Voler, comme dans un rêve : La saga du Great Flapper
Il y a 5 ans, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, faisait l’acquisition d’une machine volante inestimable. Votre humble serviteur aimerait dire (taper?) quelques mots, un grand nombre de mots en fait, sur cette question. Sommes-nous prêt(e)s, ami(e) lectrice ou lecteur?
On peut soutenir que la saga du Great Flapper commence en mars 1941 avec la naissance de James Duncan DeLaurier, au Michigan. Enfant, DeLaurier lit au sujet de Leonardo da Vinci, la première personne à s’intéresser sérieusement à la conception d’ornithoptères, et rêve de prendre son envol avec une machine à propulsion humaine de ce type. De fait, il fabrique des ornithoptères propulsés par des élastiques au milieu et à la fin des années 1950.
Croiriez-vous que le Musée des sciences et de la technologie du Canada, à Ottawa, accueille une exposition intitulée Leonardo da Vinci – 500 ans de génie jusqu’au début de septembre 2019? Et oui, ce véritable géant de la Renaissance est mentionné dans des numéros d’octobre 2018, janvier 2019 and mai 2019 issues de notre blogue / bulletin / machin. DeLaurier, quant à lui, est mentionné dans un numéro de janvier 2018 de ce même vous savez quoi.
Qu’entends-je? Vous ne savez pas ce qu’est un ornithoptère, ami(e) lectrice ou lecteur? C’est un type de machine volante dont les ailes battent pour réaliser et maintenir le vol. On peut soutenir qu’un ornithoptère est un oiseau mécanique. N’est-ce pas cool?
Il est à noter que quelques ornithoptères motorisés et pilotés sont construits, ou partiellement construits, au cours des décennies qui précèdent les premiers vols contrôlés et soutenus d’un avion motorisé, réalisés en Caroline du Nord par les frères Wright le 17 décembre 1903. Comme nous le savons tou(te)s les deux, Orville and Wilbur Wright sont mentionnés dans plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis novembre 2017.
Jacob Friedrich Brodbeck, un inspecteur d’école né dans le duché de Württemberg, dans ce qui est aujourd’hui l’Allemagne, réalise un ornithoptère à ressort avec habitacle fermé au Texas, en 1865 ou 1868. Selon des témoins, il fait un bref vol. La tentative se termine par un écrasement. Brodbeck n’est pas blessé.
Une question rapide si je peux me le permettre. Pouvez-vous identifier une personne célèbre née au Württemberg mentionné dans des numéros de décembre 2018 et mars 2019 de notre blogue / bulletin / machin? Le comte Ferdinand Adolf August Heinrich von Zeppelin, dites-vous? Très bien, dis-je. Tout aussi bien est le fait que le père du dirigeable rigide est mentionné dans des numéros de décembre 2017, décembre 2018 et mars 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Un juge de paix anglais, Edward Purkis Frost, achève un ornithoptère muni de 8 ailes en 1891, mais ne parvient pas à le faire voler. Il complète un ornithoptère muni d’un moteur à piston entre 1902 et 1905. Il se soulève peut-être du sol à un moment donné. Les restes de cet ornithoptère sont conservés à Londres, Angleterre, par le Science Museum.
Daniel Marion Asbury, propriétaire de la plantation, médecin, inventeur et géologue amateur vivant en Caroline du Nord, termine un ornithoptère ressemblant à un oiseau en 1881. Un moteur à vapeur actionne une paire d’hélices et des pédales activent les ailes. Il semble que les ailes battent principalement au décollage pour aider l’ornithoptère à décoller. Asbury meurt avant qu’il ne soit testé.
En 1892, une personne et une petite entreprise anglaise achèvent un ornithoptère piloté pour Ross Franklin Moore, un major retraité qui a servi en Inde avec les Royal Engineers de la British Army. Cette machine entravée à ailes battantes est munie d’un moteur électrique relié par des câbles à une paire de lignes à haute tension. Conçue pour être utilisée comme plateforme de levé ou d’observation, elle s’avère incapable de voler. Et oui, bon(ne) ami(e) lectrice ou lecteur, Moore est mentionné dans un numéro d’août 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
À Berlin, le célèbre pionnier allemand de l’aviation Karl Wilhelm Otto Lilienthal complète un ornithoptère en 1894. Testé pour la première fois sans son moteur à dioxyde de carbone, cette machine volante est un échec.
Le docteur Abel Hureau de Villeneuve, un médecin distingué, président fondateur de la Société végétarienne de Paris (Bonjour MMcC!) et rédacteur en chef du mensuel L’Aéronaute, le premier magazine d’aviation en français au monde, supervise la construction d’un ornithoptère dans les années 1890, à ou près de Paris. Cette machine volante n’est pas encore terminée à sa mort, en 1898.
William Browning Custead, opérateur d’aiguillage / opérateur télégraphiste / répartiteur vivant au Texas, complète en 1899 un ornithoptère à 6 ailes muni d’un moteur à piston. Selon des témoins, cette machine captive décolle plus ou moins verticalement pendant de brèves périodes de temps en 1899 et / ou 1900. Soit dit en passant, Custead est un cousin de William Frederick « Buffalo Bill » Cody, un gentilhomme mentionné dans des numéros d’octobre 2018 et de mai 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Un Anglais du nom de Reginald Mansfield Balston complète un ornithoptère au plus tard en 1900. Il ne vole jamais.
Vers 1900, James W. Clark, un réparateur de bicyclettes, inventeur et horloger vivant en Pennsylvanie, complète un ornithoptère à aile tandem propulsé par un moteur à piston. Les ailes de cette machine sont recouvertes de plumes de dinde. Elle ne vole pas, même après un changement de moteur, en 1907. Cet ornithoptère, maintenant restauré et en grande partie découvert, peut être admiré au Owl’s Head Transportation Museum, à Owl’s Head, Maine. Il s’agit fort possiblement du plus vieil ornithoptère piloté au monde encore en existence.
Plusieurs personnes conçoivent et construisent des ornithoptères motorisés et pilotés au cours des années et décennies qui suivent les premiers vols des frères Wright. Aussi intéressant qu’elle le serait, une liste de ces personnes et machines n’est pas nécessaire pour le moment. Qu’il soit cependant dit (tapé?) que Maurice Vaux de Montréal, Québec, complète un ornithoptère à 6 ailes muni d’un moteur à piston et d’une hélice à la fin de l’été 1911. Le blanchisseur, peintre et plâtrier d’origine française est fasciné par cette idée depuis un bon bout de certain temps. Son ornithoptère s’avère incapable de voler.
Sommes-nous prêt(e)s à poursuivre, ami(e) lectrice ou lecteur? Vermouilleux!
La saga du Great Flapper prend de la vitesse, pour ainsi dire, en 1973 lorsque DeLaurier, alors ingénieur titulaire d’un doctorat de Stanford University, rencontre Jeremy M. « Jerry » Harris, un ingénieur américain titulaire d’une maîtrise de Ohio State University. À l’époque, les 2 hommes travaillent au Battelle Memorial Institute, une institution privée de développement des sciences appliquées et des technologies en Ohio. Harris et DeLaurier comprennent vite qu’ils partagent un intérêt pour les ornithoptères. L’intérêt de Harris, par exemple, découle de recherches menées vers 1968, alors qu’il prépare sa maîtrise.
Les travaux de Harris et DeLaurier sur les ornithoptères commencent comme un passe-temps avant de devenir très sérieux. Ils continuent même lorsque DeLaurier rejoint la faculté du University of Toronto Institute for Aerospace Studies (UTIAS) en 1974. Même à cette époque, l’objectif ultime est peut-être la conception, la construction et l’essai d’un ornithoptère piloté.
Le fait que cette machine volante et les recherches qui y sont associées n’ont pas d’applications pratiques n’est pas un problème pour DeLaurier ou Harris. La recherche fondamentale a été / est / sera d’une importance cruciale dans le développement de nouvelles technologies. De fait, on peut soutenir que cette recherche fournit à certains étudiant(e)s de DeLaurier, un groupe multiculturel / multinational typique du corps étudiant de UTIAS, un sujet pour leur(s) thèse(s) (baccalauréat, maîtrise et doctorat).
Dès octobre 1985, DeLaurier et Harris ont conçu, construit et testé un modèle lancé à main motorisé et radiocommandé. Conçu comme modèle à l’échelle 1:4 d’un ornithoptère piloté, ce prototype de validation de principe ne peut pas effectuer de vol soutenu. DeLaurier et Harris lancent bientôt un programme de recherche détaillé qui conduit à la conception d’un modèle nettement amélioré, communément appelé Mr. Bill. Ce sobriquet inhabituel est inspiré par un clown en Play-Doh incroyablement malchanceux / sujet aux accidents, Mr. Bill, apparaissant dans plusieurs épisodes de la fin des années 1970 de l’émission télévisée américaine Saturday Night Live et dans plusieurs publicités télévisées produites à partir des années 1980.
Ce modèle réduit effectue les premiers vols soutenus d’un ornithoptère motorisé le 4 septembre 1991, un événement reconnu par la Fédération aéronautique internationale, l’organisation mondiale basée à Paris responsable de l’enregistrement de tous les types de records liés à l’aviation. Ces vols, d’une durée de 1 minute 45 secondes et 2 minutes 45 secondes, font la une de journaux partout dans le monde. On peut soutenir que Mr. Bill est la première machine volante à ailes battantes dont beaucoup de gens entendent parler.
Il convient de noter que Mr. Bill est acquis par le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada en 2012.
En 1991, un groupe finance la fabrication d’une maquette à l’échelle 1:4 de l’ornithoptère piloté que Harris et DeLaurier souhaitent construire. Ce modèle est destiné à être exposé à la Exposición Universal de Sevilla 1992, tenue d’avril à octobre de cette année-là pour commémorer le 500e anniversaire de l’arrivée dans les Amériques de Cristobal Colom, un individu mieux connu sous le nom de Christophe Colomb qui n’a pas découvert l’Amérique,
- premièrement, parce que des colonisateurs / envahisseurs vikings, dirigés par Leif Eiríkrsson, fils d’Eiríkr Thorvaldsson, également connu sous le nom d’Eiríkr Rauð, ou Eric le Rouge, 2 personnes sont mentionnées dans des numéros d’octobre 2018 et juillet 2019 de notre blogue / bulletin / machin, mettent les pieds sur le continent américain aux alentours de l’an 1000, et
- secondement, parce que les Premières nations découvrent l’Amérique des milliers d’années avant que les Européens ne colonisent / envahissent le continent, une série d’événements désastreux qui entraîne plus ou moins directement la mort du gros de la population indigène.
Une fois de retour au Canada, Expothopter, comme on appelle le modèle, est utilisé par DeLaurier et son équipe pour effectuer des tests dans la soufflerie de 9 mètres (29.5 pieds) du Centre de recherche en aérospatiale du Conseil national de recherches du Canada, à Ottawa. Les données recueillies lors de ces tests s’avèrent utiles dans les années à venir.
Le modèle de 1991 est prêté en 2004 à quelques membres du Humber Valley Radio Control Flyers, un club de la région de Toronto qui fait voler des aéronefs radiocommandés. Cet ornithoptère oublié, comme on l’appelle parfois, roule plusieurs fois au sol mais ne prend jamais l’air. Une fois muni d’un fuselage qui ressemble beaucoup à celui du Great Flapper, il est exposé au Museum of Science and Industry de Chicago, Illinois, et au Musée national des sciences et de la technologie, à Ottawa, l’actuel Musée des sciences et de la technologie du Canada, un musée sœur / frère du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Le fuselage arrière de l’ornithoptère est malheureusement écrasé par des ratons laveurs qui nichent dans l’espace d’entreposage de UTIAS où il est placé. Ces mêmes ratons laveurs urinent également sur la boîte en carton qui contient le fuselage.
Ce modèle d’ornithoptère existe toujours en de 2019. Il est reconstructible et peut fort bien valoir la peine d’être acquis, à une date ultérieure. Je vous dis ça comme ça, moi. Mais revenons à notre histoire.
Fortement encouragés par le succès de Mr. Bill, DeLaurier et Harris réalisent une étude de faisabilité pour un ornithoptère piloté monoplace en 1993-94. La construction de cette machine volante commence en 1995, l’année même où DeLaurier devient citoyen canadien. Bien que contraint de quitter le projet à cause du stress qu’il lui cause et du fait qu’il vit en Ohio, Harris consacre une grosse somme d’argent à la construction de l’ornithoptère piloté. DeLaurier parvient à mobiliser une autre grosse somme d’argent pour le compléter.
L’ornithoptère piloté effectue son premier essai de roulage en octobre 1996 à l’Aéroport de Downsview, à Toronto, Ontario. Son pilote est Patricia Jones-Bowman, une personne expérimentée possédant une certaine expérience de vol de brousse L’ornithoptère s’avère malheureusement plus lourd que prévu, ce qui réduit ses performances. Malgré cela, en novembre 1998, la pilote d’origine britannique est capable de faire de brefs sauts de puces. Cependant, l’ornithoptère se pose assez lourdement et la jambe du train d’atterrissage sous le nez finit par céder. L’équipe installe une nouvelle jambe légèrement plus courte, ce donne à l’ornithoptère une posture inclinée. Ce petit changement augmente la charge sur les montants verticaux utilisés comme points d’attache et de pivotement pour les ailes battantes.
En novembre 1999, alors que l’ornithoptère se rapproche de la vitesse de décollage, le montant vertical du côté droit cède. L’aile battante droite se désintègre presque et l’ornithoptère s’écrase sur le dos. Jones-Bowman n’est pas blessée, mais les travaux de réparation / reconstruction durent plus d’un an. L’aile droite, par exemple, est reconstruite à un niveau amélioré.
À l’époque et pour plus d’une décennie par la suite, le Toronto Aerospace Museum / Canadian Air and Space Museum permettent gracieusement à l’équipe d’utiliser un hangar sur son site. En échange, l’équipe accepte volontiers de mettre l’ornithoptère en exposition pendant la saison morte.
Les essais recommencent en août 2001. Sentant que l’équipe a fait tout ce qu’elle pouvait avec ce concept et qu’il est temps d’en changer, Jones-Bowman part peu après. De fait, elle a déjà commencé à construire son propre ornithoptère et veut y travailler à plein temps. Jones-Bowman travaille depuis lors sur cet ornithoptère piloté, le Nightingale. En ce mars 2020, ses plans sont de le tester pendant l’été.
Jones-Bowman est remplacée par Jack Sanderson. Ce passionné de longue date des avions ultralégers / de construction amateur doit apparemment suivre un régime pour conserver le poids maximal de l’ornithoptère dans les paramètres de conception. C’est peut-être à cette époque que l’ornithoptère devient connu sous le nom de Flapper, un sobriquet devenu plus tard Great Flapper.
Ce nom est adopté en hommage à un pionnier américain de l’aviation, Samuel Pierpont Langley. Cet astronome, physicien et secrétaire de la Smithsonian Institution, basée à Washington, commence à développer une série d’avions miniatures motorisés, ou aérodromes, en 1891. Son premier concept réussi, le Aerodrome No. 5, vole sur une distance d’environ 1 000 mètres (environ 3 300 pieds) en mai 1896 tandis que le Aerodrome No. 6 couvre une distance d’environ 1 450 mètres (environ 4 750 pieds) en novembre. Les deux modèles sont catapultés depuis le toit d’une péniche amarrée sur la rivière Potomac.
En 1898, le United States Department of War fournit à Langley ce qui est alors une grosse somme d’argent pour construire une version pilotée de sa machine volante. C’est le premier contrat d’aéronef signé par le gouvernement américain. Le Aerodrome A ou Great Aerodrome est catapulté pour la première fois depuis le toit d’une plus grande péniche au début d’octobre 1903. Il tombe à l’eau presque immédiatement. Le pilote et constructeur du moteur à piston très avancé de l’avion, Charles Matthews Manly, n’est pas été blessé. Le Great Aerodrome est catapulté une seconde fois début décembre. Il se dresse, se brise et tombe à l’eau. Manly est brièvement piégé dans l’épave. Ridiculisé par la presse et des membres du Congrès, Langley ne peut pas obtenir de financement supplémentaire.
Et oui, ce même mois de décembre 1903, les susmentionnés frères Wright effectuent leurs vols historiques.
Le Aerodrome No. 5 restauré est exposé au National Air and Space Museum (NASM), un des grands musées de la Smithsonian Institution, tout comme le Wright Flyer de 1903. Le Great Aerodrome restauré, quant à lui, est exposé à Chantilly, Virginie, au Steven F. Udvar-Hazy Center du NASM.
Le Great Aerodrome et le Flyer sont au centre d’une vilaine dispute qui oppose Orville Wright à la Smithsonian Institution. Lorsque cette dernière expose le Great Aerodrome, en 1918, avec un panneau indiquant qu’il s’agit du premier avion piloté capable de voler, la colère de Wright est telle qu’il refuse de donner le Flyer à cette institution de renommée mondiale. De fait, il prête cet avion historique au South Kensington Museum de Londres, l’actuel Science Museum, en 1928. La Smithsonian Institution ne cède qu’en 1942. Le Flyer est exposé pour la première fois aux États-Unis en 1948.
DeLaurier s’identifie à Langley en raison de la nature académique de ses nombreuses années de recherche aéronautique. Il s’identifie également à sa tentative d’appliquer son travail avec des modèles à la construction d’un avion piloté. Mais revenons à notre histoire.
Au plus tard en 2001, l’équipe de l’ornithoptère se rend compte que les ailes du Great Flapper ne sont pas assez grandes pour assurer la portance nécessaire au vol soutenu qu’elle poursuit, à savoir environ 11 secondes de vol. Elle conçoit une paire d’ailes tronquées montées aux extrémités de la structure en forme d’aile qui supporte les montants verticaux utilisés comme points d’attache et de pivotement pour les ailes battantes. L’ornithoptère modifié est prêt à reprendre ses essais en août 2002. Les essais se poursuivent jusqu’au troisième trimestre de l’année, lorsqu’une soudure dans une des jambes du train d’atterrissage cède au cours d’un essai. Un manque de financement et le temps nécessaire pour repenser et reconstruire le train d’atterrissage immobilisent l’équipe jusqu’au printemps 2004. Elle utilise une partie de ce temps pour concevoir de plus grandes ailes battantes mais n’est pas en mesure de trouver l’argent nécessaire pour payer leur construction.
À peu près à la même époque, DeLaurier évoque la possibilité de commémorer la contribution du susmentionné da Vinci aux premiers développements des ornithoptères en amenant le Great Flapper sur le site des XXèmes Jeux olympiques tenus à Turin, Italie, en février 2006, et voler là-bas. Un certain intérêt est exprimé mais pas suffisamment pour mener à bien cette idée fascinante.
DeLaurier et l’équipe ne savent que trop bien que le martèlement subi par le train d’atterrissage du Great Flapper lorsque les ailes battantes se déplacent à leur fréquence maximale, lors d’essais à grande vitesse et de tentatives de décollage, peuvent causer des dommages ou un accident. Ceci étant dit, ils ne savent pas trop quoi faire. Un jour, DeLaurier tombe sur quelques moteurs à réaction miniatures alors qu’il visite un magasin de loisirs. Il se demande si quelques-uns pourraient fournir la puissance nécessaire pour résoudre le problème de l’équipe. Un tel regroupement s’avère inutile, car le fabricant des moteurs à réaction, une compagnie néerlandaise du nom de AMT Netherlands Besloten Vennootschap, produit un minuscule moteur qui permettrait au Great Flapper de décoller avec ses ailes battantes se déplaçant à une fréquence relativement faible. Une fois en vol, le susmentionné Sanderson arrêterait le dit moteur à réaction et augmenterait la fréquence de battement des ailes.
L’achat d’un moteur vide pratiquement les coffres de l’équipe. La connexion du moteur à réaction au Great Flapper et l’installation des divers périphériques, du câblage de commande au réservoir de propane, s’avèrent relativement simples. L’ornithoptère modifié subit un essai statique réussi vers la fin de 2004.
Le premier essai a lieu à la mi-juillet 2005, après quelques ajustements en mai et juin. D’autres ajustements suivent. Un autre essai est effectué début août. Une tentative de vol soutenu plus tard dans l’année échoue en raison de difficultés d’allumage. Vous voyez, une interférence électromagnétique produite par le moteur à piston qui active les ailes battantes interfère avec le module de commande électronique du moteur à réaction. Du mauvais temps s’installe alors que l’équipe tente de remédier à ce problème. La saison 2005 se termine avant que les essais ne peuvent reprendre. Au cours de l’hiver 2005-06, l’équipe met au point et installe un nouveau système d’allumage et, possiblement, une sorte de blindage électromagnétique.
Les essais du Great Flapper reprennent le 6 juillet 2006. Sanderson profite des conditions météorologiques idéales pour effectuer une série d’essais. Comme il s’habitue à la puissance accrue du moteur à réaction, le pilote du Great Flapper peut aller de plus en plus vite. À son 6ème essai, Sanderson arrive à la bonne combinaison de vitesse et de contrôle. Le Great Flapper quitte le sol. Au bout de 10 secondes, alors que Sanderson s’apprête à couper le moteur à réaction, le bord de fuite de l’aile gauche, qui n’a pas été amélioré suite à l’écrasement de 1999, se déforme et se bloque. L’ornithoptère commence à vaciller. Sanderson tente de corriger mais ne réussit que partiellement. Il atterrit avant que les choses ne dégénèrent. La jambe du train d’atterrissage sous le nez subit des dommages au toucher. Même ainsi, le Great Flapper a réussi à parcourir une distance d’environ 300 mètres (1 000 pieds), à une hauteur d’environ 1 mètre (3 pieds). Il est resté en l’air 17 secondes, le temps le plus long jamais atteint par un ornithoptère piloté motorisé. L’équipe passe le reste de l’année 2006 à réparer le Great Flapper. Le bord de fuite des deux ailes est renforcé, par exemple.
Il est intéressant de noter que l’année 2006 voit le lancement d’un autre projet d’ornithoptère à UTIAS. Todd Reichert, un des doctorants de DeLaurier, commence à travailler sur un ornithoptère à propulsion humaine dans le cadre de sa thèse de doctorat. Ainsi naît Snowbird. DeLaurier, qui prend sa retraite cet été là et devient professeur émérite, est très satisfait de ce développement. Il est à noter que cet ornithoptère à propulsion humaine est acquis par le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada en 2012.
Il convient de noter à ce stade de notre article que le projet Great Flapper bénéficie de l’aide de 16 sponsors ou plus, dont
- la University of Toronto,
- le Toronto Aerospace Museum / Canadian Air and Space Museum,
- le Conseil national de recherches du Canada, et
- la Kenneth M. Molson Foundation.
Le regretté Kenneth Meredith « Ken » Molson est le conservateur fondateur du Musée national de l’aviation, l’ancêtre direct du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Ce gentilhomme est mentionné dans un numéro de juillet 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
L’espoir de l’équipe de Great Flapper que la saison 2007 soit la meilleure de tous les temps est durement touché lorsque l’ornithoptère commence à se comporter de manière saccadée. Le fuselage avant et la jambe de train sous le nez subit certains dommages. Une inspection détaillée permet de découvrir une légère courbure de la jambe de train avant, une conséquence invisible des dommages subis en juillet 2006. L’équipe reconstruit le train avant et le renforce. Elle installe également un pneu plus large.
Les essais recommencent en 2008. Malheureusement, le Great Flapper continue à se comporter mal. C’est comme si les freins sont appliqués. L’ornithoptère est endommagé. L’équipe découvre finalement que chaque fois que le pneu avant heurte le sol, ses flancs touchent la fourche en métal qui le supporte. Ce frottement provoque l’action ressemblant à un freinage. Le temps nécessaire pour faire les réparations et divers autres problèmes clouent l’équipe au sol jusqu’en 2009, et assez tard dans la saison en plus.
Avant ce moment, il y a eu de nombreux changements dans la composition de l’équipe. Les nouvelles personnes ne sont pas aussi expérimentées que leurs prédécesseurs. En conséquence, il s’avère quasiment impossible de démarrer le moteur à piston qui active les ailes battantes. Le filtre à carburant, le dispositif qui empêche des contaminants tels que de l’eau et des particules de pénétrer dans le moteur, est également été endommagé lors de ce qui se révèle être la dernière bonne journée de la saison 2009.
À un moment donné vers cette époque, DeLaurier contacte quelques personnes pour savoir si elles seraient intéressées par la production d’un documentaire détaillant l’historique du susmentionné projet Snowbird. Sheona McDonald, cofondatrice de Dimestore Productions Incorporated, établie à Vancouver, Colombie-Britannique, et Adam Liley, fondateur de 35.5 Entertainment Incorporated, établie à Halifax, Nouvelle-Écosse, sont vraiment intrigués. Ils enregistrent l’ensemble du projet, depuis ses débuts théoriques jusqu’à son vol mondialement connu de 19.3 secondes le 2 août 2010 – le premier vol contrôlé et soutenu jamais réalisé par un ornithoptère à propulsion humaine. Cet événement, qui crée un battage médiatique dans le monde entier, est reconnu par la susmentionnée Fédération Aéronautique Internationale. Le film documentaire coproduit par McDonald et Liley s’intitule When Dreams Take Flight. Il est diffusé pour la première fois en novembre 2011 sur documentary Channel, une chaîne spécialisée appartenant à Canadian Broadcasting Corporation.
McDonald et Liley veulent également filmer le Great Flapper. DeLaurier et son équipe sont plus qu’heureux de les accueillir. Sanderson effectue 3 essais à haute vitesse par beau temps à l’été 2010, mais ne peut pas décoller. De fait, le fuselage avant de l’ornithoptère est légèrement endommagé lors du 3ème essai.
À ce moment-là, DeLaurier est pour ainsi dire prêt à mettre définitivement fin aux essais et à faire don du Great Flapper au Canadian Air and Space Museum, en guise de remerciement pour toute son aide au fil des ans. Après tout, la cellule de l’ornithoptère ne rajeunit pas. Quoi qu’il en soit, il semble évident que son moteur à réaction n’est pas assez puissant pour permettre à l’ornithoptère de décoller avec ses ailes battantes se déplaçant à une fréquence relativement faible. Un coup d’œil sur le site Web de AMT Netherlands révèle toutefois que la société a développé un nouveau et plus puissant moteur à réaction. L’achat de l’un d’entre eux vide pratiquement les coffres de l’équipe. Même si ce moteur arrive en 2010, le beau temps est déjà fini au moment où il est installé sur le Great Flapper.
Le premier essai avec le nouveau moteur a lieu en juillet 2011. Faisant preuve de prudence, Sanderson ne tente pas de décoller lorsqu’il démarre l’ornithoptère pour la première fois. Malgré tout, l’accélération du Great Flapper est telle que le conducteur de la voiture de poursuite peut à peine suivre. Sanderson tente de décoller lors de son 2ème essai. Les ailes battent cependant trop lentement, ce qui crée une instabilité fort préoccupante. Au cours de son 3ème essai, Sanderson pousse un peu plus le moteur à pistons qui active les ailles battantes. Le Great Flapper quitte brièvement le sol à quelques reprises.
Fortement encouragée, l’équipe espère que le 4ème essai sera le bon. Lorsque le moteur à réaction est mis en marche, il crache une boule de feu. Quelqu’un prend aussitôt un extincteur à poudre pour éteindre les flammes, recouvrant ainsi tout le moteur d’une matière visqueuse qui se transforme rapidement en croûte dure. Le moteur à réaction est vite expédié à AMT Netherlands pour réparation. Par malchance, les vacances scolaires néerlandaises se tenaient, et se tiennent encore, entre le début de juillet et la mi-août. En conséquence, le moteur à réaction réparé ne revient qu’en septembre.
Une fois réinstallé sur l’ornithoptère, il se comporte merveilleusement bien. Le moteur à piston âgé de plus de 20 ans qui actionne les ailes battantes, par contre, refuse de démarrer. Quelque peu alarmée, l’équipe commence à vérifier ce qui ne va pas. Un concepteur de moteurs de l’Ouest canadien apporte son aide. Il y a un grand soulagement lorsque le problème s’avère être un filtre obstrué dans le carburateur. Le nettoyage ne prend que quelques minutes, mais de nombreuses semaines de beau temps sont perdues. De fait, on peut soutenir que les dommages subis par le moteur à réaction ferment la porte à tout espoir de voir le Great Flapper réaliser un vol soutenu seulement en battant des ailes.
Vous voyez, ami(e) lectrice ou lecteur, à la fin de l’été 2011, l’équipe apprend que le hangar qu’il utilise depuis près de 15 ans, gracieuseté du Canadian Air and Space Museum, ne sera peut-être plus disponible pour longtemps. Downsview Park Incorporated (PDP), une société d’état autofinancée qui relève de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, envoie un avis d’expulsion au musée en septembre. PDP, semble-t-il, veut construire un stade à l’emplacement du musée.
Le conseil d’administration du Canadian Air and Space Museum est choqué par cette nouvelle. Il apprend également que la désignation patrimoniale accordée à son bâtiment, utilisé au cours des années précédentes par de Havilland Aircraft of Canada Limited, un des plus importants fabricants d’aéronefs de l’histoire du Canada et une entreprise mentionnée dans plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis février 2018, est perdue suite au transfert de propriété à PDP. Le conseil d’administration jure de lutter contre l’expulsion mais tente aussi de trouver un nouveau domicile sur le même site, à l’Aéroport international Lester B. Pearson.
En 2012, alors que ces événements se déroulent, DeLaurier et son équipe effectuent quelques essais avec le moteur à réaction en marche. La température est relativement basse et ils ont des problèmes avec le moteur à piston qui active les ailes battantes. Un nouveau carburateur trouvé en Colombie-Britannique par un membre de l’équipe est bientôt installé. Les essais du Great Flapper ne peuvent toutefois pas reprendre.
Informés que le Canadian Air and Space Museum est en train de fermer et de déménager sa collection, DeLaurier et un membre de l’équipe doivent désassembler en partie l’ornithoptère. Une fois placés dans une remorque d’entreposage spéciale, les ailes et l’ensemble stabilisateur / élévateur horizontal du Great Flapper sont acheminés vers une installation contrôlée par le musée, ou par un membre du conseil d’administration, située à l’Aéroport international Lester B. Pearson. Le fuselage, qui se trouve toujours à Downsview, au musée, y serait bientôt transféré – ou du moins, c’est ce qu’on dit à DeLaurier à un moment donné.
À la mi-2014, les efforts du conseil d’administration du Canadian Air and Space Museum pour rouvrir l’institution ne semblent pas avoir porté fruits. À la mi-juillet, DeLaurier est choqué d’apprendre que le fuselage du Great Flapper est toujours à Downsview. Pis encore, environ 45 conteneurs loués contenant des documents d’archives, des objets exposés, des artefacts et des aéronefs démontés, y compris le fuselage de l’ornithoptère, doivent être retournés à la fin d’août. La question de 64 000 $ est de savoir où tout ce matériel va se retrouver.
Confronté à une crise, DeLaurier contacte le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada à la mi-juillet pour voir s’il peut accepter le Great Flapper. Le conseil d’administration du Canadian Air and Space Museum en est conscient et ne formule aucune objection. En vérité, DeLaurier espérait peut-être que cette machine volante unique rejoindrait la collection aérospatiale nationale. Un des anciens directeurs généraux du musée a en fait manifesté beaucoup d’intérêt dès 2004. La dette que DeLaurier a envers le Canadian Air and Space Museum pour toute son aide au fil des ans est la seule raison pour laquelle il n’offre pas le Great Flapper au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada des années plus tôt.
Quoi qu’il en soit, son offre de juillet 2014 est dûment transmise au comité des acquisitions du groupe de musées auquel le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada appartient. Le comité convient en principe que l’acquisition de cet ornithoptère mérite d’être envisagée. Le travail sur une proposition d’acquisition commence sérieusement. Un échange de courriels a ensuite lieu pour déterminer comment le Great Flapper et les documents d’archives détaillant son histoire peuvent être transportés à Ottawa, si le comité approuve l’acquisition de cette machine volante unique. Il le fait bientôt, et le Great Flapper, l’ornithoptère motorisé et piloté le plus réussi jamais fabriqué, arrive au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada peu de temps après.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.
À la revoyure.