains d’aussi loin que l’Ohio, se présentent toujours à la porte de Solomon pour demander s’ils peuvent voir la météorite. Bien qu’ils soient déçus d’apprendre qu’elle est à Chatham, avec Smith, ces visiteurs venus de loin scrutent le sol près du site de l’écrasement, dans l’espoir de trouver un petit fragment ou 2. Un petit nombre d’entre gagnent le gros lot, si on peut dire. Remarquez, Wilfred Solomon, le second plus vieil enfant de la famille, vend un certain nombre de minuscules fragments, pour quelques sous, aux automobilistes de passage.
Deux émissaires de UWO de la Société royale d’astronomie du Canada, Edward Gustav Pleva et le révérend W. G. Cosgrove, se rendent à Dresden le 13 juillet. Avant de quitter London, ils s’arrêtent au bureau télégraphique de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada pour examiner une roche qui serait un fragment de météorite, du moins selon un journaliste et cofondateur de Carty News and Publicity Service, basé à London, très possiblement Arthur Chester Carty, né Arthur Chester Pudney, qui fournit souvent des sujets au Toronto Daily Star. Le dit fragment contient une bonne quantité de métal, probablement du fer. Pleva et Cosgrove concluent qu’il pourrait bien être authentique. Les 2 hommes partent pour Dresden peu après.
Un bref examen de la météorite, au bureau de The Dresden News, les convainquent qu’ils ont affaire à du vrai, et non à un morceau de laitier. Trop souvent, des individus qui pensent avoir découvert un fragment de météorite qu’ils peuvent vendre au plus offrant découvrent à leur grand étonnement que leur rocher n’a aucune valeur. De fait, un journaliste du Toronto Daily Star qui contacte les émissaires de UWO pour obtenir des informations indique qu’un fragment de météorite analysé dans cette bonne ville s’est avéré moins qu’authentique.
Peu de temps après, Pleva et Cosgrove se rendent sur le lieu de l’écrasement en automobile pour parler à Solomon et, en cours de route, à d’autres agriculteurs. Ils se demandent comment une météorite d’environ 40 kilogrammes (environ 88 livres) réussit à se retrouver à plus de 2 mètres (environ 7 pieds) sous terre. En outre, l’argile au fond du trou ne semble pas très compactée.
Pleva et Cosgrove retournent à Dresden en automobile une semaine après leur voyage initial. Un professeur de géologie de UWO, G. Howard Reavely, les accompagne. L’objectif du « terrifique » trio est de localiser autant de fragments de météorite qu’il est humainement possible. En fin de compte, cette visite aboutit à la donation à UWO du fragment de météorite appartenant à McKay. Sa seule condition est que le dit fragment soit coupé en 2. L’université doit en garder une moitié intacte, tandis que l’autre doit être polie sur une face et renvoyée à McKay. Reavely, Pleva et Cosgrove sont en extase, de même que leurs collègues de UWO et de la Société royale d’astronomie du Canada.
Smith, quant à lui, pète une coche quand il entend la nouvelle. Les morceaux de météorite sont des biens volés, dit-il, et devraient lui être rendus. De prime abord, ses fanfaronnades ne dérangent pas indûment McKay ou UWO. Cela étant dit (tapé?), Smith refuse une offre de 200 $ pour la météorite de cette même université au début d’août. La University of Toronto n’a pas plus de chance. Espérant récolter une somme beaucoup plus importante, Smith menace de couper en 8 morceaux la météorite Luke Smith, un nom qu’il aime apparemment à donner à ce rocher céleste. Il paierait pour que ce nom soit gravé sur la face polie de chaque fragment, avec la date de la chute de la météorite – et les noms des 2 méchants qui ont arraché les morceaux appartenant maintenant à McKay et à UWO.
Le comportement de Smith ne passe certes pas inaperçu. À vrai dire, il est sérieusement critiqué. Un éditorial du début d’août publié dans St. Thomas Times Journal de St. Thomas, Ontario, est particulièrement sévère. Où le monde serait-il si l’inventeur américain de renommée mondiale Thomas Alva Edison et / ou le scientifique français Louis Pasteur, tout aussi renommé mondialement, un individu mais pas un gentilhomme mentionné dans un numéro d’avril 2019 de notre blogue / bulletin / machin, avaient gardé leurs travaux secrets jusqu’à ce que de belles piles d’argent leur soient données? L’éditorialiste poursuit en affirmant que le petit dentiste de Chatham, une pointe rusée envers Smith peut-être, parce que celui-ci est loin d’être petit, « même s’il peut difficilement gagner une place dans l’histoire avec un morceau de roche, pourrait au moins aider les efforts des astronomes s’il développait un peu du caractère de ces hommes célèbres. »
En toute justice pour Smith, il faut indiquer que Edison est un homme d’affaires extrêmement compétitif alors que Pasteur n’est nullement altruiste, humble ou sympathique. En effet, il semble que ce dernier purge régulièrement ses données expérimentales brutes pour les adapter aux résultats qu’il souhaite obtenir. Pis encore, dans au moins 2 cas significatifs, liés à ses travaux sur le charbon et la rage, Pasteur ment sur ses méthodes, mène des essais humains qui seraient aujourd’hui contraires à l’éthique et s’approprie une ou plusieurs idées d’un rival sans influence. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, votre humble serviteur est un peu iconoclaste.
Quoi qu’il en soit, Smith, qui connaît apparemment un dicton bien connu de 1830 d’un écrivain et historien britannique mal connu, Alexander William Kinglake (Des bâtons et des pierres peuvent casser mes os, mais des mots ne me blesseront jamais), poursuit sa vie. Au début d’août 1939, par exemple, il souligne que « la loi de l’offre et de la demande est valable même pour les météorites » – une déclaration qui ne le rend pas davantage populaire. Smith indique qu’il a été contacté par quelques / plusieurs musées et universités canadiens et américains, dont la célèbre Smithsonian Institution. Aucun d’entre eux ne lui a apparemment offert la somme qu’il cherche pour la météorite, qui se situe entre 800 et 1 000 $ – une somme considérable en 1939 étant donné qu’un ouvrier moyen de l’industrie manufacturière canadienne gagne environ 975 $ par an à cette époque.
Craignant peut-être que la météorite quitte le Canada et / ou agacé par le comportement de Smith, E.E. Reid, directeur général de London Life Insurance Company, qui se trouve être membre du conseil des gouverneurs de UWO, convainc le conseil de direction de son employeur à fournir à l’université une somme de 700 $ qu’elle utiliserait pour acheter la dite météorite. Smith prend l’argent en octobre 1939.
À la demande de Reid, la météorite est exposée au Hume Cronyn Memorial Observatory, construit sur le campus de UWO grâce à un don de la succession de l’homme d’affaires et homme politique de London Hume Blake Cronyn et officiellement inauguré en octobre 1940. Croiriez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, que Cronyn, une personne profondément intéressée par la science, joue un rôle dans la création du Comité consultatif honoraire de recherches scientifiques et industrielles, l’actuel Conseil national de recherches du Canada (CNRC)? Et oui, le CNRC est mentionné dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / thingee depuis mai 2018. Et oui encore, Cronyn est le père du respecté acteur Hume Blake Cronyn, junior.
On peut se demander si le contexte social entourant la vie quotidienne à Dresden ne joue pas un rôle dans la façon dont Solomon est traité. Et oui, votre humble serviteur est sur le point de prendre une tangente. Encore. Veuillez noter que cette tangente n’a rien de gaie.
Savez-vous ce qu’est / était le chemin de fer clandestin, ami(e) lectrice ou lecteur? Non? Laissez-moi vous éclairer à cet égard. Le dit chemin de fer n’a pas de voies ni de locomotives. C’est un réseau de refuges et d’itinéraires secrets établis en sol américain, principalement entre le début et le milieu du 19e siècle, pour aider des esclaves en fuite à se rendre dans des états américains ou des colonies britanniques comme la Nouvelle-Écosse et le Canada, où l’esclavage, une institution abominable, n’existe pas.
On peut soutenir que le chemin de fer clandestin est comparable dans son concept aux réseaux mis en place dans les pays européens occupés par l’Allemagne nationale-socialiste pendant la Seconde Guerre mondiale pour aider des aviateurs alliés dont les avions ont été abattus, ainsi que des réfugiés juifs, à atteindre des pays neutres comme l’Espagne, la Suède et la Suisse.
Jusqu’en 1861 et le début de la Guerre civile américaine, Dresden, Canada, Canada, la province unie d’avant 1867 et non pas le Dominion d’après 1867 bien sûr, constitue pour ainsi dire la fin de la ligne, un symbole de liberté et d’espoir pour les milliers d’esclaves, jusqu’à 30 000 peut-être, qui fuient les états esclavagistes du sud des États-Unis. Beaucoup de ces Afro-Américain(e)s s’installent dans la région. Josiah Henson, abolitionniste, auteur et ministre du culte américain dont la vie inspire peut-être le roman capital de Harriet Beecher Stowe, La case de l’oncle Tom; ou, la vie des nègres en Amérique, publié en anglais en 1852, vit ses dernières années près de Dresden et y est enterré.
Au fil du temps, la vie des Afro-Canadien(ne)s qui habitent Dresden et ses environs ne s’améliore guère. De fait, elle peut fort bien s’être aggravée. Soyons francs ici. Dresden devient apparemment une des municipalités les plus ségrégées sur le plan racial au Canada. Un cynique pourrait toutefois dire que les citoyen(ne)s blanc(he)s de Dresden sont tout simplement moins hypocrites que beaucoup de Canadien(ne)s blanc(he)s, mais je digresse.
En fait, laissez-moi vous donner un exemple de l’attitude d’une véritable institution canadienne envers des personnes d’ascendance africaine. Au début d’août 1945, alors que la Seconde Guerre mondiale, une guerre combattue pour préserver la liberté et la justice dans le monde, fait encore rage, George Dows Cannon et son épouse, Lilian Moseley Cannon, arrivent au Château Frontenac, un magnifique hôtel situé à Québec, Québec, qui appartient alors à un géant canadien des transports, Canadian Pacific Railway Company. Ils réservent une chambre. Alors que le couple tente d’entrer dans la salle à manger pour prendre son repas, il se trouve bloqué par un employé qui déclare que les personnes de couleur (Nègres étant le terme utilisé à l’époque?) ne sont pas autorisées à entrer. Le lendemain, Cannon et son épouse sont informé(e)s que toutes les pièces publiques de l’hôtel leur sont interdites. La direction du Château Frontenac a insulté la mauvaise personne, pas 1 mais 2 fois.
Vous voyez, Cannon est un radiologue bien connu et respecté qui se trouve à être un membre important de la communauté afro-américaine de New York, New York. Il demande et obtient apparemment 2 injonctions temporaires en cour supérieure, une par insulte, forçant le Château Frontenac à le traiter, lui et son épouse, comme ses visiteuses et visiteurs blanc(he)s – selon toute vraisemblance, une première québécoise, sinon canadienne, mais retournons à Dresden.
Au milieu des années 1940, ou probablement plus tôt, les propriétaires de quelques / plusieurs / la plupart des magasins, restaurants et coiffeuses / coiffeurs de la ville refusent systématiquement de servir les 300 + Afro-Canadiennes et Canadiens de cette petite ville – et ce malgré le fait qu’ils constituent presque 20 % de la population. Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, un Afro-Canadien faisant partie des forces armées a du mal à acheter ne serait-ce qu’une tasse de café à Dresden. Répondant à une lettre à cet effet, adressée au ministre de la Justice et futur premier ministre, Louis Stephen Saint-Laurent, son sous-ministre indique que le gouvernement fédéral ne peut rien faire. À toute fin utile, Frederick Percy Varcoe déclare que la discrimination raciale n’est pas illégale au Canada.
The Dresden Story, un épisode de 1954 de la série télévisée On the Spot, produite par l’Office national du film, une institution fédérale de renommée mondiale mentionnée dans des numéros de juillet et novembre 2018 dans notre blogue / bulletin / machin, mérite bien d’être visionné. Malheureusement, il n’existe apparemment plus.
Hugh Burnett / Burnette, un ancien combattant afro-canadien de la Seconde Guerre mondiale qui gagne sa vie à Dresden en tant que charpentier, joue un rôle crucial en obligeant les entreprises locales à servir des clients qui ne sont pas blancs comme neige. Cette lutte particulière, une célèbre affaire de droits civils entamée en 1948, prend fin en 1956 lorsque le susmentionné McKay, un individu potentiellement violent et un des principaux ségrégationnistes de Dresden, accepte à contrecœur de se conformer à une décision de justice. À cette époque, l’histoire de Dresden, et c’est en une qui est assez honteuse, est connue à travers le Canada, en partie grâce The Dresden Story, à un article percutant publié dans le numéro du 1er novembre 1949 de Maclean’s et à la défaite bien rapportée, et c’en est une qui est écrasante, en décembre 1949, d’un référendum sur la question de savoir si le conseil municipal doit ou non avoir le pouvoir d’annuler la licence des entreprises pratiquant une discrimination raciale et / ou religieuse.
Une triste tangente sur Dresde, la ville allemande de Dresde, si je peux me permettre. Le bombardement de cette belle ville, en février 1945, alors que la guerre en Europe semble presque terminée, était / est / sera un des épisodes les plus controversés de la campagne de bombardement stratégique contre l’Allemagne nationale-socialiste pendant la Seconde Guerre mondiale, mais revenons à notre histoire.
Détail intéressant, le rédacteur en chef de Maclean’s, un hebdomadaire réputé et respecté de Toronto, est un auteur, historien populaire et journaliste du nom de Pierre Francis de Marigny Berton. Croiriez-vous que ce gentilhomme est choisi, vers 1987-88, pour narrer la version anglaise de toutes les vidéos sur le plancher du tout nouvel édifice du Musée national de l’aviation, l’actuel Musée de l’aviation et de l’espace du Canada? Si je peux me permettre de citer en traduction une chanson de 1962 des frères Robert Bernard Sherman et Richard Morton Sherman, c’est un petit monde après tout. En anglais, it's a small world.
Incidemment, saviez-vous que cette chansonnette incroyablement populaire est écrite à la suite d’un des épisodes les plus dramatiques de la Guerre froide? Non, pas le tournoi de hockey Canada-URSS de septembre 1972, également connu sous le nom de Série du siècle. Simonac. It’s a small world, dis-je, est écrite à la suite de la crise des missiles cubains de 1962, et… Cela ne vous dit rien, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Ne craignez point, je ne pontifierai pas cet épisode hautement dramatique de la Guerre froide. Vous devrez faire vos propres recherches sur cette question.
Incidemment, bien qu’on puisse comprendre pourquoi le gouvernement américain n’apprécie pas le fait que le gouvernement de l’URSS souhaite installer des missiles (thermo)nucléaires à Cuba, à proximité d’un grand nombre de ses villes, on peut également comprendre que le gouvernement de la dite URSS n’apprécie pas non que le gouvernement américain a installé des missiles (thermo)nucléaires en Turquie, à proximité de nombre de ses villes. Je vous dis ça comme ça, mais je digresse. Et non, je ne suis pas un espion à couverture profonde soviétique / russe. Vraiment.
À propos, saviez-vous que le pape Ioannes XXIII / Jean XXIII joue un rôle important, mais souvent négligé, dans la résolution de cette quasi apocalypse? Mais revenons à notre sujet et à la nécessité d'une déclaration, sérieuse si je puis me permettre.
La lutte contre la discrimination fondée sur l’âge, le handicap, la langue, la mobilité, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, la race, la religion, le sexe, etc., s’est poursuivie / se poursuit / se poursuivra. Si vous me permettez un commentaire important mais, ce qui est triste en 2019, potentiellement controversé sur le sujet de la semaine, la vie des Noir(e)s compte.
Solomon, le personnage central de notre histoire, meurt en 1968, à l’âge de 71 ans. Smith, en revanche, meurt en novembre 1950, à l’âge de 76 ans.
En 2003, alors qu’il commence à chercher des fragments encore inconnus de la météorite, Howard Plotkin rencontre une des petites filles de Solomon, Betty Solomon, et son père, Wilfred Solomon. Ce professeur d’histoire des sciences au Department of Philosophy de UWO réalise rapidement à quel point l’histoire de la météorite est pénible pour les descendant(e)s de Solomon. Il se rend également compte que UWO n’a jamais reconnu le rôle joué par Solomon dans la découverte et la récupération de la météorite, connue à l’époque sous le nom de chondrite de Dresden. Plotkin conclut qu’il faut faire quelque chose à propos de ses 2 réalisations.
En collaboration avec le président du Department of Earth Sciences de UWO, Wayne Nesbitt, il convainc l’administration de l’université d’inviter autant de membres de la famille de Solomon que possible à un dîner, sur le campus, où le rôle de leur ancêtre dans la découverte et la récupération de la chondrite de Dresden serait enfin reconnu. Ce dîner a lieu en novembre 2003. Trente-trois membres de la famille de Solomon, arrière-petits-enfants, petits-enfants, ainsi que 3 de ses 7 (ou 8?) Enfants, dont Wilfred Solomon, sont présent(e)s au dîner, connu sous le nom de The Dresden (Ontario) Meteorite: A Tribute to Dan Solomon. Elles et ils voient le fragment principal de la météorite, exposé devant le bureau du Department of Earth Sciences, et visitent les installations de recherche du dit département. Les membres de la famille de Solomon rejoignent ensuite 12 personnalités liées à UWO, parmi lesquelles les doyens des facultés des arts et sciences humaines, et de la science, pour le tribut et le dîner.
Plotkin dit quelques mots à propos de Solomon, ajoutant que la météorite a été une ressource inestimable pour des générations d’étudiant(e)s et de membres du corps enseignant de UWO. De fait, plusieurs professeur(e)s de UWO actifs en 2003 sont fortement impliqués dans l’étude des météorites. La chondrite de Dresden elle-même est une composante essentielle du Planetary Science Program récemment créé par UWO. Le dit programme existe toujours en 2019 sous la forme d’un baccalauréat de 4 ans offert conjointement par le Department of Physics and Astronomy et le Department of Earth Sciences.
Plotkin présente ensuite à la famille Solomon, à la fois surpris et ravie, un fragment de 57 grammes (2 onces) de la chondrite de Dresden. Vous vous souviendrez, parce que votre humble serviteur l’a dit (tapé?) plus tôt, qu’un inconnu trouve un fragment de météorite de taille inconnue à une date tout aussi inconnue. Il se trouve qu’un médecin et amateur / collectionneur de météorites de St. Thomas découvre le dit fragment, ou un fragment de celui-ci, dans un marché aux puces à / près de Grand Bend, Ontario. David Gregory l’achète immédiatement. Peu après, il contacte Plotkin et lui propose de donner le fragment à UWO. Bien que profondément touché par cette offre, ce dernier suggère que le fragment soit donné à la famille Solomon. Gregory reconnaît aussitôt qu’un tel don serait beaucoup plus significatif.
Plotkin surprend les membres de la famille Solomon une seconde fois en annonçant la création du Solomon Family Award in Planetary Science, qui octroierait 500 $ à un(e) étudiant(e) de 2e année très performant(e) aux ressources financières par trop limitées du programme de spécialisation en sciences planétaires de UWO. Ce prix annuel, initialement proposé par Nesbitt, est attribué pour la première fois au cours de l’année universitaire 2005-06. Le Solomon Family Award in Planetary Science existe encore en 2019. Il vaut alors presque 1 300 $.
Croiriez-vous que la division Bell Aerospace Company du géant industriel américain Textron Incorporated crée la division Bell Aerospace Canada de Textron Canada Limited à Grand Bend? Le monde est petit monde, n’est-ce pas? Son usine de fabrication d’aéroglisseurs ouvre ses portes vers janvier 1971. Toutes ces compagnies sont mentionnées dans des numéros de mars 2018 et avril 2019 de notre blogue / bulletin / machin. En plus de cela, Textron est mentionnée dans un numéro d’août 2018 de ce même blogue / bulletin / machin.
Maintenant que vous savez ce qui est arrivé au fragment de météorite, ou à un fragment de celui-ci, trouvé par un inconnu à un endroit et une date tout aussi inconnues, souhaitez-vous savoir où se trouvent les autres fragments de la chondrite de Dresden? Oui, vous le souhaitez, ami(e) lectrice ou lecteur. Même si vous ne le souhaitez pas, votre humble serviteur vous le dira de toute façon. Le fragment Cumming appartient (toujours?) à Plotkin. Le fragment McKim appartient (toujours?) au petit-fils de son découvreur, Devon Elliott. Le fragment Lozon, quant à lui, peut être trouvé à Ottawa, dans la Collection nationale de météorites du Canada de la Commission géologique du Canada, une composante de Ressources naturelles Canada. Malheureusement, le fragment Scott a apparemment disparu. Le fragment Highgate, en revanche, n’a peut-être jamais existé. Le fragment Browning et celui que les susmentionnés Pleva et Cosgrave examinent à London, finalement, s’avèrent être des morceaux de laitier.
On ne sait pas où se trouve la moitié du fragment acquis par le tout aussi susmentionné McKay après qu’il soit arraché du fragment principal de la chondrite de Dresden.
En mars 1943, le susmentionné Reavely fait don d’un fragment arraché de ce même fragment principal au Royal Ontario Museum de Toronto. Un autre fragment encore de ce même fragment principal peut être envoyé au David Dunlap Observatory à cette époque. On ne sait apparemment pas où se il trouve.
Incidemment, la chondrite de Dresden quitte le Hume Cronyn Memorial Observatory en 1970. Une copie en plâtre de ce visiteur céleste est exposée à peu près au même moment où le véritable objet est placé dans une vitrine devant le bureau du Department of Geology, l’actuel Department of Earth Sciences, à UWO. La météorite et la copie en plâtre sont apparemment toujours exposées en 2019.
Je vois une main sortant de l’éther qui s’agite furieusement. Avez-vous une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Pourquoi ne pas l’avoir dit (tapé?)? Posez-la. Pourquoi diable votre humble serviteur appelle-t-il notre morceau de ciel la chondrite de Dresden? Une bonne question. Un type de météorite rocheuse, les chondrites constituent le type de météorite le plus fréquemment trouvé. Cela signifie bien sûr que notre chondrite ne contient pas une quantité importante de métal, présumément du fer, ce qui signifie, comme il est dit (tapé?) plus haut, que le fragment de météorite examiné à London par Pleva et Cosgrove ne provient pas vraiment d’une météorite. C’est, vraisemblablement, un morceau de laitier.
Terminons l’exercice de pontification de cette semaine avec un sincère « À plus » de ma part.
Je souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.