Un coup d’œil sous le capot d’un des symboles du miracle économique ouest-allemand des années 1950 ; ou, L’histoire multiforme et multinationale de la microvoiture Isetta, partie 2
Buongiorne, amico lettore, buongiorno e benvenuti a questa seconda e ultima parte del nostro articolo su un uovo italiano su ruote, l’Iso Isetta.
Vous vous souviendrez que cette microvoiture italienne est principalement produite en Allemagne de l’Ouest. Cela étant dit (tapé?), ce pays n’est le seul où s’installe une chaîne d’assemblage, ce qui explique en partie les nombreux surnoms donnés à la Isetta :
en Allemagne de l’Ouest, rollende Ei (œuf qui roule);
en Argentine, ratón alemán (souris allemande);
au Brésil, bola de futebol de fenemê (ballon de soccer de la FNM);
au Chili, huevito (petit œuf); et
en France, pot de yaourt (pot de yogourt).
À titre d’information, la Fábrica Nacional de Motores (FNM) est une société d’état brésilienne fondée en 1942 qui fabrique des automobiles et camions. La dite société met fin à ses activités dans ce domaine à une date indéterminée au cours des années 1970 ou 1980.
Commençons dès maintenant notre survol des endroits autres que l’Allemagne de l’Ouest où des Isetta sont fabriquées sous licence.
Iso Autoveicoli Società per Azioni, la firme italienne qui met initialement la Isetta sur le marché, vend une licence de production de sa microvoiture à une firme espagnole créée à cet effet. Iso Motor Italia Sociedad anónima produit, ou assemble, environ 1 000 Isetta entre 1953 et 1959. Certains de ces véhicules peuvent, je répète peuvent, avoir 3 roues et non 4.
Toujours en 1953, Iso Autoveicoli vend une autre licence de production de sa microvoiture à une firme française apparemment créée à cet effet. L’achat et l’installation d’un outillage de production tout neuf ayant pris un certain temps, VELAM (Société anonyme?), un acronyme signifiant VÉhicule Léger À Moteur, n’entame la production d’une Isetta modifiée qu’en 1955. En dépit d’un réseau d’environ 150 concessionnaires un peu partout en France, la VELAM Isetta se vend mal. Elle est en effet jugée bruyante. Pis encore, elle coûte un tantinet trop cher.
VELAM tente de mousser ses ventes en lançant une Isetta décapotable en 1957. Le consommateur français n’est malheureusement pas intéressé. Divers records établis en autodrome ne l’intéressent pas davantage. Même la VELAM Écrin, une version de luxe de la microvoiture lancée en 1957, laisse le consommateur français largement indifférent. La dernière microvoiture produite par VELAM sort des ateliers en 1958.
Personne ne semble connaître le nombre exact de véhicules produits par la firme française. Les chiffres varient entre 4 000 et 7 100 Isetta / Écrin.
L’échec commercial de la Isetta française s’explique sans doute de diverses façons. Son moteur de motocyclette n’est pas idéal pour une automobile et il demande un entretien fréquent. Le consommateur français qui a les moyens de se payer une automobile souhaite par ailleurs acheter un véhicule plus confortable, plus grand, plus rapide et plus robuste que la Isetta ou la Écrin.
Il est à noter que VELAM et Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft (BMW), la firme allemande qui produit alors ses propres versions de la Isetta, une firme mentionnée dans la première partie de cet article, envisagent, en 1958, la possibilité de produire une version franco-allemande de ce véhicule munie d’un châssis français et d’un moteur allemand. Ce premier (?) exemple de coopération européenne en matière d’automobile ne débouche malheureusement sur rien de concret.
Un petit détail un tant soit peu amusant si vous me le permettez. Le long métrage américain Drôle de frimousse, une comédie musicale romantique sortie en salles en 1957, comporte une scène pendant laquelle le grand Fred Astaire, né Frederick Austerlitz, prend le volant d’une VELAM Isetta.
En décembre de cette même année, un acteur et chanteur américain que vous connaissez peut-être, un certain Elvis Aaron Presley, offre une BMW 250 ou 300 rouge à son imprésario, Thomas Andrew Parker, né Andreas Cornelis van Kuijk. Le « King » préfère quant à lui rouler au volant d’une toute nouvelle voiture de sport BMW. On peut se demander si Parker est amusé.
Autre petit détail médiatique, télévisuel dans ce cas-ci, si je peux me le permettre. Un personnage clé de la comédie de situation américaine La Vie de famille (1989-1997), le brillant et maladroit Steven Quincy « Steve » Urkel, apprend à conduire aux commandes d’une BMW 250 ou 300 qu’il utilise régulièrement par la suite, mais je digresse.
En 1955, Iso Autoveicoli vend une licence de production de sa microvoiture à un fabricant de machines-outils brésilien. Indústrias Romi Sociedade anônima et le gouvernement brésilien croient en effet qu’une microvoiture comme la Isetta serait un véhicule urbain idéal. De fait, la Isetta compte parmi les premières automobiles produites en série au Brésil. Cela étant dit (tapé?), le gouvernement brésilien revient sur son offre, ou promesse, d’appuyer financièrement le projet de production de Indústrias Romi. La firme brésilienne produit toutefois environ 3 000 véhicules entre 1956 et 1961.
En 1957, une firme britannique spécialisée dans la fabrication de carrosseries en plastique renforcé de fibre de verre et de châssis pour kits d’automobiles, Ashley Laminates Limited, songe à produire la Isetta, sous une forme ou une autre, mais ne tarde pas à renoncer à ce projet. Une autre firme britannique peut, je répète peut, en effet l’avoir coiffée au poteau.
BMW vend en effet une licence de production de la BMW 300 à Dunsfold Tools Limited, un fabricant d’outillage, semble-t-il, qui devient Isetta of Great Britain Limited en mars ou avril 1957. L’ancienne usine de locomotives utilisée pour fabriquer ces véhicules, qui sont connus sous le nom de Isetta et non pas de BMW, une usine réaménagée selon les directives de BMW dis-je, se trouve toutefois au sommet d’une falaise. Elle n’a aucun accès routier, mis à part une route au pied d’un escalier qui compte une bonne centaine de marches et… Je ne plaisante pas. Sérieusement.
Si la plupart des pièces et sous-ensembles livrées par BMW n’ont certes pas besoin d’un accès routier, les concessionnaires, eux, se voient dans l’obligation d’aller chercher les Isetta commandées dans une gare près de chez eux.
Le premier millier de Isetta 300, et non pas BMW 300, produites en Angleterre est en fait destiné au marché canadien. Ces automobiles ont apparemment des parechocs renforcés et un système de chauffage renforcé. Si le second item est bien compréhensible, le premier me laisse un tantinet perplexe. Compte tenu de la différence de taille entre une Isetta et une hénaurme automobile nord-américaine typique de l’époque, quel conducteur serait assez fou pour songer à un quelconque contact entre ces véhicules? Cette différence de taille est la raison même derrière les nouveaux pare-chocs, dites-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perspicace? Bon point.
Il va de soi que les Isetta 300 destinées au marché britannique ont un volant monté du côté droit, un détail en apparence anodin qui pose toutefois problème. Voyez-vous, le moteur de la Isetta se trouve lui aussi sur le côté droit. Rétablir le bon équilibre du véhicule entraîne par conséquent la mise en place d’un contrepoids d’environ 27 kilogrammes (60 livres) dans le châssis, à gauche.
La Isetta 300 se vend initialement assez mal. Les législation et taxation routières viennent alors à la rescousse de Isetta of Great Britain. Une Isetta à 3 roues est en effet classée comme étant une motocyclette à 3 roues, un véhicule moins taxé dont la conduite ne nécessite que l’obtention d’un permis de conduire pour motocyclette. Un changement de production vers des véhicules à 3 roues entraîne une augmentation non négligeable des ventes.
Votre humble serviteur ne sait pas si les Isetta 300 expédiées en Australie et en Nouvelle-Zélande ont 3 ou 4 roues.
Cela étant dit (tapé?), les véhicules utilitaires de type Isetta fabriqués en Angleterre ont vraisemblablement 4 roues, et non pas 3 – pour des raisons de sécurité / stabilité.
BMW prend le contrôle de l’usine britannique au début des années 1960. Le dernier véhicule quitte les lieux en 1964. Je dois avouer ne pas savoir combien de Isetta 300 prennent le train entre 1957 et 1964.
Isetta Motors of Canada Limited, le distributeur canadien de la Isetta, voit le jour à Toronto, Ontario, au plus tard en 1957. C’est selon toute vraisemblance vers cette époque qu’il devient vraiment possible d’acheter une Isetta en sol canadien, en faisant appel aux services d’un concessionnaire local. Il suffit de songer à City Motors Limited de Montréal.
À cet effet, permettez-moi de mentionner un trio de publicités amusantes concernant la microvoiture fabriquée par Isetta of Great Britain qui sont publiées en 1957 par City Motors dans un important quotidien anglophone de Montréal, The Gazette. Une fois traduits, leurs textes se lisent comme suit :
Hé! ne touche pas à cette pièce de 10 cents! Je vais juste prouver que cette Isetta peut se garer dessus!
Apporte le compte-gouttes Joe – Voici un autre Isetta à remplir.
Hé! Il ne te reste qu’une demi-goutte d’essence. / Oh! C’est bien – Nous n’avons qu’un peu plus de [160 kilomètres] cent milles à faire.
Deux des textes ci-dessus rappellent aux acheteurs potentiels que toutes les versions de la Isetta consomment très peu d’essence : environ 3.7 litres/100 kilomètres (environ 76 milles/gallon impérial / environ 63 milles/gallon américain) aux dires de certains.
Votre humble serviteur ose espérer que vous aurez noté, ami(e) lectrice ou lecteur également distrait(e) et attentive / attentif, que le dessin mentionnant la pièce de 10 cents est l’illustration qui orne cette édition de notre fabuleux blogue / bulletin / machin.
L’artiste qui réalise les dits dessins humoristiques s’appelle Gordon Chapman « Gordie » Moore. Sa grande création est une bande dessinée humoristique fort appréciée qui dépeint des événements quotidiens se déroulant à Montréal. Around our town paraît pour la première fois en août 1945, dans The Gazette. Au fil des ans, deux des principaux souffre-douleur de Moore sont à n’en pas douter la Compagnie des tramways de Montréal et la Commission de Transport de Montréal, qui acquiert les actifs de la première en 1951. Around our town disparaît en juin 1962 suite au décès de Moore, environ 5 semaines avant son 43ème anniversaire, ce qui vraiment bien dommage.
Reprenons toutefois le cours de notre récit en sol canadien.
Également vers la fin des années 1950, au moins un distributeur albertain, Nance Company, fait appel à des termes quelque peu tape à l’œil pour décrire les Isetta 300 britanniques qu’il offre aux consommateurs, en traduction : « La ISETTA ‘SPOUTNIK’ de l’Alberta est ici AUJOURD’HUI! Est ici pour RESTER! L’automobile qui est juste ‘hors de ce monde.’ »
Le concessionnaire (sans lendemain?) de la région d’Ottawa, Ontario, Isetta Sales & Service (Incorporated? Limited?), fait appel à des termes tout aussi spatiaux, en traduction : « Soucoupes volantes? Invasion de l’espace extra-atmosphérique? Non! Ce sont les ISETTA de renommée mondiale – MAINTENANT à Ottawa »
Soit dit en passant, la Isetta 300 se vend entre 1 100 $ et 1 200 $ en sol canadien vers 1957, soit entre 10 700 $ et 11 700 $ en devises de 2022.
En 1959, une firme argentine acquiert le licence de production de la BMW 600, une version allongée de la Isetta mentionnée dans la première partie de cet article. Metalmecánica Sociedad anónima industrial y comercial fabrique un peu plus de 1 400 De Carlo 600 entre 1959 et 1962.
En tout et pour tout, 6 firmes de par le monde produisent un peu moins, ou un peu plus, de 175 à 180 000 Isetta, toutes versions comprises, entre 1953 et 1964.
Est-ce la fin de la saga de la Isetta et de cette péroration? Nenni. Je n’en ai pas encore fini avec vous.
En 1996, une firme britannique récemment fondée, spécialisée jusqu’alors dans la fabrication de pièces destinées aux propriétaires de microvoitures anciennes, entame la production d’un clone de la Isetta à 4 roues muni d’un moteur de motocyclette moderne et d’une carrosserie en fibre de verre, un clone qui comprend certains éléments et sous-ensembles tout aussi modernes ainsi que, semble-t-il, quelques éléments provenant de véhicules d’origine. Tri-Tech Autocraft UK Limited produit un peu plus d’une quinzaine de Tri-Tech Zetta entre 1996 et 2001. Certains de ces véhicules peuvent être livrés sous forme de kit, au coût de 2 650 £, ce qui est une aubaine comparée au prix d’une Zetta prête à rouler, qui se chiffre à 9 450 £ – des valeurs qui correspondent respectivement à plus de 6 900 $ et plus de 24 600 $ en devises de 2022. Et oui, je partage votre opinion, c’est un tantinet cher pour un œuf sur roues. Tri-Tech Autocraft UK met fin à ses activités au début des années 2000.
Quelques années plus tard, en 2008 pour être plus précis, BMW envisage la possibilité de produire une version électrique entièrement modernisée des BMW 250 et 300. Cette microvoiture urbaine ne dépasse toutefois pas l’étape de projet – ou du prototype.
En 2016, une firme suisse, Micro Mobility Systems Aktiengesellschaft, présente le prototype de validation de principe d’un clone électrique de la Isetta au Salon international de l’automobile de Genève. Conçue en collaboration avec Designwerk Technologies Aktiengesellschaft et la Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften, soit un spécialiste de la mobilité électrique suisse et une haute école des sciences appliquées suisse, la Micro Microlino s’adresse aux populations urbaines, selon toute vraisemblance branchées. Sans jeu de mots. Enfin, peut-être un peu. Elle doit se vendre aux environs de 12 000 €, soit environ 16 200 $ en devises de 2022.
En 2019, Micro Mobility Systems signe un accord avec Centro Esperienze Costruzione Modelli e Prototipi Società per azioni, ou CECOMP, selon lequel la firme italienne s’engage à fabriquer la Microlino. La maladie à coronavirus 2019 ralentit toutefois la commercialisation du véhicule dont la production ne semble débuter qu’en 2022. De fait, 7 concessionnaires situés dans 5 pays (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas et Suisse) attendent votre visite avec impatience, ami(e) lectrice ou lecteur.
Un clone de la susmentionnée BMW 600, quant à lui, fait son apparition en 2018. La Eagle de Sūzhōu Yīng Diàndòng Chē Zhìzào Yǒuxiàn Gōngsī doit se vendre aux environs de 32 000 ¥, soit environ 7 400 $ en devises de 2022. Le fabricant d’automobiles électrique chinois semble toutefois renoncer à ce projet entre 2018 et 2022.
Et c’est tout pour aujourd’hui.