Quatre roues pour toutes les saisons : Les véhicule tout-terrains de Loman Incorporée de Richelieu, Québec
Bienvenue au Salon camping, chasse et pêche 73, tenu à Place Bonaventure, à Montréal, Québec, du 23 mars au 1er avril 1973, ami(e) lectrice ou lecteur. Plus précisément, bienvenue au kiosque d’un des exposants, Loman Incorporée de Richelieu, Québec, une firme fondée en mars 1970 à Granby, Québec.
Notre visite en ces lieux tient au fait que notre sujet de la semaine est un véhicule tout-terrains (VTT) quatre-saisons produit par Loman qui retient l’attention de nombreuses personnes qui visitent le dit salon. Voici d’ailleurs une autre photographie d’un de ces petits véhicules monoplaces…
Un véhicule tout-terrains Loman 225 typique. André Lejeune, « Vive le plein air – Un véhicule quatre-saisons. » Photo-Journal, 30 avril au 6 mai 1973, 48.
Et non, vous avez bien raison, ami(e) lectrice ou lecteur perspicace, le Loman 225 n’est pas un véhicule amphibie. Ceci étant dit (tapé?), n’allons pas trop loin dans la description de ce VTT. Ne serait-il pas mieux de commencer au tout début de cette histoire?
Comme il est dit (tapé?) plus haut, Loman voit le jour en mars 1970. Il s’agit alors d’un vendeur / garagiste spécialisé dans la vente et l’entretien de VTT. Le nom de la firme s’inspire des noms de 2 de ses 3 fondateurs, l’industriel Rémi Loiselle et le représentant commercial Jacques Manny qui deviennent respectivement président et vice-président.
En novembre, Loiselle et quelques personnalités locales / régionales participent à une première levée de terre sur le site de la future usine de Loman, à Richelieu, qui doit fabriquer un nouveau type de VTT. De fait, le premier véhicule doit quitter le site originel de Granby, je pense, en janvier 1971.
Loman semble avoir le vent dans les voiles. Elle prévoit en effet offrir son VTT partout au Canada. Mieux encore, la direction de Loman affirme avoir signé un accord avec une firme américaine visant la vente d’au moins 10 000 exemplaires de son VTT, apparemment baptisé Loman SS au plus tard en juin 1971.
Produire cette masse de VTT pourrait toutefois prendre un certain temps. Voyez-vous, les travailleurs de la firme, de 20 à 25 initialement, ne produiraient que… 25 véhicules par semaine.
Malgré cela, un marchand de meubles et électroménagers de Douville, Québec, intéressé par les VTT, Albany Tétrault Incorporée, semble à ce point confiant du potentiel de vente du dit VTT qu’il se paye une annonce publicitaire pleine page dans une édition de juin 1971 d’un hebdomadaire, Le Courrier de Saint-Hyacinthe de… Saint-Hyacinthe, Québec.
Si le VTT de Loman ressemble un tant soit peu à une automobile miniature légalement capable, espère-t-on, de circuler sur des routes secondaires, sa configuration interne semble ressembler davantage à celle d’une motoneige.
De fait, il est muni d’un type de moteur rencontré fréquemment sur ce type de véhicule, un moteur fabriqué au Japon par un fabricant de machines forestières et agricoles, ainsi que d’équipement motorisé de plein air, Kabushiki-Kaisha Kyōritsu, mais importé, via une filiale américaine, Kioritz Corporation of America, par Canadian Curtiss-Wright Limited de Rexdale, Ontario, une filiale de Curtiss-Wright Corporation, une firme de fabrication et ancien géant aéronautique américain mentionnée à moult reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis novembre 2017.
Croiriez-vous qu’il est possible de remplacer les roues avant du VTT de Loman par des skis lorsque la saison hivernale fait son apparition? De fait, encore, on peut se demander si chaque véhicule est vendu avec ces skis – et une trousse à outils.
Parlant (tapant?) de skis, la publicité suivante pourrait intéresser vos petites cellules grises…
Publicité de Loman Incorporée montrant des VTT de la firme sur roues et sur roues et skis. Anon., « Loman Incorporée. » La Patrie, 8 juin 1972, 28.
Loman déménage ses pénates de Granby à Richelieu en août 1971, possiblement après la fin des travaux de construction de sa petite usine et…
Qu’avez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? La signification de cette expression du terroir / pays vous échappe? Soupir… La qualité de l’éducation offerte en ce monde a bien diminué depuis ma lointaine jeunesse. Enfin, sachez-donc que, dans le contexte présent, ses pénates signifie ses bureaux, sa piaule. Cur simplici vocabulo uti si tam bene complicatum verbum facit officium? En d’autres mots, pourquoi utiliser un mot simple si un mot compliqué fait si bien son travail? N’est-ce pas là la devise des conservateurs des musées du monde entier – et la bête noire des planificateurs d’expositions? (Bonjour EG, EP, VW, etc.!) Désolé, désolé. Je digresse.
Au plus tard en octobre 1972, Loman dispose d’au moins un concessionnaire dans l’ouest canadien : Alberta Marine and Small Engines Limited de Calgary, Alberta. La firme semble par ailleurs avoir changé le nom de son VTT, de Loman SS à Loman 225 au plus tard à cette époque. Remarquez, la désignation Loman IS est également utilisée. Au plus tard en 1974 Loman dispose d’au moins un concessionnaire en Ontario, Archer Construction and Equipment Limited de North Bay.
Un bateau à pédales / pédalo Loman Fun Cycle typique. Anon., « Une version améliorée du pédalo. » Photo-Journal, 16 au 22 avril 1973, 63.
Il est à noter que Loman ne tarde pas à entamer la production d’un bateau à pédales, autrement dit un pédalo, un terme dont la création, en France, remonte aux années 1930, lorsque deux charpentiers de marine, je pense, les frères Jean-Eugène et Georges-Henri Canton, obtiennent une série de 4 brevets d’invention, entre octobre 1934 et mars 1947, pour des bateaux à pédales ayant 2 flotteurs parallèles et 2 sièges, mais je digresse. Encore.
Quand cette production de bateaux à pédales débute-t-elle à Richelieu, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur aimant la baignade et / ou les sports nautiques? Une bonne question. Le petit pédalo repliable, facilement transportable et monoplace, je pense, Loman Fun-Cycle fait son apparition dans la presse en mars 1973, lors du susmentionné Salon camping, chasse et pêche 73. Il fait toutefois sa première apparition en public lors du Salon nautique qui se tient lui aussi à Place Bonaventure, du 24 février au 4 mars 1973.
Détail intéressant, le Fun Cycle peut être muni d’un tout petit moteur hors-bord, fort utile pour ceux et celles qui n’aiment pas trop pédaler. Le support pour un tel moteur est vendu avec chaque exemplaire de ce bateau à pédales.
Une brève mention dans un article publié en juin 1980 dans Le Droit, le seul quotidien francophone d’Ottawa, Ontario, laisse entendre que le Fun Cycle peut, je répète peut, encore être en production à cette époque.
Et vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur… Quand le pédalo fait-il son apparition au Québec, demandez-vous? Pourquoi ne pas me demander le numéro gagnant à la loterie de votre choix, quant à y être? Soupir… Cela étant dit (tapé?), veuillez noter qu’une flottille de petits bateaux à pédales fait son apparition au printemps 1937 au parc Dominion de Montréal, un des plus grands parcs d’amusement au Canada, mais revenons à notre VTT.
Le choc pétrolier qui explose sur la scène mondiale en octobre 1973 vient changer la donne en ce qui concerne la production du Loman 225.
En réaction au soutien apporté à Israël par les États-Unis pendant la guerre du Ramadan / guerre du Kippour / guerre d’Octobre / guerre israélo-arabe de 1973, en octobre 1973, la Munazamat al’aqtar alearabiat almusadirat lilbitrul, en d’autres mots l’organisation des pays arabes exportateurs de pétrole, réduit sa production de 5 %. Pis encore, elle entend réduire sa production de 5 % par mois tant et aussi longtemps que les Tsva ha-Haganah le-Israël, en d’autres mots les forces de défense israéliennes, n’auront pas évacué l’ensemble des territoires arabes occupés lors de la guerre des Six Jours de juin 1967.
L’organisation des pays arabes exportateurs de pétrole impose par ailleurs un embargo contre les États-Unis et d’autres pays qui soutiennent Israël, mais pas vraiment contre le Canada. Aux États-Unis, des millions d’automobilistes se ruent vers les stations d’essence. Plusieurs d’entre elles ne tardent pas à se retrouver à sec. Partout dans le pays, c’est la panique.
L’administration dirigée par Richard Milhous « Tricky Dick » Nixon est à ce point choquée par ce qui se passe qu’elle songe brièvement à s’emparer par la force des champs pétrolifères de pays tels que l’Arabie saoudite, le Koweït, etc. Je ne plaisante pas.
N’oublions pas que, en octobre 1973, Nixon est embourbé jusqu’au cou dans le scandale du Watergate. On est en droit de se demander comment le United States Congress et la population des États-Unis auraient réagi à la nouvelle d’assauts lancés contres des pays arabes jusqu’alors amis des États-Unis par un président qui mérite d’être destitué. On est également en droit de se demander aussi comment l’Organisation des Nations unies aurait réagi.
Quoi qu’il en soit, l’embargo des pays arabes exportateurs de pétrole n’est levé qu’en mars 1974. Il est levé malgré le fait que les populations palestiniennes de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est se trouvent toujours sous le joug des troupes d’occupation israéliennes.
En 2023, près de 50 ans plus tard, ces mêmes populations vivent toujours dans des territoires sous occupation israélienne, plus ou moins dans l’indifférence générale, et ce en dépit de moult résolutions de l’Organisation des nations unies condamnant la violence des troupes d’occupation. Si je peux me permettre de citer, hors contexte, une phrase tirée du grand roman Allah n’est pas obligé, publié en 2000 par le grand écrivain et athlète ivoirien Ahmadou Kourouma, il n’y a pas de justice sur cette terre pour le pauvre.
Mais revenons à notre sujet.
Comme vous pouvez l’imaginer, le prix du pétrole monte en flèche entre octobre 1973 et mars 1974 et la planère entière doit faire face à une pénurie. Cette crise mondiale touche durement l’économie canadienne. Voyez-vous, à l’époque, le pays importe de grandes quantités de pétrole de pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
L’augmentation spectaculaire du prix du pétrole affecte considérablement les ventes de véhicules récréatifs tels que la motoneige et le VTT. Aux États-Unis, le principal marché visé par Loman, par exemple, le prix du baril de pétrole quadruple en 3 mois, passant de 2.90 $ ÉU en septembre 1973 à 11.65 $ ÉU en janvier 1974, des sommes qui correspondent à environ 26.75 $ et 107.50 $ en devises canadiennes de 2023.
Un baril de pétrole étant une unité de mesure correspondant à environ 159 litres (35 gallons impériaux / 42 gallons américains), le prix d’un litre d’essence passe de 17 à 68 cents en devises canadiennes de 2023. Une fois converti en mesures impériales, le prix d’un gallon impérial et d’un gallon américain passe de 76 cents à 3.07 $ et de 64 cents à 2.56 $ en devise canadienne de 2023.
Sauf erreur, le litre d’essence coûte un tantinet plus de 68 cents au Canada en avril 2023, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Mais revenons à notre sujet d’aujourd’hui.
Comme de nombreux VTT du début ou milieu des années 1970, les Loman SS, 225 et IS apparaissent et disparaissent sans laisser beaucoup de traces. On peut supposer que le nombre total de véhicules produits n’est pas très, très élevé.
Loman elle-même disparaît en août 1982.
Détail intéressant, Rémi Loiselle Industries Limitée voit le jour à Richelieu en novembre 1979. Votre humble serviteur doit avouer ne rien savoir sur cet atelier d’usinage fondé par un des co-fondateurs de Loman, Rémi Loiselle. Cela étant dit (tapé?), Loiselle peut agir de la sorte car il se doute bien que Loman vit ses dernières heures. Rémi Loiselle Industries est dissoute en juillet 1997.
Curieusement, une firme dont les liens avec Loman demeurent inconnus, Société commerciale Loman Incorporée, voit le jour quelque part au Québec en octobre 1986. Cette firme est toutefois dissoute assez rapidement, soit en février 1989.
Avant de vous quitter, votre humble serviteur manquerait à son devoir si je ne mentionnais pas que quelques / plusieurs Loman SS / 225 / IS peuvent encore être en état de marche en 2023.
Et c’est tout pour aujourd’hui. Votre humble serviteur avait promis que je m’efforcerais d’être plus concis, n’est-ce pas?