Désolé, mais non, les frères Wright n’ont pas vraiment inventé l’avion : Un survol bien trop rapide des machines volantes motorisées pilotées plus lourdes que l’air fabriquées et / ou testées avant le 17 décembre 1903, partie 3
Salutations, ami(e) lectrice ou lecteur, et bienvenue dans notre trop bref survol du vol motorisé et piloté avant les frères Wright.
C’est avec tristesse que je débute ce troisième volet de notre saga. Voyez-vous, l’histoire que nous allons examiner ne se termine pas bien.
Percy Sinclair Pilcher (1867-99) est un ingénieur / chargé de cours universitaire anglais qui complète un triplan propulsé par un moteur à essence à la fin de l’été 1899. La conception de cet aéroplane est basée sur l’expérience dérivée d’une série de 4 planeurs très basiques assemblés quelque part à Glasgow, Écosse, je pense, avec l’aide de sa sœur aînée, Ella Sophia Gertrude Pilcher, et testés en 1895-96.
De fait, croiriez-vous que la dite sœur est la première femme au Royaume-Uni, voire au monde, à piloter une machine volante plus lourde que l’air?
Les espoirs de Pilcher de tester son triplan pour la première fois, le 30 septembre 1899, près de Stanford on Avon, Angleterre, près de Coventry, devant un petit groupe de commanditaires potentiels, sont anéantis lorsqu’un composant essentiel du moteur se brise, probablement lors d’une sorte d’essai au sol. Ne voulant pas décevoir ses invités, il décide de piloter son meilleur planeur, et ce, même si le temps est à la fois pluvieux et venteux. Tragiquement, un composant vital du Hawk détrempé se brise peu après le décollage. Pilcher est grièvement blessé dans l’accident qui suit. Il décède deux jours plus tard. Pilcher n’a alors que 32 ans.
James W. Clark (1862-1947) est un horloger / inventeur / réparateur de bicyclettes américain qui complète un ornithoptère à essence avec 2 paires d’ailes montées en tandem, à Bridgewater, Pennsylvanie, en 1900. Fait intéressant, les ailes de cette machine volante sont apparemment recouverts de plumes de dinde.
Les premières tentatives de décollage de Clark se soldent par un accident. L’ornithoptère est reconstruit mais s’écrase une seconde fois. Clark reconstruit de nouveau sa machine volante mais décide de la mettre de côté en 1903-04, peut-être après avoir entendu parler des vols des frères Wright. Cette machine volante n’a jamais volé.
Mis de côté dans une remise, l’ornithoptère Clark est pratiquement oublié. Un collectionneur dévoué de livres, photographies et souvenirs liés à l’aviation, Larry D. Lewis, président de Charles C. Lewis Steel Company, entend éventuellement parler de la vieille machine volante. Il l’acquiert en 1976.
La Charles C. Lewis Foundation prête l’ornithoptère au Owl’s Head Transportation Museum, près de Owl’s Head, Maine, en novembre 1993. Cette institution muséale devient propriétaire de cette machine volante en décembre 2005. Aujourd’hui au moins en partie restauré, l’ornithoptère Clark est exposé au Owl’s Head Transportation Museum en ce début de 2024. Il peut bien s’agir du plus ancien ornithoptère motorisé piloté encore en existence au monde.
Votre humble serviteur a-t-il besoin de vous rappeler que Clark est mentionné dans un numéro d’août 2019 de notre blogue / bulletin / machin? Je ne pensais pas.
L’ornithoptère complété par Georges Trice, Monte Carlo, Monaco. La photo floue à droite montre Trice tenant une des ailes de sa machine volante. Anon., « A New Bird-Like Aeroplane. » The New York Herald, 11 mai 1901, 1.
Georges Trice (?-?) est un Français qui, vers mai 1901, complète un ornithoptère à Monte Carlo, Monaco. Même si le travail sur cette machine volante avait commencé au début de 1901, ce gentilhomme était intéressé par le vol depuis quelques années.
L’aéroplane en forme d’oiseau désespérément sous-motorisé de Trice s’avère incapable de voler.
Une photographie falsifiée montrant le Flugrad d’Emil Karel Némethy en vol. Anon., « Némethy új Repülőgépe. » Vasárnapi újság, 30 juin 1901, 423.
Emil Karel Némethy (1867-1943) est un inventeur / ingénieur en mécanique / directeur d’usine austro-hongrois qui commence à assembler un aéroplane en 1899, à Arad, Empire austro-hongrois, aujourd’hui en Roumanie. Son intérêt pour le vol est plus ou moins celui d’un sportif. Némethy pense que, pour que l’aviation devienne un sport, il ne faut pas que les aéroplanes soient plus chers qu’une automobile. Sa petite et légère machine volante, connue sous le nom de Flugrad, est prête à voler au plus tard en juin 1901. Elle s’avère incapable de voler.
Pour répondre à la question qui prend forme dans votre caboche, Vasárnapi újság signifie journal du dimanche en hongrois.
Le second aéroplane complété par Emil Karel Némethy. Anon., « Némethys neuste Flugmaschine. » Illustrirte Zeitung, 14 janvier 1904.
Némethy complète un autre aéroplane motorisé en décembre 1903 ou janvier 1904. Il s’avère également incapable de voler. Votre humble serviteur a cru bon de l’inclure dans cet article, juste pour être sûr.
Némethy complète un troisième aéroplane motorisé en 1910. Il s’avère malheureusement aussi peu réussi que ses prédécesseurs.
Wilhelm Kreß, vers 1901. Wienbibliothek im Rathaus, TF-005582.
L’hydravion à flotteurs à essence de Wilhelm Kreß sur le Wienerwaldsee, Tullnerbach, Empire austro-hongrois, vers octobre 1901. J. Lecornu. La Navigation aérienne : Histoire documentaire et anecdotique. (Paris : Librairie Vuibert, 1913), 321.
Wilhelm Kreß (1836-1913) est un facteur de pianos allemand qui, en 1898, à ou près de Wien / Vienne, Empire austro-hongrois, commence à concevoir un hydravion à flotteurs à essence doté de trois paires d’ailes montées en tandem.
L’aviateur en herbe choisit de concevoir un hydravion parce qu’il ne trouve pas de terrain plat près de Vienne. Il pense également qu’atterrir sur l’eau réduirait le risque d’endommager son aéroplane, un aéroplane qui peut, je répète peut, être financé au moins en partie par l’empereur Franz Joseph I, né Franz Joseph Karl de la maison Habsburg-Lothringen.
Pourquoi un gentilhomme formé comme facteur de piano supervise-t-il la construction d’un gros hydravion à partir du début de 1900, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? À ou près de Neulengbach, Empire austro-hongrois, vous pensez, pas trop loin de Vienne, en fait. Une bonne question. Voyez-vous, Kreß s’intéresse au vol depuis au moins 1864. Il fabrique et teste quelques modèles réduits dans les années 1860 et 1870, mais revenons à notre histoire.
Même si l’aéroplane de Kreß est achevé en 1901, son concepteur doute fortement qu’il puisse un jour voler. Voyez-vous, le moteur que Kreß a acheté dans l’Empire allemand est beaucoup plus lourd et légèrement moins puissant que prévu. Quoi qu’il en soit, l’hydravion à flotteurs est transporté à Tullnerbach, Empire austro-hongrois, au bord d’un petit lac près de Vienne, le Wienerwaldsee. Les tests commencent apparemment fin septembre.
Incidemment, l’aéroplane de Kreß est apparemment la première machine volante munie d’un manche à balai, ce qui signifie que le pionnier de l’aviation / inventeur / ingénieur français Robert Esnault-Pelterie n’invente pas vraiment ce dispositif, en 1906.
Une impression d’artiste de l’accident qui fait couler l’hydravion de Wilhelm Kreß au Wienerwaldsee, Tullnerbach, Empire austro-hongrois. Anon., « Der Unfall des Ingenieurs Kreß. » Illustrirtes Wiener Extrablatt, 6 octobre 1901, 1.
Another artist’s impression of the accident which sank the seaplane of Wilhelm Kreß at the Wienerwaldsee, Une autre impression d’artiste de l’accident qui fait couler l’hydravion de Wilhelm Kreß au Wienerwaldsee, Tullnerbach, Empire austro-hongrois. Anon., « Ein verungkückåter Flugversuch des Ingenieurs Kreß. » Wiener Bilder, 9 octobre 1901, 1.
Les trois premiers essais à grande vitesse de l’hydravion se déroulent bien, et ce même si Kreß doit à chaque fois effectuer un virage serré pour éviter de heurter un barrage. Lors du 4ème essai, le 3 octobre, une des ailes touche l’eau du Wienerwaldsee. L’hydravion à flotteurs chavire et coule. Kreß est rapidement secouru. Il est indemne mais sans doute chanceux d’être en vie.
Le second hydravion encore incomplet conçu par Wilhelm Kreß, Tullnerbach, Empire austro-hongrois. Victor Silberer, “Neues von Kress.” Wiener Luftschiffer-Zeitung, juin 1902, 87.
Utilisant le même moteur, Kreß entreprend de construire un second hydravion à flotteurs, celui-là équipé de 4 paires d’ailes, en 1902. Il se heurte éventuellement à des problèmes d’argent liés au revêtement en tissu des ailes de sa machine volante, et au transfert de futurs essais sur un lac plus grand, le Neusiedler See. Ces problèmes s’avèrent si graves que le projet est interrompu avant que le nouvel hydravion à flotteurs puisse être testé.
Un monument à la mémoire de Kreß est dévoilé sur la rive du Wienerwaldsee, en octobre 1913, moins de 8 mois après sa mort.
Alois Wolfmüller (1864-1948) est un ingénieur / inventeur allemand qui participe, par l’intermédiaire d’une petite firme allemande, Motor-Fahrrad-Fabrik Hildebrand & Wolfmüller, au développement de la première motocyclette au monde produite en série, en 1894-95.
Détail plus intéressant encore en ce qui nous concerne aujourd’hui, ami(e) lectrice ou lecteur, il conçoit également un ornithoptère dont les 3 paires d’ailes sont montées en tandem. Propulsé par un moteur à essence conçu par Wolfmüller lui-même, cet aéroplane est apparemment complété au plus tard en décembre 1901, à München / Munich, Empire allemand. Il s’avère capable de quitter le sol pendant de brèves périodes de temps, mais se révèle très instable. L’ornithoptère Wolfmüller n’a jamais volé.
Johann Hermann Ganswindt, vers 1902. Wikipédia.
L’hélicoptère conçu et construit par Johann Hermann Ganswindt, Schöneberg, Empire allemand. Anon., « New German Air-Ship. » The New York Herald, 30 mars 1902, 2ème section, 2.
Johann Hermann Ganswindt (1856-1934) est un brillant mais excentrique avocat / inventeur allemand qui complète un hélicoptère ailé à Schöneberg, près de Berlin, Empire allemand, au printemps 1902. Je pense.
De fait, en octobre 1901, il avait démontré à un groupe d’officiers (supérieurs?) de la Deutsches Heer, autrement dit l’armée allemande, les capacités de levage d’un banc d’essai équipé d’une version plus petite du rotor qu’il avait conçu. Le dit banc d’essai s’avère capable de soulever un garçon de 12 ans du sol, un exploit surpassé par le bref décollage de deux hommes adultes.
Le moteur qui entraîne le rotor est resté en sécurité au sol pendant cette démonstration. Je sais, je sais. J’aurais moi aussi aimé savoir comment fonctionne le bidule de Ganswindt. Des suggestions?
Quoi qu’il en soit, pour autant que votre humble serviteur le comprenne, l’hélicoptère ailé de Ganswindt est casé dans un atelier circulaire, à Schöneberg, situé à proximité d’un atelier circulaire plus petit dont le haut dôme permet au banc d’essai de s’élever de près de 10 mètres (environ 30 pieds) dans les airs. Et oui, un câble solide empêche le dit banc d’essai de toucher le sol en cas de problème dans les airs.
Malheureusement, votre humble serviteur ne peut pas dire si l’hélicoptère de Ganswindt est testé en vol. Curieusement, je doute que ce soit le cas.
Voyez-vous, Ganswindt est arrêté pour fraude à la mi-avril 1902. Il aurait induit en erreur les personnes qui avaient investi dans ses projets par l’intermédiaire d’un comité créé en mars, et ce, même s’il savait que sa machine volante ne fonctionnerait jamais. Ganswindt est également accusé d’avoir utilisé une partie du pognon à son profit personnel.
Ganswindt rejette fermement toute allégation de malversation. Totalement disculpé par les autorités, il est libéré à la mi-juin. À cette date, le comité avait toutefois fait faillite. Ganswindt est à toutes fins utiles fauché.
Il convient de noter que Ganswindt est également un passionné de vols spatiaux qui, dès 1893, commence à concevoir un vaisseau spatial qui, espère-t-il, serait capable de voyager au-dessus des pôles terrestres et d’aller jusqu’à Mars ou Vénus. Ce Weltenfahrzeug, en français véhicule mondial, ou véhicule interplanétaire peut-être, comme l’appelle Ganswindt, doit être transporté dans les couches supérieures de l’atmosphère par une sorte de machine volante. L’explosion de contenants métalliques remplis de dynamite le propulserait dès ce moment.
Les idées de Ganswindt en matière de vaisseau spatial sont rapidement oubliées. Elles ne refont surface que dans les années 1920, lorsqu’un certain nombre de jeunes Allemands passionnés de vols spatiaux commencent à se rencontrer et à planifier la création d’une association pour la navigation spatiale. La mondialement connue Verein für Raumschiffahrt voit le jour en juin 1927.
Le membre le plus célèbre de cette association devient une figure clé du programme spatial américain. Cet Allemand dont le passé national-socialiste a été soigneusement enterré pendant de nombreuses années, Wernher Magnus Maximilian von Braun, est mentionnée à quelques / plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis janvier 2019.
Soit dit en passant, l’idée de Ganswindt d’utiliser des charges explosives pour propulser un vaisseau spatial n’est pas aussi tordue qu’on pourrait le penser. Nenni. Avez-vous entendu parler d’un projet américain classifié / secret appelé projet Orion, ami(e) lectrice ou lecteur? Non? Ça, c’est une histoire qui vaut la peine d’être racontée.
En 1958, la General Atomics Division de General Dynamics Corporation, un géant américain bien connu de la défense mentionné à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis mars 2018, commence à travailler sur la première tentative sérieuse de mise au point d’une fusée nucléaire. Et oui, c’est le projet Orion.
Croiriez-vous que l’idée d’utiliser des bombes atomiques pour propulser une fusée est avancée au plus tard en 1946, par Stanisław Marcin Ulam, un physicien / mathématicien polonais américain impliqué dans le projet Manhattan, le programme de recherche et développement qui mène à la production des premières armes nucléaires, dont 2 finissent par être utilisées contre le Japon en août 1945?
Comment une fusée à impulsion atomique est-elle censée fonctionner, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur un peu nerveuse / nerveux essayant de voir s’il y a quelque chose dans le ciel au-dessus? Eh bien, (une partie significative?) de l’énergie libérée par les centaines d’explosions de petites bombes atomiques éjectées hors de la base de la fusée aurait frappé une grande et très robuste plaque de poussée située à cet endroit. Cette plaque était liée à la fusée par d’hénaurmes amortisseurs.
Comme vous pouvez l’imaginer, concevoir une plaque de poussée capable de prendre ce genre de martèlement s’avère un tantinet difficile. La conception d’un compartiment d’équipage capable de protéger sa précieuse cargaison humaine s’avère également un tantinet difficile.
Pourquoi se donner tant de mal, demandez-vous? Eh bien, voyez-vous, des calculs effectués vers 1958-59 montrent qu’une fusée Orion avancée serait capable de faire un aller-retour vers Mars en… 4 semaines – ce qui est un peu plus court que les 19 mois environ dont une hypothétique mission pilotée en 2033 aurait besoin pour faire le même voyage aller-retour. Donc, 4 semaines ou 19 mois. Lequel choisiriez-vous?
En 1963, compte tenu de l’intérêt décevant manifesté par la United States Air Force (USAF), qui veut des missiles balistiques intercontinentaux pour attaquer, oserai-on ajouter incinérer, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), le projet Orion tombe pratiquement dans les bras de la National Aeronautics and Space Administration (NASA), une organisation américaine de renommée mondiale mentionnée à moult reprises dans notre magnifique blogue / bulletin / machin, et ce depuis mars 2018.
Il attire a rapidement l’attention du susmentionné von Braun, qui rêve de lancer une mission pilotée vers Mars. Malheureusement, peu de gros bonnets de la NASA ont des pensées heureuses lorsque le projet Orion est mentionné.
Voyez-vous, la haute direction de la NASA sait qu’elle aurait un problème de relations publiques de proportions bibliques si une fusée Orion subissait un échec majeur au cours de son voyage dans l’atmosphère. Des dizaines, sinon des centaines de petites bombes atomiques pourraient pleuvoir du ciel. Bien que toute explosion soit peu probable, les matières radioactives pourraient contaminer des zones de taille inconnue sur notre grosse bille bleue.
La signature, en août 1963, par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS, du Traité interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau, n’aide pas du tout les perspectives du projet Orion.
Pour couronner le tout, le coût du programme Apollo augmente rapidement, oserait-on dire exponentiellement, et il n’y a aucun moyen sur la Terre verte du monstre spaghetti volant que la NASA puisse trouver le pognon pour payer ce programme et le projet Orion.
En décembre 1964, la NASA annonce qu’elle ne mettrait pas un sou de plus dans la tirelire du projet Orion. Voyant cela, l’USAF annonce qu’elle ne mettrait pas un sou de plus dans la dite tirelire non plus. Le projet Orion prend officiellement fin au printemps 1965.
Toutes mes excuses pour cette démonstration de diarrhée verbale.
Félix Henri Villard. Anon., « An Auto to Run in the Air, Invented by M. Villard. » The New York Herald, 16 novembre 1902, 2.
La version initiale de l’aéroplane à décollage et atterrissage verticaux / hélicoptère conçu par Félix Henri Villard, Paris, vers 1902. Bibliothèque nationale de France, R36749.
Félix Henri Villard (1869-1916) est un sculpteur / peintre français qui commence à construire un aéroplane à décollage et atterrissage verticaux / hélicoptère à un moment donné en 1901, vraisemblablement à Paris. Vous pourriez être intéressé(e), ou non, d’entendre (lire?) que le petit moteur de cette machine volante doit entraîner son hélice ainsi que son aile circulaire.
Incidemment, la présence de cette machine volante encore inachevée fait sensation lors du Concours (international?) d’appareils d’aviation organisé à Paris, France, en novembre 1901. Cette sensation est tout à fait compréhensible. Voyez-vous, la machine volante incomplète de Villard est la seule machine volante motorisée pilotée plus lourde que l’air en exposition.
Ce disco-hélicoptère, comme l’appelle son créateur, est achevé à un moment donné en 1902. Votre humble serviteur ne peut pas dire si Villard tente un quelconque vol d’essai.
Incidemment, encore, les reportages de l’époque font référence à la machine volante de Villard comme étant un aviateur. La signification complètement différente de ce mot en 2024 est un des pièges que les chercheuses et chercheurs doivent garder à l’esprit lorsqu’elles et ils mènent des recherches sur les débuts de l’aviation à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle.
Le mot anglais air ship / air-ship / airship qu’on trouve à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle dans d’innombrables journaux, par exemple, peut ne pas faire référence à une machine volante plus légère que l’air. Nenni. Il peut en fait faire référence à ce que vous et moi appellerions un avion, ou aéronef. De fait, à l’époque, le mot anglais aeroplane peut désigner soit une aile, soit un aéroplane. À son tour, le mot aerodrome peut désigner une machine volante ou l’endroit où ces choses décollent et atterrissent.
Un autre exemple de piège peut être l’utilisation du mot français glisseur / aéro-glisseur dans des articles de journaux publiés au Québec jusqu’à la fin des années 1940. Ce mot est une traduction du mot anglais glider, en français planeur, mais revenons à notre histoire.
Une impression d’artiste un peu farfelue de la seconde version aéroplane à décollage et atterrissage verticaux / hélicoptère conçu par Félix Henri Villard en vol. André Rob, « La navigation aérienne. » La Réforme, 21 novembre 1902, 1.
Villard s’installe en Belgique en 1902, vraisemblablement à Bruxelles / Brussel, peut-être après avoir terminé son disco-hélicoptère ou automobile aérien, si, aérien, pas aérienne comme une lectrice ou lecteur francophone le dirait (taperait?).
Et oui, automobile est un nom masculin en français en 1902. Remarquez, automobile est également un nom féminin à cette époque. Le féminisation éventuelle du terme vient en fait du grand public.
De fait, encore en 1910, l’Académie française, une des 5 académies de l’Institut de France ayant pour objectif de « donner des règles certaines à [la langue française] et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences, » préfère un automobile à une automobile.
Le choix masculin de cette police de la langue masculine n’est pas particulièrement surprenant. L’Académie française est une organisation dont la misogynie est telle qu’elle ne voit entrer une femme dans ses murs qu’en mars 1980, soit 346 ans après sa fondation, en 1634. On croit rêver, mais je digresse.
Une autre digression si vous me le permettez. L’Académie française ne voit entrer un Africain dans ses murs qu’en juin 1983. Le premier musulman, une femme, peut être entré dans ces murs en juin 2005.
Au plus tard au début août 1902, à Schaerbeek, Belgique, près de Bruxelles, Villard complète une machine volante équipée de deux ailes circulaires rotatives montées côte à côte. Villard est aux commandes lors du premier essai, à Schaerbeek, ce même mois-là. Il ne peut pas décoller.
Cette machine volante peut, je répète peut, être exposée au Salon de l’automobile, du cycle et des sports de 1903, à Bruxelles, en mars. Si tel est le cas, elle aurait fait sensation. Voyez-vous, la machine volante de Villard aurait été la seule machine volante motorisée pilotée plus lourde que l’air en exposition.
Croiriez-vous qu’une partie du pognon utilisé Villard pour financer ses travaux provient du prince Albert Léopold Clément Marie Meinrad de la maison… Saxe-Coburg and Gotha?
Oui, oui, ami(e) lectrice ou lecteur surpris(e). Le futur roi Albert Ier de Belgique est le neveu du futur roi George V, né George Frederick Ernest Albert de la maison Saxe-Coburg and Gotha, mais je digresse, et pour la dernière fois aujourd’hui.
Villard fabrique trois hélicoptères en Belgique en 1913-1914, les Ornis 1, 2 et 3. L’Ornis 2 décolle brièvement, de manière plus ou moins incontrôlable, au moins une fois à partir de juin 1913. Le début de la Première Guerre mondiale met fin aux tests de l’Ornis 3.
Le révérend Burrell Cannon. Frank P. Lockhart, « The Ezekiel Airship. » Houston Daily Post, 20 avril 1902, 10.
Le révérend Burrell Cannon (1848-1922) est un exploitant de scierie / forgeron / machiniste qui se trouve être le pasteur d’une église baptiste de Pittsburg, Texas, lorsque, vers le milieu ou la fin des années 1890, il entreprend de concevoir un aéroplane à essence propulsé par quatre roues à aubes. Il puisé son inspiration dans le livre biblique d’Ézéchiel, Ezéchiel / Yəḥezqē’l étant un prophète juif / hébreu qui a vécu au 6ème siècle avant l’ère commune.
Et oui, ce même livre biblique conduit un ingénieur aéronautique et mécanique austro-américain, Josef Franz Blumrich, à la conclusion qu’Ézéchiel a vécu une rencontre rapprochée du troisième type. En d’autres termes, le prophète a rencontré des êtres extraterrestres qui lui ont proposé de monter à bord d’un vaisseau spatial. Je ne plaisante pas.
Une maison d’édition ouest-allemande publie le livre de Blumrich, Da tat sich der Himmel auf: Die Begegnung des Propheten Ezechiel mit außerirdischer Intelligenz, en 1973. Et oui, encore, c’est cette maison d’édition qui met sur les étagères des librairies, en 1968, un livre de l’auteur suisse Erich Anton Paul von Däniken, Erinnerungen an die Zukunft : Ungelöste Rätsel der Vergangenheit, un best-seller plus connu d’une lectrice ou lecteur francophone comme vous sous le titre de Présence des extraterrestres.
Comme il fallait s’y attendre, le livre de Blumrich est traduit en anglais, mais pas en français. The Spaceships of Ezekiel arrive sur les tablettes en 1974.
Incidemment, les titres des livres en langue allemande écrits par Blumrich et von Däniken peuvent être traduits par Puis les cieux s’ouvrirent : La rencontre du prophète Ezéchiel avec une intelligence extraterrestre et Souvenirs du futur : Mystères non résolus du passé.
Détail intéressant, ne serait-ce que pour votre humble serviteur, en 1974, Blumrich travaille au… Marshall Space Flight Center de la NASA. Il quitte son poste, chef de la Systems Layout Branch, à l’automne de la même année, mais revenons à notre histoire.
Votre humble serviteur espère sincèrement que la précédente digression ne s’est pas révélée excessivement ennuyeuse, et ce même si les principales thèses de ces livres étaient, sont et continueront d’être tout à fait ridicules. Les gens qui vivaient sur notre grosse bille bleue il y a des centaines, voire des milliers d’années, n’avaient pas besoin de l’aide et assistance du Grand Gonzo pour faire ce qu’elles et ils ont fait. Désolé, désolé. Revenons à notre histoire.
Le Ezekiel Airship du révérend Burrell Cannon, Pittsburg, Texas. Anon., « The Ezekiel Airship. » The Aëronautical World, 1er juin 1903, 250.
Avec ses plans en main, Cannon commence à construire sa création en août 1900. Une autre version de l’histoire suggère qu’il confie le travail à une firme locale, probablement à cette époque ou un tantinet plus tard. Le personnel de Pittsburg Foundry & Machine Shop commence rapidement à transformer ces plans en un véritable aéroplane.
Quoi qu’il en soit, Cannon est apparemment le cerveau derrière le moteur de son aéroplane. Il supervise en effet la fabrication de deux moteurs. Le premier ne semble pas avoir le oumph nécessaire pour réussir à décoller.
Quoi qu’il en soit, encore, en juin 1901, Cannon et environ 20 hommes de premier plan de Pittsburg fondent Ezekiel Airship Manufacturing Company afin de produire la machine volante en question. Les actions sont rapidement gobées par des investisseurs pleins d’espoir. De fait, leur valeur semble atteindre des niveaux très élevés. Sans jeu de mots.
Cannon prévoit sérieusement de se rendre à Saint-Louis, Missouri, où serait tenue, entre avril et décembre 1904, une exposition internationale, la Louisiana Purchase Exposition, le divertissement le plus prodigieux que le monde n’ait jamais vu, si votre humble serviteur peut paraphraser encore une fois le bourrage de crâne d’un titre de journal de l’époque. À dire vrai, il entre en contact avec des responsables de l’exposition au plus tard en avril 1902.
Pourquoi diable Cannon veut-il aller à Saint-Louis, demandez-vous? Une bonne question. Voyez-vous, un des nombreux attraits de l’exposition, outre les Jeux de la IIIe Olympiade, est une compétition aéronautique avec un grand prix de pas moins de 100 000 $ ÉU. Pour gagner cette somme d’argent réellement titanesque, qui correspond à environ 4 750 000 $ en devises canadiennes de 2024, un pilote n’a qu’à faire 3 fois le tour d’un circuit de 16 kilomètres (10 milles). Une bagatelle.
À la fin de 1902, un dimanche, alors que Cannon est occupé à prêcher, certains des ouvriers qui ont construit le Ezekiel Airship auraient décidé que le moment était venu de le tester. L’un d’eux monte à bord et quitte le sol. Prétendument. « Gus » Stamps semble bien de débrouiller jusqu’à ce qu’une clôture se rapproche de plus en plus. Il coupe le moteur et atterrit. La distance parcourue lors de ce saut de puce incontrôlé et non confirmé, je répète non confirmé, est d’environ 50 mètres (environ 165 pieds).
Quoi qu’il en soit, Cannon et le Ezekiel Airship en partie démonté prennent un train à Pittsburg début avril 1903. Ils sont en route vers Saint-Louis – et d’autres vols d’essai. Et oui, votre serviteur se rend très bien compte que la Louisiana Purchase Exposition ouvrirait plus de 12 mois plus tard.
Peu de temps après l’arrivée du train à Texarcana, Texas, à ce qu’il semble, une tempête de vent débarque. Le Ezekiel Airship est éjecté du wagon plat sur lequel il voyage et est gravement endommagé.
Ce qui arrive par la suite à l’aéroplane magané n’est pas clair. Une histoire non confirmée veut que Cannon termine son voyage vers Saint-Louis. Ce dernier aurait supervisé les travaux de réparation nécessaires pour pouvoir à nouveau voler. Le Ezekiel Airship aurait décollé mais n’aurait pas réussi à éviter un poteau téléphonique sur son passage. On ne sait pas si Cannon est blessé ou non dans cet accident non confirmé.
Une autre histoire raconte que Cannon complète un second Ezekiel Airship après son accident à Saint-Louis, une machine qu’il emmène en train jusqu’à Chicago, Illinois. Une personne autrement inconnue du nom de Wilder est aux commandes lors du premier vol là-bas, un vol qui se termine lorsque l’aéroplane heurte, vous l’aurez deviné, le sommet d’un poteau téléphonique.
Cannon tente apparemment de financer la construction d’un tout nouvel aéroplane, à Longview, Texas, vers 1911. Certains disent qu’il construit en fait cette machine qui, malheureusement, heurte un… poteau téléphonique.
Comme vous l’avez peut-être déjà deviné, il est pratiquement impossible de démêler le nœud gordien qui empêche les chercheuses et chercheurs de comprendre ce que Cannon fait ou ne fait pas.
Vous serez peut-être heureuse / heureux d’apprendre (lire?) qu’une réplique / reproduction grandeur nature du Ezekiel Airship achevée en 1987 peut être admirée au Northeast Texas Rural Heritage Museum, à Pittsburg. Il y a aussi une plaque, érigée en 1976 à Pittsburg par la Texas Historical Commission.
Croiriez-vous que l’histoire de Cannon inspire la création d’une comédie musicale, Story of the Century, en 2016, dont les textes sont écrits par David Hill, un dramaturge amateur et psychologue clinicien professionnel né au Texas mais vivant alors à Kansas City, Kansas? Malheureusement, Story of the Century n’est peut-être jamais jouée dans son intégralité sur scène.
Et nous souhaiterions peut-être terminer cette pénultième partie de notre article à ce stade. Après tout, vous avez sans doute des choses à faire, tout comme moi.