« Défendons ce bien précieux / Digne de défense » – Un bref aperçu de la campagne publicitaire de 1954 d’une importante firme canadienne de fabrication d’aéronefs, Canadair Limited de Montréal, Québec, partie 1
Comme vous n’êtes pas sans le savoir, je l’espère, ami(e) lectrice ou lecteur, le fantabulastique Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, a inauguré une toute exposition permanente intitulée La Guerre froide en avril 2024. (Bonjour, EG, VW et EP! De l’excellent boulot soit dit en passant!)
Votre humble serviteur doit avouer ne pas avoir consacré beaucoup de temps à cette période troublée du 20ème siècle qu’est la guerre froide dans les articles parus depuis avril 2024 dans notre blogue / bulletin / machin. J’aimerais réparer en partie cette impair cette semaine.
Comme vous n’êtes pas sans le savoir, je l’espère encore une fois, Canadair Limited de Montréal / Cartierville, Québec, compte parmi les plus importantes firmes canadiennes de fabrication d’aéronefs du siècle que nous avons quitté depuis près de 25 ans. Ai-je besoin de vous rappeler que cette filiale du fabricant d’armes américain General Dynamics Corporation est mentionnée à moult reprises dans notre époustouflant blogue / bulletin / machin, et ce depuis février 2018? C’est bien ce que je pensais.
Euh, et oui, General Dynamics est mentionnée à moult reprises dans ce même blogue / bulletin / machin, et ce depuis mars 2018.
Au fil des ans, et ce tant au cours des années les plus glaciales de la guerre froide que pendant la période dite de détente, Canadair publie évidemment de fort nombreuses publicités, et ce, encore, tant dans des journaux canadiens que dans des magazines canadiens et étrangers.
Et oui, il a beaucoup de « et ce » dans cet article. Désolé.
Votre humble serviteur aimerait aborder aujourd’hui un pan de l’histoire publicitaire de Canadair, nommément sa campagne de 1954, « Défendons ce bien précieux / Digne de défense, » en anglais « Worth Defending, » la première et la seule campagne publicitaire de nature fondamentalement idéologique lancée au cours des années 1950 par un avionneur canadien.
Un court texte en petits caractères, disponible en 2 versions, au bas de chaque publicité, il y en 10 en tout, confirme cette orientation : « Une de nos publicités consacrées à la protection de notre liberté – Copies fournies sur demande » et « Volet d’une série dédiée au maintien de la liberté – Tirages à part sur demande / Réimpressions sur demande. » Il n’y a qu’un seul texte en anglais, traduit ici : « L’une d’une série dédiée à la survie de la liberté – Réimpressions sur demande. »
Pourquoi deux textes en français et un seul en anglais, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne question. Votre humble serviteur va y répondre un tantinet plus tard.
Ceci étant dit (tapé?), Canadair publie, en juin 1954, dans des magazines aéronautiques canadiens et étrangers, des publications comme Canadian Aviation, Flight and Aircraft Engineer et Interavia, une publicité qui n’a strictement rien à voir avec sa grande campagne publicitaire. Intitulée « Des pièces détachées, » en anglais « Need Spare Parts?, » cette publicité reflète l’importance d’un aspect souvent négligé mais plutôt rémunérateur de l’industrie automobile, euh, désolé, de l’industrie aéronautique : la vente de pièces de rechange.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, Canadian Aviation est en effet un magazine mensuel.
« Need Spare Parts? » réapparaît dans Canadian Aviation en décembre 1954. Elle peut, je répète peut, être publié pour la première fois en mars 1954 dans le magazine mensuel américain Aero Digest.
La dite publicité combine un texte paru en 1952-53 dans des magazines aéronautiques canadiens et étrangers avec un nouveau dessin qui comprend une série de chemises indiquant les types de pièces offertes par Canadair. Quatre avions de ligne Douglas DC-3 volent en arrière-plan. Le titre même de la publicité est inséré dans la demi-silhouette droite d’un DC-3 vu d’en haut – ou d’en bas.
Canadair détient en effet à cette époque les droits de vente (canadiens? nord-américains??) des pièces pour cet aéronef mondialement connu et utilisé partout dans le monde.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur fana d’aviation, il y a bel et bien un DC-3 dans la mirifique collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. (Bonjour, EG, grande fana du DC-3 devant l’éternel!)
Remarquez, votre humble serviteur a également trouvé une publicité qui fait remarquer que la décision prise en février 1954 par le gouvernement fédéral du Canada de confier à la firme québécoise la conception d’un avion de patrouille maritime à long rayon d’action dérivé d’un avion de ligne britannique à long rayon d’action, le Bristol Britannia, est, pour reprendre le titre de la dite publicité, « Proof of Canadair’s Production Ability, » en français preuve de la capacité de production du Canadair.
La publicité en question est publiée dans le numéro de juillet 1954 d’Aero Digest, ainsi que dans des numéros d’août, septembre et décembre de Flight and Aircraft Engineer. Dois-je mentionner que Flight and Aircraft Engineer est un hebdomadaire britannique? Bon pour vous.
Et oui, encore, ami(e) lectrice ou lecteur fana d’aviation, il y a bel et bien un avion de patrouille maritime à long rayon d’action Canadair CP-107 Argus dans la prodigieuse et formidable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, mais revenons à nos publicités liées à « Défendons ce bien précieux / Digne de défense. »
La campagne publicitaire de Canadair de 1954 ne passe pas inaperçue. L’hebdomadaire financier The Financial Post de Toronto, Ontario, lui consacre un des nombreux (9!) éditoriaux parus dans une édition de mars 1954, des mots traduits ici :
Quand ils ont vu notre terre pour la première fois, les Espagnols l’ont baptisée ‘aca nada,’ rien ici.
Nous le connaissons aujourd’hui comme un pays de superbes forêts vertes, de milles de blé doré, de métaux scintillants, de pétrole noir, de grandes usines, de bourdonnement de villes en pleine croissance.
Mais ce n’est là qu’une partie de l’histoire canadienne.
D’où l’actualité de certaines publicités de Canadair, le constructeur d’aéronefs de Montréal. Elles attirent l’attention sur l’autre côté du Canada – les privilèges dont jouit un peuple libre, rendant culte comme nous l’entendons, nous gouvernant nous-mêmes, utilisant notre liberté de parole, certains d’une justice équitable, exerçant notre libre choix en politique ou en affaires.
Félicitations à Canadair pour sa digne série. La compagnie a courageusement choisi un sujet sérieux et important et le traite avec décorum et bon goût.
Une brève digression si vous me le permettez. Les susmentionnées Espagnols comptent peut-être parmi les pêcheurs, chasseurs de baleines et autres qui visitent les côtes de l’Amérique du Nord au cours de la première moitié du 16ème siècle. Fascinés par les trésors découverts dans les vice-royautés de Nouvelle-Espagne et du Pérou, plus précisément dans les pays indépendants que sont aujourd’hui le Mexique et le Pérou, certains de ces individus espèrent découvrir des trésors similaires plus au nord – et les voler à leurs propriétaires légitimes.
Certains de ces dits individus n’ayant trouvé aucune richesse le long des rives de la baie des Chaleurs, un bras de mer qui sépare le Québec du Nouveau-Brunswick, ils l’auraient décrite de manière succincte : aca nada ou cà nada, soit rien ici.
L’histoire est certes jolie mais également assez difficile à prouver. Ceci étant dit (tapé?), c’est prétendument vers 1697-98, que le récollet Louis Hennepin, né Antoine Hennepin dans les Países Bajos españoles, ou Pays-Bas espagnols, suggère que le mot Canada tire son origine de ces expressions espagnoles, une référence aux commentaire désabusés des susmentionnés pillards / explorateurs / envahisseurs hispanophones, voire même ceux d’un historien / cosmographe espagnol bien connu du 16ème siècle, Juan López de Velasco, tous fort marris par l’absence de trésors dans les régions nordiques du continent nord-américain. Fin de la digression.
Un quotidien d’Ottawa disparu depuis belle lurette, en août 1980 en fait, consacre un des nombreux (5!) éditoriaux parus tout juste 3 jours après l’éditorial de mars 1954 de l’hebdomadaire financier The Financial Post à la campagne publicitaire de Canadair. The Journal approuve lui aussi l’esprit de la campagne de la firme, des mots traduits ici :
Nous devons constamment nous rappeler que les choses qui nous sont les plus chères, des choses aussi banales (pour nous) que la liberté de culte et la liberté d’autonomie gouvernementale, seraient dépouillées de nous par le régime révolutionnaire que les communistes établiraient ou par toute dictature qui pourrait possiblement s’emparer du pouvoir.
Canadair rend un service public en énumérant certains de ces droits et privilèges, en nous faisant clairement comprendre le prix que nous pourrions payer si nous négligions de les protéger.
Soit dit en passant, la campagne publicitaire de 1954 de Canadair se compose de publicités disponibles aussi bien en anglais qu’en français. De fait, les dites publicités sont également disponibles en espagnol et allemand. Ce multilinguisme est dû au fait qu’il existe alors un prestigieux magazine aéronautique mensuel suisse, Interavia, publié en français, espagnol, anglais et allemand.
Il va de soi que ce multilinguisme s’applique aux campagnes publicitaires de toutes les firmes dont les publicités paraissent dans Interavia, et ce peu importe leur nationalité.
Lancé en avril 1946, Interavia doit son existence à un éditeur germano-suisse, Eric E. Heiman, pour qui les informations concernant l’aéronautique et, plus tard, l’aérospatiale doivent être transmises aux personnes intéressées dans le plus grand nombre de langues possible, mais je digresse.
Comme vous pouvez l’imaginer, les publicités de la campagne publicitaire de Canadair de 1954 paraissent dans une variété de journaux et magazines canadiens et étrangers.
Dans des journaux canadiens publiés dans des grandes villes de diverses provinces telles que
- Hamilton, Ontario (The Hamilton Spectator),
- Montréal, Québec (The Montréal Star et La Presse),
- Ottawa, Ontario (The Journal et The Ottawa Citizen),
- Toronto, Ontario (Toronto Daily Star),
- Vancouver, Colombie-Britannique (The Vancouver Province), et
- Windsor, Ontario (The Windsor Daily Star).
Et dans des magazines canadiens et étrangers tels que l’hebdomadaires britannique Flight and Aircraft Engineer, les mensuels américains Air Force et American Aviation, et les susmentionnés Interavia et Canadian Aviation.
Des annonces peuvent avoir été placées dans The Aeroplane incorporating Aeronautical Engineering ainsi que dans le magazine mensuel canadien Aircraft, mais les personnes qui supervisent la reliure des volumes donnés de nombreuses années plus tard à l’époustouflante bibliothèque du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada (Bonjour, FSH!) ont l’idée brillante de supprimer toutes les publicités pleine page. Je sais, je sais, c’est totalement incompréhensible, mais telle est la vie.
N’oublions pas non plus la présence de nos publicités dans les hebdomadaires financiers canadiens The Financial Times de Montréal et The Financial Post de Toronto.
Et oui, vous avez bien raison, ami(e) lectrice ou lecteur, la campagne de presse de Canadair pour l’année 1954 occupe une place bien plus grande dans la presse quotidienne anglophone que dans son pendant francophone, et ce même si l’usine de Canadair se trouve au Québec. Votre humble serviteur ne sait toutefois pas si cette présence fort limitée tient au faible intérêt de la presse francophone québécoise pour la chose militaire, ou au fait que La Presse a, et de loin, le plus tirage le plus élevé, ce qui fait de lui un porte-parole suffisant.
Quoi qu’il en soit, la campagne publicitaire « Défendons ce bien précieux / Digne des défense » s’appuie sur un extrait d’un texte vraisemblablement bien connu de certaines personnes de l’époque, et…
Pourquoi la campagne publicitaire de Canadair a-t-elle deux titres, vous demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne question. Voyez-vous, la sous-version de langue française de la campagne publicitaire de l’avionneur québécois qui paraît en sol québécois, dans La Presse, soit « Défendons ce bien précieux, » diffère plus ou moins sensiblement de celle qui paraît dans Interavia, « Digne de défense, » un titre qui est une traduction presque littérale du titre en anglais de la campagne publicitaire de la firme.
De fait, votre humble serviteur pense que la ou les personnes qui rédigent les textes de la sous-version version québécoise de langue française de la campagne publicitaire de Canadair sont basées en sol québécois. J’ai l’impression que la ou les dites personnes rédigent leurs textes de façon à ce qu’ils fassent vibrer les cordes sensibles des Québécoises et Québécois de 1954.
Une lecture des publicités de langue anglaise parues dans des journaux canadiens et des magazines étrangers révèle que, là encore, la sous-version de langue anglaise de la campagne publicitaire de l’avionneur québécois qui paraît en sol nord-américain diffère plus ou moins sensiblement de celle qui paraît en Europe, et ce en dépit du fait que ces deux sous-versions ont le même titre, soit « Worth Defending. »
La sous-version de langue anglaise qui paraît en sol nord-américain est-elle rédigée par une ou des personnes basées en sol canadien, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne question. L’utilisation de l’orthographe américaine du verbe realize plutôt que de la britannique, réalise, dans une des publicités m’amène à me demander si la dite sous-version peut, peut-être, avoir été écrites aux États-Unis.
Mais revenons à l’extrait du texte vraisemblablement bien connu de certaines personnes vivant en 1954 mentionné plus haut.
Ces paroles constituent en effet un des points forts, traduit ici, du discours prononcé devant le United States Congress début janvier 1941, précisément 11 mois avant l’attaque japonaise contre ce qui est alors le Territoire d’Hawaï / Panalāʻau o Hawaiʻi et d’autres possessions américaines, par le président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, un gentilhomme mentionné à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis mai 2019.
Dans l’avenir, que nous cherchons à rendre sûr, nous attendons avec impatience un monde fondé sur les quatre libertés humaines essentielles.
La première est la liberté de parole et d’expression – partout dans le monde.
La deuxième est la liberté pour chacun d’adorer Dieu comme il l’entend – partout dans le monde.
La troisième, c’est d’être libéré du besoin – ce qui, traduit sur le plan mondial, signifie des accords économiques qui garantiront à chaque nation une vie saine et paisible, pour ses habitants – partout dans le monde.
La quatrième, c’est d’être libéré de la peur – ce qui, traduit sur le plan mondial, signifie une réduction mondiale des armements, à un tel point et de manière si poussée qu’aucune nation ne sera en mesure de commettre une agression matérielle contre ses voisins – partout dans le monde.
Ce sont là de bien nobles paroles, des paroles rarement prononcées par des politiciens américains ou étrangers au cours des dernières années, ce qui est bien dommage. Et oui, ceci est bel et bien mon opinion, et je la partage.
La publicité « La liberté de conscience, » publiée par Canadair Limited de Montréal, Québec, dans le cadre de sa campagne publicitaire Défendons ce bien précieux / Digne de défense de 1954. Anon, « Canadair Limited. » La Presse, 12 janvier 1954, 29.
C’est avec « La liberté de conscience / La liberté du culte, » en anglais « Freedom of Worship, » la seconde des quatre libertés de Roosevelt, que Canadair lance sa campagne de presse de 1954. Parue en janvier, ces publicités montrent le parvis d’un lieu de culte chrétien vu de loin et de haut. Plusieurs personnes franchissent les portes du dit lieu.
Quatre avions de chasse à réaction Canadair Sabre du Corps d’aviation royal canadien (CARC), comme on appelle alors l’Aviation royale du Canada, accompagnent le titre de la campagne, le susmentionné « Défendons ce bien précieux / Digne de défense. » Ces aéronefs volant en formation accompagnent en fait le titre de la campagne, et ce tant en français et anglais, dans toutes les publicités de la dite campagne de 1954 de Canadair.
Un dessin d’un Sabre en vol accompagne le nom de la firme montréalaise, et se trouve au bas d'un très grand nombre de publicités publiées par Canadair au cours des années 1950.
Une brève digression si vous me le permettez. Après tout, une fois n’est pas de coutume. Le Sabre, un des plus fameux avions de chasse du 20ème siècle, est alors l’avion de chasse de jour standard du CARC. Cet aéronef américain, conçu par North American Aviation Incorporated, est alors fabriqué sous licence par Canadair.
L’avionneur québécois livre environ 1 815 Sabre entre 1950 et 1958, dont environ 1 120 sont destinés au CARC. Les autres aéronefs produits en sol canadiens sont livrés à 4 forces aériennes étrangères (Royal Air Force, South African Air Force, Fuerza Aérea Colombiana et Luftwaffe). Des Sabre d’occasion fabriqués au Canada servent par ailleurs au sein des forces armées de 8 pays (Allemagne de l’Ouest, Bangladesh, Grèce, Honduras, Italie, Pakistan, Turquie et Yougoslavie).
Si, si, au sein des forces armées yougoslaves. Vous voyez, le gouvernement mis en place en 1945 par le Komunistička partija Jugoslavije et son chef Josip Broz, mieux connu sous le nom de Tito, poursuit des objectifs économiques et politiques qui ne sont pas alignés sur ceux de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Les tensions grandissantes entre les deux pays entraînent une rupture en mai 1948.
Comme vous pouvez l’imaginer, la Yougoslavie connaît de graves difficultés économiques au cours des mois et années suivantes, son économie ayant dépendu d’un commerce sans entraves avec la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et l’URSS. Le gouvernement yougoslave craint en fait que cette dernière ne lance une invasion.
Faisant fi des relations plutôt hostiles qu’il entretient avec son vis-à-vis yougoslave entre 1945 et 1948, le gouvernements américain décide d’aider la Yougoslavie. Cette aide, initialement de nature humanitaire, ne tarde pas à inclure du matériel de guerre. Aussi reconnaissant que soit le gouvernement yougoslave, il refuse toutefois poliment d’abandonner le communisme et de se joindre à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).
Parlant (tapant?) de l’OTAN, ce qui suit pourrait peut-être vous intéresser.
Vers le début de 1956, le gouvernement israélien indique à son homologue canadien qu’il envisage de commander des Sabre. Ce printemps-là, en mai, les ministres des affaires étrangères de l’OTAN se réunissent à Paris, France. Le secrétaire d’État aux Affaires extérieures du Canada, Lester Bowles « Mike » Pearson, un gentilhomme mentionné à moult reprises dans notre superbe blogue / bulletin / machin, et ce depuis juin 2019, soulève la question lors de sa rencontre avec le secrétaire d’État américain. À la surprise de Pearson, John Foster Dulles, qui n’est mentionné qu’une seule fois dans notre vous savez quoi, en octobre 2020, ne s’oppose pas à cette idée.
Interrogé à plus d’une reprise par l’opposition officielle, le gouvernement fédéral tergiverse. En vérité, devant les tensions croissantes au Moyen-Orient, le premier ministre Louis Étienne Saint-Laurent se demande si le moment est bien choisi pour vendre des avions de chasse à un pays du Moyen-Orient. Finalement, la vente ne se fait pas. Le gouvernement fédéral est principalement responsable de cet état de chose. Voyez-vous, au lieu de vendre 24 avions flambant neufs comme initialement prévu, il propose de livrer 24 Sabre d’occasion. Le gouvernement israélien refuse poliment cette offre.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, Saint-Laurent est effectivement mentionné à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis juillet 2019, mais vous digressez.
Ceci étant dit (tapé?), le Cabinet du Canada approuve la vente de 24 Sabres flambant neufs en septembre 1956. Depuis des mois, les pays arabes du Moyen-Orient reçoivent des montagnes de matériel de guerre soviétique, déclare Saint-Laurent. Il faut maintenant rétablir l’équilibre.
À vrai dire, l’aide canadienne n’est pas sans conditions. Israël doit par exemple s’engager à ne pas utiliser les Sabre à des fins offensives. En vertu du régime de contrôle des exportations du Canada, le gouvernement fédéral peut par ailleurs annuler la commande en cas de crise internationale grave.
À la fin d’octobre, le Moyen-Orient explose. Voyez-vous, Israël lance une attaque surprise contre l’Égypte. Comme cela avait été secrètement planifié, la France et le Royaume-Uni soutiennent militairement cette attaque. Le gouvernement américain, tenu dans l’ignorance, est furieux.
Agissant de concert, pour une fois, les États-Unis et l’Union des républiques socialistes soviétiques imposent un cessez-le-feu. Les États-Unis mettent également temporairement fin aux livraisons d’armes américaines à Israël. Dans ce contexte, le gouvernement canadien est contraint d’annuler le permis d’exportation des Sabre, et ce même si des pilotes israéliens se trouvent apparemment à l’usine de Canadair à ce moment-là.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur qui souhaite changer de sujet, l’incomparable collection du tout aussi incomparable Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, comprend un Sabre fabriqué par Canadair, mais revenons à « La liberté de conscience / La liberté du culte. »
Une publicité publiée par le restaurant de Montréal, Québec, appartenant à l’Italo-québécois Franco « Frank » Roncarelli. Anon., « Café-Restaurant Roncarelli. » Le Passe-Temps, novembre 1946, 32.
Au risque de dépasser les limites du bon goût, votre humble serviteur aimerait vous rappeler le cauchemar que l’Italo-québécois Franco « Frank » Roncarelli doit endurer gracieuseté du premier ministre et procureur général du Québec, Maurice Le Noblet Duplessis, un politicien très (trop?) conservateur mentionné à maintes reprises dans notre apolitique blogue / bulletin / machin, et ce depuis janvier 2018.
Voyez-vous, Roncarelli, l’aisé propriétaire d’un restaurant populaire de Montréal, suit les enseignements d’une confession chrétienne connue sous le nom de Témoins de Jéhovah, une confession qui est plutôt hostile à d’autres confessions chrétiennes, y compris l’église catholique apostolique et romaine, une confession qui exerce un grand contrôle sur la vie de la grande majorité des Québécoises et Québécois en 1954.
Il apparaît sur les écrans radars de cette église et du gouvernement du Québec lorsqu’il commence à verser des cautions aux membres de sa confession qui sont accusés d’avoir distribué illégalement des tracts.
Et oui, les Témoins de Jéhovah sont alors en proie à la persécution au Québec.
L’annulation de son permis d’alcool et la saisie de l’alcool qu’il avait sur place, en décembre 1946, sur ordre de Duplessis lui-même, entraîne la fermeture de l’établissement de Roncarelli, le Quaff Café.
Duplessis déclare en décembre, et je cite, que « Les communistes, les nazis, ainsi que ceux qui se constituent les propagandistes de la campagne insidieuse des Témoins de Jéhovah, seront traités comme ils le méritent, car sous le gouvernement de l’Union nationale, il n’y a pas et il ne saurait y avoir de compromis avec ces gens-là. »
Si votre humble serviteur peut avoir la permission d’exprimer une opinion, cette déclaration m’a littéralement coupé le souffle. Mettre le communisme, le national-socialisme et les Témoins de Jéhovah dans le même sac? Vraiment??
Votre humble serviteur doit-il vous rappeler que le communisme et le national-socialisme causent directement et indirectement la mort de dizaines de millions de personnes au 20ème siècle? C’est ce que je pensais.
Incidemment, en 1945, il n’y a qu’environ 350 Témoins de Jéhovah au Québec. Quelle menace pensez-vous que cette poignée de personnes représente pour les quelque 3 000 000 catholiques, apostoliques et romains francophones présents au Québec à cette époque? Enfin, passons à autre chose.
Roncarelli refuse de s’incliner. Il se bat et se bat pour obtenir justice. La Cour suprême du Canada lui donne raison, jugeant que l’action de Duplessis avait été « un abus flagrant de pouvoir juridique, » mais seulement en janvier 1959. Elle ordonne même à Duplessis, disons au gouvernement du Québec, de cracher plus de 33 000 $ en dommages, une somme qui correspond à plus de 350 000 $ en monnaie de 2024. Malgré tout, malheureusement, cette bataille judiciaire de 11 ans avait ruiné Roncarelli.
Il est intéressant de noter que, en octobre 1953, la Cour suprême du Canada avait annulé la condamnation d’un résident de Québec, Québec, Laurier Saumur, accusé en septembre 1946 d’avoir distribué des tracts des Témoins de Jéhovah sans l’autorisation écrite du chef de police de la ville.
Les quelque 700 ou 800 autres poursuites en cours à l’époque au Québec, oui, la province, sont abandonnées.
Très marri par la décision de la Cour suprême du Canada, Duplessis s’emploie à la contourner. Déposée en janvier 1954, la Loi 38 érige en infraction la diffusion, par voies visuelle, télévisée, radiodiffusée, orale ou écrite, de propos offensants ou injurieux pour les membres d’une confession religieuse. Et oui, la confession que Duplessis veut défendre est, bien sûr, l’église catholique, apostolique et romaine.
Adoptée à l’unanimité (!) à l’Assemblée législative de la province de Québec en janvier 1954, et ce de la première è la troisième lectures, la Loi 38 est dénoncée principalement par des Canadiennes et Canadiens anglophones.
Il convient de noter que, bien que 81 membres de ce corps législatif votent en faveur du projet de loi, pas moins de 11 autres membres semblent absents lors des trois votes. Une triple coïncidence, bien sûr.
Avant que je ne l’oublie, permettez-moi de vous rappeler que les 92 personnes en question sont des Homo sapiens mâles. La première femme élue à l’Assemblée législative de la province de Québec se joint à cette auguste institution en décembre… 1961. C’est précisément 40 ans avant cette date que la première femme fait son entrée à la Chambre des Communes du Canada
Pour une raison ou une autre, cependant, Duplessis choisit de ne pas la Loi 38 utiliser pour persé…, euh, désolé, poursuivre les Témoins de Jéhovah. La seule présence de ce marteau peut être jugée suffisante pour les intimider et les forcer à se soumettre.
Incidemment, Duplessis obtient plus de 50 % des suffrages populaires et une forte majorité à l’Assemblée législative de la province de Québec à la suite des élections générales tenues en juillet 1948, juillet 1952 et juin 1956.
Les irréductibles opposants au régime duplessien se trouvent principalement à Montréal et / ou dans des coins de pays où vivent de nombreuses Québécoise et Québécois anglophones.
Je ne sais pas pour vous, mais je trouve tout cela très déprimant. Pourquoi ne pas en rester là pour cette semaine? Vermouilleux!