Elle n’a peut-être pas changé l’histoire mais aurait certainement changé la géographie : Un bref mais effrayant coup d’œil sur les fusées à courte portée sol-sol non guidées Douglas M31 et M50 / MGR-1 Honest John, partie 1
Si je peux me permettre de citer la princesse Irulan Corrino, fille aînée du 81ème empereur Padishah Shaddam Corrino IV, un commencement est un moment d’une délicatesse extrême. C’en un complexe aussi. En effet, savez-vous quand la Guerre froide commence, ami(e) lectrice ou lecteur érudit(e)? Et bien, le savez-vous?
Et oui, ce n’est là qu’une des nombreuses questions auxquelles tout musée travaillant sur un projet d’exposition sur la Guerre froide pourrait envisager de se pencher.
Et oui, vous avez tout à fait raison, ami(e) lectrice ou lecteur. Notre princesse, un personnage mineur de Dune, un film de science-fiction plutôt décevant de 1984, est en effet mentionnée dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis octobre 2017, mais revenons à notre histoire.
Supposons, une hypothèse non contraignante bien sûr, que la Guerre froide commence en 1947, en mars, lorsque le président américain Harry S. Truman expose une politique étrangère connue sous le nom de doctrine Truman, une doctrine dont le but principal est de contenir le menace posée par l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). Selon Truman, en traduction, « ce doit être la politique des États-Unis de soutenir les peuples libres qui résistent aux tentatives d’assujettissement par des minorités armées ou par des pressions extérieures. » Les États-Unis doivent « aider les peuples libres à déterminer leur propre destin à leur manière. » Cette assistance « devrait se faire principalement par le biais d’une aide économique et financière qui est essentielle à la stabilité économique et aux processus politiques ordonnés. »
Et oui, il existe d’étranges similitudes entre la déclaration de Truman et celles faites en 2022 par le président américain Joseph Robinette « Joe » Biden Junior, déclarations dont le but principal est de contenir la menace posée par la fédération de Russie. Les tigres et léopards ne peuvent pas changer leurs rayures ou taches, dit-on, et les ours, semble-t-il, ne peuvent pas perdre leurs griffes.
L’objectif immédiat de Truman en mars 1947 est de convaincre le United States Congress d’adopter un projet de loi qui lui permettrait de soutenir et aider les gouvernements de la Turquie et, plus encore, de la Grèce. Ses efforts s’avèrent fructueux.
Si je peux être fort audacieux, l’utilisation par Truman de l’expression peuples libres est un peu ironique, voire carrément trompeuse.
Voyez-vous, même si la république de Turquie est proclamée en octobre 1923, le peuple de ce pays n’a pas encore voté lors d’une élection libre et démocratique en mars 1947. Cela ne se produit qu’en mai 1950 et oui, le parti au pouvoir depuis 1923 subit une défaite humiliante.
Le royaume de Grèce, quant à lui, a un gouvernement répressif à droite du centre impliqué dans une guerre civile meurtrière depuis 1946, une guerre causée en grande partie par sa marginalisation et persécution d’anciens membres de la Ethnikó Apeleftherotikó Métopo à gauche du centre, le plus important mouvement de résistance grec entre 1941 et 1945, période sombre durant laquelle la Grèce est occupée par l’Allemagne nationale-socialiste, l’Italie fasciste et une Bulgarie de droite opportuniste.
La guerre civile grecque se termine à l’automne 1949 avec une victoire du gouvernement à droite du centre soutenu par les États-Unis et la défaite / interdiction du Kommounistikó Kómma Elládas, le parti communiste grec. Sans surprise, des partis politiques à droite du centre continuent à gouverner la Grèce à la suite des élections de mars 1950, mais revenons à notre sujet de la semaine.
Partant de notre hypothèse non contraignante selon laquelle la Guerre froide commence en 1947, votre humble serviteur tient à souligner que le dit conflit commence il y a 75 ans, un anniversaire qui mérite d’être rappelé, l’année en cours étant bien sûr 2022. Selon le calendrier grégorien, cela est.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, vous avez tout à fait raison. Un des îlots thématiques de l’incomparable Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, est consacré à la Guerre froide. Cette zone du musée regorge d’aéronefs, comme vous pouvez l’imaginer. Remarquez, un des gros objets exposés sur l’îlot de la Guerre froide est un missile guidé anti-aérien à tête nucléaire Boeing F-99 / IM-99 / CIM-10 Bomarc.
Pas de panique, ami(e) lectrice ou lecteur! Le Bomarc en question n’a plus sa tête nucléaire, une tête dont la puissance est une similaire à la moitié de celle des bombes nucléaires larguées sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki en août 1945.
On pourrait soutenir qu’un aspect de l’effort de réarmement lancé au cours des années 1950 par le gouvernement canadien à la suite du début de l’action de police en Corée, comme le gouvernement américain appelle initialement la guerre de Corée, un événement clé dans l’histoire de la Guerre froide, aurait peut-être, je répète peut-être, mérité d’être inclus dans la collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
Afin de mieux comprendre l’aspect en question de cet effort de réarmement, qui consiste en l’acquisition d’un matériel particulier, un regard sur la façon dont le dit matériel voit le jour pourrait être une bonne idée. D’ailleurs, vous attendiez-vous vraiment à ce que je laisse passer une occasion de pontifier? Honnêtement?
La saga de la… Honest John commence en mai 1950 lorsque le United States Army Ordnance Corps, la branche de la United States Army chargée de fournir à ce service des armes et munitions, prend une décision. Il ordonne à son centre de recherche et développement de fusées, le Redstone Arsenal, de mener une étude de conception préliminaire pour une grosse fusée de bombardement non guidée. En août, le United States Army Ordnance Corps reçoit lui-même l’ordre de mener un programme de lancement limité pour enquêter sur les performances d’une telle fusée.
Compte tenu des travaux sur les missiles guidés déjà menés au Redstone Arsenal, le développement d’une fusée de bombardement non guidée et à relativement courte portée devrait s’avérer relativement facile, pense-t-on.
Le début de la guerre de Corée, en juin 1950, change la donne. Les travaux de conception préliminaires de la fusée de bombardement, alors connue sous le nom de Large Caliber Field Rocket, ou fusée de campagne de gros calibre, commencent à l’automne 1950, en tant que projet hautement prioritaire. Afin d’économiser temps et argent, quelqu’un d’important ordonne que des items disponibles / en rayon soient utilisés autant que possible.
En octobre 1950, les études de conception initiales de l’arme sont terminées. Les travaux sur un quintet de prototypes de validation de principe commencent le même mois. Ce même octobre 1950, une avionnerie américaine bien connue et respectée mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis juillet 2018, Douglas Aircraft Company Incorporated, se joint au projet à titre de chercheuse.
La fusée est officiellement baptisée Honest John en décembre 1950 et…
Je vois une main percer l’éther. Avez-vous une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Pourquoi la fusée dont l’histoire est au cœur de ce numéro de notre blogue / bulletin / machin est-elle appelée, entre toutes choses, la Honest John? Après tout, ce n’est pas le genre d’appellation qui coulerait des pages des livres d’histoire, à condition que de tels livres soient effectivement écrits si une troisième guerre mondiale devait avoir lieu.
Et bien, selon une histoire, le nom résulte d’un court voyage à l’heure du dîner, vers une ville mexicaine voisine, effectué par un petit groupe d’ingénieurs de la United States Army qui travaillent sur la fusée de bombardement encore sans nom. Sur le chemin du restaurant, les ingénieurs s’arrêtent dans une boutique de cadeaux nommée, vous l’aurez deviné, Honest John. Alors qu’ils mangent leur nourriture et, peut-être, boivent leurs bières, les ingénieurs se demandent quel nom serait approprié pour leur nouvelle arme. À moitié en plaisantant peut-être, un d’eux lâche les mots Honest John. Il y a beaucoup d’hilarité mais, à la fin, assez remarquablement, les grosses légumes de la United States Army ne sont pas contre. Le nom est resté.
Remarquez, selon une autre histoire, un officier de la United States Army étroitement associé au développement de la fusée rencontre un gentilhomme du Texas lors d’un voyage vers ce qui est alors le White Sands Proving Ground de la United States Army, au Nouveau-Mexique. Il se trouve que ce civil a tendance à faire des déclarations incroyables. Cependant, chaque fois que sa véracité est remise en question, ce gentilhomme déclare fermement que, là où il vit, il est connu sous le nom de Honest John, ou Honnête Jean. Le colonel Holger Nelson Toftoy est aux anges. Bien conscient que les soldats inventent généralement leurs propres surnoms désobligeants / élogieux s’ils n’aiment pas le nom ou désignation officielle d’une arme, il pense qu’un nom accrocheur et facile à retenir comme Honest John serait populaire. Il y a beaucoup d’hilarité lorsque Toftoy soumet son idée mais, à la fin, assez remarquablement, encore une fois, le nom est resté.
Les deux histoires sont plutôt cool.
Une petite digression si je peux me permettre. John Worthington « Grand Coquin » Foulfellow, en anglais « Honest John, » est un escroc, un renard roux en fait, qui, dans la fantaisie musicale animée américaine de 1940 Pinocchio, escroque le crédule personnage principal éponyme. Incidemment, le renard ignoble mentionné dans Le avventure di Pinocchio. Storia di un burattino, une histoire publiée sous forme de livre en 1883 par un auteur, humoriste et journaliste italien, Carlo Lorenzini, plus connu sous le pseudonyme de Carlo Collodi, n’a pas de nom. Il n’est qu’un renard.
Douglas Aircraft signe apparemment un contrat de production formel en janvier 1951, un contrat soumis au succès ou échec des tirs d’essai des prototypes de validation de principe de la fusée de bombardement. Ces tirs d’essai ont eu lieu en juin, juillet et août 1951. Ils se déroulent sans encombre. Bien que non guidée, la Honest John est vraiment assez précise. L’équipe conjointe United States Army Ordnance Corps / Douglas Aircraft a toutes les raisons d’être satisfaite. Elle a conçu, fabriqué et testé une grosse fusée en moins de 9 mois.
Bien qu’imparfaite, la Honest John semble si prometteuse que le développement à grande échelle reçoit le feu vert avant le cinquième et dernier tir d’essai, au début d’août 1951. De fait, le United States Secretary of the Army, Frank Pace, Junior, ordonne que le dit développement reçoive une très haute priorité. Le déploiement de la nouvelle arme sur le théâtre d’opération coréen est peut-être, je répète peut-être, envisagé à l’époque.
Les jugements de Dieu sont insondables, dit-on, et ses voies incompréhensibles – tout comme celles et ceux du United States Department of the Army en 1951. Voyez-vous, la United States Army n’envoie apparemment pas la spécification détaillée requise de la Honest John au United States Army Ordnance Corps avant février 1952. Pis encore, la dite spécification n’est officiellement approuvée qu’environ un an plus tard.
Malgré ces retards déroutants, Douglas Aircraft signe un contrat d’ingénierie de production ainsi qu’un contrat de production limitée en juin 1952. À ce qu’il semble, le Redstone Arsenal tente de convaincre le United States Army Ordnance Corps que la production de masse du Honest John doit commencer dès que possible, en faisant appel à plus d’un entrepreneur principal. Cet effort échoue. La fusée n’est pas encore suffisamment développée pour saisir cette chance, dit-on. En conséquence, Douglas Aircraft est invitée, à la fin de 1952, semble-t-il, à livrer un nombre limité de fusées qui doivent être utilisées dans des tirs d’essai de précision spéciaux. Achevés en juin 1953, ces tests montrent que la Honest John est prête pour la production de masse. Les tests d’acceptation officiels organisés en septembre confirment cette conclusion.
Douglas Aircraft livre la première Honest John de série à la United States Army en janvier 1954. Cette fusée, la première arme nucléaire utilisée sur le terrain par la United States Army, est déployée au printemps de cette année. Des essais simulés sur le terrain montrent toutefois que la Honest John a besoin de quelques ajustements sérieux pour être pleinement satisfaisante.
Pour accélérer les livraisons, un fabricant américain respecté d’appareils électriques, Emerson Electric Manufacturing Company, devient le second maître d’œuvre de la Honest John en janvier 1954. Et oui, Douglas Aircraft s’est efforcée d’empêcher un tel fractionnement des commandes de production de la Honest John, jusqu’à ce que la United States Army lui ordonne de laisser tomber, en fait.
Croiriez-vous que l’introduction au service de la Honest John n’est en aucun cas une fatalité? Nenni, elle ne l’est pas. Voyez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, une fusée n’est aussi bonne que la plate-forme à partir de laquelle elle est lancée. Le développement de cette plate-forme n’a pas encore commencé lorsque les prototypes de validation de principe de cette fusée commencent à être lancés. Des éléments influents au sein de la United States Army veulent que cette plate-forme soit autopropulsée. Le hic avec cette demande parfaitement raisonnable est que la fusée quelque peu fragile ne peut pas voyager lorsqu’elle est entièrement assemblée. La fixation de la tête et du quatuor d’ailettes stabilisatrices prendrait environ une heure et nécessiterait quelques véhicules pour transporter et déplacer les dites ailettes et tête.
D’autres éléments influents au sein de la United States Army, sans parler du United States Army Ordnance Corps, veulent utiliser une plate-forme de lancement montée sur une remorque, une approche plus simple et moins chère qui facilite également le tir rapide. Des fusées peuvent en effet être assemblées sur leurs camions et déplacées assez rapidement vers la plate-forme de lancement. Une paire de concepts parfaitement réalisables a été achevée et testée lorsque cette approche est abandonnée, en mai 1953.
À ce moment-là, le prototype d’un lanceur monté sur camion est en cours de test depuis environ 6 mois. Treadwell Construction Company a fait du bon travail. Cette entreprise américaine relativement petite (et aucune autre??) livre ensuite d’innombrables lanceurs montés sur camion à la United States Army – et à d’autres armées alliées.
Remarquez, un lanceur léger connu sous le nom de M33 Chopper John, si, si, Chopper John, pas Trapper John, est introduit vers 1958. Le plus gros hélicoptère occidental de l’époque, le Sikorsky H-37 Mojave de la United States Army, peut soulever une Honest John sur son Chopper John sans aucune difficulté.
John « Trapper John » McIntyre, si vous ne le savez pas, compte parmi les personnages principaux de M*A*S*H, un film antimilitariste américain à succès sorti en salles en 1970 et une série télévisée antimilitariste américaine à succès en ondes entre 1972 et 1983.
Même avant l’entrée en service de la Honest John, certaines / plusieurs personnes au sein de la United States Army suggèrent que des versions à plus courte et plus longue portée soient développées. Douglas commence à travailler sur cette dernière, connue sous le nom de Honest John Senior, en 1953 mais le projet est abandonné fin 1954. La Honest John Junior, quant à elle, est mise en production sous le nom de Emerson Electric M51 Little John. Destinée à être utilisée par les unités aéroportées de la United States Army, cette fusée à courte portée sol-sol non guidée à tête nucléaire développée par le Redstone Arsenal entre en service en 1961.
Au moment où la production de la Honest John prend fin, en 1965, près de 14 900 de ces fusées ont été produites. Le nombre de têtes nucléaires produites au cours de cette même période est inconnu.
Vous serez peut-être ravi(e), ou pas, d’apprendre que, à l’époque, les gens de la United States Army sont d’avis que la Honest John est l’arme nucléaire la plus facile à utiliser.
Les années 1950 sont une période étrange, une époque de conformité d’une part et une époque de grands changements d’autre part. Les armes nucléaires doivent être utilisées à toutes les sauces, pour la défense aérienne, sur les champs de bataille, en mer contre les sous-marins, et…
Vous ne pouvez pas croire que les armes nucléaires doivent être utilisées à toutes les sauces, n’est-ce pas? Soupir. Croiriez-vous que la United States Army commence à utiliser un canon atomique dès 1953-54, à ce qu’il semble? Je ne plaisante pas. Le canon M65, familièrement connu sous le nom de Atomic Annie, tire un obus d’un diamètre de de 280 millimètres (11 pouces) ayant une puissance similaire à celle des bombes nucléaires larguées sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki. Bon nombre des quelque 20 M65 produits servent en Allemagne de l’Ouest, Corée du Sud et Japon. Un seul de ces géants peu maniables tire en fait un obus atomique. Cet essai sur le terrain a lieu en mai 1953, au Nevada.
Pour ne pas être en reste, bien sûr, le gouvernement de l’URSS ordonne à la fin de 1955 que des pièces d’artillerie atomique soviétiques soient développées, des plus grosses, bien sûr. Le premier d’un quatuor de canons autopropulsés 2A3 Capacitor de 406 millimètres (16 pouces) et le premier d’un quatuor de mortiers autopropulsés 2B1 Oka de 420 millimètres (16.5 pouces) touchent le sol en 1957. Ils ne sont pas réussis et aucun de ces véhicules lourds et volumineux ne tire jamais tiré un obus atomique.
Et non, nous n’avons pas le temps de nous pencher sur l’histoire du M28 / M29 Davy Crockett, un canon sans recul américain dont le projectile est parfois officieusement connu, en traduction, sous le nom de melon d’eau atomique. Je ne plaisante pas, mais revenons à la Honest John. D’accord, d’accord, je pourrais daigner envisager la possibilité d’écrire un texte sur ce fruit nucléaire à un moment donné dans le futur.
Compte tenu de son rôle sur le champ de bataille, la Honest John doit être mobile. Comme cela est dit (tapé?) auparavant, chaque fusée est tirée depuis une rampe montée sur un camion lourd. Une grue montée sur un autre camion est utilisée pour transférer le corps de la fusée de son camion transporteur. Un camion plus petit transporte la tête nucléaire ou non nucléaire de chaque fusée. Le quatuor d’ailettes stabilisatrices est fixé au corps de la fusée avant le tir bien sûr.
Et oui, comme le célèbre personnage de la bande dessinée Peanuts Linus van Pelt, votre Honest John typique est rarement vue sans sa couverture. Pas une couverture de sécurité, remarquez, nenni. Une chauffante. Voyez-vous, si je peux me permettre de paraphraser une citation de Star Trek : La Nouvelle Génération, en traduction, pour fonctionner dans les paramètres établis, notre Honest John typique doit être maintenue à une confortable température d’environ 25° Celsius (environ 77° Fahrenheit). Une fois la fusée sur sa rampe, l’équipage enveloppe amoureusement son pétard atomique dans sa couverture chauffante. Remarquez, cette couverture empêche également la fusée de surchauffer dans des conditions ensoleillées ou chaudes.
À ce qu’il semble, pointer une Honest John dans la direction et à l’angle qui garantit qu’elle percuterait là où elle est censée le faire est initialement fait à la main, vraisemblablement à l’aide d’une carte et boussole. Et non, ami(e) lectrice ou lecteur facétieuse / facétieux, je doute qu’un doigt mouillé soit utilisé pour déterminer la direction du vent.
Bien consciente que les équipages maniant ses canons, obusiers et fusées de bombardement ont besoin d’aide, la United States Army finance le développement d’un ordinateur léger (environ 90 kilogrammes (200 livres)), le M18, également connu sous le nom de Field Artillery Digital Automatic Computer (FADAC), ou ordinateur automatique numérique d’artillerie de campagne, pour effectuer les calculs nécessaires. Mis en service en 1960 par la United States Army, mais éventuellement aussi mis en service par des pays alliés, le FADAC est le premier ordinateur d’artillerie de campagne numérique à semi-conducteurs au monde. Imaginez seulement! En utilisant ce bidule haut de gamme, on peut effectuer 12 800 additions par seconde, ou 12 800 soustractions ou 750 multiplications ou 375 divisions. Stupéfiant, n’est-ce pas?
Remarquez, la cafetière dans votre cuisine est probablement plus intelligente que le dit bidule.
Et oui, de la peinture au radium est utilisée pour rendre les cadrans du FADAC visibles la nuit. Par conséquent, cet ordinateur est considéré comme un déchet dangereux lors de sa mise hors service. Tous les exemplaires sauf un de cette machine pionnière sont apparemment fracassés en mille morceaux.
Comme vous l’avez peut-être deviné, comme vous auriez dû le deviner en fait, ami(e) lectrice ou lecteur, l’absence d’un système de guidage de quelque type que ce soit signifie que la force et direction du vent peuvent sérieusement affecter la précision de la Honest John. En conséquence, il semble que chaque batterie peut compter sur les services d’une petite équipe météorologique dédiée.
À première vue, deux types différents de têtes nucléaires peuvent être utilisés avec les deux modèles différents de Honest John mis en production. La puissance maximale de la première est légèrement supérieure à celle des bombes nucléaires larguées sur Hiroshima et Nagasaki. La puissance maximale de la seconde est deux fois plus élevée.
Si un ou plus d’un type de tête non nucléaire / à explosifs brisants est disponible, elles ne sont pas, et de loin, celles privilégiées par la United States Army.
Il y a, bien sûr, une tête inerte utilisée pour l’entraînement.
Croiriez-vous par ailleurs que des têtes bourrées de tracts de propagande semblent être mises au point? Je ne plaisante pas. Les dites têtes ne semblent toutefois pas être largement utilisées, de peur de provoquer une riposte (thermo)nucléaire peut-être.
Remarquez, une tête spéciale transportant plus de 350 bombettes remplis à ras bords avec un produit chimique vicieusement toxique connu sous le nom de GB est développée à un certain moment (années 1960?). Adopté par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) au début (?) des années 1950 comme une de ses armes chimiques standard, le GB est également connu sous le nom de Sarin. Ce liquide incolore et inodore est développé à la fin des années 1930, dans l’Allemagne nationale-socialiste. Les États-Unis et l’URSS trouvent tous deux la recette de ce breuvage du diable après la fin de la Seconde Guerre mondiale et commencent à cuisiner avec joie.
Et oui, la portée maximale des deux modèles différents de Honest John tourne autour d’un peu plus de 25 et environ 50 kilomètres (15 et 30 miles). Mieux encore, la variante M50 de cette fusée est beaucoup plus précise que la précédente variante M31, une amélioration quelque peu académique, oserait-on dire (taper?) inutile, compte tenu de la puissance destructrice d’une tête nucléaire. Vous sentez-vous en sécurité, ami(e) lectrice ou lecteur?
Soit dit en passant, la désignation MGR-1 mentionnée dans le titre de cet article remplace les désignations M31 et M50 en 1963.
Et oui encore une fois, l’OTAN prévoit d’utiliser ces armes de destruction massive pour arrêter une invasion soviétique de l’Europe occidentale, via l’Allemagne de l’Est puis de l’Ouest, des régions du globe où tout caillou jeté par-dessus une colline est susceptible de briser une fenêtre d’une maison.
Remarquez, les forces terrestres / armée de l’URSS, en d’autres mots les Sukhopútnye Voyskayá Soïouz Sovietskikh Sotsialistitcheskikh Riespoublik, ont leurs propres fusées de bombardement non guidées à tête nucléaire. La première de ces armes, la 3R1, entre apparemment en service vers 1958. La 3R10 à plus longue portée et beaucoup plus courante entre en service en 1960. La fusée de bombardement 3R9 contemporaine, bien qu’à plus longue portée, est une arme similaire équipée d’une tête à explosifs brisants plus légère. Des fusées de bombardement à plus longue portée entrent en service en 1964. Ces 3R11 et 9M21 peuvent être équipés d’une variété de têtes, nucléaires ou non nucléaires.
Compte tenu de l’infériorité numérique des forces déployées par l’OTAN dans les années 1950, les appels à l’introduction d’armes de destruction massive dans l’arsenal des unités des armées de l’alliance deviennent de plus en plus forts au fil du temps. C’est ainsi que des unités de la United States Army basées en Allemagne de l’Ouest commencent à aligner des Honest John en 1955.
Des armes de ce type arrivent au Japon au cours de la même année. Comme vous pouvez bien l’imaginer, la présence possible / probable d’armes nucléaires américaines sur le sol japonais exaspère un très grand nombre de personnes. Cette exaspération change-t-elle quelque chose, pensez-vous?
Même si de nombreuses Allemandes et Allemands de l’Ouest soupçonnent que des têtes nucléaires sont stockées dans leur pays dès 1955, cette nouvelle quelque peu importante n’est rendue publique, par la United States Army, qu’en mars 1957. La présence de ces têtes sur le sol ouest-allemand exaspère un grand nombre de personnes. Cette exaspération change-t-elle quelque chose, pensez-vous?
La United States Army fait un tir d’essai de Honest John en Allemagne de l’Ouest en mai 1955. Cette fusée transporte une tête non nucléaire, bien sûr.
En mars et avril 1957, le chef militaire de l’OTAN, ou Supreme Commander Europe, le général Lauris Norstad de la United States Air Force, et le Conseil de l’Atlantique Nord, le principal organe décisionnel de l’alliance, annoncent que les forces armées de certains pays membres de l’alliance seraient équipés de Honest John fournies gratuitement dans le cadre du programme américain d’assistance mutuelle en matière de défense. Ces fusées de bombardement seraient cependant livrées sans leurs têtes nucléaires, en raison d’une législation américaine, le Atomic Energy Act, qui n’autorise pas l’utilisation d’armes nucléaires américaines par des pays alliés.
Les têtes des Honest John exploitées par les pays de l’OTAN resteraient par conséquent sous la garde de la United States Army, je pense, tant qu’un état de paix et sérénité demeurerait en vigueur entre les États-Unis et ses alliés de l’OTAN et l’URSS et les autres pays signataires du traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle de mai 1955. En temps de crise, cependant, les dites têtes quitteraient leurs bunkers fortement défendus, se trouvant dans des endroits secrets, afin d’être livrées à leurs utilisateurs prévus.
Fait intéressant, en mai 1957, le Comité militaire de l’OTAN, le principal organe consultatif militaire de l’alliance, publie un document de stratégie de représailles massives. Toute attaque nucléaire ou non nucléaire contre un membre de l’alliance, déclare-t-il, entraînerait une réponse (thermo)nucléaire massive.
La liste des membres de l’OTAN qui finissent par utiliser les Honest John offertes par le gouvernement américain est assez impressionnante : Allemagne de l’Ouest, Belgique, Danemark, France, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Turquie. Il convient de noter que les fusées exploitées par les forces armées du Danemark et de la Norvège sont destinées à être utilisées avec des têtes non nucléaires.
À ce qu’il semble, les forces armées ouest-allemandes sont les premières forces armées d’Europe occidentale à être bénies par la présence de fusées Honest John, au printemps 1959. Les dites fusées sont initialement destinées à être utilisées avec des têtes non nucléaires.
D’autres pays alliés aux États-Unis reçoivent des Honest John à un moment donné, à savoir la Corée du Sud et Taïwan. Il convient à nouveau de noter que les fusées exploitées par les forces armées de ces pays sont destinées à être utilisées avec des têtes non nucléaires.
À ce qu’il semble, les forces armées de la Grèce, de la Corée du Sud et de la Turquie déploient des Honest John équipés de têtes non nucléaires jusque dans les années 1990.
Je vois une main percer l’éther. Avez-vous une question, ami(e) lectrice ou lecteur? L’Armée canadienne est-elle un des récipiendaires des Honest John sans tête offertes par le gouvernement américain à partir de 1957? Une bonne question. La réponse à cette question est non, mais il y a plus à cette histoire. Ceci étant dit (tapé?), vous devrez attendre la semaine prochaine pour lire la dite histoire.
À plus.