Les trois jours du Spoutnik; ou, « Radio-Moscou admet que le chien tournant autour de la terre dans le satellite ne reviendra jamais » : Laïka, Spoutnik 2 et la presse quotidienne du Québec, partie 3
Bonjour, bonjour! Comment allez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Sommes-nous prêtes / prêts à plonger dans le silence éternel des espaces infinis qui effrayaient le théologien / physicien / philosophe / moraliste / mathématicien / inventeur français Blaise Pascal (1623-62)? Vermouilleux!
Au fait, saviez-vous que Pascal conçoit la première machine à calculer? De fait, il fabrique plus ou moins directement une vingtaine de machines d’arithmétique / pascalines / roues pascalines entre 1645 et 1654, mais je digresse.
Croiriez-vous que John Milt Morris, le dessinateur américain qui a dessiné le dessin éditorial que vous avez regardé il y a quelques secondes, a réalisé plus de 14 000 dessins éditoriaux pour environ 125 journaux quotidiens au cours de ses quelque 50 années de carrière (1937-87)?
Croiriez-vous aussi qu’un (assistant?) professeur de physique à l’Université d’Ottawa, à… Ottawa, Ontario, voit « un objet brillant ressemblant à un immense fuseau rouge et bleu » chutant vers le sol, près du fleuve Saint-Laurent, et ce peu avant son arrivée à Québec, Québec, le matin du 2 novembre? L’objet de forme allongé semble se trouver à environ 1.5 kilomètre (1 mille) devant son automobile. Jacques Hébert se rendait alors à Québec afin de participer à la réunion annuelle de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences – une association mentionnées dans des numéros de décembre 2018 et avril 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Plusieurs automobilistes circulant un tantinet à l’ouest de Québec, sur la rive sud du Saint-Laurent, affirment avoir vu une grosse boule multicolore suivie une traînée rouge. Cet objet serait tombé dans un bois non loin de Saint-Nicolas, Québec, près de Lévis.
Des résidents de Lauzon, Québec, près de Lévis, qui se trouvent sur le Saint-Laurent pour chasser la canard, affirment avoir vu, ce même 2 novembre, un peu avant midi, un objet de couleur rouge de forme plus ou moins sphérique se déplacer au-dessus du cours d’eau, poussé par le vent semble-t-il. Ce « ballon » semble tomber dans le fleuve au bout du brise-lame du bassin Louise, dans le port de Québec.
Soit dit en passant, pendant la Seconde Guerre mondiale, Hébert travaille au laboratoire de physique nucléaire de l’Université de Montréal, à… Montréal, Québec, un laboratoire ultrasecret indirectement impliqué dans la mise au point des premières armes nucléaires.
Des articles sur l’objet volant non identifié vu par Hébert paraissent dans les éditions du 5 novembre des quotidien montréalais Le Devoir, La Patrie et La Presse. Ils s’intitulent respectivement « Météorite ou parcelle de ‘spoutnik’?, » « Sphère vue dans le ciel près de Québec » et « Objet insolite vu dans le ciel près de Québec samedi. »
Le principal quotidien de la région de Québec, Le Soleil, rapporte l’observation faite par Hébert le 4 novembre. Un autre quotidien montréalais, Montréal-Matin, rapporte les observations faites par Hébert et les chasseurs de canards le 6 novembre. Ce même jour, Le Soleil mentionne les chasseurs de canards et introduit dans ce récit les automobilistes autres que Hébert.
Et non, aucun objet d’origine terrestre ou extraterrestre n’est trouvé dans un bois ou le fleuve Saint-Laurent.
Détail intéressant, ne serait-ce que pour moi, votre humble serviteur, ce même 6 novembre, un annonceur d’une station radio anglophone de Montréal, CFCF, alors propriété de Canadian Marconi Company de Montréal mais affiliée au radiodiffuseur d’état Canadian Broadcasting Corporation, offre à ses auditrices et auditeurs un enregistrement d’une entrevue téléphonique (en anglais?) avec le susmentionné Hébert.
Le (assistant?) professeur de physique se demande lors de cette entrevue si ce qu’il a vu est un morceau des fusées utilisées pour lancer Spoutnik 1 ou Spoutnik 2. Il ne sait pas si le phénomène qu’il a observé est identique à un phénomène observé dans les régions méridionales des États-Unis. Ce dernier serait de plus grande taille, croit Hébert. De fait, de nombreux témoins affirment avoir vu de nombreux objets dans le ciel de quelques / plusieurs états américains les 4 ou 5 novembre. L’un de ces objets mystérieux aurait mesuré environ 150 mètres (500 pieds) de long. Je ne plaisante pas.
Soit dit en passant, le susmentionné annonceur à CFCF, le Montréalais Felix « Fil » Blache-Fraser, est le tout premier Afro-Canadien dont on peut entendre la voix à la radio au Canada, et ce à partir de 1951, dans une station radio de Toronto. Il n’a alors que 19 ans.
Permettez-moi de mentionner que Canadian Marconi est mentionnée à quelques reprises dans notre vous savez quoi, et ce depuis octobre 2020.
Avant que je ne l’oublie, de fort nombreux journalistes et commentateurs américains surnomment déjà Spoutnik 2 muttnik, en « honneur » de sa passagère, le terme mutt étant l’équivalent anglais du mot français cabot, qui signifie chien. De fait, le terme muttnik fait son apparition avant même le lancement du second satellite soviétique.
Il est à noter que l’édition du 5 novembre du quotidien Le Devoir renferme un éditorial de Paul Sauriol, « Les satellites russes et la solidarité Atlantique. » Si le lancement de Spoutnik 2 n’ajoute pas grand-chose à la signification politique du lancement de Spoutnik 1, en octobre 1957, à l’aide d’une fusée bien similaire au tout nouveau missile balistique intercontinental soviétique, le Korolev 8K71 / R-7 Semyorka, il démontre toutefois que le dit premier lancement n’était pas un coup de chance. Les lancements des Spoutnik 1 et 2 précèdent selon toute vraisemblance des lancements encore plus audacieux.
De fait, Dame Rumeur laisse entendre que l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) entend commémorer le 40ème anniversaire de la révolution russe de 1917 qui, rappelons-le, débute le 7 novembre, en envoyant une fusée en direction de la Lune. Cette rumeur s’avère en fin de compte non fondée.
Je sais. Je sais. Si on ne peut pas se fier à Dame Rumeur, à qui peut-on se fier?
Sauriol rappelle que les peuples occidentaux réagissent initialement à la nouvelle du lancement de Spoutnik 1 avec surprise, voire consternation. Le gouvernement américain s’empresse aussitôt de rassurer les Américaines et Américains. Une rencontre des chefs de gouvernement des pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), le premier sommet de l’OTAN en fait, en décembre 1957, à Paris, France, va jouer, on l’espère, un rôle similaire pour les Européennes et Européens.
De fait, souligne Sauriol, le choc provoqué par le lancement des satellites soviétiques relance le débat concernant une plus grande coordination des efforts scientifiques et militaires au sein de l’OTAN et un échange accru d’informations de nature scientifique au sein de l’alliance – une coordination et un échange qui, jusque-là, ne soulevait guère d’enthousiasme au sein du United States Congress.
Si votre humble serviteur peut se permettre un commentaire, le sommet de Paris aboutit à un accord visant à accroître la coopération scientifique au sein de l’alliance, ce qui conduit à la création du Comité scientifique, en 1958, et une décision de privilégier des négociations diplomatiques avec l’URSS. Remarquez, le sommet aboutit également à un accord de principe sur le déploiement de missiles balistiques à portée intermédiaire en Europe. A stick and a carrot basically. Oups, désolé. Un baton et une carotte en somme.
L’éditorial paru dans La Presse du 5 novembre, 1 des 6 parus ce jour-là, « On devra chercher à rétablir la coordination des efforts, » parcourt plus ou moins les mêmes platebandes que celui de Sauriol. Je pontifierai quand même à son sujet.
Si le lancement des satellites soviétiques affecte principalement le prestige des États-Unis, le fait est que le prestige du monde libre est affecté lui aussi, ne serait-ce qu’indirectement. Les dits lancements doivent amener les pays occidentaux à coopérer davantage, affirme le premier ministre du Canada John George Diefenbaker, spécialement en ce qui a trait à la recherche scientifique.
S’il est vrai que les pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord devançaient tous les autres pays du monde en ce a trait à ce type de recherche, cette supériorité n’était pas garantie pour toujours. De fait, elle s’est effritée peu à peu, en bonne partie par ce que les dits pays travaillaient en silos. Le lancement des satellites soviétiques ne fait que confirmer cet état de chose.
Aux dires de l’éditorialiste de La Presse, le principal obstacle à une plus grande collaboration scientifique au sein des pays occidentaux réside dans l’isolationnisme de certains milieux américains. L’embarras causé par le lancement des satellites soviétiques devrait toutefois contribuer à le briser, ouvrant ainsi la voie à une plus grande coopération, une coopération préconisée par le président américain, Dwight David « Ike » Eisenhower.
Un des deux éditoriaux parus dans l’édition du 5 novembre du quotidien Le Soleil aborde lui aussi le lancement de Spoutnik 2. « Quelle sera l’influence du deuxième satellite sur les relations mondiales?, » demande l’éditorialiste?
À n’en pas douter, l’URSS a accru ses connaissances scientifiques / technologiques et sa puissance militaire. Sa propagande va assurément y gagner face aux États-Unis, « le pays de la plus grande prospérité et des réalisations matérielles les plus remarquables. » Le gouvernement soviétique va assurément affirmer que ses récentes réalisations démontrent la supériorité de son système politique.
Plusieurs pays notamment les neutres dont la plupart sont dans la catégorie des pays sous-développés accepteront maintenant la thèse soviétique avec d’autant plus de facilité qu’on n’y appliquera pas les nuances qui s’imposent.
En effet, l’URSS des premiers jours est à toute fin utile un pays sous-développé. Son ascension vertigineuse pourrait s’avère plus éloquente que la prospérité américaine dans les capitales des pays dits sous-développés.
« Ces pays sont également moins sensibles que nous aux méthodes autoritaires par lesquelles l’U.R.S.S. a développé sa puissance, » ajoute l’éditorialiste.
Un commentaire un tant soit peu controversé si je peux me le permettre. Le Royaume-Uni et la France, deux cités brillantes sur deux collines, ont fait appel et continuent de faire appel en 1957 à des méthodes passablement autoritaires pour maintenir leur hégémonie dans des territoires qui se trouvent dans leur orbite, et ce en Asie et en Afrique. Et que dire du traitement de la minorité afro-américaine?
Détail intéressant, l’éditorialiste du quotidien Le Soleil fait un lien entre le lancement de Spoutnik 2 et le limogeage du maréchal de l’Union soviétique Gueorgui Konstantinovitch Joukov, une mise à la retraite mentionnée dans la première partie de cet article de notre fabulissime vous savez quoi. De fait, il croit que Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev, premier secrétaire du Kommunistítcheskaïa Pártiïa Soviétskogo Soyoúza, « le nouveau Staline » croit-il, utilise ce lancement, sans parler des célébrations entourant le 40ème anniversaire de la révolution russe de 1917, pour se débarrasser de ce héros de la Grande guerre patriotique (1941-45) sans que cela fasse trop de bruit.
Le Staline avant le nouveau Staline est évidemment Josif Vissarionovitch « Koba » Staline, né Ioseb Jughashvili. Et non, je ne vous dirai pas quand ce monstrueux maître absolu de l’URSS entre 1927 et 1953 est mentionné dans notre blogue / bulletin / machin.
Si l’éditorialiste envisage la possibilité d’un lancement plus spectaculaire encore, vers la Lune peut-être, il croit néanmoins que l’URSS vit des heures difficiles. La mort de Staline, en mars 1953, a laissé un vide énorme que des hommes avides de pouvoir, Khrouchtchev surtout, tentent de combler. Les personnages écartées du pouvoir, qui ne sont pas exécutées comme dans le mauvais vieux temps, pourraient tramer de noirs complots.
Les réalisations de l’URSS entraînent les peuples du monde dans une ère nouvelle aux conséquences imprévisibles, et ce tant en ce qui a trait aux relations est-ouest qu’à l’influence de l’URSS de par le monde. « Les voyages à la lune apporteront-ils au monde une fièvre semblable à celle qui accompagnait la découverte de l’Amérique aux Européens du XVIe siècle? Les dangers de guerre mondiale seront-ils désormais accrus ou au contraire écartés? »
Le 5 novembre, Le Soleil publie également une nouvelle photographie d’un chien de l’espace soviétique. La voici.
Une technicienne de laboratoire présentant le scaphandre utilisé par les chiens de l’espace soviétiques. Anon., « Une fusée russe pourrait atteindre… » Le Soleil, 5 novembre 1957, 6.
Ce même 5 novembre, Le Soleil publie un dessin éditorial qui mérite d’être inséré dans ces pages, et ce même s’il n’a pas pour sujet notre Spoutnik 2. Vous comprendrez pourquoi en le voyant.
Un dessin éditorial décrivant une scène familiale futuriste. Raoul Hunter, « –. » Le Soleil, 5 novembre 1957, 4.
Et oui, ce dessin a pour auteur Raoul Hunter, un des caricaturistes québécois / canadiens les plus connus et respectés de son époque et un gentilhomme mentionné dans des numéros d’octobre 2020 et avril 2021 de notre blogue / bulletin / machin.
La conversation des personnages se lit comme suit :
Personnage féminin : N’oublie pas ! Nous partons pour la Lune dans cinq minutes !
Personnage masculin : Ne t’inquiète pas ! Je vais à Paris seulement.
Si Montréal-Matin ne publie pas d’éditorial sur Spoutnik 2 le 5 novembre, le fait est que ce quotidien offre à son lectorat quelques photographies liées au programme spatial soviétique, et le tout sous la rubrique « Dans le Spoutnik : »
« Il fouille le ciel » et
« ’Laika’ en uniforme »
« Le message de ‘Spoutnik II’ capté à St-Laurent » et
« L’uniforme du chien de l’espace. »
Les légendes des 2 premières photographies s’expliquent plus ou moins d’elles-mêmes. La première montre la combinaison spatiale portée par un chien de l’espace soviétique alors que la seconde montre Laïka, dit-on, portant sa combinaison spatiale et son casque. Par souci de brièveté, une de mes forces préférées de la nature, je ne vous proposerai qu’une seule de ces photographies.
Laïka portant sa combinaison spatiale et son casque. Anon. « Dans le ‘Spoutnik’ – ‘Laïka’ en uniforme. » Montréal-Matin, 5 novembre 1957, 15.
La légende de la photographie intitulée « Le message de ‘Spoutnik II’ capté à St-Laurent » ne s’explique pas aussi bien d’elle-même. Cela étant dit (tapé?), la présence de la dite photographie dans la première partie de cet article de notre vous savez quoi me dispense, si, si, me dispense, d’avoir à la répéter en ces virtuels lieux.
En ce qui a trait à la photographie intitulée « Il fouille le ciel, » permettez-moi de souligner qu’elle montre un résident de la région de New York, New York, Daniel Kirsch, un astronome amateur et pécheur professionnel peut-être, en train de fouiller le ciel.
Remarquez, Montréal-Matin publie également une photographie deux technicien du Naval Research Laboratory de la United States Navy en train d’étudier les signaux émis par Spoutnik 2. La voici…
Deux technicien du Naval Research Laboratory de la United States Navy en train d’étudier les signaux émis par Spoutnik 2. Anon., « La petite chienne se porterait fort bien dans le satellite – La Russie enverrait des vaisseaux interplanétaires pesant 1,700 tonnes jusqu’à Mars, avant l’an 2000. » Montréal-Matin, 5 novembre 1957, 3.
Si, si, 1 700 tonnes métriques (environ 1 675 tonnes impériales / environ 1 875 tonnes américaines). Et si vous pensez que c’est lourd, ami(e) lectrice ou lecteur, sachez qu’une fusée Saturn V utilisée pour envoyer des astronautes sur la Lune, et non sur Mars, pesait plus de 2 800 tonnes métriques (environ 2 770 tonnes impériales / environ 3 100 tonnes américaines).
Un des 4 éditoriaux publiés le 5 novembre par La Patrie, un quotidien sur le déclin, un quotidien qui devient un hebdomadaire en novembre 1957 en fait, touche à notre sujet d’aujourd’hui. Alonzo Saint-Mars se penche en effet sur « La protection des bêtes. »
La présence de Laïka à bord de Spoutnik 2 semblent causer autant de consternations parmi les amis des bêtes que parmi les savants et politiciens occidentaux, mais pas pour la même raison bien sûr, affirme ce sculpteur / poète / peintre / journaliste / caricaturiste montréalais.
La Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA), basée à Londres, Angleterre, par exemple, recommande aux fort nombreuses personnes qui la contactent de soumettre leurs doléances à l’ambassade de l’URSS. De fait, la RSPCA avait soumis des protestations avant même le lancement du satellite, lorsque le gouvernement soviétique fait part de ses intentions.
Un autre organisme londonien, la League Against Cruel Sports s’en prend quant à elle aux chercheurs soviétiques qui ont osé mettre en péril la vie de Laïka.
Pour Cinq-Mars, « le clou, le bouquet, » c’est la minute de silence demandée par encore une autre organisation britannique, la National Canine Defence League.
Ces manifestations d’indignation rappellent celles des farouches adversaires de la vivisection, ces procédures chirurgicales expérimentales perpétrées sur des animaux vivants, habituellement des mammifères allant de la souris au chimpanzé, affirme l’éditorialiste occasionnel. « Le progrès implacable commande les expériences aériennes qui se font depuis quelques temps. Préférerait-on y voir sacrifier des hommes plutôt que des bêtes? »
S’il est bien d’aimer les animaux, ajoute Cinq-Mars, il ne faut pas exagérer. Il donne pour exemple d’une telle exagération les cimetières pour chiens avec leurs monuments et leurs bouquets de fleurs.
« Les Russes doivent bien rire de la minute de silence réclamée par la « National Canine Defence League » de Grande-Bretagne, conclut Cinq-Mars. Et ils ne doivent pas être les seuls. Il y en effet de quoi rire. »
Si je peux me permettre un commentaire, la vivisection ne m’emballe pas. La minute de silence ne provoque pas non plus chez moi une grande hilarité.
L’atmosphère n’est pas non plus à l’hilarité lorsque des Québécoises et Québécois lisent leur journal du 6 novembre : les autorités soviétiques indiquent en effet que Laïka ne reviendra pas sur Terre.
Ce que ces mêmes autorités ne disent pas (ou ne savent pas?), c’est que le premier être vivant lancé dans l’espace meurt le 3 novembre, de 5 à 7 heures après sa mise en orbite, dans un environnement de microgravité qu’il n'avait jamais connu auparavant. suite à une trop forte augmentation de la température dans la capsule.
Un éditorial du quotidien Montréal-Matin, « Aboiera-t-il [sic] à la Lune? » aborde le triste destin de Laïka, sans savoir qu’il est un peu tard pour s’attendrir sur son sort. Contrairement aux chiens du monde entier qui meurent sans qu’on parle d’elles ou eux, ce pauvre animal « obtiendra probablement les gros titres de tous les journaux dès que son cœur cessera de battre. »
« C’est attendrissant. Mais il ne faudrait tout de même pas oublier que dans toutes ces aventures inter-planétaires ce n’est pas le sort du chien mais celui de l’humain qui nous inquiète. Comment tout cela se terminera-t-il? »
De conclure l’éditorialiste, « nous vivons dans une ère de véritables prodiges. La réalité plus étrange que la fiction? Les deux Spoutnik nous le prouvent. »
Le quotidien publie par ailleurs le premier portrait officiel de Laïka. Pour voir la version publiée par le magazine mensuel américain Astronautics, il vous suffit de jeter un coup d’œil à la première partie de cet article de notre resplendissant vous savez quoi.
Dessin éditorial qui met en lumière le fait que le chien femelle Laïka était condamnée à périr. On la voit ici déclarer tristement que « Les 'camarades’ ont oublié un détail important : un poteau! » Raoul Hunter, « –. » Le Soleil, 6 novembre 1957, 4.
Votre humble serviteur doit avouer avoir été un peu choqué par ce dessin éditorial du caricaturiste Raoul Hunter. Voyez-vous, je n’avais pas compris son message. Je croyais que le poteau de la légende faisait référence à un poteau où Laïka pourrait, euh, faire pipi. J’étais évidemment dans les patates. Le poteau que mentionne la passagère de Spoutnik 2 est en fait un poteau d’exécution.
Spoutnik 2 brûle lors de sa rentrée dans l’atmosphère terrestre, le 14 avril 1958.
Photographie publicitaire montrant le ballon-jouet américain Pioneer. Anon., « Nouveau ballon-jouet. » L’Action catholique, 6 novembre 1957, 8.
Permettez-moi de terminer cette interminable péroration avec une touche de légèreté. Voici, le Pioneer, une version ballon-jouet américaine d’un satellite artificiel qu’on peut assembler chez soi. L’emballage mis en marché au plus tard en octobre 1957, je pense, comprend les 2 ballons non gonflés qui constituent le corps du satellite, ainsi que les pailles qui constituent ses antennes. Le dit emballage comprend également un pamphlet illustré sur le satellite que le gouvernement américain prévoit lancer au printemps 1958.
Ce satellite peut, je répète peut, être Vanguard 1, connu de certaines / certains avec dérision sous le nom de grapefruit satellite, ou satellite pamplemousse en français (Bonjour, EP!), en raison de sa pas si grande taille.
Ceci conclut cet article sur Laïka et Spoutnik 2.
L’auteur de ces lignes tient à remercier les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.
A plus.