Un bref portrait d’un duo dynamique de dentistes de Québec, Québec, Henri Edmond Casgrain et Marie Wilhelmine Emma Casgrain, née Gaudreau, pendant la Belle Époque – et un peu d’info sur leur première voiture sans chevaux, une Bollée Voiturette, partie 3
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur assidu(e). Comme promis, voici la 3ème et dernière partie de cet article, une partie pendant laquelle votre humble serviteur va conclure la fascinante histoire de la Bollée Voiturette conçue par le pionnier français de l’automobile Léon Auguste Antoine Bollée.
La première compétition à laquelle la dite Voiturette, un quatuor de Voiturette en fait, semble participer est la Course de voitures automobiles Paris-Marseille-Paris qui se tient en France, évidemment, en septembre et octobre 1896. Le distance à parcourir étant d’environ 1 710 kilomètres (environ 1 060 milles), elle ne peut certes pas être franchie en une seul jour.
Tout au plus une quinzaine de la trentaine de participants franchissent la ligne d’arrivée, dont 1 seule des 4 Voiturette, qui finit d’ailleurs en dernière place. Ce véhicule est évidemment celui que vous venez de reluquer.
C’est à se demander si un événement sportif aussi long et pénible que la Course de voitures automobiles Paris-Marseille-Paris ne dépasse pas les capacités d’adaptation d’un véhicule léger comme la Voiturette. Remarquez, leurs conducteurs jouent également de malchance.
Au moment où se déroule cette compétition, les automobilistes britanniques ne sont certes pas aussi libres de leurs mouvements. De fait, ils vivent encore sous le joug du Locomotives (Amendment) Act 1878. Si, si, la loi mentionnée dans la 2ème partie de cet article.
Les automobilistes britanniques, qui, ne l’oublions pas, sont des gens qui ont du pognon et un statut social élevé, sont outrés par ces contraintes. Ils exigent que le Locomotive (Amendment) Act 1878 soit modifié ou abrogé.
En août 1896, le Locomotives on Highways Act 1896 reçoit la sanction royale faisant de lui une mesure législative officielle qui élimine la présence du piéton et fait passer la vitesse maximale permise des « light locomotives, » en français locomotives légères, à environ 22.5 kilomètres/heure (14 milles/heure) dans les campagnes. Remarquez, ces véhicules devaient porter une cloche ou une sorte de bruiteur pour avertir de leur approche.
Et oui, plusieurs autorités locales profitent d’une clause de la loi pour réduire un tantinet la vitesse maximale dans les campagnes.
Le Locomotives on Highways Act 1896, la Magna Carta des voitures à moteur aux dires de plusieurs, entre en vigueur le 14 novembre 1896. Le Motor Car Club anglais et le co-fondateur et président de British Motor Syndicate Limited, Henry John « Harry » Lawson, un membre fondateur du dit club, choisissent ce jour historique comme date d’une procession / promenade d’environ 85 kilomètres (un peu moins de 55 milles), en sol anglais évidemment, plus spécifiquement entre Londres et Brighton, une fort populaire station balnéaire.
Au fil des jours, des firmes et particuliers enregistrent près de 55 véhicules participants, ce qui ne veut pas nécessairement dire que tout le monde prend le départ le 14 novembre.
Comme par hasard, les automobilistes qui participent à cette procession doivent faire face à une situation pour le moins déplorable : il a plu pour ainsi dire toute la nuit et les routes sont détrempées.
À bien y penser, l’utilisation du terme procession n’est peut-être pas appropriée. En effet, certains parmi la trentaine de conducteurs présents, dont possiblement des conducteurs de Voiturette, commencent à mettre la pédale au plancher afin d’arriver à Brighton avant tout le monde. Pis encore, au moins un des pilotes de Voiturette peut, je répète peut, avoir sauté la pause de midi obligatoire et un des arrêts nécessaires pour prendre les devants.
En cours de route, Bollée effraye malheureusement un cheval qui renverse aussitôt une dame. Pour une raison ou une autre, il ne s’arrête pas. Je sais, je sais, ce manque de considération est plutôt dérangeant, d’autant plus que Bollée ne participe pas à une course. Soyons charitable et suggérons qu’il n’a as vu l’accident qu’il venait de causer. Quoi qu’il en soit, le procès-verbal préparé par un agent de police ne mentionne pour toute identification que le fait que l’automobiliste fautif est en tête de peloton.
Qui donc remporte cette course qui n’en est pas une? Bollée, bien sûr, avec un de ses bolides. Mieux encore, son frère cadet, Camille Amédée Alfred Bollée, arrive en 2ème place, lui aussi aux commandes d’une Voiturette. Il s’agit là de bien bonnes nouvelles.
Ce qui est beaucoup moins amusant, c’est l’arrivée, quelques / plusieurs jours plus tard, d’une mise en demeure indiquant que Bollée, oui, Léon Bollée, a une forte amende à payer, suite à l’accident qu’il avait causé.
Soit dit en passant, seule une quinzaine de véhicules semble arriver à Brighton.
Beau joueur, Bollée est sur le point d’envoyer un chèque lorsqu’il entend parler d’un autre participant à la procession, Edward Joel Pennington, un inventeur américain grandiloquent aux tendances arnaqueuse qui avait vendu des brevets à Lawson quelques mois auparavant.
Bollée est sidéré d’apprendre que Pennington prétend être arrivé à Brighton le premier aux commandes d’un exemplaire, le premier peut-être, de son tricycle à essence, le Pennington Autocar, ce qui est un mensonge éhonté, le dit véhicule étant arrivé en 8ème place.
Une idée géniale et délicieuse surgit toutefois dans l’esprit de Bollée. Il fait parvenir à Pennington une note qui se lit comme suit, dit-on : « Puisque vous prétendez être le premier arrivé, j’imagine que l’assignation que l’on m’a adressée vous concerne… et aussi la condamnation. Ayez-donc l’obligeance d’acquitter le montant de l’amende. » Ne souhaitant pas passer pour un menteur, Pennington aurait, dit-on, payé l’amende, en maudissant Bollée jusqu’au ciel.
Fin décembre 1896, Bollée met Pennington au défi de parcourir une seconde fois les routes qui unissent Londres et Brighton à bord des véhicules utilisés en novembre. Il se dit même prêt à participer avec lui à la course Marseille-Nice qui doit avoir lieu en France en janvier 1897. Voyez-vous, Pennington avait eu le culot de mettre en doute les performances de la Voiturette.
Pennington refuse toutefois de s’en laisser imposer. De fait, ce fanfaron remet ça par le biais de quelques lettres publiées dans des numéro du début de 1897 du magazine hebdomadaire anglais The Autocar. En fin de compte, il préfère ne pas faire la course avec Bollée, une position qui lui attire bien des moqueries.
Un membre de la haute direction de Coventry Motor Company, une firme qui produit la Voiturette sous licence en Angleterre, se montre tout particulièrement cinglant. Herbert Osbaldeston Duncan ne semble pas digérer le fait que Pennington affirme (avec justesse?) l’avoir emporté sur lui à 2 reprises lors de tirs à la corde, à Coventry, impliquant une Autocar et une Coventry Motette, la version de la Voiturette fabriquée en Angleterre.
Un autre Américain est beaucoup plus mécontent que Pennington fin 1896, mais pour des raisons fort différentes. Voyez-vous, l’inventeur / mécanicien américain et pionnier de l’automobile James Frank Duryea prétend être arrivé à Brighton avant tout le monde et ce à bord d’un véhicule fabriqué par la firme américaine Duryea Motor Wagon Company. Pour une raison ou une autre, l’automobile de Duryea peut, je répète peut, toutefois être mise sous clé dans un hangar, loin des regards, peu après son arrivée à Brighton.
D’aucuns avancent que Duryea s’est joint à la procession en cours de route ou qu’il n’avait pas signé pour y participer. D’autres aucuns avancent toutefois que Lawson et British Motor Syndicate souhaitent que ce soit des Voiturette qui monopolisent la scène, et ce afin de mousser le ventes de la Motette.
Et oui, pour de nombreux journaux américains, Duryea avait remporté la course Londres-Brighton.
Quoi qu’il en soit, la réaction de Duryea ne se fait pas attendre. Outré par ce qu’il juge être une tentative de balayer sa victoire sous le proverbial tapis, Duryea refuse de participer à l’opulent banquet qui honore les participants. L’absence de cet Américain sans appui ou allié en Angleterre ne dérange strictement personne.
Une Bollée Voiturette monoplace de course à 2 moteurs. Anon., « Voiturette Léon Bollée à une place – Type de course. » Les Sports modernes, juin 1898, entre pages 8 et 9.
Comme vous pouvez l’imaginer, des Voiturette monoplaces spécialement conçues à cet effet participent à de nombreuses courses qui se tiennent dans les mois suivants. Ces véhicules sont selon toute vraisemblance propulsées par 2 moteurs au lieu d’un seul.
Mentionnons pour commencer la première Coupe des motocycles qui se tient en France fin juin 1897. La vingtaine de participants doit effectuer 5 fois l’aller-retour entre Saint-Germain-en-Laye et Ecquevilly, non loin de Paris, France – une distance totale d’environ 100 kilomètres (un peu plus de 60 milles). Bollée arrive en première place.
Deux autres conducteurs de Voiturette, un aristocrate français, le vicomte Martial Jean Henri Raymond du Soulier, et un industriel en conserverie / pilote automobile français, René Pellier, arrivent respectivement en 3ème et 4ème places. Ce dernier fait en fait la course avec un passager sur le siège avant de sa Voiturette biplace.
La Course d’Automobiles entre Paris et Dieppe, France, se tient quant à elle fin juillet 1897. Près de 60 véhicules motorisés de tous types sont sur la ligne de départ. Un industriel et pilote automobile français, Paul Jamin, triomphe aux commandes d’une Voiturette. Pellier arrive en seconde place aux commandes d’une autre Voiturette.
Paul Jamin et la Bollée Voiturette qu’il conduit à la victoire dans la course entre Paris et Trouville-sur-Mer, France. Frantz Reichel, « Paris-Trouville. » Le Sport universel illustré, 28 août 1897, 447.
Vers la mi-août, Jamin arrive de nouveau premier, cette fois-ci lors de la course entre Paris et Trouville-sur-Mer, France, sur les côtes de la Manche, et…
Quel est ce regard sidéré que je vois illuminer votre visage, ami(e) lectrice ou lecteur? Ne saviez-vous donc pas que des procédés de photographie en couleurs existaient en 1898?
Ceci étant dit (tapé?), votre humble serviteur est bien en mal de vous dire quel procédé photographique est utilisé pour réaliser l’image originale, reproduite par la suite à de fort nombreuses reprises pour insertion dans le numéro de juin 1898 du mensuel français Les sports modernes, et ce grâce à un procédé de gravure et impression, la chromotypogravure, je pense, inventé en France vers 1845 par le graveur français Joseph Isnard Louis Desjardins, mais revenons à nos courses, et…
D’accord, d’accord, respirez par le nez, ami(e) lectrice ou lecteur. Les procédés couleur disponibles en 1898 sont apparemment ceux récemment développés par le technicien / inventeur américain Frederic Eugene Ives, le professeur / physicien / inventeur anglo-irlandais John Joly et le physicien / inventeur franco-luxembourgeois Jonas Ferdinand Gabriel Lippmann. Seigneur, que vous êtes grincheux parfois.
Le vicomte Martial Jean Henri Raymond du Soulier à bord de sa Bollée Voiturette de course. Anon., « La Côte d’Azur sportive. » La Vie au Grand Air, 1er avril 1898, 7.
Début mars 1898, le vicomte du Soulier arrive en 1ère place dans sa catégorie lors de la course Marseille-Nice, une compétition éprouvante qui se déroule sur 2 jours sur un parcours d’environ 200 kilomètres (environ 125 milles), je pense.
Soit dit en passant, la grande vitesse et la forme allongée de la Voiturette, surtout en version de course, qui a parfois un nez métallique pointu, font en sorte que d’aucuns l’affuble du surnom de « torpilleur de la route. »
Comme vous n’êtes pas sans le savoir, ami(e) lectrice ou lecteur au savoir encyclopédique, un torpilleur de la fin du 19ème siècle est un petit navire de guerre rapide et agile ayant pour fonction d’envoyer par le fond les gros navires de guerre d’une marine adverse, et ce à l’aide de torpilles.
Remarquez, l’absence totale de protection accordée à la personne qui prend place sur le siège avant d’une Voiturette version standard fait en sorte que ce véhicule est parfois affublé d’un autre surnom, la « tue belle-mère. » Je ne plaisante pas.
Léon Auguste Antoine Bollée et sa Voiturette à environ 200 mètres (environ 650 pieds) de la ligne d’arrivée de la seconde édition du Critérium des Motocycles, Étampes, France. Frantz Reichel, « Le Critérium des Motocycles. » Le Sport universel illustré, 7 mai 1898, 306.
Léon Auguste Antoine Bollée et sa Voiturette peu après avoir franchi la ligne d’arrivée de la seconde édition du Critérium des Motocycles, Étampes, France. Frantz Reichel, « Le Critérium des Motocycles. » Le Sport universel illustré, 7 mai 1898, 307.
Fin avril 1898, lors de la seconde édition du Critérium des Motocycles, Bollée complète l’aller-retour de 100 kilomètres (environ 62 milles) entre les villes françaises de Chartres et Étampes en 1 heure 59 minutes, établissant ainsi une record mondial de vitesse de 50.4 kilomètres/heure (31.3 milles/heure). Le matin même de la compétition, Bollée avait fait mieux encore, quoique dans un cadre informel : 25 kilomètres en 25 minutes, ce qui correspond à une vitesse moyenne, je répète moyenne, de 60 kilomètres/heure (37.3 milles/heure). Les commentateurs sportifs de l’époque sont stupéfaits.
De fait, croiriez-vous que 11 des 15 premiers véhicules à franchir la ligne d’arrivée de la seconde édition du Critérium des Motocycles sont des Voiturette? Je ne plaisante pas.
Le poids de la Voiturette de Bollée dépassant le maximum permis pour la compétition, il est toutefois disqualifié. Bollée accepte cette décision avec philosophie, d’autant plus que le nouveau gagnant de la compétition, un employé portugais de la Société anonyme des voiturettes automobiles, Wilfrid, de son vrai nom Alfredo Lavezze, pilotait lui-aussi une Voiturette. Et le voici…
Le gagnant final de la seconde édition du Critérium des Motocycles, Alfredo Lavezze, mieux connu sous le nom de Wilfrid. Bibliothèque nationale de France, Collection Jules Beau, tome 6 (1898), image 614.
Début mai, un trio de Voiturette arrive aux 1er, 2ème et 3ème rangs de leur catégorie dans la Course d’automobiles de Périgueux, un aller-retour d’environ 85 kilomètres (un peu moins de 55 milles) entre deux municipalités françaises, Périgueux et Mussidan. Les conducteurs de ces véhicules sont respectivement Wilfrid, le comte Félix de Fayolle de Tocane et Louis Didon. La vitesse moyenne de Wilfrid sur les 35 premiers kilomètres (environ 22 milles) du parcours est un stupéfiant 57.1 kilomètres/heure (environ 35.5 milles/heure) – un record mondial de vitesse. Wah!
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur dont la mémoire est comme un piège en acier, Didon est apparentée à Marie Didon, née Boisseau, une des premières automobilistes françaises et une dame mentionnée dans la 2ème partie de cet article. De fait, il est son fils.
Paul Jamin et sa Bollée Voiturette lors d’un concours de montée de colline tenu en décembre 1898 près de Chanteloup-les-Vignes, France, près de Paris. Il arrive deuxième. Anon., « Automobile – Une course de côte. » Le Sport universel illustré, 10 décembre 1898, 802.
Fin juillet, si, juillet 1898, Jamin remporte la course Tours-Blois-Tours, en France, aux commandes de la Voiturette que Bollée avait conduite entre Chartres et Étampes. Mieux encore, il bat le record de Bollée en parcourant les 100 kilomètres (environ 62 milles) de la course à une vitesse moyenne de 53 kilomètres/heure (32.9 milles/heure).
De l’aveu même de Bollée, son personnel passe 8 des 12 mois de chaque année à préparer des courses. Cet effort considérable réduit évidemment le nombre de véhicules vendus à des particuliers ou à des entreprises.
En tout et pour tout, aux environs de 1 200 (?) Voiturette fabriquées par Diligeon & Compagnie, la Société anonyme des voiturettes automobiles, ainsi que par Coventry Motor et, semble-t-il, Humber & Company circulent sur les routes de France, du Royaume-Uni et d’autres pays, dont le Canada, à partir de 1896.
Avant que je ne l’oublie, la Société anonyme des voiturettes automobiles fabrique un certain nombre de Voiturette qui ont 2 places en position avant, et ce dès 1897. Et en voici la preuve…
Une Bollée Voiturette à 3 places typique. Le couple sur le siège avant pourrait être Léon Auguste Antoine Bollée. G. D., « Expositions du Cycle et de l’Automobile. » La Locomotion automobile, 30 décembre 1897, 615.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur un tant soit peu élitiste, le couple auquel appartient un tel véhicule à 3 places peut se faire conduire là où il désire se rendre par un domestique. Le galant motorisé a ainsi tout le loisir de susurrer (hurler?) des mots doux à l’oreille de sa belle, ce qui n’est pas vraiment facile à bord d’une Voiturette conventionnelle.
Le prototype de la Bollée Voiturette avec capote et parebrise rabattables. G. D., « Expositions du Cycle et de l’Automobile. » La Locomotion automobile, 30 décembre 1896, 617.
Remarquez, la Société anonyme des voiturettes automobiles introduit par ailleurs une version monoplace de la Voiturette munie d’une capote et d’un parebrise rabattables au tout début de 1898. Cette victoriette, un terme qui fait apparemment référence à une petite automobile, est évidemment beaucoup plus confortable que le modèle de base.
Parlant (tapant?) de confort, vous vous souviendrez que, dans sa version originale, la Voiturette n’est pas munie d’amortisseurs. Il s’agit là d’une carence un tant soit peu douloureuse à laquelle Bollée ne remédie qu’au printemps 1899, par le biais de la mise en place d’une suspension à ressort à lames sur les roues avant. La dite suspension atténue par ailleurs considérablement les tendances au dérapage de la roue motrice arrière.
Avant que je ne l’oublie, la firme introduit une Voiturette biplace dont le siège avant est détachable au cours de l’année 1897.
Photographie tirée d’une publicité montrant le siège avant détachable de la version de la Bollée Voiturette introduite en 1897. Anon., « Société anonyme des voiturettes automobiles. » Les Sports modernes, juillet 1898, non paginée.
Une Bollée Voiturette avec siège avant détachable typique. Anon., « Voiturette Léon Bollée à deux place. » Les Sports modernes, juin 1898, entre les pages 16 et 17.
Il est à noter que l’espace qui se trouve entre les roues avant de la Voiturette peut être utilisée à des fins commerciales. Ce véhicule peut en effet être utilisé comme véhicule de livraison, tel celui-ci par exemple.
La Bollée Voiturette utilisée par la lingerie / bonneterie Au Petit Paris de Bordeaux, France. Anon., « Nouvelle voiturette Bollée. » La Locomotion automobile, 17 février 1898, 110.
Croiriez-vous par ailleurs que l’utilisation d’une Voiturette à des fins qui frôlent l’exploration est envisagée en 1899-1900? En voici la preuve…
La Bollée Voiturette que les Français E. Janne de Lamarre, à droite, et son partenaire de voyage, Raphaël Merville, prévoient utiliser en sol canadien, Paris, France. Bibliothèque nationale de France, Collection Jules Beau, tome 10 (1899), image 217.
En février 1900, je pense, un jeune explorateur / journaliste / promoteur minier / rédacteur français, E. Janne de Lamarre, quitte Paris avec son beau-frère, Raphaël Merville, et une Voiturette. Ce dynamique duo, euh, terrifique trio entame alors un prodigieux voyage qui va les amener à Bennett, Yukon. Pour en savoir plus long sur cette odyssée, il vous faudra toutefois attendre.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur incrédule, la Société anonyme des voiturettes automobiles fabrique au moins une Voiturette camion de pompier. Je ne plaisante pas. Ce véhicule pour le moins original transporte une échelle repliable et tire une petite remorque.
Une version à 4 roues de la Voiturette, produite par la firme française Les Automobiles Darracq Société anonyme, je pense, ne connaît pas un grand succès. Votre humble serviteur se demande si le véhicule en question correspond au quadricycle biplace que la Société anonyme des voiturettes automobiles développe vers la fin de 1899.
Incidemment, saviez-vous que Les Automobiles Darracq, alors connue sous le nom d’Alexandre Darracq Limited, produit le petit moteur qu’Alberto Santos-Dumont, un pionnier de l’aviation brésilien mentionné à maintes reprises depuis novembre 2018 dans notre merveilleux blogue / bulletin / machin, et d’autres utilisent vers 1908 pour propulser les premiers exemplaires de son Santos-Dumont n° 20 Demoiselle?
Aussi avancée qu’elle ait été en 1896, la Voiturette ne tarde pas à être laissée de côté par des automobilistes en quête de davantage de confort et d’espace. Bollée lui-même passe à autre chose en 1903. Les automobiles fabriquées par sa firme, les Établissements Léon Bollée, je pense, sont des véhicules haute gamme. En agissant de la sorte, Bollée met unilatéralement fin à l’accord qui le liait à son frère aîné, Amédée Ernest Marie Bollée.
Ceci étant dit (tapé), près d’une vingtaine de constructeurs automobiles français et étrangers, pour la plupart britanniques, s’emparent ou tentent de s’emparer du créneau délaissé par Bollée, avec plus ou moins de succès d’ailleurs.
Et voici venu le moment d’introduire un autre intermède aéronautique dans ce propos. Après tout, on est un fana de l’aviation ou on ne l’est pas. Et, tout comme Obélix, je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit.
Bollée s’intéresse à l’aérostation au plus tard en 1907, année qui voit la création de l’Aéro-Club de la Sarthe, un organisme qu’il préside lui-même. L’aéronaute en herbe s’achète même un ballon à gaz, que lui (ou son épouse?) baptise Au petit bonheur.
Saviez-vous par ailleurs que Bollée joue un rôle non négligeable dans le succès de la visite en France d’un pionnier américain de l’aviation mentionné à moult reprises dans notre incroyaaable blogue / bulletin / machin depuis août 2018? Un pionnier qui vole avec Bollée et 2 autres personnes à bord du dit Au petit bonheur, en juillet 1908. Pouvez-vous identifier cet éminent personnage? Wilbur Wright, dites-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Excellente réponse. Allez-vous chercher une étoile dorée, et… Une, pas deux.
Wright s’embarque pour la France en mai 1908 afin de faire la démonstration des performances du biplan Wright Modèle A. Une fois sur place, il se joint à l’homme d’affaires / ingénieur américain Hart Ostheimer Berg, le représentant des frères Wright en Europe, afin de trouver un endroit où il pourrait assembler et tester l’aéroplane expédié en France à l’été 1907.
Fort intrigué par les frères Wright, Bollée invite Berg et Wright à utiliser un espace dans son usine, dans la ville de Le Mans, France. Les deux Américains acceptent volontiers.
Léon Bollée, à droite, avec Wilbur Wright, Les Hunaudières, près de Le Mans, France. Un officier de l’Armée de Terre présent en tant qu’observateur, le capitaine Alexandre Sazerac de Forge, se trouve sur la gauche. Anon., « Wilbur Wright s’envole! » La Vie au Grand Air, 15 aout 1908, 130.
Les caisses renfermant le biplan Wright arrivent à la dite usine vers la mi-juin. Wright découvre avec horreur que l’aéroplane est en très mauvais état. Voyez-vous, en 1907, des douaniers français avaient ouvert les caisses pour examiner leur contenu. Ceci fait, ils remettent les éléments de la machine dans les caisses à la va-comme-je-te-pousse.
Wright va devoir bosser pendant quelques semaines afin de réparer les dégâts occasionnés par ces individus à l’intelligence incandescente. Incidemment, ses habitudes de travail et son manque de pomposité impressionnent beaucoup les employés de Bollée.
Alors que ce travail se poursuit, Bollée observe un peu ce qui se passe et note l’apparence un tantinet grossière du moteur de l’aéroplane. Il ne peut s’empêcher d’offrir quelques suggestions, que Wright accepte fort souvent.
L’Américain les accepte peut-être d’autant plus que, lors d’essais au sol, il subit de sérieuses brûlures à un bras et à la poitrine lorsqu’un tuyau en caoutchouc qui amène l’eau chaude sortant du dit moteur vers son radiateur éclate alors qu’il se trouve tout près. Bollée se précipite immédiatement à l’aide de Wright.
Quoi qu’il en soit, les modifications apportées au moteur contribuent au succès des vols de démonstrations de plus en plus spectaculaires que Wright réalise à partir d’août 1908. Ce dernier reconnaît d’ailleurs volontiers l’aide de Bollée depuis le premier jour.
Léon Auguste Antoine Bollée à bord du Wright Modèle A de Wilbur Wright, Camp d’Auvours, Champagne, France, près de Le Mans, octobre 1908. Anon., Les Journées Léon-Bollée. (Angers : Éditions C. Hyrvil, 1920), non paginée.
De fait, Bollée prend l’air en octobre 1908. Le quotidien L’Auto de Paris, France, mentionne à la blague que le vol en question constitue un record. Aucun aéroplane au monde n’avait jusqu’alors emporté un passager aussi lourd. Bollée pèserait en effet près de 110 kilogrammes (près de 240 livres).
À cette époque, Wright et Bollée sont de bons amis, et ce en dépit du fait que le second ne parle pas anglais et que le premier ne parle pas davantage le français. Soit dit en passant, l’épouse de Bollée, Karlóta Yiórgos « Charlotte » Bollée, née Messinesi, alors très enceinte, joue apparemment le rôle d’interprète.
Si tel est le cas, on peut se demander dans quelles circonstances cette dame d’origine grecque a appris l’anglais. Une solution potentielle à cette énigme tient au fait que quelques membres de la famille Messinesi vivent alors à Londres, Angleterre, dont un qui est nul autre que le consul général grec, Léon Messinesi, un gentilhomme qui peut être né au même endroit que l’épouse de Bollée, Aígio / Aigion, Grèce, la petite ville où Bollée et Messinesi se marient apparemment en avril 1901.
Et oui, vous avez raison, ami(e) lectrice ou lecteur. Mme Bollée vole avec Wright en octobre 1908, peu après son époux. Elle fait preuve de plus courage que votre humble serviteur. Je n’aurais pas pris l’air à bord d’un biplan Wright pour tout l’or du Pérou. Et oui, elle vole après la naissance de sa fille, Élisabeth Bollée, en août.
Lorsque Wilbur quitte la France, au début de mai 1909, il est à n’en pas douter l’aviateur le plus connu au monde. Le reste, comme le dit la formule consacrée, est de l’histoire.
Veuillez noter que ce qui suit est fort triste.
Le pionnier français de l’automobile qu’est Léon Auguste Antoine Bollée meurt en décembre 1913. Il a à peine 43 ans.
Mme Bollée prend alors les rênes de la firme familiale, apparemment rebaptisée Usines Léon-Bollée quelques temps plus tard. Elle supervise la production de munitions et d’armes légères pendant le Première Guerre mondiale. L’évolution de la firme va profondément changer à partie de 1924.
Soucieux d’augmenter son chiffre d’affaires, le fabricant d’automobiles anglais bien connu Morris Motors Limited fonde la Societé française des Automobiles Morris en octobre, dans le but de superviser les ventes d’automobiles en France. Les dites ventes ne semblent toutefois pas s’accroître de manière spectaculaire.
En décembre, Morris Motors se porte par conséquent acquéreuse d’Usines Léon-Bollée. La Societé française des Automobiles Morris devient ainsi la Société française des Automobiles Morris-Léon-Bollée. La production de nouvelles automobiles combinant les savoir-faire français et anglais commence peut-être avant même la fin du printemps 1925.
Ceci étant dit (tapé?), l’automobiliste français typique ne manifeste guère d’enthousiasme à l’idée d’acheter une automobile dont le fabricant est sous contrôle étranger. Le nom de la firme change par conséquent de nouveau, en mai 1931, en Société des Établissements Léon-Bollée. Le lien avec Morris Motors est rompu.
La Société des Établissements Léon-Bollée compte toutefois parmi les nombreuses firmes de par le monde qui succombent aux coups de boutoir de la Grande Dépression. Elle est liquidée en décembre 1934 ou janvier 1935.
Et je crois que c’est tout pour aujourd’hui. À plus.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.