Le cas étrange et déconcertant des aéroplanes substitués; ou, Même en utilisant les Mathématiques modernes, 4112 n’égale jamais 5878 : La haute histoire du Royal Aircraft Factory B.E.2 du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, partie 1
Avec votre permission, ou sans elle si besoin est, ami(e) lectrice ou lecteur, je voudrais lancer ce numéro de notre blogue / bulletin / machin avec une question. Vous aimez les mystères et / ou bizarreries? Moi aussi.
En passant, saviez-vous que, jusqu’en 2017, les Public Works & Environmental Services de la ville d’Ottawa, Ontario, la capitale non bilingue d’un pays bilingue, utilisent parfois des tiges de sourcier pour localiser une conduite souterraine soupçonnée de fuite? Je ne plaisante pas, mais je digresse vraiment.
Maintenant que votre humble serviteur sait que vous aimez les mystères et / ou bizarreries, j’aimerais attirer votre attention sur une histoire étrange et déconcertante.
Il était une fois, dans la joyeuse vieille Angleterre, à la Belle Époque, une période qui n’était pas trop belle pour l’immense majorité de la population, mais je digresse, il y avait une organisation s’appelant His Majesty’s Balloon Factory. Et oui, le roi en question est George V, né George Frederick Ernest Albert « Georgie » de la maison Saxe-Cobourg and Gotha, un monarque mentionné dans un numéro de décembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
Vers la fin de 1910, le surintendant de la dite organisation, Mervyn Joseph Pius O’Gorman, embauche un jeune ingénieur et concepteur d’aéroplanes en herbe, Geoffrey de Havilland.
Oui, ce Geoffrey de Havilland-là. Le cousin des actrices britanno-américaines Olivia Mary de Havilland et Joan Fontaine, née Joan de Beauvoir de Havilland, et…
Qu’est-ce que vous tapez (dites?), ami(e) lectrice ou lecteur agité(e)? Geoffrey de Havilland est le gentilhomme derrière quelques / plusieurs aéronefs célèbres du 20ème siècle, des aéronefs amoureusement conservés à l’ahurissammant bon Musée de l’aviation et de l’espace du Canada? Parlez-moi, je n’en avais aucune idée. Désolé. Et oui, le dit musée a dans sa collection des aéronefs comme les de Havilland Moth, Puss Moth, Fox Moth, Menasco Moth, Mosquito et Vampire, sans oublier le Royal Aircraft Factory (RAF) B.E.2, ce dernier étant au cœur de la pontification d’aujourd’hui. Mais revenons à notre histoire.
Compte tenu de l’importance décroissante des machines volantes plus légères que l’air et de l’importance croissante des machines volantes plus lourdes que l’air dans ses activités quotidiennes, His Majesty’s Balloon Factory devient la RAF en avril 1911.
Or, il se trouve que la conception d’aéroplanes ne fait pas partie des activités que la RAF est autorisée à effectuer. Elle peut cependant réparer ou reconstruire des aéroplanes. C’est ainsi que O’Gorman et son ingénieur en chef, Frederick Ernest « Fred / Freddy » Green, concoctent l’idée d’obtenir l’autorisation du War Office, le ministère responsable de la British Army, pour « reconstruire » un aéroplane offert en juin 1911, après un écrasement, par un des plus riches Homo sapiens de la planète Terre, le mécaniquement enclin duc de Westminster, Hugh Richard Arthur « Bendor » Grosvenor.
L’aéroplane reconstruit est en fait un tout nouveau biplan biplace connu sous le nom de B.E.1, ou Bleriot Experimental No. 1, et… Oui, ce Blériot-là, le célèbre pionnier de l’aviation française Louis Charles Joseph Blériot, un gentilhomme mentionné à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis octobre 2018.
Le plus drôle c’est, et j’avoue que vous ne trouverez peut-être pas tout cela drôle, et bien, le plus drôle c’est que l’aéroplane « reconstruit » par la RAF n’est pas un aéroplane Blériot. Nenni. C’est un autre aéroplane français, cependant, un biplan Voisin autrement non identifié fabriqué par Appareils d’aviation Les frères Voisin – la première avionnerie en Europe et la deuxième au monde, une firme mentionnée dans un numéro de mai 2020 de notre vous savez quoi.
Testé en décembre 1911, par de Havilland lui-même, le seul et unique B.E.1 est livré au service aérien de la British Army de l’époque, le Air Battalion des Royal Engineers, en mars 1912.
À cette date, un aéroplane un peu beaucoup plus important mais très similaire a pris son envol. Et oui, vous avez bien raison, ami(e) lecteur perspicace, cet aéroplane est le tout premier B.E.2, la seconde machine de type B.E. De Havilland teste sa nouvelle création en février 1912.
Croiriez-vous que le War Office organise, en août 1912, sa première compétition d’aéroplanes militaires, conçue pour répondre aux besoins du Air Battalion ou, comme on l’appelle à partir de mai 1912, la Military Wing du Royal Flying Corps (RFC) de la British Army? Environ 25 aéroplanes sont sur le terrain.
Et non, le B.E.2 ne remporte pas la compétition, même si lui, et quelques autres machines, sont supérieurs, voire bien supérieures à l’aéroplane choisi par les instances militaires supérieures. À dire vrai, le B.E.2 n’est pas inscrit au concours. Vous voyez, O’Gorman compte parmi les juges et la présence de cet aéroplane parmi les participants aurait soulevé un grave conflit d’intérêts. De toute façon, les braves gens de la RAF ne sont pas censés compter la conception d’aéroplanes parmi leurs activités quotidiennes.
Au final, cependant, 2 exemplaires de l’entrée gagnante, le biplan Cody V, sont construits en 1912, contre environ 4 490 B.E.2, toutes versions confondues, achevés entre 1912 et 1917. Seules quelques-unes de ces machines (5?) sont construites par la RAF. Les autres sont produits par pas moins de 23 firmes britanniques.
Le B.E.2 entre apparemment en service vers février 1913. Comme c’est le cas avec tous les aéroplanes militaires de l’époque, la mission principale de ses équipages est d’observer les activités des forces terrestres ennemies et de faire rapport à leur base. Et non, les pilotes et observateurs n’ont pas accès à un poste radio, ou à des parachutes, pendant qu’ils sont en l’air.
Le B.E.2 est un des types d’aéroplanes pilotés en France par des pilotes du RFC lorsque le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Empire allemand et à l’Empire austro-hongrois, en août 1914.
À ce moment-là, le premier exemple d’une nouvelle version du B.E.2 a été testé. Compte tenu des fonctions de cet aéroplane, il apparaît à certaines personnes qu’une version automatiquement stable du B.E.2 serait une arme des plus utiles. Après tout, le pilote d’un aéroplane capable de voler de lui-même sans aucune intervention humaine pourrait aider son observateur à recueillir le maximum d’informations sur les activités ennemies. Le premier exemplaire de série de la version automatiquement stable du B.E.2 arrive au front en janvier 1915.
Lorsque des B.E.2 sont utilisés comme machines de bombardement, apparemment à partir de 1915, leurs pilotes volent seuls car la présence d’un observateur limite sérieusement la charge de bombes que les aéroplanes peuvent transporter.
Croiriez-vous qu’un certain nombre de fuselages (modifiés?) de B.E.2 sont utilisés comme nacelles d’équipage sur les premiers exemplaires de dirigeables non rigides de Type SS conçus à la hâte et utilisés à partir de mars 1915 pour rechercher des sous-marins allemands le long des côtes du Royaume-Uni?
Comme on peut s’y attendre, le nombre toujours croissant d’aéroplanes d’observation et de bombardement pilotés par les services aériens britanniques et français ne passe pas inaperçu. Vers juillet 1915, la Fliegertruppe de la Deutsches Heer, comme on appelle le service aérien de l’armée allemande à l’époque, commence à mettre en service les premiers exemplaires du tout premier avion de chasse de l’histoire. Le Fokker M5K/MG, un monoplan monoplace plus tard et mieux connu sous le nom de Fokker E.1, n’est pas particulièrement impressionnant en termes de performances. Il emporte cependant un système d’armes des plus redoutables : la première mitrailleuse capable de tirer à travers les pales en rotation de son hélice.
Les pilotes allemands assez chanceux pour piloter les relativement rares E.I sèment la peur dans le cœur de nombreux pilotes alliés. Et oui, la version automatiquement stable du B.E.2, bien peu agile, s’avère particulièrement vulnérable à ces attaques.
Des équipes au sol du RFC commencent à installer des supports de mitrailleuses sur des B.E.2 au cours de l’été 1915. Le fait que l’observateur soit assis sur le siège avant réduit (sérieusement?) l’efficacité de l’arme portée par ces aéroplanes. L’envoi de quelques machines pour effectuer une mission aide, jusqu’à un certain point, mais réduit le nombre d’endroits que le RFC peut observer à un moment donné. En fin de compte, la contre-mesure la plus efficace s’avère être l’introduction d’avions de chasse britanniques et français, vers janvier-février 1916.
En mars 1916, un pilote, passionné d’aviation et député indépendant récemment élu, affirme très haut et fort, à la House of Commons, que l’incompétence des mandarins à la tête du RFC signifie que des pilotes du RFC sont assassinés par l’utilisation d’aéroplanes inférieurs, désuets ou défectueux. Noel Pemberton Billing, né Noel Billing, est le critique le plus virulent du RFC et de la RAF, mais il n’est pas le seul.
Le gouvernement britannique met en place un comité pour examiner les allégations de Pemberton Billing contre la RAF – et les éloigner de la scène, dans l’espoir qu’elles soient oubliées, peut-être une des raisons pour lesquelles les comités parlementaires ont été, sont et seront créés au Royaume-Uni – et au Canada. Cela étant dit (tapé?), les allégations portées contre les hauts gradés du RFC par Pemberton Billing forcent à toute fin utile le gouvernement à créer un second comité. Tous deux concluent que ses allégations sont fondamentalement sans fondement, ce qui, en parlant (tapant?) à la fois positivement et négativement, n’est pas si surprenant.
Même si aucun blâme n’est placé sur ses épaules, le susmentionné O’Gorman est attristé d’apprendre, à l’automne 1916, que son contrat n’est pas renouvelé, mais revenons à notre histoire.
Même si le nombre de B.E.2 perdus à cause de l’action ennemie diminue considérablement à mesure que le nombre d’avions de chasse britanniques présents au front augmente, et oui, pendant un temps, le B.E.2 est un des aéroplanes les plus nombreux et les efficaces du RFC, les hauts gradés de ce service savent que cette machine doit être remplacée plus tôt que plus tard.
Malheureusement, les nouveaux avions d’observation / reconnaissance du RFC ne commencent à entrer en service qu’à la fin 1916 ou au début 1917. Pis encore, le nombre de machines livrées n’est pas aussi élevé que prévu, ou espéré. En conséquence, les escadrons équipés de B.E.2 subissent des pertes effroyables au printemps 1917. Ces aéroplanes ne font pas le poids face aux pilotes de chasse du service aérien de la Deutsches Heer, le Luftstreitkräfte, comme on l’appelle à l’époque, et de leurs avions de chasse.
Le B.E.2 est progressivement retiré du service mais reste utilisé comme machine d’entraînement. Certains sont également utilisés pour rechercher des sous-marins allemands le long des côtes du Royaume-Uni.
Remarquez, le B.E.2 est également utilisé comme avion de chasse de nuit monoplace. En effet, c’est une des premières machines de ce type à voir de l’action, en octobre 1915. Vous voyez, les dirigeables rigides allemands de la Kaiserliche Marine et de la Deutsches Heer bombardent l’Angleterre, avec plus ou moins de succès, depuis janvier 1915. Des avions de bombardement à long rayon d’action complètent, puis remplacent les dirigeables à partir de juin 1917.
Le nombre de personnes tuées ou blessées à la suite de cette campagne de bombardement stratégique, la première en fait, est assez faible selon les normes de la Seconde Guette mondiale (près de 1 400 tué(e)s et plus de 3 325 blessé(e)s entre janvier 1915 et août 1918), mais l’indignation et la peur confinant à la panique et à la terreur parmi de larges segments d’une population civile, qui se croyait totalement à l’abri d’une attaque, est telle que le gouvernement britannique se voit contraint d’agir.
La British Army forme de nombreuses unités d’artillerie antiaérienne et de projecteurs au Royaume-Uni. À son tour, le RFC stationne un nombre d’escadrons dans divers endroits, en particulier près de Londres. Beaucoup de ces unités sont équipées de B.E.2. La stabilité automatique des aéroplanes utilisés à cet effet facilite grandement le travail des pilotes, qui volent seuls.
Étant donné l’étape de notre histoire où nous nous trouvons maintenant, votre humble serviteur propose que cette session soit prorogée jusqu’à la semaine prochaine. Et non, je crains que vous n’ayez rien à dire dans cette affaire.
Mais oui, mon cerveau embué semble se souvenir d’avoir été quelque peu déconcerté par les Maths modernes. J’ai dû rencontrer cette manière radicalement différente d’enseigner les mathématiques introduite aux États-Unis à la suite du choc et de l’embarras causés par le lancement de Spoutnik 1, le premier satellite artificiel, en octobre 1957, à un moment donné dans les années 1960, mais ne nous éternisons pas.
Amusez-vous. La modération est pour les moines.