Un ONVI (Objet non volant identifié) des plus intrigants : L’aéroglisseur Phillips Saucercraft
Comme vous pouvez l’imaginer, le monde merveilleux de l’aéronautique et de l’astronautique regorge de merveilleuses machines volantes. Un nombre étonnamment élevé de ces merveilleux véhicules ne sont pas très connus. S’il est vrai que ce malheureux manque d’information a affecté, affecte et affectera les machines volantes conçues avant 1914 et le début de la Première Guerre mondiale, le fait est que certains véhicules aériens assez récents ne sont pas bien documentés. L’un d’entre eux serait un bon sujet pour notre blogue / bulletin / machin.
Aujourd’hui, cependant, votre humble serviteur souhaite emprunter une autre voie.
Je vous demande, honnêtement, avez-vous entendu parler de l’aéroglisseur Phillips Saucercraft avant de poser vos jolis petits yeux sur une photographie de celui-ci il y a quelques minutes? Veuillez ne pas vous sentir mal. Votre humble serviteur n’en avait jamais entendu parler non plus.
Les informations qui accompagnent la photographie que vous venez de regarder sont à la fois intéressantes et cryptiques. La dite photographie est publiée dans le numéro du 2 mars 1961 du The Calgary Herald, un quotidien publié à Calgary, Alberta.
Et voici la légende qui accompagne l’image, en traduction.
De nouveau sous couverture à l’aéroport de Mount Hope à Hamilton, Ontario, un prototype de soucoupe volante, ci-dessus, aurait été accidenté pendant des essais. Des témoins oculaires ont déclaré que la machine, appelée «s Saucercraft, » a partiellement quitté le sol mais s’est emmêlée dans ses câbles de remorquage et a cassé un arbre d’entraînement. Inventé dit-on par un officier de marine de Hamilton, le lieutenant commandant Adrian Phillips, la machine a la forme d’un chapeau melon, transportera 5 passagères ou passagers dans une cabine et mesure environ [6 mètres] 20 pieds de long. Philips [sic] ne confirme ni infirme les rapports sur le véhicule.
Intrigant, n’est-ce pas? Et cryptique aussi…
En effet, votre humble serviteur ne pouvait pas dire si le véhicule de Phillips était / est un aéronef ou un aéroglisseur.
Un bref article paru en 1961 dans un quotidien de Oakville, Ontario, The Oakville Record-Star, cependant, mentionne que le Saucercraft est muni d’un moteur d’automobile, plus précisément d’un moteur d’automobile compact américain. Étant donné les difficultés inhérentes à l’utilisation d’un moteur d’automobile dans un aéronef, en particulier un aéronef aussi étrange que le Saucercraft, j’ai fortement soupçonné que ce véhicule circulaire était un aéroglisseur.
Le fait que l’auteur de ce même article ajoute dans la phrase suivante qu’une paire de ventilateurs force un grand volume d’air sous le Saucercraft pour créer un coussin d’air a confirmé mes soupçons. Le Saucercraft était / est un aéroglisseur, un civil pour être plus précis.
De fait, il s’agit probablement d’un des premiers aéroglisseurs conçus, fabriqués et testés au Canada. Imaginez ça.
Étant donné le besoin de légèreté dans un aéroglisseur, votre humble serviteur se demande si le moteur d’automobile choisi par Adrian « Ade » Phillips pour propulser le Saucercraft provient d’une Chevrolet Corvair. Après tout, le moteur refroidi par air de cette automobile malheureuse est probablement la source de puissance motrice de ce type la plus légère en Amérique du Nord.
Et oui, au cours des années suivantes, un (petit?) nombre d’avions (américains?) de construction amateur ont volé / volent avec des moteurs Corvair modifiés.
Et oui encore, une Corvair peut être trouvée dans la collection du Musée des sciences et de la technologie du Canada du Canada, à Ottawa, Ontario, une institution sœur / frère du mondialement connu Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa.
Malheureusement, l’accident mentionné dans la légende de la photographie mentionnée ci-dessus n’est pas le seul que le Saucercraft connaît à l’aéroport de Mount Hope, à la fin de février et au début de mars 1961. En effet, cette intrigante machine est accidenté 3 fois en quelques jours. Elle subit cependant peu de dégâts. Soigneusement mise sur une remorque attachée à une automobile familiale et recouverte d’une bâche, le Saucercraft est escorté, par un ou quelques véhicules de la Ontario Provincial Police, jusqu’à Oakville, où vit Phillips.
D’autres tests ont lieu au cours des jours suivants. Votre humble serviteur ne peut pas dire si les dits essais ont eu lieu à l’aéroport de Mount Hope ou à Oakville. D’une manière ou autre, j’ai le sentiment qu’ils ont lieu dans ce dernier endroit, pour éviter la publicité.
Malheureusement, le Saucercraft n’est apparemment pas mise en production. Cela étant dit (tapé?), il est possible que Phillips forme une petite entreprise, Aerion Limited de Oakville, pour développer et / ou commercialiser son concept.
La petite équipe qui assemble ce véhicule des plus intrigants doit être déçue. Ces personnes travaillent pour Aero Marine Industries Limited de Oakville, une petite firme fondée vers 1947.
Ayant mentionné le nom de Aero Marine Industries, j’aimerais pontifier pendant quelques minutes sur cette firme et quelques autres.
Comme vous pouvez l’imaginer, les connaissances expérience acquises au cours de la Seconde Guerre mondiale par de nombreuses petites et moyennes entreprises canadiennes d’un océan à l’autre leur ouvrent certaines portes une fois la paix revenue, du moins pendant un certain temps. Il suffit de songer à la technologie du bois plié / moulé / lamellé.
Lawrie Mackintosh et Hugh A. Dodds supervisent la production de meubles en bois conçus par ce dernier dans les ateliers de Aero Marine Industries.
Canadian Wooden Aircraft Company Limited de Stratford, Ontario, produit du mobilier d’allure moderne.
À Vancouver, Colombie-Britannique, Drake Industries Limited lance la production de mobilier de salle à manger et de salon en bois moulé connu sous le nom de Mouldcraft. Elle utilise de l’outillage conçu en bonne partie par son gérant de production, Jack White, un mécanicien expert ayant travaillé pour une compagnie locale qui fabriquait des pièces d’aéronefs en bois.
Madame et Monsieur Tout-le-Monde n’étant malheureusement pas particulièrement intéressé(e)s par le mobilier moderne en bois non rembourré, ces pionniers ne tardent pas à disparaître ou fusionner avec des firmes plus importantes. Canadian Wooden Aircraft, par exemple, devient une filiale de Imperial Rattan Company Limited, une firme de Stratford connue à partir de 1949 sous le nom de Imperial Furniture Making Company Limited.
Un des rares, sinon le seul fabricant de meubles en bois fondé après la Seconde Guerre mondiale encore en existence en 2021 voit le jour à Shelburne, Nouvelle-Écosse, dans un dépôt de vêtements abandonné par les militaires après la fin du conflit.
Inspirés par les performances de l’aéronef de combat multirôle en bois britannique de Havilland Mosquito, un aéronef fabriqué sous licence à Downsview, Ontario, par un avionneur bien connu, de Havilland Aircraft of Canada Limited (DHC), Archibald King et Hebert Balfour Swim, des cousins et vétérans qui ne sont pas pilotes, visitent quelques ateliers. Ils rencontrent aussi des représentants du Service d’information technique, un organisme dépendant du ministère de la Reconstruction avant son transfert au Conseil national de recherches du Canada où il se transforme en Programme d’aide à la recherche industrielle de 2021.
Et oui, DHC est mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis février 2018.
Ais-je besoin de vous dire que la stupéfiante collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada comprend un Mosquito? C’est ce que je pensais.
King et Swim fondent Ven-Rez Products Limited en 1947 mais leurs table et chaises en bois lamellé se vendent mal. En 1948, la compagnie signe un premier contrat pour des pupitres et des chaises destinées à une école secondaire de la région de Shelburne. Ven-Rez Products a trouvé sa voie. Au fil des ans, elle introduit de nouveaux produits en métal et / ou en plastique. Elle parvient par ailleurs à exporter vers l’Ontario, puis à l’étranger, dans les Caraïbes et en Afrique. Shaw Group Limited de Lantz, Nouvelle-Écosse, un important groupe diversifié des provinces de l’Atlantique, acquiert Ven-Rez Products en mai 2006. Fin de la pontification.
Vous pourriez être surpris(e), ou pas, d’entendre (lire?) que Dodds ne crée pas Aero Marine Industries pour produire des meubles. Nenni. En 1935, alors qu’il a environ 21 ans, il construit un petit voilier, dans une cave, chez lui, pendant son temps libre. Avant la fin de 1939, Dodds a construit une douzaine de bateaux. Il se peut qu’il en vende quelques-uns.
Quoi qu’il en soit, il rejoint rapidement le personnel de Massey-Harris Company Limited, le plus grand fabricant d’équipement agricole du Commonwealth. De fait, il passe une grande partie / la plus grande partie de la Seconde Guerre mondiale à l’usine de Weston de la firme, travaillant à la production de réservoirs de carburant largables pour le susmentionné Mosquito.
Dodds commence à travailler sur un dériveur dans la susmentionnée cave, en 1945, pendant son temps libre. À court d’espace, il déménage dans un endroit plus grand. De construction et, dans une certaine mesure, d’apparence similaires aux réservoirs de carburant largables sur lesquels Dodds a travaillé, le Pollywog est achevé en septembre. Trois des personnes qui voient Dodds tester sa nouvelle création sont tellement impressionnées qu’elles ou ils lui demandent de leur construire des Pollywog.
Au cours de l’hiver 1945-46, Dodds conçoit une version plus petite et une plus grande de son dériveur. Il modifie ensuite les 3 versions pour les utiliser comme voiliers ou bateaux à moteur. Les gens qui voient Dodds tester ses nouvelles créations sont de nouveau très impressionnés. Avant la fin de 1946, il a vendu près de 35 Pollywog. Si la plupart d’entre eux peuvent être trouvés dans la région des Grands Lacs, un Pollywog peut être vu au Brésil.
Remarquez, Dodds fabrique également de 40 à 50 planches de surf par mois, sans parler de bouées de sauvetage de la Croix-Rouge.
Avançons maintenant de quelques années pour voir ce que fait Aero Marine Industries dans les années 1950. En 1952 environ, par exemple, l’entreprise introduit une chaise en bois qui peut facilement être empilée. Cette Dodds Stacking Chair est produite principalement pour les commissions scolaires (de l’Ontario?), et ce jusqu’en 1972 environ.
Au plus tard en 1955, Aero Marine Industries a découvert les plastiques. Il semble qu’une de ses gammes de produits doit son existence à… une baignoire. Je ne plaisante pas. Il était une fois, un cliché usé s’il y en a un, la baignoire que Dodds veut mettre dans son nouveau penthouse d’usine arrive avec 2 mois de retard. Elle est également endommagée. Après avoir attendu 2 mois pour une baignoire de remplacement, qu’il utilise peut-être ou pas à la fin, Dodds en a marre. La baignoire en plastique qu’il conçoit et construit fonctionne très bien, et elle est beaucoup, beaucoup plus légère qu’une baignoire conventionnelle. De fait, Dodds est si heureux qu’il conçoit et construit un lavabo en plastique, sans parler des dalles en plastique et fibre de verre pour son patio. Aero Marine Industries commence rapidement à vendre ces articles, qui s’avèrent très populaires.
Malheureusement, votre humble serviteur ne sait pas quand Aero Marine Industries met fin à ses activités.
Pour vous remonter le moral, auriez-vous envie de quelques paragraphes digressifs sur Massey-Harris et l’aviation pendant les mois qui précèdent le début de la Seconde Guerre mondiale? Et oui, c’était bien une question rhétorique. Vous devriez le savoir maintenant.
Fin 1938, début 1939, des représentants américains de la Société d’emboutissage et de constructions mécaniques (SECM) proposent à la susmentionnée Massey-Harris de participer à la production en série du tout nouveau bombardier moyen bimoteur Amiot 350. Une commande initiale de 100 aéronefs semble possible. À cette époque, un proche collaborateur du président de la firme française cherche également une usine en Louisiane. Le gouvernement fédéral / canadien ne voyant pas d’objection au programme de production du Amiot 350, Massey-Harris entame des négociations.
Canada Cycle & Motor Company Limited, le plus important fabricant de bicyclettes au pays, semble intéressée à participer au projet.
Le temps passe. À Paris, l’enthousiasme se dissipe. SECM offre de produire un certain nombre d’aéronefs pour le United States Army Air Corps. Celui-ci ne manifeste guère d’intérêt. Les discussions piétinent. Les autorités françaises découvrent par ailleurs que les hommes d’affaires américains avec lesquels ils font affaire ne sont en fait que des affairistes sans réputation, et sans usine. Plus rien ne marche. Finalement, à bout de patience, le ministère de l’Air français décide de tout abandonner, mais revenons à notre sujet de la semaine. Il est plus que temps.
On sait peu de choses sur le créateur du Saucercraft, le susmentionné Phillips. Ce qui suit est ce que votre humble serviteur a réussi à déterrer jusqu’à présent, avec l’aide de personnes bienveillantes.
Phillips naît apparemment en 1924. Il commence un baccalauréat en arts et sciences à la Queen’s University, à Kingston, Ontario, à l’automne 1940. Phillips le fait pour se préparer à passer un examen de le Marine royale du Canada (MRC) au printemps de 1941. Il commence à servir, dans la Royal Navy du Royaume-Uni toutefois, en septembre de cette année-là.
Croiriez-vous que, à l’époque, la mère et le père de Phillips vivent à Rockcliffe Park, près de Ottawa, Ontario, à 2 pas de l’endroit où on peut voir, en 2021, le susmentionné formidable Musée de l’aviation et de l’espace du Canada? Le monde est petit, n’est-ce pas?
De plus, croiriez-vous que les frères aînés de Phillips, Geoffrey et Raymond Phillips, servent également dans la MRC? Les dits frères rejoignent ce service en 1935 et 1939.
Mieux encore, leur père, Thomas C. Phillips, est également officier de la MRC. Né au Royaume-Uni, il sert dans la Royal Navy pendant quelques / plusieurs années avant son transfert à la MRC en 1918.
Mieux encore au carré, Adrian, Geoffrey et Thomas C. Phillips sont tous des officiers ingénieurs de la marine. De fait, au cours de l’été ou de l’automne 1943, Adrian Phillips se joint à l’équipage d’un nouveau destroyer / contre-torpilleur de la MRC, le NCSM Huron. Là, il se retrouve à travailler pour son frère.
Si je peux me permettre un commentaire, je trouve un peu étrange que la MRC autorise 2 frères à servir sur le même navire en temps de guerre. Perdre un enfant est déjà assez grave, mais deux…
Après la fin d’une mission d’escorte de convoi, en novembre 1943, Adrian et Geoffrey Phillips rencontrent leur frère aîné, Raymond, quelque part en Écosse semble-t-il. Ils ne sont pas vus depuis 1937, mais revenons à notre brève biographie de Adrian Phillips.
Ce gentilhomme peut, je répète peut, obtenir son diplôme de la Queen’s University, ou y reprend ses études, peut-être, en 1944.
Quoiqu’il en soit, Phillips rejoint la MRC après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1947 peut-être. Au plus tard en août 1954, il fait partie d’un escadron anti-sous-marin de la MRC qui passe une partie de son temps dans l’Atlantique Nord, à bord du porte-avions léger NCSM Magnificent.
En janvier 1957, Phillips fait partie des services techniques de la MRC. De fait, il est le contrôleur résident d’une usine de Scarborough, en Ontario, appartenant à John Inglis & Company qui produit, sous licence, un certain nombre de turbines à vapeur qui sont installées dans un certain nombre (13? 17? 19?) de destroyers d’escorte / escorteurs d’escadre de la MRC. Et oui, vous avez bien sûr raison, ami(e) lectrice ou lecteur, John Inglis est mentionnée dans un numéro de mars 2021 de notre blogue / bulletin / machin.
En 1959, Phillips est l’officier d’état-major du génie attaché au Commandant des divisions navales, comme le quartier général de la Réserve navale royale du Canada est apparemment connu à l’époque. Ce quartier général est situé au NCSM Patriot, une unité terrestre de la MRC située à Hamilton, Ontario.
Il semble que Phillips prend sa retraite entre juin 1960 et janvier 1961, ce qui peut expliquer pourquoi le Saucercraft est testé en février 1961.
Malheureusement, votre humble serviteur ne sait pas si Phillips est toujours parmi nous.
Prenez bien soin de vous, ami(e) lectrice ou lecteur.
L’auteur de ces lignes tient à remercier les personnes formidables qui ont fourni des informations. Le personnel des bibliothèques publiques est une aubaine pour les chercheurs de tous bords. Je m’incline avec gratitude devant ces bonnes âmes. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, bien sûr, pas de la leur.