Le jour des triphibes : Monte-Copter Incorporated et l’hélicoptère Modèle 15 Triphibian
À un moment dans le passé, ami(e) lectrice ou lecteur, votre humble serviteur est tombé sur une photographie dans le numéro de mai 1960 du magazine mensuel britannique Air Pictorial. J’ai aimé cette photographie et ai promptement décidé de pontifier à son sujet à une date ultérieure. Cette date est maintenant arrivée. Petite(e) veinard(e).
La légende de la dite photographie se lit comme suit, soit dit en passant, en traduction :
Le tri-phibie Monte-Copter Modèle 15 a maintenant amorcé sa phase d’essais en vol. Le Modèle 15 a une coque de type bateau et une turbine Continental Modèle 141.
On pourrait dire que l’histoire de cette machine commence en novembre 1917 avec la naissance, aux États-Unis, de Maurice Leroy Ramme. Ce gentilhomme attrape apparemment le virus du vol tôt dans sa vie. Il devient bientôt pilote commercial. En 1948, il devient pilote d’essais de Hoppi-Copters Incorporated, une petite firme fondée par Horace Thomas « Penny » Pentecost, un ingénieur mécanicien qui a quitté son emploi chez Boeing Aircraft Company, en décembre 1945, pour développer une idée très ingénieuse qui lui vient en 1944, le Hoppi-Copter, un hélicoptère minuscule qu’une personne pourrait porter comme un sac à dos.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur érudit(e), Pentecost et son Hoppi-Copter mentionnées dans un numéro de juin 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
Malheureusement, les minuscules machines que la firme veut produire ne sont jamais placées en production.
Ramme, un membre fondateur de la American Helicopter Society Incorporated, l’actuelle Vertical Flight Society Incorporated, si vous devez le savoir, trouve rapidement du travail ailleurs, à enseigner la théorie des turbines au Edison Technical Institute en Californie pour être plus précis.
Étant tombé sur de l’information concernant la possibilité que de l’air produit par une turbine à gaz pourrait être utilisé pour activer le rotor d’un hélicoptère, Ramme incorpore Monte-Copter Incorporated en juin 1953.
Incidemment, l’idée d’utiliser un moteur pour pousser de l’air à travers les pales creuses du rotor d’un hélicoptère et l’éjecter aux bouts circule dans l’air à l’époque. Vers le début de 1946, Witold B. « Witek » Brzozowski, un ingénieur aéronautique polonais venu au Canada pendant la Seconde Guerre mondiale alors à l’emploi de Canadair Limited, une avionnerie située à Cartierville, près de Montréal, Québec, complète le développement d’un hélicoptère, le BC-36, dont le moteur à piston doit faire tourner un compresseur qui éjecte de l’air frais au bout des pales du rotor. Des brûleurs placés aux dits bouts réchauffent cet air frais pour augmenter sa vitesse et faire tourner le rotor. Le gros des pièces de ce prototype fascinant est fabriqué aux États-Unis. Incapable de commercialiser le BC-36, la petite firme de Brzozowski, Jet Helicopter Registered, met fin à ses activités en 1947.
Ais-je besoin de dire (taper?) que Canadair est mentionné dans plusieurs numéros de notre vous savez quoi depuis novembre 2017? Fort bien. Dans ce cas, je vais dire (taper?) que Brzozowski aide à la conception du Canadair North Star, un avion de ligne et de transport militaire trouvé dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada à Ottawa, Ontario. L’aéronef du musée est le dernier North Star qui reste sur cette Terre.
Brzozowski déménage aux États-Unis en 1949 et délaisse peu à peu le génie aéronautique. Il fonde Research and Engineering Corporation, par exemple. Cette firme, connue sous un autre nom en 2020, joue un rôle de pionnier dans l’incinération des résidus toxiques, au début des années 1950. Cela étant dit (tapé?), Brzozowski quitte apparemment Research and Engineering assez rapidement. De fait, en 1951, il travaille à Duke University sous la direction du Dr. Joseph Banks Rhine, le père de la parapsychologie.
Malgré cela, le BC-36 est testé au sol au cours des années 1950, aux États-Unis, apparemment sous les auspices d’une firme pratiquement inconnue, Jet Helicopter Corporation de New York, New York. Malheureusement, cet hélicoptère n’est pas placé en production. De fait, il peut ne jamais avoir volé.
Brzozowski est une des pionniers de la technologie de propulsion de rotor par réaction chaude, qui demeure peu utilisée en 2020 à cause de sa forte consommation de carburant et de son niveau sonore élevé, mais revenons au Monte-Copter.
Cette petite firme amorce ses activités avec la conception et construction d’un prototype biplace qui vole pour la première fois en 1955. Cette machine a un système de propulsion de rotor par réaction froid. En d’autres mots, il n’y a pas de brûleurs au bout des pales du rotor.
Après quelques essais, le personnel de Monte-Copte enlève le revêtement de la cabine et les petites ailes du Modèle 10. Il remplace aussi son moteur à pistons par une paire de générateurs d’air comprimé de conception française fabriqués sous licence aux États-Unis par Continental Aircraft Engine Company, une filiale / division de Continental Motors Company.
Saviez-vous que le générateur d’air comprimé en question, le Turbomeca Palouste, est un dérivé du premier petit turbomoteur, un type de turbine à gaz conçu pour être utilisé sur les hélicoptères, à être produit en masse n’importe où dans le monde, le Turbomeca Artouste connu mondialement? Et oui, l’absolument fabuleuse collection du Musée de l’aviation et de l’espace comprend un Artouste. Bien sûr.
Le Modèle 10 perd par la suite son fuselage arrière et sa double dérive en faveur d’un gouvernail de direction unique, devenant ainsi le Modèle 12. Cet hélicoptère modifié prend l’air pour la première fois en mai 1958, ou peut-être même en février. Ce voyage dans les cieux peut être un vol entravé.
Cette même année, Monte-Copter commence à concevoir une toute nouvelle machine, la version de série de son hélicoptère et sans doute un des plus intéressants hélicoptères de son époque, le susmentionné Modèle 15 Triphibian, qui est complétée en 1959.
Cette machine tout en courbes, oserais-je dire belle comme un cœur, est certainement ambitieuse. Le fuselage / coque très profilée et en forme de bateau avec verrière coulissant vers l’avant est fait(e) de fibre de verre alors que la structure interne est faite d’aluminium et magnésium. Il n’y a ni rivets ni boulons. La poussée résiduelle de l’unique générateur d’air comprimé Continental est suffisamment élevée pour lui permettre de circuler sur terre, ou sur l’eau, sans aucune assistance du rotor – quelque chose qu’aucun autre hélicoptère sur cette Terre ne peut faire.
La machine de Monte-Copter peut fort bien être le premier hélicoptère amphibie léger au monde.
Relativement facile à piloter et plutôt confortable, le Triphibian a beaucoup à offrir.
De fait, selon un article de 1961, le Triphibian peut atteindre une vitesse de presque 65 kilomètres/heure (40 milles/heure) sur une bonne route. Le problème avec cette information est que tous les autres conducteurs sur cette route klaxonneraient comme des dingues contre le lambin dans l’hélicoptère. De plus, le rotor de 11 mètres (36 pieds) pourrait transformer un virage fait dans un centre-ville en une expérience intéressante. Freiner et / ou contrôler la poussée du moteur aurait pu rendre les dits virages encore plus intéressants.
La vitesse du Triphibian sur l’eau peut, dit-on, atteindre jusqu’à 40 kilomètres/heure (25 milles/heure) – un chiffre impressionnant. Des eaux agitées pourraient être amusantes.
C’est une bonne chose que le kérosène / gazoline / gazole / carburéacteur ne coûte pas cher vers 1960 car il semble que la consommation de carburant du Triphibian est un peu élevée : plus de 141 litres/100 kilomètres (2 milles/gallon impérial / 1.65 mille/gallon américain).
Les essais de flottabilité commencent en février 1960. Les essais de circulation, sans aucune assistance du rotor, commencent ce même mois. Le premier vol entravé peut avoir lieu plus tard en cours d’année. Même si Monte-Copter espère à un certain moment livrer la première machine de série à un client heureux en 1962, des difficultés financières amènent l’abandon de tout projet de production à un certain moment au cours des années 1960.
Même si Monte-Copter peut, je répète peut, exister, présumément sur papier, jusqu’en 1998, les Modèle 12 et Triphibian sont apparemment entreposés à un certain moment au cours des années 1960.
En 1976 au plus tard, ce dernier est la propriété d’une firme canadienne encore non identifiée qui a acheté ses droits de conception / production. De fait, le Triphibian sans rotor ou moteurs est planqué dans un coin d’un hangar utilisé par une petite avionnerie canadienne, Trident Aircraft Limited, à l’aéroport international de Victoria, près de Victoria, Colombie-Britannique. Les restes de l’hélicoptère partent on ne sait où une fin de semaine de 1977.
Soit dit en passant, ça vous ennuierait si je pontifiais sur le Trident TriGull / Trigull, un aéronef amphibie privé / léger à 5 ou 6 places? Je n’ai pas beaucoup de matériel sur cette machine fascinante, pas assez pour produire un article, seulement 4 pages, et… D’accord, d’accord. Il n’y a nul besoin de prendre les torches et fourches. Revenons à notre histoire.
Si c’est ainsi que vous voulez jouer à ce jeu, votre humble serviteur va s’efforcer de trouver une photographie du Trigull, et je vais chercher du matériel sur son prédécesseur / inspiration, le Republic RC-1 Seabee de conception américaine. Oui, il peut fort bien y avoir un article en 2 parties sur les Trigull et Seabee avant trop longtemps. Visage heureux.
À un certain moment au cours des années 1980, les restes du Triphibian sont donnés au Museum of Flight, à Seattle, Washington. Ils sont vite transportés derrière un édifice, sous un arbre. Un (très?) jeune employé ou bénévole offre de restaurer l’hélicoptère. La direction du musée accepte volontiers de le laisser déménager tous les éléments à la maison de ses parents. Quelques mois plus tard, la famille doit déménager outremer. Les restes du Triphibian retournent au Museum of Flight. Une troupe de scouts semble intéressée à restaurer l’hélicoptère mais elle décide éventuellement de laisser tomber l’idée.
Malheureusement, Ramme quitte cette Terre en décembre 1995, à l’âge de 78 ans.
Croiriez-vous que le Modèle 12 et le Triphibian sont avec Classic Rotors, un musée à Ramona, Californie, au printemps 2020? Ni l’une ni l’autre des machines n’est en bon état, ou complète, ce qui est bien dommage.
Portez-vous bien, amie(e) lectrice ou lecteur. Si je peux me le permettre, virum non carborundum.