« Un prophète n’est sans honneur que dans son pays. » – Le Hongro-Canadien Louis Gyory et le futur inaccompli de ses véhicules électriques et hybrides, partie 4
Croiriez-vous que nous sommes enfin arrivé(e)s au point de notre récit où nous rencontrerons le véhicule présenté au tout début de la 1ère partie de cet article, à savoir l’automobile hybride expérimentale sophistiquée / stylée à 6 roues complétée à l’automne 1979 par la firme américaine Briggs & Stratton Corporation de Milwaukee, Wisconsin, un des plus grands fabricants de petits moteurs à essence de la planète Terre, des moteurs utilisés sur des tondeuses à gazon, motoneiges, équipements industriels et autres applications?
Et oui, bonjour à vous aussi, ami(e) lectrice ou lecteur. Désolé.
Et non, ce véhicule n’est pas la première automobile hybride assemblée aux États-Unis vers cette époque. Il suffit de citer les General Motors XP-512H, XP-883 et Stir-Lec 1 de 1969 ou la General Motors / Buick Skylark transformée en hybride en 1973.
Remarquez, on peut aussi citer les deux autobus Van Hool / ACEC Électrobus achevés en Belgique en 1964, ou encore la voiture de sport japonaise Toyota Supōtsu 800 / Sports 800 transformée en hybride en 1977, une hybride propulsée par un moteur électrique et… une turbine à gaz, je ne plaisante pas, ou l’automobile familiale de taille moyenne italienne FIAT 131 transformée en hybride en 1979, mais revenons au prototype de Briggs & Stratton.
Un jeune couple posant en avant d’un magasin d’alimentation avec l’automobile hybride expérimentale achevée par Briggs & Stratton Corporation de Milwaukee, Wisconsin. Al Fleming, « 6-wheeler attracts the eye. » Wichita Beacon, 7 mars 1980, 4C.
Le coupé sport en question, apparemment connu sous le nom de Hybrid, est dévoilé en novembre 1979. Capable de transporter une famille typique (maman, papa, leurs 2 rejetons et 2 sacs d’épicerie), il peut atteindre une vitesse de près de 90 km/h (55 mi/h), ce qui signifie qu’il peut circuler sur une autoroute, 55 mi/h étant la limite de vitesse sur les autoroutes américaines à l’époque.
Ceci étant dit (tapé?), le nouveau prototype a besoin de près de 30 secondes pour atteindre cette vitesse de croisière sur autoroute, et ce avec ses moteurs à essence et électrique en marche. Votre humble serviteur imagine beaucoup de klaxonnage de la part d’usagers de l’autoroute en colère suivant notre coupé sport peu rapide.
Remarquez, le conducteur de la Hybrid doit composer avec les cliquetis du moteur électrique et / ou LE VACARME PRODUIT PAR, euh, désolé, le moteur à essence.
Incidemment, les moteurs à essence et électrique peuvent fonctionner individuellement ou ensemble. Le passage d’une combinaison à l’autre se fait manuellement, par le conducteur.
La recharge des 12 batteries plomb-acide prend environ 8 heures, en utilisant une prise ordinaire de 115 ou 120 volts.
Croiriez-vous que, en mode hybride, la création de Briggs & Stratton peut, aux dires de cette dernière, parcourir une distance d’environ 62 kilomètres avec un seul litre d’essence? En d’autres mots, elle consomme moins de 1.6 litre aux 100 kilomètres (environ 174 milles au gallon impérial / environ 145 milles au gallon américain). Wah! Si cela est vrai.
Les batteries rechargeables du véhicule lui permettent de parcourir une distance allant jusqu’à environ 95 kilomètres (environ 60 milles). En utilisant uniquement son moteur à essence, il peut parcourir une distance allant jusqu’à environ 450 kilomètres (environ 280 milles).
À vrai dire, le prototype de Briggs & Stratton est une Frankenauto. Son châssis est à toutes fins utiles celui d’une camionnette de livraison électrique Marathon C-360, modifié pour recevoir une douzaine de batteries. La transmission manuelle, la suspension avant, l’essieu arrière et le boîtier de direction sont celles et ceux d’une Ford Pinto. Le pare-brise est celui d’une automobile compacte bicorps ouest-allemande Volkswagen Scirocco, tandis que les portes latérales sont celles d’une automobile familiale compacte ouest-allemande Volkswagen Rabbit.
Incidemment, un des essieux arrières de la Hybrid est un élément structurel du bac à batterie. Il est prévu de le verrouiller et déverrouiller pour faciliter le retrait du dit bac. Le fait qu’un second bac n’a jamais été construit rend impossible la mise à l’épreuve de cette idée. Quoi qu’il en soit, cette disposition rend la conduite dans la boue ou neige quelque peu difficile, car le véhicule peut être resté coincé assez souvent.
Le fabricant de l’ordinateur de bord qui surveille diverses choses n’a pas encore été identifié. Désolé.
La carrosserie sur mesure en fibre de verre du véhicule et plusieurs de ses éléments internes sont réalisées par Brooks Stevens Incorporated, un carrossier américain bien connu surtout connu pour sa voiture de sport Excalibur, une exoticauto produite entre 1963 et 1997 basée sur la Mercedes-Benz Typ SSK, une légendaire voiture de sport allemande produite entre 1928 et 1932.
La conception et / ou construction du véhicule de Briggs & Stratton semblent commencer en 1977.
Ce prototype est exposé au San Francisco Auto Show, à… San Francisco, Californie, en novembre 1979, au Los Angeles Auto Show, à… Los Angeles, Californie, en janvier 1980, et au Design Engineering Show, à… Design, désolé, désolé, à Chicago, Illinois, en avril 1980. Il attire beaucoup d’attention dans les trois endroits.
Le véhicule est également présenté en avril 1980, lors d’un événement du Earth Day organisé à Washington, district de Columbia, par le United States Department of Energy.
À dire vrai, ce prototype visite quelques, voire plusieurs états américains en 1979-80. Il attire l’attention à chaque étape.
Une de ces escales, début avril 1980, se déroule au Jet Propulsion Laboratory de la National Aeronautics and Space Administration, à La Cañada Flintridge, Californie. Quelques ingénieurs impliqués dans un projet de développement de véhicules électriques hautement prioritaire du United States Department of Energy, dont le responsable des tests et de l’évaluation de ce projet, Theodore W. Price, veulent tester le prototype. Ils sont impressionnés.
Incidemment , au plus tard à la mi-avril 1980, le personnel de Briggs & Stratton modifie le moteur à essence et le système d’alimentation du prototype afin qu’il puisse brûler de l’alcool éthylique / éthanol 100 % pur plutôt que de l’essence.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, l’éthanol est en effet un carburant renouvelable, facilement disponible aux États-Unis, car il peut être distillé à partir de produits agricoles courants comme le maïs et le blé.
En juin 1980, alors qu’il conduit notre prototype finement réglé (et survolté?), un célèbre pilote automobile américain maintient une vitesse moyenne de 114.27 km/h (71.01 mi/h) sur une distance de 32.2 kilomètres (20 milles) sur le Pocono International Raceway, près de Long Pond, Pennsylvanie. John Sherman « Johnny / Lone Star JR » Rutherford, III, établit quelques records de vitesse américains officiels pour véhicules hybrides ce jour-là, notamment un record de vitesse de pointe de 115.14 km/h (71.55 mi/h).
Et non, je ne peux pas dire si le carburant utilisé ce jour-là est de l’éthanol ou de l’essence. Désolé.
Votre humble serviteur serait négligent si je ne soulignais pas que le prototype de Briggs & Stratton reçoit au fil des mois une couverture favorable dans des magazines américains bien connus comme AutoWeek, Car and Driver et Motor Trend.
À la fin de 1980, cependant, le chic prototype jaune est au placard. Voyez-vous, Briggs & Stratton n’avait jamais eu l’intention de produire cette voiture-concept de 250 000 $ ÉU construite expressément à des fins de démonstration et publicité, et ce dans l’espoir d’éveiller l’intérêt de constructeurs automobiles américains pour la production de leurs propres automobiles hybrides. Incidemment, cette somme correspond à plus de 1 300 000 $ en devises de 2024.
En fait, il semble que la firme américaine dépense également cette somme considérable pour faire la publicité du nouveau moteur à essence de son véhicule hybride, un moteur de conception désuète semble-t-il, destiné à être utilisé comme moteur à essence de futurs véhicules hybrides américains.
Si quelqu’un décidait toutefois de produire le prototype de Briggs & Stratton, la firme semble penser qu’un véhicule de production coûterait entre 7 000 et 10 000 $ ÉU, des sommes qui correspondent à entre environ 37 000 et 53 000 $ en devises de 2024.
Incidemment, une automobile américaine moyenne coûte environ 7 600 $ ÉU en 1980, somme qui correspond à environ 40 000 $ en 2024
Le prototype de Briggs & Stratton est exposé à un moment indéterminé, en 1988 peut-être, au Powerhouse Museum de Briggs & Stratton, situé dans ses locaux principaux.
Intrigué par ce véhicule, un animateur de télévision / auteur / collectionneur d’automobiles réputé / comédien américain mentionné dans un numéro de mars 2022 de notre péripatétique blogue / bulletin / machin, James Douglas Muir « Jay » Leno, demande à Briggs & Stratton s’il peut être rendu apte à rouler afin qu’il puisse le présenter, et le conduire, dans un épisode de la série télévisée américaine Jay Leno’s Garage. La firme accepte (avec enthousiasme?) cette demande. L’épisode en question, diffusé en mars 2020, peut être visionné à
En 2024, le prototype est toujours exposé au Powerhouse Museum, mais revenons à la firme au cœur de cet article.
Un projet auquel Marathon Electric Vehicles participe, bien qu’indirectement, en 1983, est lié à une transmission automatique pour automobile bon marché, légère, simple et profondément innovante développée par Hugh Kerr, ancien professeur de génie mécanique au Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Ontario, et fondateur de Ker-Train Systems Limited de Kingston.
Voyez-vous, le prototype de Kerr est monté sur une C-360 exploitée par Transports Canada dans le cadre d’un projet de recherche sur les véhicules électriques parrainé par le ministère de l’Industrie et du Commerce.
Le projet en question est-il celui mentionné dans la 3ème partie de cet article, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur attentive / attentif? Euh, cela peut bien être le cas. Bien joué. Je n’avais pas fait la connexion..
La transmission Kerr est-elle bonne, demandez-vous, encore? Eh bien, cette transmission permet à la C-360 d’atteindre une vitesse d’environ 48 km/h (environ 30 mi/h) dans le temps qu’il faut à une C-360 standard pour atteindre une vitesse d’environ 24 km/h (environ 15 mi/h).
Malheureusement, la technologie de Kerr n’est apparemment pas adoptée par les principaux constructeurs automobiles.
Il convient néanmoins de noter que Ker-Train Systems devient Ker-Train Research Incorporated à un moment donné. Elle est toujours en activité en 2024, à Kingston.
On ne peut cependant pas en dire autant de Marathon Electric Vehicles. Cette firme peut, je répète peut, faire faillite en 1983. Ses (derniers?) actifs sont vendus aux enchères fin juillet 1984. Marathon Electric Vehicles est officiellement dissoute fin août 1987.
Mais qu’en est-il de Gyory, me demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur inquiète / inquiet? Une bonne question, comme d’habitude.
Au plus tard en 1986, ce gentilhomme est propriétaire d’une ferme près de la frontière canado-américaine, à Elgin, Québec. Pour être plus précis, il élève une race bovine connue sous le nom de Simbrah, une race américaine de taille moyenne dérivée d’une race suisse, la Simmentaler Fleckvieh / Simmentaler / Fleckvieh, et d’une race américaine, la Brahman, elle-même dérivée de races bovines et de races d’une (sous-)espèce bovine sud-asiatique connue sous le nom de zébu.
Remarquez, Gyory peut avoir commencé sa carrière agricole comme éleveur de poulets, un métier qu’il peut avoir conservé lorsque sa carrière d’éleveur de bovins commence.
Tout cela est très bien, affirmez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, mais comment Gyory en est-il venu à croire que son avenir résidait dans des bovins Simbrah? Une autre bonne question. Même si Gyory passe plusieurs hivers en Floride à visiter des fermes et assister à des enchères, sa grande percée vient grâce à une année passée au Texas, l’état américain où le nombre de Simbrah augmente le plus rapidement.
À son retour au Québec, Gyory décide d’acheter un troupeau et de l’amener au Canada. De fait, il est la première personne au Québec à posséder et élever des Simbrah. L’arrivée de ce troupeau au Québec, et au Canada, n’est toutefois pas chose facile. Il y a beaucoup de paperasse à gérer, ce qui n’est jamais une partie de plaisir.
Les 15 génisses Simmentaler de Gyory arrivent à Elgin au printemps 1986. Toutes avaient été inséminées artificiellement avant de faire le voyage. Huit d’entre elles donnent naissance en décembre, ce qui semble être un bon résultat statistique.
Remarquez, en février 1986, je pense, Gyory importe aussi une vache Simmentaler, Singletree MS Signal, et sa velle de 3 mois, sa première Simbrah, qu’il appelle ludiquement Zsa Zsa, probablement en l’honneur de la célèbre actrice / mondaine hongro-américaine Zsa Zsa Gabor, née Gábor Sári.
Le père de cette velle n’est autre que CR Honcho 294L, très probablement le taureau Simbrah le plus précieux de la planète Terre. Croiriez-vous que cette beauté bovine floridienne d’environ 1 600 kilos (environ 3 500 livres) vaut prétendument 2 000 000 $ ÉU, une somme qui correspond à plus de 7 950 000 $ en devises de 2024? Wah!
Zsa Zsa attire l’attention de quelques éleveurs de bovins en août 1987. Un d’eux achète une part de 10 % de cette génisse pour la maigre somme de 10 000 $, une somme qui correspond à environ 23 400 $ en devises de 2024.
Malheureusement, votre humble serviteur n’a pas pu découvrir ce qui est arrivé à Zsa Zsa après août 1987. Ceci étant dit (tapé?), une vache portant ce nom acquiert par la suite une grande renommée. Le hic, c’est que de nombreuses vaches Simbrah portent ce nom.
A ce qu’il semble, les efforts de Gyory pour élever du bétail ne sont pas couronnés de succès. Voyez-vous, à la fin des années 1980, il est un importateur de vin hongrois vivant en Caroline du Sud.
Sa conjointe québécoise ayant exprimé le désir de se rapprocher de sa famille, le couple déménage à Noyan, Québec, près de la frontière canado-américaine, en 1994. Gyory aurait cédé sa propriété de Caroline du Sud à un parent (fils?) en échange d’une somme d’argent symbolique.
Gyory et sa conjointe déménagent à Lacolle, Québec, une autre petite municipalité située près de la frontière canado-américaine, en 2003.
Et oui, au cours des années 1990 et au début des années 2000, l’idée de développer un véhicule abordable mais performant qui ne consomme pas beaucoup d’essence lui est restée.
Louis Gyory montrant le coffre de son automobile compacte Dodge Neon verte et la douzaine de batteries plomb-acide de 6 volts qu’il y avait placées pour transformer ce véhicule en prototype d’automobile hybride, Lacolle, Québec. Johanne Latour, « Louis Gyory conçoit des véhicules hybrides dans son garage! » Le Canada Français, 19 janvier 2005, A-1.
Au milieu de l’année 2004, Gyory transforme une automobile compacte Dodge Neon verte en véhicule hybride en installant dans son coffre une douzaine de batteries plomb-acide de type marin de 6 volts, avec l’aide d’un système de suspension indépendant. Pour recharger ces batteries, il n’a qu’à brancher la Neon sur une prise de courant ordinaire de 120 volts.
Le fier inventeur prétend que son véhicule américain modifié peut parcourir une distance allant jusqu’à environ 725 kilomètres (environ 450 milles) sans faire le plein – ou recharger ses batteries. Il peut supposément parcourir une distance d’environ 80 000 kilomètres (50 000 milles) avant que ses batteries n’aient besoin d’être remplacées.
Louis Gyory et son prototype incomplet de véhicule utilitaire hybride, Lacolle, Québec. Johanne Latour, « Louis Gyory conçoit des véhicules hybrides dans son garage! » Le Canada Français, 19 janvier 2005, A-30.
Alors que 2004 se transforme en 2005, Gyory travaille sur un véhicule hybride utilitaire qu’il espère terminer au plus tard au début de 2006. Ce prototype ne devrait pas consommer plus de 5.7 litres d’essence aux 100 kilomètres (environ 50 milles au gallon impérial / environ 41.5 milles au gallon américain). Gyory espère qu’une version de production de ce véhicule se vendrait à environ 16 000 $, une somme qui correspond à environ 24 500 $ en devises de 2024.
Pour minimiser les coûts, Gyory évite d’utiliser le moteur à essence ou les freins de son prototype pour recharger ses batteries rechargeables. Il reste également bien à l’écart des systèmes informatiques.
Incidemment, je resterais moi aussi bien à l’écart des ordinateurs si je le pouvais. Je n’aime ni ne fait confiance à pas ces machins et je crains que ce soit réciproque. Enfin, passons à autre chose mais pas, je l’espère, vers le jour où les intelligences artificielles prendront conscience d’elles-mêmes et anéantiront notre espèce. (Bonjour, Skynet! Bonjour, Terminator!)
La firme dont Gyory espère qu’elle achèterait les droits sur son concept pourrait vouloir exporter le dit concept vers des endroits comme la Chine et l’Europe de l’Est, des endroits où l’essence est chère et où les conducteurs et conductrices ne pensent pas beaucoup aux vitres électriques et à la climatisation.
Malheureusement, le prototype en question n’est jamais mis en production. De fait, votre humble serviteur ne sait même pas s’il est terminé. Je doute que ce soit le cas. Voyez-vous, Gyory quitte cette Terre fin mars 2006, à Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec. Il avait 80 ans.
Ainsi se termine notre quête pour découvrir l’histoire des véhicules électriques et hybrides de Gyory. J’ose espérer que vous avez apprécié le voyage.
L’auteur de ces lignes tient à remercier les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.