La grande aventure d’un pilote et chasseur d’espions amateur québécois fictif qui affronte un bad hombre communiste tout aussi fictif à l’aube d’une Guerre froide bien réelle : La bande dessinée Julien Gagnon de Rémy / Normand Hudon
Salut, comment allez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Votre humble serviteur est ravi de voir (lire?) que vous allez raisonnablement bien. Moi aussi je vais raisonnablement bien. Je dois toutefois avouer que mes vieux os se sentiraient un peu mieux si les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada suivaient le mouvement et célébraient la Journée internationale des travailleurs, ou fête du Travail, le 1er mai, plutôt que le premier lundi de septembre, mais ne nous attardons pas. Après tout, nous avons un sujet intrigant dans notre assiette. Notre rencontre hebdomadaire avec la science, la technologie et l’innovation nous invite. Quand même, solidarité, mes sœurs et mes frères, ensemble nous vaincrons! Locatores, no opprimar operarios!
Amen dico vobis, euh, en vérité, je vous le dis, c’est moins la science, la technologie et l’innovation que l’histoire et la culture populaire, et l’aviation, qui retiendront notre attention cette semaine. Comme vous l’aurez sans doute deviné, le sujet abordé par notre glorieux blogue / bulletin / machin est une bande dessinée de langue française, Julien Gagnon, publiée du 16 mai au 7 novembre 1948 dans un fort populaire hebdomadaire de Montréal, Québec, Le Petit Journal.
Votre humble serviteur ne vous apprendra rien en vous disant que la bande dessinée occupait depuis longtemps une place non négligeable dans Le Petit Journal. De fait, en septembre 1947, la direction de ce journal regroupe les diverses séries qu’elle publie dans une section magazine de 16, puis 24 pages, en janvier 1948. Mieux encore, cette direction souhaite encourager les talents locaux, une approche qu’elle se fait fort de mentionner dans les pages de l’hebdomadaire. Et c’est ainsi qu’une bande dessinée d’aventure se déroulant dans les mers du Sud et une bande dessinée policière se déroulant à Montréal paraissent dans Le Petit Journal entre septembre 1947 et mai 1948.
La troisième bande dessinée créée par un artiste québécois est quelque peu différente. À la demande même de la direction de l’hebdomadaire, ce dernier s’inspire de l’actualité québécoise, canadienne, nord-américaine et mondiale.
À la mi-février 1946, les lectrices et lecteurs de quotidiens d’un bout à l’autre du Canada sont stupéfait(e)s de lire que des personnes non identifiées, des employé(e)s et ex-employé(e)s fédérales / fédéraux dit-on, ont transmis des informations confidentielles / secrètes à un pays non identifié ayant une ambassade à Ottawa, Ontario. Il y a eu de nombreuses arrestations et une commission royale d’enquête va soumettre un rapport. Certains quotidiens n’hésitent pas à affirmer que le secret de la bombe atomique a été trahi. L’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) est vite pointée du doigt.
Il est à noter que la bien secrète Commission royale nommée pour enquêter sur les faits intéressant et les circonstances entourant la communication, par des fonctionnaires public et autres personnes occupant des postes de confiance, de renseignements secrets et confidentiels aux agents d’une puissance étrangère, la CRNEFICECFPAPOPCRSCAPE pour faire court, d’accord, d’accord, je plaisante. Il est à noter que la bien secrète commission royale a entendu au moins un témoin au moment où cette rocambolesque affaire d’espionnage devient connue du public.
C’est tout un nom pour une commission royale, n’est-ce pas? Toute personne souffrant d’hippopotomonstrosesquippedaliophobie aurait parfaitement le droit d’être mal à l’aise en présence d’un tel nom. Soit dit en passant, hippopotomonstrosesquippedaliophobie est un vrai mot. Il peut être défini comme la peur des mots trop longs. Je ne plaisante pas.
Cela étant dit (tapé?), hippopotomonstrosesquippedaliophobie et Taumatawhakatangihangakoauauotamateaturipukakapikimaungahoronukupokaiwhenuakitanatahu ne compteraient que pour deux mots sur un panneau de texte préparé par un groupe de musées nationaux canadiens auquel votre humble serviteur a été étroitement associé pendant un tiers de siècle – et la moitié d’une vie. Et oui, je pense toujours que le nombre de caractères serait un meilleur moyen d’évaluer la longueur d’un texte idéal sur un panneau de texte. Qu’en dites-vous? (Bonjour, SB, EG, EP et VW!) Mais je digresse.
Pour répondre à la question qui se condense dans votre petite caboche affolée, Taumatawhakatangihangakoauauotamateaturipukakapikimaungahoronukupokaiwhenuakitanatahu est le nom donné à une colline de Nouvelle-Zélande. Ce mot maori se traduit le sommet où Tamatea, l’homme aux gros genoux, le glisseur, le grimpeur de montagnes, l’avaleur de terres qui voyageait, joua de sa flûte à son être aimé.
L’affaire d’espionnage que nous traitions avant que je ne déraille notre train de pensée doit son origine à la défection, en septembre 1945, avec moult documents confidentiels / secrets, d’un employé du service du chiffre de l’ambassade de l’URSS à Ottawa mentionné dans un numéro d’octobre 2020 de notre éclairant blogue / bulletin / machin, un lieutenant de la Glavnoïé Razvédyvatel’noïé Oupravlénié, la direction principale du renseignement de l’URSS, plus précisément, Igor Sergueïevitch Gouzenko.
La commission royale publie deux rapports intérimaires en mars 1946. Ceux-ci ne contiennent aucune information sur les informations confidentielles / secrètes obtenues par l’URSS. La commission publie son rapport final en juin. Dix des personnes mentionnées dans cette brique de plus de 730 pages sont envoyées en prison par des cours canadiennes ou britanniques. Neuf autres personnes sont acquittées. Aux dires de quelques / plusieurs personnes, l’affaire Gouzenko marque le début de la Guerre froide. (Bonjour, EG et VW!)
Croiriez-vous que la défection de Gouzenko inspire un film semi documentaire de suspense américain dont la première a lieu vers la mi-mai 1948? Le rideau de fer est en partie filmé à Ottawa en novembre et, je pense, décembre 1947.
Le scénariste rédige le scénario de ce long métrage à l’aide d’une série d’articles intitulés « I Was Inside Stalin’s Spy Ring » qui paraît entre février et mai 1947 dans le magazine mensuel littéraire / familial américain Cosmopolitan. Si, si, ami(e) lectrice ou lecteur, ce Cosmopolitan-là. Gouzenko, dont l’anglais est pour le moins limité, rédige apparemment le contenu de ces articles en russe. Celui-ci est apparemment traduit par la suite en anglais et, peut-être, réécrit par une ou deux personnes non-identifiées.
Deux adorables jeunes personnes, Colleen Carter, 16 mois, et Donald « Donnie » Inglis, 17 mois, comptent parmi les figurants engagés à Ottawa pour le tournage de Le rideau de fer. L’une et l’autre sont les doublures de Christopher « Chris » Olsen, un adorable Américain de 15 mois qui tient le rôle du fils de Gouzenko, Andreï Igorovitch Gouzenko.
Croiriez-vous que les parents de Inglis demeurent dans un des édifices de la base de l’Aviation royale du Canada de Rockcliffe, à… Rockcliffe, Ontario, à deux pas de l’endroit où s’élève aujourd’hui le fabuleux Musée de l’aviation et de l’espace du Canada? Inglis est un employé d’un important quotidien d’Ottawa, The Evening Citizen, soit dit en passant.
Soit dit en passant, encore, certaines personnes qui craignent l’impact négatif du film sur les relations américano-soviétiques, déjà passablement tendues il faut l’avouer, voire même certaines personnes qui sont largement favorables à l’URSS, tentent peut-être d’entraver le tournage des séquences en sol ottavien. Ces tentatives échouent.
Twentieth Century-Fox Film Corporation se lance dans le dit tournage en partie en réponse à des propos du président du (tristement) célèbre House Committee on Un-American Activities de la United States House of Representatives, John Parnell Thomas, à l’effet que les studios de cinéma américains ne font pas de films anticommunistes.
Et le fait est que Le rideau de fer est le premier film américain de la Guerre froide de ce genre, autrement dit un film de propagande. Il n’est certes pas le dernier. Il suffit de mentionner Sofia, ville de corruption (première en septembre 1948), La grande menace (septembre 1948), The Red Menace (août 1949 --- film non traduit en français), Le Danube rouge (septembre 1949), La grève des dockers (octobre 1949), etc, etc., etc.
Si je peux me permettre de répondre à la question qui se condense peu à peu dans votre petite caboche, le gouvernement soviétique n’apprécie pas du tout ce type de film. Fin février 1948, dans le quotidien soviétique Pravda, par exemple, le très influent critique littéraire / journaliste / satiriste soviétique David Iosifovitch Zaslavsky dénonce les gangsters américains qui ont produit Le rideau de fer et fustige le gouvernement canadien pour ne pas avoir empêché la dite production.
Cet homme de main pur et dur redouté et redoutable du milieu culturel du régime stalinien aurait pu (du?) attendre avant de pourfendre Le rideau de fer. Ce long métrage compte en effet parmi les représentations filmiques les plus équilibrées et intelligentes des premières années de la Guerre froide. Les films qui vont suivre s’avèrent souvent excessifs / zinzins dans leur dénonciation de l’URSS et de ses agents.
Dénoncé par des commentateurs américains qui craignent une augmentation de l’anxiété, de la colère et de la suspicion au sein du grand public américain, Le rideau de fer est plus médiatisé que tout autre long métrage sorti en 1948. Le jury de la Academy of Motion Picture Arts and Sciences l’ignore toutefois totalement lorsque vient le moment de choisir les meilleur film, acteur, actrice, réalisateur, etc., de l’année 1948, mais je digresse. Cette académie est-elle mentionnée à quelques reprises dans notre tout simplement génial blogue / bulletin / machin depuis septembre 2019, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Oui, elle l’est.
Début mai 1948, quelques jours à peine avant la grande première de Le rideau de fer, la maison d’édition J.M. Dent and Sons (Canada) Limited de Toronto, Ontario, et Vancouver, Colombie-Britannique, une filiale de la maison d’édition britannique J.M. Dent and Sons Limited, publie This Was My Choice, un livre initialement rédigé en russe par Gouzenko, puis traduit en anglais, par un certain Mervyn Black peut-être, et réécrit par le journaliste sportif montréalais Andrew William « Andy » O’Brien.
This Was My Choice est également publié au Royaume Uni en 1948, par… Eyre and Spottiswoode (Publishers) Limited, ce qui est un tantinet curieux. Il va de soi que le livre de Gouzenko est publié aux États-Unis en 1948, mais avec un titre fort différent : The Iron Curtain. Oh surprise… Il n’est toutefois pas publié au Québec, un paradis de l’anticommunisme s’il en est, ou en France, ce qui est également un tantinet curieux.
Parlant (tapant?) de curiosité, souhaitez-vous connaître le nom de l’artiste qui crée la bande dessinée au cœur de ce numéro de notre blogue / bulletin / machin? Et oui, c’était bel et bien une question rhétorique.
Le pseudonyme qui accompagne la première planche de Julien Gagnon, soit Rémy, cache un des plus grands caricaturistes politiques québécois, voir canadiens, du 20ème siècle.
Le caricaturiste montréalais Norman Hudon en plein travail. Pierre Gascon, « Croquis et instantanés. » Photo-Journal, 30 juin 1949, 7.
Normand Hudon voit le jour à Montréal en juin 1929. Et non, il n’a pas encore 19 ans lorsque la première planche de Julien Gagnon paraît, en mai 1948.
Grand dessinateur depuis son enfance, Hudon remporte, au printemps 1945, un prix pour l’affiche qui publicise un congrès eucharistique, organisé / tenu par l’église catholique, apostolique romaine, en juin, à Rosemont, Québec. Cette même année, il remporte le premier prix du concours d’affiche lancé par le fameux Jardin botanique de Montréal dans le cadre d’une vaste campagne contre les mauvaises herbes lancée, semble-t-il, dans le cadre de la réunion annuelle de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS) qui se tient en octobre à Montréal, à l’Université de Montréal. Et oui, ACFAS est bel et bien mentionnée à quelques reprises dans notre merveilleux blogue / bulletin / machin depuis décembre 2018.
En juillet 1946, l’important quotidien La Presse de Montréal commence à publier, en première page de la section magazine en couleurs qui accompagne son édition du samedi, quelques / plusieurs œuvres de Hudon : une vue de carré Dominion, à Montréal, et de ses superbes tulipes, une jeune femme marchant sous la pluie sur une route de campagne, un couple en carriole rendant visite à des amis le jour de l’an, etc. En juillet 1946, Hudon a 17 ans. À cet âge, votre humble serviteur ne savait pas distinguer le haut du bas.
En 1947, avant même de compléter ses études secondaires, Hudon s’inscrit à l’École des beaux-arts de Montréal, où il se spécialise en illustration, dessin et décoration. Il ne tarde pas à briller. Croiriez-vous que la direction de cette auguste institution juge Hudon à ce point talentueux qu’elle le place apparemment dans des classes de deuxième année dès son premier jour en classe?
En 1948, Hudon devient caricaturiste à la pige pour deux journaux de Montréal, le quotidien La Patrie et l’hebdomadaire Le Petit Journal. Il crée Julien Gagnon et une bande dessinée policière parue dans Le Petit Journal entre novembre 1948 et mai 1949. Le cirque Moréno est une histoire originale inspirée par une bande dessinée américaine, Lance Lawson, qui paraît dans Le Petit Journal en 1948-49 sous un nouveau titre, Le détective Lanson.
En 1949, Hudon s’embarque pour la France afin d’étudier à l’Académie de Montmartre, à Paris, sous la houlette du directeur de cette école d’art, le grand sculpteur / peintre / illustrateur / dessinateur / décorateur / céramiste français Joseph Fernand Henri Léger. Il avait payé les nombreux mois passés là-bas en vendant des caricatures et bandes dessinées, travaillant sur des navires qui font des croisières sur le fleuve Saint-Laurent, etc.
Une fois de retour au Québec, Hudon retrouve son poste de caricaturiste. Il œuvre également comme caricaturiste dans des cabarets de Montréal, et ce pendant plusieurs années au cours des années 1950. On le voit souvent au Cabaret Saint-Germain-des-Prés, un des cabarets francophones les plus populaires de l’époque où se produisent des futurs géants de la communauté artistique québécoise tels que Clémence Irène Claire DesRochers, Pauline Julien, Monique Leyrac, née Marie Thérèse Monique Tremblay, et Dominique Michel, née Marie Marguerite Jeannette Aimée Sylvestre.
Hudon expose bien sûr à Montréal des peintures réalisées à divers endroits au Québec. Il est bien connu dans le milieu artistique de la métropole du Canada.
En février 1953, Hudon fait son apparition sur les ondes d’une toute nouvelle station de télévision montréalaise, CBFT de la Société Radio-Canada, un radio télédiffuseur d’état mentionné à moult reprises dans notre formidable blogue / bulletin / machin depuis septembre 2018. Il est le caricaturiste attitré de Télé-Scope, une populaire émission hebdomadaire de divertissement et information animée par l’artiste / avocat / écrivain / gastronome / gestionnaire / humouriste / journaliste / œnologue / syndicaliste québécois Gérard Delage. Cette présence fait de Hudon une personnalité connue partout au Québec.
Le caricaturiste québécois se fait également connaître en sol américain. Au printemps 1956, Hudon dessine des caricatures pour la riche clientèle du fameux club de nuit Blue Angel de New York, New York. Il y retourne au moins une autre fois, à l’automne 1959. Hudon se produit par ailleurs au moins une fois vers cette époque sur le plateau d’une émission de variétés américaine bien connue, The Steve Allen Show, animée par Stephen Valentine Patrick William « Steve » Allen.
Hudon participe à une nouvelle émission hebdomadaire consacrée à la caricature diffusée par CBFT à partir d’août 1956. Il partage le plateau de Ma ligne, maligne avec l’animateur de l’émission, le grand acteur québécois Jean Duceppe, né Jean Hotte, et le grand caricaturiste / peintre québécois Robert LaPalme. Ce dernier livre alors à son employeur, l’influent quotidien Le Devoir de Montréal, des caricatures qui incluent des portraits délicieusement méchants du premier ministre du Québec, Maurice Le Noblet Duplessis, un individu conservateur et autoritaire / autocratique ainsi que populiste et nationaliste / autonomiste mentionné à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis janvier 2018.
En octobre 1956, Hudon commence à coanimer Aux gais lurons, une nouvelle émission de variétés hebdomadaire montréalaise diffusée elle aussi par CBFT, une émission rebaptisée Au p’tit café dès son second épisode. Le caricaturiste et ses camarades de plateaux, une chanteuse / humouriste, la susmentionnée Michel / Sylvestre, et le grand acteur québécois Pierre Thériault, font de Au p’tit café une des émissions de télévision les plus populaires au Québec.
Hudon se joint à l’équipe de Le Devoir en 1958 en tant que caricaturiste attitré. Ses caricatures de Duplessis, qu’il transforme en grippe-sou minable représenté parfois sous la forme d’un vautour, sont elles aussi délicieusement méchantes. Celle qu’il dessine suite au décès de ce politicien, en septembre 1959, est, disons-le, vraiment méchante. Comme beaucoup de bonnes gens au Québec, Hudon abhorre Duplessis et tout ce que ce démagogue représente.
Hudon se joint à l’équipe de La Presse en 1961. Il occupe le poste de caricaturiste jusqu’en 1965, ce qui ne l’empêche pas d’apparaitre plus d’une fois à la télévision. Mentionnons par exemple que Hudon et un autre grand caricaturiste québécois, Frédéric Back, font partie de la distribution d’une des plus populaires émissions de télévision québécoises des années 1960, Les Couche-Tard de la Société Radio-Canada, animée par deux géants de la télévision québécoise, Roger Baulu et Jacques Normand, né Raymond Pascal Chouinard. Remarquez, il peut par ailleurs avoir livré des caricatures à un quotidien montréalais, Le Journal de Montréal.
Avant que je ne l’oublie, Hudon ouvre une boîte à chansons, L’Ardoise sur la butte, à Eastman, Québec, accouplée au fameux Théâtre de la Marjolaine, en juin 1960. Il peut avoir laissé ce projet de côté en 1964 lorsque L’Ardoise sur la butte devient Le Chat gris. Incidemment, Le Chat gris devient Le Piano rouge en 2004, en l’honneur du piano joué sur place par un célèbre pianiste / compositeur / chanteur / acteur québécois, Claude Léveillée. Elle existait toujours en 2023, tout comme le Théâtre la Marjolaine.
Incidemment, une boîte à chansons est un type d’établissement, très en vogue dans les années 1950 et 1960, où des gens écoutaient des chanteuses et chanteurs tout en prenant un verre et / ou en mangeant.
En 1967, Hudon réalise une grande œuvre pour le plafond d’un pavillon de l’Exposition internationale et universelle de Montréal, ou Expo 67, qui doit avoir lieu d’avril à octobre, à… Montréal, une incroyaaable exposition universelle mentionnée dans quelques / plusieurs numéros de notre formidable blogue / bulletin / machin depuis novembre 2020. Il réalise par la suite une peinture murale pour le pavillon de l’Humour de Terre des Hommes, la prolongation temporelle d’Expo 67 qui ouvre ses portes en mai 1968. Le dit pavillon ferme ses portes en 1981, je pense.
Au fil des ans, Hudon fait paraître quelques recueils de caricatures : J’ai mauvaise mine (1954), La tête la première (1958), À la potence (1961) et Parlez-moi d’humour (1965).
Début 1968, Hudon lance Le Poing, un magazine humoristique mensuel qui ne semble pas avoir tenu le coup bien longtemps. Il crée par ailleurs Académie Normand Hudon Incorporée de Montréal, en septembre 1970, afin d’exposer et vendre des tableaux. Cette académie devient par la suite une école de dessin par correspondance. Elle peut, je répète peut, avoir fermé ses portes assez rapidement. Hudon vit en effet une période assez difficile à cette époque.
En 1972, Hudon commence à peindre des tableaux qui illustrent avec tendresse et ironie des aspects du patrimoine québécois, des scènes de ruelles à des religieuses à bicyclette.
Hudon demeure actif pour ainsi dire jusqu’à son décès, en janvier 1997, à l’âge de 67 ans.
Si Hudon s’inspire de l’actualité québécoise, canadienne, nord-américaine et mondiale pour créer la bande dessinée Julien Gagnon, votre humble serviteur croit que le héros éponyme de cette bande dessinée, un pilote québécois fictif, tire peut-être, je répète peut-être, son inspiration d’une personne réelle.
Après tout, la première case de la première planche de la bande dessinée renferme les mots suivants : « Officier aviateur de la [Seconde Guerre mondiale], Julien Gagnon pilote un avion de transport entre le Canada et l’Angleterre. » Une case de la dernière planche renferme par ailleurs les mots dialogue suivants, prononcés par Gagnon, « Non, Maria, je retourne à l’aviation au long cours. » Gagnon serait-il un pilote convoyeur? Rien ne le prouve. Cela étant dit (tapé?), cette possibilité ouvre toute grande la porte menant à une longue et irrésistible digression. Accrochez-vous bien, ami(e) lectrice ou lecteur.
Le capitaine Louis Joseph Ernest Bisson du Ferry Command de la Royal Air Force. Anon. « Record établi par le capitaine Louis Bisson. » Le Droit, 26 mai 1945, 1.
Louis Joseph Ernest Bisson voit le jour à Hull, Québec, en mars 1909. Il souhaite apparemment devenir prêtre mais doit renoncer à ce rêve.
En ou vers 1929, alors qu’il se trouve en congé, Bisson visite Lindbergh Field, à Ottawa, un site qui porte aujourd’hui le nom d’Aéroport international MacDonald-Cartier. Son premier vol est une révélation. Comme bien d’autres jeunes gens de son époque, il se découvre une passion pour le vol. De fait, Bisson entreprend des leçons de pilotage une semaine après son baptême de l’air. Il impressionne ses instructeurs du Ottawa Flying Club, à… Ottawa. Jonglant avec deux emplois, chez la fameuse firme de pulpe et papier E.B. Eddy Company Limited de Hull et comme vendeur à domicile, Bisson obtient sa licence de pilote privé en 1930.
Entre 1932 et 1934, Bisson parvient par ailleurs à obtenir ses brevets de pilote commercial, opérateur radio, mécanicien aéronautique et instructeur.
En 1931, Bisson et, peut-être, quelques amis achètent un petit aéronef usagé qu’il utilise pour gagner sa vie tant bien que mal. Cette machine est apparemment détruite en 1933, lors d’un atterrissage bâclé.
La carrière de Bisson démarre toutefois vraiment vers 1933 lorsqu’il apprend qu’un missionnaire québécois de la Societas Iesu / Compagnie de Jésus qui travaille avec les Premières Nations du Nord de l’Ontario prend des leçons de pilotage afin de pouvoir se déplacer plus rapidement. Bisson communique avec Joseph-Marie Couture et lui offre ses services, gratuitement. Il est engagé sur le champ. Bisson va ainsi transporter Couture de 1933 à 1936. Il lui donne par ailleurs des leçons de pilotage.
En parallèle, Bisson travaille pour Nipigon Airways Limited de Jellicoe, Ontario. Croiriez-vous qu’il partage son salaire avec le missionnaire? Chose intéressante, Bisson devient propriétaire de Nipigon Airways.
La renommée de Bisson dans sa ville natale est telle que plusieurs personnes le surnomment le Lindbergh canadien.
Vers la fin de 1936, confiant que Couture peut se débrouiller très bien tout seul, ce dernier ayant obtenu sa licence de pilote privé plus tôt dans l’année, Bisson offre ses services un évêque missionnaire français qui œuvre dans les Territoires du Nord-Ouest. Monseigneur Gabriel Joseph Élie Breynat est enchanté par les qualités du pilote québécois. Bisson travaille avec ce vicaire apostolique du Mackenzie entre 1936 et 1940. En récompense du travail qu’il réalise au cours de cette période, le délégué apostolique du Vatican au Canada et à Terre-Neuve, Ildebrando Antoniutti, lui remet la médaille Pro Ecclesia et Pontifice en juin 1940.
Il est à noter qu’Antoniutti et Bisson se connaissent. Le pilote québécois avait transporté l’évêque italien aux quatre coins du nord canadien à l’été 1939.
Bisson se joint au personnel de Prairie Airways Limited de Moose Jaw, Saskatchewan, vers la fin de l’été ou le début de l’automne 1940. Il y occupe le poste de chef pilote.
Vers juillet / août 1941, Bisson se joint au Ferry Command de la Royal Air Force, un commandement au personnel largement civil créé au Canada pour livrer / convoyer outremer des aéronefs militaires fabriqués aux États-Unis et, plus tard, au Canada.
Bisson reçoit une mission importante au début de 1942 : examiner la possibilité de livrer des aéronefs de combat relativement petits des United States Army Air Forces vers le Royaume-Uni, via le Labrador, le Groenland et l’Islande. Accompagné par les pilotes qui l’aident à effectuer ce travail, Bisson effectue le premier vol de livraison sur cette route. À cette époque, Bisson semble être le seul Canadien francophone du Ferry Command.
Alors qu’il travaille pour cette organisation, Bisson parcourt plus de 3 000 000 kilomètres (plus de 1 860 000 milles) – 7.8 fois la distance moyenne entre la Terre et la Lune. Il peut fort bien être le premier pilote ayant effectué plus de 100 traversées de l’Océan Atlantique. De fait, Bison termine la guerre avec 138 traversées à son actif et quelques vols autour du monde.
Alors qu’il effectue de plus en plus de vols de transport, Bisson a pour passagers des personnalités importantes telles que les premiers ministres australien et néo-zélandais, John Joseph Ambrose « Jack » Curtin et Peter Fraser, de même que le Premier ministre britannique, Winston Leonard Spencer « Winnie » Churchill, un célèbre politicien mentionné à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis mai 2019.
Louis Bisson reçoit la King’s Commendation for Valuable Service in the Air en juin 1942. Il est nommé officier du Order of the British Empire en janvier 1944.
Bisson quitte le Ferry Command au printemps 1945. Rentré rapidement au pays, il se lance en affaire et s’implique dans sa communauté. Bisson joue un rôle crucial dans la création, vers août / septembre 1945, de Transport Urbain de Hull Limitée, un des ancêtres de la Société de transport de l’Outaouais. Les autobus de la société de transport en commun ne tardent pas à remplacer les tramways qui desservent encore Hull.
En février 1948, Bisson fonde Logements de Hull Tenements Incorporée de Hull. Celle-ci fait construite de nombreuses maisons dans le secteur du Lac des Fées, à Hull. Beau joueur, Logements de Hull Tenements indique aux employés de Hull City Transport qu’elle leur prêterait la mise de fonds leur permettant d’acheter une de ces demeures. Un conducteur d’autobus qui n’a pas eu d’accident au cours des 12 mois précédents a même droit à une réduction. Bisson et deux de ses frères développent par la suite le secteur du Parc de la montagne.
Très intéressés par l’éducation, Bisson et quelques amis fondent Bibliothèque municipale de Hull Incorporée en 1953. La Bibliothèque municipale Saint-Joseph de Hull ouvre ses portes en avril de l’année suivante. Il s’agit là d’une première pour cette municipalité qui devient une ville en février… 1875, le 23 février semble-t-il – un jour qui fait trembler la fibre aéronautique de tous les fanas d’aviation canadiens, et… Soupir…
Le 23 février 1909, John Alexander Douglas McCurdy, un gentilhomme mentionné à moult reprises depuis septembre 2017 dans notre incomparable mais trop facilement oubliable blogue / bulletin / machin, effectue le premier vol contrôlé et soutenu d’un aéroplane à moteur au Canada. Fin de la digression liée à votre esprit par trop… volage.
En juin 1959, Bisson cofonde l’Association des bibliothèques municipales de Québec Incorporée, un organisme dont le but est de favoriser le développement et la création de bibliothèques publiques en sol québécois. Bisson compte par ailleurs parmi les cofondateurs de la Commission des bibliothèques publiques du Québec, en 1959. Il occupe longtemps le poste de vice-président de cet organisme.
Grand bénévole devant l’éternel, Bisson s’installe à Chapala, Mexique, tout près de Guadalajara, vers 1977. Il y travaille avec des jeunes défavorisés. Ordonné prêtre en 1986, Bisson est consacré évêque en janvier 1989 par Dom Luis Fernando Castillo Méndez, patriarche de la Igreja católica apostólica brasileira, une église catholique indépendante / dissidente brésilienne fondée en juillet 1945 qui ne reconnaît pas l’infaillibilité des papes et rejette le célibat des prêtres.
Bisson meurt, en septembre 1997, à l’âge de 88 ans.
Les grands protagonistes de la bande dessinée Julien Gagnon : Julien Gagnon et le diabolique Dimitri. Dollard Morin, « L’espionnage russe a inspiré à un jeune Montréalais le sujet des aventures illustrées de ‘Julien Gagnon.’ » Le Petit Journal, 16 mai 1948, 45.
Et oui, le moment est venu de résumer l’intrigue de la bande dessinée Julien Gagnon.
Pilote de convoyage pendant la Seconde Guerre mondiale, je pense, le héros éponyme de la dite bande dessinée est, par hasard, la seule personne au Canada capable d’identifier un espion soviétique en quête d’informations sur la bombe atomique. Le diabolique Dimitri n’agit toutefois pas par conviction politique. Nenni. Il cherche cette information uniquement pour remplir ses poches.
Gagnon, par contre, se lance aux trousses de ce pas bon pour protéger son pays, le Canada. Sa fiancée, Maria, une infirmière dans un grand hôpital montréalais, et un de ses oncles, Urbain, un détective à la retraite, se joignent à cette quête héroïque, une quête pour laquelle tout ce beau monde ne reçoit pas le moindre sou.
Ami(e) lectrice ou lecteur cinéphile, vous souvenez-vous par hasard de la boussole cassée du quelque peu dérangé pirate Jack Sparrow, désolé, désolé, du fameux capitaine Jack Sparrow, un pirate des Caraïbes mentionné à quelques reprises dans notre éblouissant blogue / bulletin / machin depuis septembre 2018? Vous savez, la boussole qui pointe dans la direction de la chose ou de la personne qu’un personnage désire le plus. Eh bien, Gagnon utilise lui aussi une boussole cassée pour trouver l’endroit où se trouve la personne qu’il désire trouver. Je ne plaisante pas. Cet endroit, c’est Québec, Québec.
La boussole cassée de Gagnon a-t-elle inspiré celle de Sparrow, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe? J’en doute fort. Pourtant, des choses plus étranges encore se produisent… Vous êtes ici, en train de lire cette phrase, après tout.
Votre humble serviteur ne vous cassera pas les pieds avec un récit détaillé des péripéties qui interviennent dans le déroulement de l’intrigue. Il n’y a pas de quoi.
Cela étant dit (tapé?), permettez-moi de mentionner que le diabolique Dimitri échappe initialement à notre héros. Il fonce en effet à Montréal où Gagnon et ses compagnons d’aventure ne tardent pas à le rejoindre. L’espion soviétique et ses complices sont toutefois introuvables. Pis encore, deux d’entre eux agressent Gagnon et son oncle. Ce dernier se réveille à l’hôpital avec un choc nerveux. La boussole cassée de Gagnon est alors de nouveau mise à contribution.
L’intrigue atteint son point culminant lorsque le diabolique Dimitri et ses complices se retrouvent cernés dans un entrepôt après une poursuite en automobile dans les rues de Montréal. Gagnon pénètre dans le dit entrepôt et abat un des complices (!) d’une balle de pistolet. Une grenade qu’il lance dans l’édifice (!!) en tue un autre. Les complices survivants de le diabolique Dimitri veulent se rendre. Ce dernier ne veut rien entendre. Il abat un de ses complices. Craignant pour sa vie, un de ceux-ci l’abat à son tour. Alors que le diabolique Dimitri meurt, tous les complices de l’espion soviétique se rendent.
Ne souhaitant pas inquiéter sa fiancée, Gagnon renonce à faire carrière en tant que détective. Il annonce à Maria qu’il va reprendre sa carrière de pilote au long cours, un emploi qui n’est pas sans danger si je peux me permettre un bref commentaire. La dernière case de la bande dessinée Julien Gagnon montre les tourtereaux sur le parvis d’une église, tout juste après leur mariage.
Si votre humble serviteur peut se permettre de citer la formule consacrée, alors défendue par l’église catholique apostolique romaine, Julien et Maria vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. En effet, ne l’oublions pas, les Québécoises qui se marient entre 1946 et 1950 donnent naissance à 4 enfants en moyenne. Une sur trois a 5 enfants ou plus, mais je digresse.
À plus, et mille excuses pour la longueur de ce texte.