« V’là l’bon vent, v’là l’joli vent : » Un survol en coup de vent de la fascinante turbine éolienne de l’ingénieur français Louis Constantin, et de quelques autres choses en plus, partie 1
Bonjorn, amic(e) legidora o legidor, coma anatz? [… ] Soi encantat de l’aprene. Passam ara a las causas seriosas. Desiri examinar amb vosautres uèi una plan interessanta realizacion d’un engenhaire francés, Louis Constantin, e qualques autras causas en mai, e...
Désolé, désolé. Votre humble serviteur avait complètement oublié qu’il conversait avec vous en occitan, en occitan languedocien plus précisément. Reprenons depuis le début.
Bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, comment allez-vous? [… ] Je suis ravi de l’apprendre. Passons maintenant aux choses sérieuses. Je souhaite examiner avec vous aujourd’hui une très intéressante réalisation d’un ingénieur français, Louis Constantin, et quelques autres choses en plus, et...
Qu’est-ce que l’occitan, demandez-vous? Une bonne question. L’occitan est une langue romane parlée / comprise en 2023 par près de 550 000 Françaises et Français vivant dans le sud de la France, des gens pour qui c’est leur langue seconde.
Soit dit en passant, une langue romane est une langue dérivée du latin tardif (forme écrite) et du latin vulgaire (forme parlée).
Il n’y a pas de quoi.
Pourquoi utiliser cette langue des plus mélodieuse qu’est l’occitan pour introduire un article sur une turbine éolienne / aéromoteur / aérogénérateur et quelques autres choses en plus, demandez-vous? Une autre bonne question. Allons de ce pas à la rencontre d’une réponse.
Et oui, votre humble serviteur pense effectivement qu’un sujet qui ne gravite pas autour de l’agriculture, de l’alimentation, de l’aviation, de l’espace ou du transport terrestre pourrait être un bon changement de rythme. Il y a des moments où le changement est, eh bien, bon. (Bonjour, EP!) Mais revenons à notre histoire.
Avant de plonger, permettez-moi toutefois de digresser un bref instant. Le magazine à l’origine du présent numéro de notre merveilleux blogue / bulletin / machin, Science et Monde, est un hebdomadaire illustré français de vulgarisation scientifique dont le premier numéro sort en mai 1931. Cette remarquable publication cesse apparemment de paraître au plus tôt en mars 1936, ce qui est bien dommage, mais je digresse.
Le gentilhomme au cœur de ce numéro de notre électrisant blogue / bulletin / machin voit le jour en février 1877, à Sault, dans le sud de la France. Il s’appelle… Louis Constantin. Et oui, il y a fort à parier qu’il peut suivre au moins une partie d’une conversation en occitan, avec plus ou moins de facilité.
Constantin poursuit des études en ingénierie dans une des plus prestigieuses écoles de France, l’École supérieure d’électricité, à Paris. Il obtient son diplôme en 1899. L’année suivante, il se joint au personnel d’une firme suisse bien connue et respectée, Elektrizitätsgesellschaft Alioth Aktiengesellschaft. En 1902, le jeune ingénieur se joint au personnel de la filiale espagnole de son employeur, Sociedad de Electricidad Alioth. Constantin se révèle à ce point talentueux qu’il accède à la direction de cette firme en 1904. Il occupe ce poste jusque vers 1910-11.
Rentré en France à cette époque, Constantin se découvre une passion pour l’aviation. De fait, ce jeune ingénieur vivant dans un confort enviable, relativement parlant (tapant ?), va dès lors consacrer tous ses efforts au nouveau mode de transport.
En 1912, Constantin propose l’utilisation d’une petite surface mobile le long du bord d’attaque d’une aile d’aéroplane, et ce afin de permettre à un pilote de conserver le contrôle de sa machine volante à des vitesses relativement peu élevées et / ou à des inclinaisons de vol plus ou moins élevés. Il demande un brevet d’invention français en novembre 1912 pour ce dispositif connu aujourd’hui sous le nom de bec de bord d’attaque. Constantin semble obtenir le dit brevet au printemps 1913. Il obtient d’ailleurs au moins un brevet étranger pour mieux protéger son idée.
Constantin obtient tous ces brevets en réponse à la suggestion faite par l’inspecteur permanent de l’Aéronautique militaire de l’Armée de Terre, le général de brigade Auguste Édouard Hirschauer.
Un modèle réduit du dispositif proposé par Constantin est mis à l’essai en soufflerie vers 1913. Si la portance créée s’avère supérieure à celle d’une aile conventionnelle, la traînée s’avère elle aussi malheureusement supérieure.
Et oui, c’est pour un dispositif quelque peu similaire mais plus avancé que l’industrialiste anglais Frederick Handley Page, président de l’avionnerie anglaise Handley Page Limited, obtient un brevet britannique en octobre 1919. Un brevet français suit en juillet 1920.
Vous pourriez être heureuse / heureux, ou non, d’entendre (lire?) que Gustav Victor Lachmann, un pilote allemand ayant servi pendant la Première Guerre mondiale dans le Luftstreitkräfte de la Deutsches Heer, en d’autres mots dans les forces aériennes de l’armée allemande, tente de breveter un dispositif tout aussi similaire en 1918. Vue l’absence d’essais en soufflerie, le Kaiserliche Patentamt rejette toutefois son application. Ayant entendu parler d’une démonstration effectuée par Handley Page en 1921, Lachmann emprunte de l’argent de sa mère afin d’effectuer des essais en soufflerie de son concept. Il obtient un brevet rétrospectif de ce qui est alors le Reichspatentamt en 1922.
Cela étant dit (tapé?), Lachmann ayant soumis une demande de brevet en 1918, son brevet a la priorité sur celui de Handley Page. L’industrialiste anglais ne souhaitant pas s’engager dans une guerre de brevets, il accepte de partager les droits de son brevet et de celui de Lachmann. Mieux encore, Handley Page engage Lachmann en tant que consultant.
Et Constantin dans tout cela, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une autre bonne question. Vous avez le feu aujourd’hui, ami(e) lectrice ou lecteur, mais revenons à notre sujet. Pour une raison ou une autre, sa contribution semble être oubliée. De fait, aux dire de certains, Constantin abandonne son brevet vers 1919-20 parce qu’il n’a pas les sommes d’argent qu’auraient nécessité sa défense au Royaume-Uni. Mais revenons à l’année 1912. De fait, remontons le cours du temps jusque vers 1911-12.
Alors qu’il étudie les travaux sur les hélices de Stepán Kárlovitch Dzhevétskiy, un scientifique / journaliste / inventeur / ingénieur russe mais d’origine polonaise, Constantin en vient à penser qu’une hélice aérienne pourrait activer l’hélice marine d’un bateau.
Soucieux de prouver son idée, il complète un petit chariot dont les 4 roues sont entrainées par une hélice, elle-même entraînée par le vent. Ce chariot qui avance contre le vent attire l’attention d’une personne dont l’identité m’échappe. Quoi qu’il en soit, la dite personne porte apparemment l’invention à l’attention de chercheurs français réputés. Ne disposant toutefois pas des moyens financiers lui permettant de poursuivre ses travaux, Constantin se console en œuvrant sur un autre projet.
Constantin se joint en effet à un certain François Marie Abel Jean Pierre d’Astanières pour mettre au point un aéroplane à stabilité automatique qu’ils inscrivent au concours de l’Union pour la sécurité en aéroplane lancé en janvier 1914. Invités par le jury à se pointer à un aérodrome situé à deux pas d’un camp militaire situé à environ 150 kilomètres (environ 95 milles) au nord-est de Paris, avec près d’une quinzaine d’autres participants, en mai, je pense, Constantin et d’Astanières comptent parmi ceux qui ne parviennent pas à répondre à cette invitation. Ils sont par conséquent éliminés. De fait, seules 2 des 15 machines atterrissent au camp de Châlons.
L’aéroplane Constantin-d’Astanières peut, je répète peut, être détruit au cours de l’automne 1914, lors d’un des bombardements d’artillerie allemands quasi quotidiens qui affligent Reims, France, entre l’automne 1914 et la fin de 1915.
Constantin lui-même est mobilisé lorsque la Première Guerre mondiale éclate, en juillet / août 1914. Il sert rapidement en tant qu’interprète auprès de la British Army.
Cela étant dit (tapé?), l’adjudant Constantin a quand même le temps de réaliser certains travaux techniques au bénéfice de ses hôtes. Il travaille sur un viseur pour une mitrailleuse montée, je pense, sur des aéroplanes, par exemple. De fait, Constantin passe peut-être un certain temps en Angleterre, au Aircraft Armament and Gunnery Experimental Establishment du Royal Flying Corps de la British Army.
Une brève digression si vous me le permettez. Pendant le temps qu’il passe à travailler avec la British Army, Constantin se lie d’amitié avec quelques officiers britanniques, dont un pionnier coloré de l’aviation actif avant la Première Guerre mondiale, le capitaine John Theodore Cuthbert Moore-Brabazon.
Croiriez-vous que, pour prouver l’inexactitude d’un adynaton bien connu dans la langue de William Shakespeare, quand les cochons auront des ailes, Moore-Brabazon prend l’air avec un Sus domesticus âgé de 6 semaines début novembre 1909? Je ne plaisante pas.
Pour citer l’aviateur, en traduction,
Ce fut un vol court et rapide et bien qu’il ait un peu couiné au début, mon passager à quatre pattes s’est vite calmé et s’est comporté comme s’il réalisait parfaitement l’importance de l’occasion. Même la proximité du moteur ne le dérangeait pas le moins du monde.
Opinion personnelle, le pauvre bête était paralysée par la peur.
Compte tenu du succès de ce vol, le nom donné au porcelet aurait pu être quelque peu inapproprié. Et oui, vous avez tout à fait raison, ami(e) lectrice ou lecteur. Moore-Brabazon avait surnommé son compagnon aérien Icarus II.
Le voyage en question est peut-être le premier vol de transport de marchandises sur la planète Terre, mais je digresse.
Le lieutenant Constantin rentre en France en 1917 pour se joindre au personnel du Service aéronautique interallié, un organisme récemment créé ayant pour objectif de faciliter les communications entre les forces aériennes des principaux pays alliés. Il se joint par la suite au personnel de la section aéronautique d’un organisme dont l’identité m’échappe, la direction des Inventions du ministère de l’Armement et des Fabrications de Guerre peut-être.
Quoi qu’il en soit, Constantin est démobilisé en 1919.
Louis Constantin. Anon., « L’électricité par le vent ou la ‘houille éolienne.’ » Le Petit Parisien, 21 avril 1924, 2.
En 1920, Constantin entame une nouvelle carrière au sein de la Société anonyme Pierre Levasseur, une firme aéronautique spécialisée dans la production d’hélices, de même que d’aéronefs destinés à l’Aéronautique maritime de la Marine nationale.
Il quitte son emploi de chef d’études en 1922 pour se consacrer à un domaine un tant soit peu connexe à l’aéronautique : l’exploitation de l’énergie du vent pour produire de l’électricité par le biais de turbines éoliennes.
En parallèle à cette nouvelle passion, Constantin accepte volontiers de revisiter ses travaux concernant l’utilisation d’une hélice aérienne pour activer l’hélice marine d’un bateau. Voyez-vous, Jules-Louis Breton, directeur de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, une direction créée en 1919 sous la tutelle du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, le met en contact avec un ingénieur civil français, Adrien Joseph Victor Raymond Joëssel, qui, en 1918, avait effectué des expériences avec un petit bateau muni d’une hélice aérienne.
Une petite équipée dirigée par Constantin et Joëssel supervise l’installation sur un petit bateau, le Bois-Rosé, d’un système de propulsion faisant appel à une turbine aérienne / hélice aérienne (à pas variable?) qui active une hélice marine. Soit dit en passant, la grande hélice aérienne métallique en question est fabriquée dans les ateliers de Pierre Levasseur.
Une brève digression si vous me le permettez. Une hélice à pas variable / réglable comprend un moyen de faire pivoter ses pales dans les airs, modifiant ainsi leur angle et donnant à un(e) pilote la poussée requise pour le décollage et le vol à grande vitesse.
Au décollage, l’angle des pales est petit, ce qui signifie que la distance parcourue à chaque rotation de l’hélice, sa morsure de l’air pour ainsi dire, est également faible. C’est ce qu’on appelle le petit pas. La prise accrue de l’hélice et sa vitesse de rotation plus élevée améliorent les performances de décollage et de montée d’un aéronef. En revanche, pour le vol en palier, l’hélice doit parcourir une plus grande distance à chaque tour. Pour y parvenir, la / le pilote augmente l’angle des pales. C’est ce qu’on appelle le grand pas, mais revenons à notre histoire.
Le bateau expérimental Bois-Rosé, Paris, France, novembre 1922. Bibliothèque nationale de France, EI-13 (953).
En septembre 1922, le Bois-Rosé évolue en tous sens sur la Seine, à Paris, pendant 3 bonnes heures, et ce au beau milieu d’une circulation intense. Ce bateau à l’allure pour le moins étrange ne passe pas inaperçu. Remarquez, il impressionne par ailleurs les scientifiques, politiciens et journalistes invités par la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions qui le voient évoluer sur la Seine début novembre 1922.
En mai 1923, le Bois-Rosé se trouve à Cherbourg, France, une importante ville portuaire sur la Manche, afin d’y être mis à l’essai en mer pour le bénéfice du Ministère de la Marine. Tout se passe comme sur des roulettes jusqu’à ce qu’il soit envoyé par le fond lors d’un remorquage avant et / ou après les essais.
Cela étant dit (tapé?), le système de propulsion de ce bateau expérimental ne se trouve pas à bord au moment du désastre. De fait, il ne tarde apparemment pas à être expédié au musée de l’Office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, la nouvelle raison sociale de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, adoptée en décembre 1922.
Bien que déçu par la disparition du Bois-Rosé, Constantin n’en demeure pas moins convaincu du potentiel de son idée en ce qui a trait à la construction navale. Une firme maritime française bien connue, la Compagnie générale transatlantique, partage cette confiance, ne serait-ce que temporairement. Vers 1924, un chantier naval français, la Société des Chantiers et Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët, croit également en la possibilité de munir des petits cargos de grandes turbines aériennes Constantin. Cette confiance éphémère ne débouche toutefois sur rien de concret.
En 1927, Constantin affirme que sa turbine aérienne est supérieure au rotor Flettner, un moyen de propulsion consistant en un gros cylindre vertical en rotation mis au point au début des années 1920 par l’ingénieur / inventeur allemand Anton Flettner. Ceci dit (tapé?), il ne parvient pas à intéresser les pouvoirs publics français à investir dans son idée.
S’il est vrai que le navire expérimental allemand Baden Baden traverse l’Atlantique en mai 1926, le rotor Flettner ne suscite pas non plus l’intérêt des pouvoirs publics allemands.
Au tout début des années 1920, en parallèle à sa passion grandissante pour l’exploitation de l’énergie du vent par le biais de turbines éoliennes, Constantin se penche également sur la possibilité de stabiliser les aéronefs de manière automatique, un de ses intérêts antérieurs, comme nous le savons toutes / tous les deux.
Le girouette verticale d’un dispositif de girouettes Constantin monté sur un Farman F.71, un biplan de transport léger français. Anon., « Technique – Deux dispositifs de stabilisation automatique. » L’Aérophile, 15 janvier 1931, 21.
Constantin ne parvient toutefois à superviser des essais en vol que vers 1926-27. Le dispositif qu’il a mis au point, connu sous le nom de girouette ou girouette Constantin, utilisé en paire ayant des pales horizontales et verticales, assure la stabilité de l’aéronef qui en est muni en agissant sur ses ailerons. De fait, aux dires des pilotes d’essai, le dit dispositif facilite grandement le vol de nuit ou dans les nuages.
Les premiers essais en vol de la girouette Constantin semblent avoir un lien avec les efforts de Lucien Rougerie, directeur des aérodromes de la Société des avions H. & M. Farman, qui lance alors la formation des aviateurs au pilotage sans visibilité / vol aux instruments. Installé sur au moins un aéronef de l’École de pilotage sans visibilité extérieure, le dispositif de Constantin donne entière satisfaction.
Soit dit en passant, l’école en question, fondée vers 1928, est la première école du genre en Europe et, peut-être, la toute première au monde.
Avant que je ne l’oublie, croiriez-vous que Rougier supervise la fabrication de ce qui pourrait fort bien être un des premiers simulateurs de vol aux instruments au monde, le banc d’entraînement Rougerie, complété au plus tard en 1929?
Constantin fonde la Société des brevets d’aviation Constantin en avril 1931 pour exploiter sa girouette. De fait, il supervise par l’installation de girouettes sur quelques aéronefs français, et ce jusque vers la fin des années 1930. Il effectue cette supervision sous l’égide des services techniques de l’aéronautique français. S’il est vrai que l’inventeur reçoit quelques primes et commentaires élogieux au fil des mois et années, ses girouettes ne sont pas adoptées par les avionneurs français, ou étrangers.
Cela étant dit (tapé?), Constantin se rend à une base de la Regia Aeronautica, en d’autres mots l’armée de l’air italienne, près de Rome, Italie, en février 1932, à bord d’un aéronef muni d’un ensemble de girouettes. Des officiers semblent impressionnés mais, comme il est sous-entendu dans le paragraphe précédent, les avionneurs italiens n’adoptent pas l’invention de Constantin.
Certaines personnes n’en continuent pas moins à défendre cette invention d’un Constantin vieillissant et de plus en plus appauvri, et ce même après la Seconde Guerre mondiale. Mentionnons par exemple deux directeurs du Service de l’aviation légère et sportive du Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale du ministère des Travaux publics et des Transports, Edmond Cornu et Marcel Agésilas. Un aéronef de construction amateur Jodel D-112 muni de girouettes Constantin vole avec succès au plus tard en juillet 1955, par exemple. Les efforts des défenseurs du dispositif de Constantin laissent toutefois indifférent les avionneurs français, ou étrangers.
Croiriez-vous par ailleurs que le moment est finalement venu d’aborder l’invention au cœur de cet article de notre éblouissant blogue / bulletin / machin? Si, si, la turbine éolienne / aéromoteur / aérogénérateur Constantin.
Cela étant dit (tapé?), cet abordage n’aura pas lieu aujourd’hui. Désolé. Ou pas.