Jamais le dimanche : La grande histoire d’un Roland ibérien, Partie 1
Bien qu’il soit vrai que le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, s’intéresse principalement à l’histoire de l’industrie aérospatiale de ce pays et à la préservation de son patrimoine, son personnel ne néglige pas une bonne histoire lorsqu’il en trouve une. Votre humble serviteur a trouvé cette bonne histoire dans le mensuel (la plupart du temps) espagnol Aérea. Et oui, la bibliothèque du musée renferme des magazines de pays autres que le Canada. Elle a des magazines américains, britanniques et français. Elle a aussi quelques / plusieurs magazines allemands, austro-hongrois, belges, chilien, espagnols, finlandais, hongrois, indien, italiens, mexicain, néerlandais, polonais, portugais, soviétique, suisses et yougoslave. Ces publications quelque peu exotiques datent principalement des années 1920 et 1930. J’adore cette bibliothèque, mais je m’éloigne du sujet.
Le 14 décembre 1927, Iberia, Compañía Aérea de Transportes Sociedad anónima lance son service entre Madrid et Barcelone, Catalogne. Officiellement formée en juillet, cette société aérienne espagnole est l’entière propriété d’un transporteur aérien allemand bien connu, Deutsche Luft Hansa Aktiengesellschaft (DLH), une compagnie sans lien juridique avec l’actuelle Deutsche Lufthansa Aktiengesellschaft.
Compte tenu de l’importance de la route aérienne Madrid-Barcelone, le roi Alfonso XIII, autrement dit Alfonso Léon Fernando María Jaime Isidro Pascual Antonio de Borbón y Austria-Lorena, accepte d’être l’invité d’honneur d’Iberia à Madrid. De fait, personne n’a à tordre le bras royal. L’intérêt d’Alfonso XIII pour l’aviation ne remonte pas à hier. En février 1909, le jeune monarque est assis à côté de Wilbur Wright, à Pau, France, alors que celui-ci lui montre les commandes d’un Wright Flyer. Il résiste difficilement à la tentation de s’envoler avec ce célèbre pionnier américain de l’aviation.
Quoi qu’il en soit, l’avion de ligne d’Iberia, un trimoteur Rohrbach Ro VIII Roland fabriqué en Allemagne, vole sans encombre de Madrid à Barcelone. Entre temps, le Roland qui doit effectuer le vol dans l’autre sens se heurte à une tempête de neige. De plus en plus désorienté, le pilote atterrit pour attendre que le ciel de dégage. Il arrive à Madrid avec deux heures de retard.
En quoi ces vols peuvent-il m’intéresser, vous demandes-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? D’une part, l’immatriculation du Roland au premier plan de la photo ci-dessus est, comme vous lavez peut-être remarqué, M-CACA. La dernière partie de cette immatriculation est un bien vilain not en espagnol – et en français. Votre humble serviteur doit admettre avoir souri lorsqu’il voit la photo pour la première fois. Le fait que les personnes qui choisissent cette immatriculation, au début décembre 1927, croient croire que leur décision ne soulèverait pas la controverse est quelque peu renversant. Le nom de la personne qui a pété une coche, si je peux me permettre cette expression, après avoir vu le Roland n’est pas connu mais l’aéronef devient le M-CAAC quelques jours avant Noël.
Il est intéressant de noter que l’immatriculation canadienne G-CAAC, très similaire, est donnée en 1919 à un hydravion à coque de fabrication américaine Curtiss HS-2L, le premier avion de brousse utilisé au Canada. Le premier pilote de cette machine historique est Stuart Graham, une personne mentionnée dans un numéro d’août de ce blogue / bulletin / machin. Les restes de ce HS-2L, connu sous le nom de La Vigilance, ainsi qu’une magnifique réplique, sont exposés au Musée de l’Aviation et de l’espace du Canada.
Il convient par ailleurs de noter que l’immatriculation canadienne G-CACA ne semble pas trop choquante pour les autorités (unilingues anglophones?) qui supervisent l’aviation civile. Elle est en effet donnée à un biplan biplace obtenu des surplus de guerre qui est immatriculé en août 1920 par un vétéran de la Première Guerre mondiale, E.A. Alton, de Winnipeg, Manitoba. Ce Standard J-1, un avion d’entraînement militaire fabriqué aux États-Unis, tout comme le mieux connu Curtiss JN-4 Jenny si vous devez le savoir, subit des dommages irréparables en juillet 1922. Et non, le Musée de l’Aviation et de l’espace du Canada n’a pas un J-1 ou un Jenny. Cela étant dit (tapé?), il a un Curtiss JN-4 Canuck fabriqué au Canada, présentement en montre. Vous souvenez-vous d’Orvar Sigurd Thorsten “Swede” Meyerhofer, ami(e) lectrice ou lecteur? Nous avons rencontré ce pilote dans un numéro de septembre de ce blogue / bulletin / machin. Croiriez-vous que l’avion qu’il pilote pendant son séjour au sein de la Venice Aero Police est également un J-1 obtenu aux surplus de guerre?
Plus sérieusement, c’est l’opinion de l’auteur de ces lignes qu’il est possible de faire le lien entre le père du dirigeable rigide, le comte Ferdinand Adolf Heinrich August von Zeppelin, et un acteur et réalisateur de films américain bien connu mais potentiellement sinistre, Heywood « Woody » Allen, né Allan Stewart Konigsberg, en utilisant les vols Madrid-Barcelone / Barcelone-Madrid. Vous ne me croyez pas, n’est-ce pas? Et bien, lisez la suite… la semaine prochaine.