Franchement, ma chère / mon cher, nous avons donné un barrage : Le Canada et le barrage de Warsak au Pakistan
As salamu alaykum, ami (e) lectrice ou lecteur. Nous sommes réunis ici aujourd’hui pour examiner un des nombreux exemples de la contribution du Canada au fil des ans au développement des pays en voie de développement. Et oui, l’exemple que votre humble serviteur a en tête est le barrage de Warsak, au Pakistan – une contribution technologique majeure si je puis le dire (taper?).
Passons d’abord en revue la légende de la photographie que vous venez de voir, qui est publiée dans l’édition du 27 janvier 1961 du seul quotidien de langue française d’Ottawa, Ontario, Le Droit.
L’industrie et l’agriculture du Pakistan connaîtront un nouvel essor par la suite de l’inauguration du grand barrage de Warsak, construit sur la rivière Kabu [sic], à [1 600 kilomètres] 1,000 milles au nord de Karachi. On voit à droite le flot d’eau à travers les immenses portes de [12 mètres] 40 pieds de hauteur sur [12 mètres] 40 pieds de largeur. Le barrage restera toujours un monument de la coopération canado-pakistanaise dans le Plan de Colombo.
Pour paraphraser, en traduction, le chanteur du groupe new wave américain Talking Heads, dans sa chanson à succès de 1981 Once in an lifetime, vous pouvez vous demander ce qu’était / est le Plan de Colombo. Une bonne question.
Le Colombo Plan for Co-operative Economic Development in South and South-East Asia, ou Plan de Colombo en abrégé, est élaboré lors de la Commonwealth Conference on Foreign Affairs tenue à Colombo, Ceylan (l’actuel Sri Lanka), en janvier 1950. Son objectif manifeste est d’aider au développement économique de l’Asie du Sud et du Sud-Est, lire Ceylan, Inde et Pakistan, en utilisant certaines sommes d’argent données par l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.
Et oui, la Guerre froide étant la Guerre froide, le Plan de Colombo vise également à aider les gouvernements de ces pays nouvellement indépendants à combattre les mouvements et partis communistes à l’intérieur de leurs frontières.
Remarquez, il y a apparemment des gens au sein du gouvernement britannique qui craignent que les gouvernements de Ceylan, de l’Inde et du Pakistan, qui ont cruellement besoin d’argent pour développer leur économie, rappellent les prêts que leurs gouvernements antérieurs à l’indépendance, sous contrôle britannique, font au Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale. De telles demandes légitimes de remboursement auraient encore aggravé la situation financière désastreuse du Royaume-Uni à l’époque. Le Plan de Colombo peut donc être considéré, en partie, comme un moyen de, si votre humble serviteur peut être brutal, pelleter une partie des besoins financiers pleinement justifiés de Ceylan, de l’Inde et du Pakistan dans les arrière-cours de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande. On peut se demander si ces pays sont pleinement conscients de ce qui se passe peut-être.
Et non, le gouvernement sud-africain, étant la belle entreprise blanche qu’elle est, ne montre aucun intérêt à participer, et ce même s’il a un représentant à la conférence. Pour être honnête, on peut soutenir que les gouvernements et populations d’Australie, du Canada, de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni contiennent leur juste part de Homo sapiens racistes.
Soit dit en passant, la Guerre froide étant toujours la Guerre froide, le Plan de Colombo attire rapidement de nouveaux membres. À la fin de 1958, 2 autres pays, des pays n’appartenant pas au Commonwealth en surcroît, contribuent du pognon au pot collectif, à savoir les États-Unis et le Japon. On peut se demander si ce dernier rejoint le groupe de son plein gré.
La liste des pays bénéficiaires, quant à elle, est passée du trio mentionné ci-dessus à 12 pays indépendants (Birmanie (l’actuel Myanmar), Cambodge, Ceylan, Inde, Indonésie, Laos, Malaisie, Népal, Pakistan, Philippines, Thaïlande et Vietnam du Sud), ainsi que 4 territoires contrôlés plus ou moins directement par le Royaume-Uni (Bornéo, Brunei, Sarawak et Singapour).
Et oui, le Plan de Colombo, connu depuis 1977 sous le nom de Colombo Plan for Cooperative Economic and Social Development in Asia and the Pacific, est toujours en vigueur au début de 2021. De fait, il y a 27 pays membres dans l’organisation. Le Canada n’en fait toutefois plus partie. Le gouvernement dirigé par Martin Bryan Mulroney se retire en 1992. Le Royaume-Uni l’a fait l’année précédente, mais revenons à notre histoire.
L’histoire du barrage de Warsak commence vers 1947 lorsque le Public Works Department du gouvernement de ce qui est alors la North West Frontier Province de l’Inde commence à examiner la possibilité de construire un barrage sur la rivière Kaboul, non loin de Peshawar, une ville animée et la capitale de la province.
Cette région de l’Inde est semi-désertique et montagneuse, avec de nombreuses gorges étroites. Avec seulement quelques petites parcelles de terre sur lesquelles elles peuvent cultiver de la nourriture, et de petits troupeaux de chèvres pour fournir de la viande, les tribus pachtounes locales doivent souvent recourir à des tactiques de prédation contre des gens légèrement mieux nantis vivant dans des endroits plus fertiles. Elles doivent également recourir à la contrebande, vers et depuis l’Afghanistan ou la Chine. Les produits qu’elles transportent sont assez variés, et pas toujours légaux.
Quoiqu’il en soit, les forces militaires britanniques stationnées dans la North West Frontier Province tentent pendant des décennies de maîtriser les populations fortement indépendantes qui y vivent, avec un succès variable. Dans les années 1920 et 1930, la Royal Air Force (RAF) se lance dans cette voie, avec un succès limité, et… Me voilà en train de digresser à nouveau. Désolé.
Néanmoins, votre humble serviteur aimerait souligner que le bombardier léger Hawker Hind du tout à fait étonnant Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, est très similaire aux Hawker Hart et Audax pilotés par des équipages de la RAF dans la North West Frontier Province au cours des années 1930. Croiriez-vous que l’aéronef du musée est utilisé par le Šāaêy Dāfǧānstān Aoāyy Dzoāk, ou armée de l’air royale afghane, entre la fin des années 1930 et un certain point dans les années 1940?
Maintenant, vous vous demandez peut-être pourquoi le gouvernement pakistanais veut construire un barrage dans la North West Frontier Province. Une bonne question. Confrontée à une population en croissance rapide et à des superficies limitées de terres cultivables, il a besoin d’eau pour irriguer des parcelles de terre supplémentaires qui pourraient être utilisées pour nourrir un nombre croissant de personnes. Remarquez, le gouvernement a également besoin de plus en plus d’électricité pour alimenter les nouvelles industries qu’il veut créer afin d’améliorer le niveau de vie des dites personnes.
Quoiqu’il en soit, un conglomérat de conseil et conception formé par 3 sociétés de conseil étrangères bien connues et respectées est invité à soumettre un rapport de projet provisoire sur le barrage de Warsak, qui est apparemment nommé d’après un village de huttes de terre situé à proximité.
Que le contrat soit attribué avant ou après que l’Inde et le Pakistan sont devenus des pays indépendants, en août 1947, n’est pas clair. Quoiqu’il en soit, de nouveau, le site du futur barrage se trouve au Pakistan occidental, la moitié ouest du Pakistan – un pays scindé en 2 à la suite de la partition de l’Inde.
Oh, au fait, les firmes qui forment le dit conglomérat, Merz Rendel Vatten (Pakistan), sont
- Merz & McClellan Consulting Engineers Limited, un consultant britannique en génie électrique et mécanique,
- Rendel, Palmer and Tritton Limited, un consultant britannique en génie civil, et
- Aktiebolaget Vattenbyggnadsbyran, un consultant suédois en génie hydroélectrique.
Si on en croit un chroniqueur australien respecté, Douglas Wilkie, dans une chronique publiée en février 1951, certaines tribus pachtounes retardent le projet d’une manière ou d’une autre.
Quoiqu’il en soit, Merz Rendel Vatten (Pakistan) soumet son rapport intérimaire de projet en 1951. Le gouvernement pakistanais l’examine de manière approfondie, ainsi que celui concernant un projet de barrage sur le fleuve Indus. Il choisit de poursuivre le projet de barrage de Warsak. Les travaux sur le site commencent peu après.
Pendant que cela se déroule, le gouvernement fédéral, d’accord, d’accord, le gouvernement canadien, s’intéresse au projet pakistanais. Le Canada et le Pakistan signent apparemment une sorte d’accord en 1952. C’est ainsi que naît le plus grand projet humanitaire financé à ce jour par le Canada.
L’administrateur de la Division économique et technique internationale du ministère des Affaires extérieures du Canada, qui supervise le Plan de Colombo, entre 1951 et 1957, joue un rôle important dans la participation du Canada. Né au Royaume-Uni, Reginald George « Nik » Cavell est tout un personnage, avec de multiples carrières avant 1951 (violoniste de théâtre, faire-valoir d’un comédien, officier de la Indian Army, marchand de chevaux, magistrat, agent de prévention de la peste, éleveur de moutons, journaliste, dirigeant de compagnie de téléphone, agent secret et président de société (2 fois ), et président d’instituts (affaires étrangères et internationales), dans des pays aussi éloignés que le Royaume-Uni, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Chine, le Japon et le Canada.
Si je peux me permettre d’exprimer une opinion, un événement rare comme nous le savons toutes / tous les 2, Cavell mérite sinon une thèse de doctorat complète, du moins un mémoire de maîtrise.
Soit dit en passant, le ministère des Affaires extérieures n’est pas la seule entité du gouvernement fédéral liée au Plan de Colombo. Jusqu’en 1960, l’aide étrangère canadienne est supervisée conjointement par ce dernier ainsi que par le ministère des Finances et le ministère du Commerce, dans le dernier cas par l’intermédiaire de sa Direction d’assistance économique et technique. L’arrangement fonctionne raisonnablement bien la plupart du temps, mais pas très bien tout le temps.
Le Premier ministre du Canada, Louis Stephen St-Laurent, un gentilhomme mentionné dans des numéros de juillet 2019 et octobre 2020 de notre blogue / bulletin / machin, visite le site du futur barrage de Warsak en février 1954, dans le cadre d’une visite officielle au Pakistan.
Le Canada et le Pakistan signent un autre accord en novembre de la même année, au Pakistan. Le gouvernement fédéral accepte de fournir plus de pognon, ainsi que des équipements et services techniques.
Peu de temps après, le gouvernement fédéral choisit H.G. Acres & Company Limited comme cabinet de conseil. Bien connue pour son expertise en génie hydroélectrique, la firme de Niagara Falls, Ontario, doit préparer un plan détaillé pour le site.
Le contrat pour la construction du barrage proprement dit est attribué en août 1955 à une entreprise de construction canadienne bien connue. Angus Robertson (Overseas) Limited effectue le travail pour le compte de Angus Robertson Limited de Toronto, Ontario.
Soit dit en passant, le premier envoi d’équipement / machinerie canadien quitte Montréal ce même mois, à bord du SS City of Doncaster, un cargo appartenant à une compagnie maritime britannique.
Le secrétaire d’état aux Affaires extérieures du Canada visite le site en novembre 1955, avec son épouse, Maryon Elspeth Moody Pearson, dans le cadre d’une visite officielle au Pakistan. Croiriez-vous que Lester Bowles « Mike » Pearson aurait appuyé sur le bouton qui fait sauter la première charge explosive posée à Warsak?
Mieux encore, peut-être, des chefs de tribu pachtounes offrent des cadeaux à Pearson, à savoir quelques fusils, une paire de poignards et un revolver fait à la main, en guise de remerciement pour le travail effectué à Warsak. Bien que déconcerté au départ, le Canadien noue rapidement une ceinture de poignard autour de sa taille, alors que son épouse immortalise la scène avec une photo – ou peut-être deux.
À la fin de 1955, environ 200 Canadiennes et Canadiens, dont beaucoup sinon la plupart sont des ingénieurs et des techniciens, sont à Warsak. Ce nombre passe à environ 300 en 1957. Nombre de ces ingénieurs et techniciens viennent dans cet endroit isolé avec leur épouse et leurs enfants. Ils vivent dans des bungalows climatisés dans un village entièrement construit par le gouvernement pakistanais.
Bien avant que la construction du barrage ne soit terminée, le dit village, oserais-je dire (taper?) communauté fermée, parfois / souvent appelée « Little Canada », en français « Petit Canada, » a des rues pavées, une salle de danse, une piscine, un hôpital de 50 lits, une église, une école, un court de tennis éclairé, une bibliothèque, un commissaire et un bowling. Et n’oublions pas les indispensables bâtiments administratifs. Les susmentionnées activités récréatives sont apparemment situées dans ou autour d’une sorte de centre récréatif.
Dans l’ensemble, la vie est belle, si on ne pense pas trop aux serpents et scorpions. De nombreuses familles canadiennes passent leurs vacances en Afghanistan, en Inde et / ou au Pakistan pendant leur séjour à Warsak.
Les gardes armés pakistanais qui patrouillent et protègent le site du barrage semblent surveiller de près le village canadien.
De nombreux ouvriers et ingénieurs pakistanais regardent avec une envie non dissimulée les logements luxueux des expatriés canadiens. Mais attendez, il y a plus.
Au cours de l’été 1959, le fils du chef de la mission militaire pakistanaise à Washington, District de Columbia, le major-général Mian Hayaud Din, déclare que tout ne va pas bien au « Petit Canada. » En effet, Mian Ahmed Hayaud Din déclare qu’un certain nombre de Canadiens mâles ne sont pas heureux de voir leurs épouses danser avec des ingénieurs pakistanais lors d’un événement qui y est organisé. Remarquez, un certain nombre d’épouses des dits ingénieurs ne sont pas non plus ravies. La présence des Canadiens devient une source d’ennuis, déclare Hayaud Din.
Et non, l’événement en question n’est pas la seule fois où des Canadiennes, Canadiens, Pakistanaises et Pakistanais fraternisent
Votre humble serviteur se demande si le « Petit Canada » existe encore en 2021 et qui l’utilise peut-être, mais je digresse.
Des rumeurs circulent au cours de l’été 1959 selon lesquelles le village serait cédé à la Pākistān Fizā’iyah une fois le barrage achevé. Selon ces rumeurs, l’armée de l’air pakistanaise déménagerait en fait son quartier général de Karachi à Warsak. Ces rumeurs s’avèrent non fondées.
Votre humble serviteur ne peut pas dire qui emménage dans le « Petit Canada » après le départ des Canadiennes et Canadiens. Loger les ingénieurs et techniciens qui contrôlent et entretiennent le site semble un choix logique, mais qu’est que j’en sais?
Malheureusement, cet endroit idyllique peut, je répète peut, être utilisé comme centre de détention provisoire au printemps 1973. Cette histoire commence au début de 1971. De plus en plus frustrée par le traitement qu’elle reçoit du gouvernement pakistanais, une grande partie de la population du Pakistan oriental se rebelle. Elles et ils veulent leur propre pays. L’indépendance du Bangladesh est ainsi proclamée en mars. La répression gouvernementale est sévère. Jusqu’à 10 millions de personnes (15 % de la population!) fuient vers l’Inde, dont le gouvernement leur donne refuge et offre une assistance au mouvement indépendantiste. Furieux de cette aide, le gouvernement pakistanais lance des attaques contre l’Inde en décembre. La guerre indo-pakistanaise de 1971 ne dure que 13 jours. Les forces armées pakistanaises sont battues à plate couture et doivent quitter le Pakistan oriental / Bangladesh.
Il semble qu’un échange de prisonnières et prisonniers (environ 6 000 soldats pakistanais et 10 000 civils bengalis / bangladais) est organisé au printemps 1973, et c’est alors que le « Petit Canada » entre en scène. Environ 200 Bengalis bloqués au Pakistan sont déplacés de leur logement gouvernemental début mai dans le cadre d’une opération policière massive. Ils sont détenus dans 3 localités, dont Warsak, avant leur rapatriement au Bangladesh.
Et revenons au projet de barrage de Warsak. Il est décidé à un moment donné d’installer 4 générateurs électriques, fabriqués par Canadian General Electric Company Limited de Toronto, une filiale du géant industriel américain General Electric Company (GE) – ce qui n’est pas le nombre initialement proposé. Cela étant dit (tapé?), des dispositions sont prises pour inclure une autre paire de générateurs de puissance similaire à une date ultérieure.
Les dits générateurs sont donnés au Pakistan par le gouvernement fédéral, qui fait également don des gigantesques vannes de régulation, fabriquées par Canadian Vickers Limited de Montréal, Québec, ainsi que d’un atelier de construction.
Souhaitez-vous savoir que GE est mentionnée dans des numéros de juin 2018 et janvier 2020 de notre… Il n’y a pas lieu de s’énerver. Je ne faisais que poser la question.
Et rien que pour cela, j’aurai le plaisir infini de souligner que les turbines du barrage sont fabriquées par Dominion Engineering Company Limited de Montréal – une firme mentionnée dans un numéro de mai 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Pour couronner le tout, Canadian Vickers est mentionnée quelques / plusieurs fois dans cette publication, et ce depuis mai 2018, mais revenons à notre barrage.
La proximité de la frontière avec l’Afghanistan signifie qu’il faut faire preuve de prudence dans la conception du dit barrage pour éviter la survenue d’inondations transfrontalières.
Parlant (tapant ?) d’eau, le plan global pour la région prévoit des installations d’irrigation pour un maximum de 570 kilomètres carrés (220 milles carrés) de terre des 2 côtés de la rivière Kaboul – ce qui n’est pas rien. Que ce chiffre soit atteint ou non n’est pas clair, un chiffre d’environ 480 kilomètres carrés (185 milles carrés) étant mentionné à la fin des années 1950. Quoiqu’il en soit, la zone irriguée doit produire d’énormes quantités de nourriture chaque année pour les 4 millions d’habitantes et habitants de la région.
Il faut également reconnaître que la construction du barrage contribue à apporter une sorte de stabilité dans les régions du nord du Pakistan occidental, une région instable s’il y en a un, où l’Afghanistan, la Chine, l’Inde, le Pakistan et l’Union des Républiques socialistes soviétiques se rencontrent plus ou moins directement, et ce pendant plusieurs années, en fournissant des emplois, des emplois éreintants remarquez, pour des hommes pachtounes de tribus comme les Mulagori, Mohmand et Afridi.
Au plus fort du projet, environ 10 000 hommes travaillent sur le site, en 2 quarts. En mai 1959, il n’en reste que 7 000 environ. Ce nombre diminue rapidement au cours des semaines et mois suivantes.
Les hommes sont apparemment payés environ 32 cents par jour, ce qui équivaut à environ 2.85 dollars par jour en 2021. Bien que cette somme avare semble être une somme dérisoire, à la fin des années 1950, selon les normes locales, elle est supérieure au salaire quotidien moyen au Pakistan. Soit dit en passant, les chefs tribaux dont les hommes travaillent sur le site reçoivent une plus petite somme d’argent par homme et par jour.
À la surprise des Canadiens sur place et, peut-être, de nombreux Pakistanais, les travailleurs pachtounes, qui n’ont aucune expérience de travail préalable sur un grand chantier de construction, se révèlent être de très bons travailleurs – une opinion plutôt condescendante. L’expérience de travail acquise par ces milliers d’hommes peut bien s’être avérée utile dans les années ultérieures, sur d’autres sites, du moins on l’espère.
Il est à noter que le directeur du projet de barrage canadien arrive sur place en 1956.
Le Canada et le Pakistan signent un autre accord en janvier 1957. Celui-ci concerne la construction de la centrale électrique du barrage. Cet accord est signé au Pakistan. Le Canadien qui signe le document est le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social du pays. Joseph James Guillaume Paul Martin est à l’époque en visite officielle au Pakistan.
Au fur et à mesure que la construction du barrage de Warsak progresse, il est de plus en plus mentionné dans des journaux canadiens – et ailleurs. En 1957, un célèbre historien britannique spécialisé dans les affaires internationales, Arnold Joseph Toynbee, visite le site et publie un article élogieux pour le célèbre magazine américain Foreign Affairs. Une fois traduit en français, cet article est publié (dans son intégralité?) dans quelques journaux québécois. La version originale peut bien sûr être publiée dans d’autres provinces canadiennes.
Le ministre des Finances canadien, Donald Methuen Fleming, visite le site en octobre 1958, lors d’une visite officielle au Pakistan.
Un second Premier ministre du Canada, John George Diefenbaker, un gentilhomme mentionné dans des numéros d’octobre et novembre 2020 de notre vous savez quoi, visite le site en novembre 1958, dans le cadre d’un voyage officiel autour du monde. Il est très impressionné par le susmentionné village qui abrite de 145 à 150 familles canadiennes – et un certain nombre d’hommes célibataires, pour un total de 400 à 450 personnes. De fait, Diefenbaker reçoit un accueil chaleureux.
À l’époque, les Canadiens de Warsak travaillent sous la supervision de E. Lester « Les » Miller de H.G. Acres & Company et, peut-être, de Corey Robbin. Étant donné que ce dernier homme vient, dit-on, de Fort William, Ontario, une ville maintenant intégrée à Thunder Bay, votre humble serviteur se demande si une importante firme située là-bas, une firme mentionnée dans des numéros de mai 2019 et juillet 2020 de notre yadda yadda, Canadian Car and Foundry Company Limited, joue un rôle dans le projet de barrage de Warsak.
Saviez-vous que le prince Philip de la maison Mountbatten, né Philippos de Grèce et du Danemark de la maison Schleswig-Holstein-Sonderburg-Glücksburg, visite le site, ainsi que le « Petit Canada, » en février 1959?
À la fin de juin, lors d’un discours adressé à un groupe d’ingénieurs et de scientifiques, lors d’un déjeuner à Toronto, lors d’une visite au Canada en juin et juillet avec son épouse royale, le prince félicite le Canada et les Canadiennes et Canadiens pour leur contribution au Plan de Colombo, sans parler de leur rôle dans la construction du barrage de Warsak. Le couple royal britannique effectue une sorte de tournée mondiale à l’époque.
Une équipe d’ingénieurs canadiens se rend au Pakistan en novembre 1959. Dirigée par un surintendant de centrale électrique de premier ordre, Kenneth S. Gemmel (ou Gemmell?) de la Hydro-Electric Power Commission of Ontario, aujourd’hui Ontario Power Generation Incorporated et Hydro One Limited, la dite équipe doit former l’équipe d’ingénieurs et techniciens pakistanais qui dirigerait la centrale électrique du barrage de Warsak. Elle passe peut-être un an au Pakistan.
Un ingénieur supplémentaire rejoint l’équipe en mars 1960. R.G. Radley travaille pour Canadian Westinghouse Company Limited de Hamilton, en Ontario, une filiale du géant américain Westinghouse Electric Corporation. A.E. Lock, un opérateur expérimenté de la centrale hydroélectrique de Cornwall, Ontario, de la Hydro-Electric Power Commission of Ontario, fait le voyage avec lui.
Et oui, la Hydro-Electric Power Commission of Ontario est mentionnée dans un numéro de décembre 2020 de notre vous savez quoi.
En janvier 1960, un lieutenant-général Azam, très probablement le lieutenant-général Muhammad Azam Khan, ministre pakistanais de la réhabilitation des réfugiés, inaugure le tunnel d’irrigation de 5.5 kilomètres (3.5 milles) de long du site, creusé dans la roche solide, en commençant aux 2 extrémités, sur une période d’environ 30 mois. Azam Khan remercie le gouvernement fédéral pour sa généreuse contribution au projet. Le haut-commissaire du Canada au Pakistan, Herbert Owen « Herb » Moran, accepte gracieusement ces remerciements et félicite le gouvernement pakistanais.
Le barrage de Warsak est officiellement jugé achevé à la mi-juillet 1960. Il commence officiellement à produire de l’électricité le 14 août 1960, le 14 août étant le jour de l’indépendance du Pakistan. Alors que les générateurs géants atteignent progressivement leur pleine puissance, la capacité de production électrique du Pakistan occidental fait plus que doubler.
C’est avec tristesse que je dois signaler qu’un ingénieur canadien de 25 ans décède lors d’un accident en mai 1960. Jerry Sexton est arrivé au Pakistan en 1958. Il est apparemment le seul Canadien mort pendant la construction du barrage de Warsak. Plus de quelques Pakistanais perdent vraisemblablement la vie sur le site.
Le barrage de Warsak est officiellement inauguré le 22 janvier 1961 par le président du Pakistan, le maréchal Muhammad Ayub Khan, en présence de nombreux Canadiens, dont Gordon Minto Churchill, ministre des Anciens Combattants et chef du gouvernement à la Chambre des communes, et le susmentionné Moran, alors chef du nouveau Bureau d’aide extérieure du ministère des Affaires extérieures.
Croiriez-vous que la personne qui promeut Ayub Khan au rang ultime de maréchal est… Ayub Khan? Je ne plaisante pas. Il l’a fait en 1959. Ça doit être bien d’avoir le pouvoir de se donner une promotion, ou une augmentation de salaire, sans avoir à répondre à qui que ce soit.
Si la présence d’un ministre des Anciens Combattants à l’inauguration d’un barrage au Pakistan vous semble étrange, ami(e) lectrice ou lecteur, permettez-moi de signaler que Churchill, qui n’est pas parent de l’autre Churchill, sir Winston Leonard Spencer « Winnie » Churchill, un individu mentionné à quelques reprises dans notre vous savez quoi depuis mai 2019, est ministre du Commerce entre juin 1957 et octobre 1960.
Warsak est en fait un des 5 arrêts effectués par Churchill et Moran en Inde et au Pakistan. Le dynamique duo assiste à 4 autres cérémonies d’inauguration en succession rapide.
La reine Elizabeth II, née Elizabeth Alexandra Mary de la maison Windsor, visite le barrage de Warsak en février 1961. Elle est escortée par le gouverneur du Pakistan occidental, Malik Amir Muhammad Khan. Que des Canadiens soient présents ou non pour lui offrir leurs meilleurs vœux n’est pas clair.
Le timbre émis par le gouvernement pakistanais pour célébrer l’achèvement du barrage de Warsak.
À un moment donné en 1961, le ministère des postes pakistanais émet un timbre pour commémorer l’achèvement du barrage de Warsak. Ce timbre peut, je répète peut, être émis le 1er juillet 1961, date vraisemblablement choisie par le gouvernement pakistanais pour plaire à son homologue canadien. Comme nous le savons toutes et tous les 2, le 1er juillet est la fête nationale du Canada. Quoiqu’il en soit, les enveloppes premier jour de ce timbre portent cette date-là.
La probabilité que le timbre pakistanais est émis le 1er juillet est renforcée par le fait que le ministère des Postes du Canada émet apparemment un timbre de 5 cents qui célèbre le Plan de Colombo le… 1er juillet 1961. Ce timbre peut, je répète peut, montrer le barrage de Warsak.
Mieux encore, il semble que l’Office national du film, une institution fédérale de renommée mondiale mentionnée à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis juillet 2018, lance un documentaire intitulé Ten Years from Colombo le 1er juillet 1961. De fait, le dit documentaire peut être diffusé à la télévision canadienne au début de juillet ou à la fin de juin.
Tourné en coopération avec les gouvernements de Ceylan, de l’Inde et du Pakistan, Ten Years from Colombo met en lumière les contributions du Canada au Plan de Colombo, y compris, bien sûr, le barrage de Warsak. À cet égard, la susmentionnée Angus Robertson aide gracieusement l’équipe de tournage, dirigée par le réalisateur bien connu, talentueux et respecté Donald Fraser, du mieux qu’elle le peut.
L’adaptation en français du film est réalisée par le célèbre peintre / producteur / réalisateur / scénariste québécois / canadien Gilles Carle, un gentilhomme qui réalise certains des meilleurs et des plus populaires / célèbres films québécois / canadiens des années 1960, 1970 et 1980, de La Vie heureuse de Léopold Z (1965) à Maria Chapdelaine (1983).
Le narrateur de cette adaptation en français, intitulée Plan de Colombo – Dix ans après, est un animateur de radio et de télévision bien connu du radio télédiffuseur d’état canadienne, la Société Radio-Canada.
Incidemment, Raymond Charette est un des 5 gentilshommes qui animent la très populaire série télévisée de vulgarisation scientifique Atome et galaxies, diffusée par la Société Radio-Canada entre octobre 1963 et janvier 1971. Au travail entre octobre 1966 et octobre 1969, Barrette est à la barre de cette série classique, destinée aux jeunes de 12 à 17 ans, plus longtemps que tout autre de ses collègues.
Malgré tous mes efforts, votre humble serviteur ne peut pas se rappeler si oui ou non j’étais un spectateur assidu de Atome et galaxies, mais je digresse. Pour la dernière fois. Cette semaine. Retournons à notre barrage.
Malheureusement, à la fin de 1965, le réservoir du barrage de Warsak est ensablé jusqu’à la crête des déversoirs. En conséquence, l’eau qui se précipite dans la centrale électrique est chargée de sédiments, ce qui causé l’usure des pièces mobiles des turbines.
Une pensée si je peux me le permettre. Comment se fait-il que les différents consultants, hautement rémunérés sans aucun doute, qui travaillent sur le projet à divers moments n’ont pas compris que les sédiments pourraient devenir un problème? Matière à réflexion.
Soit dit en passant, le Canada paye pour l’installation de la paire de générateurs électriques pour lesquels des dispositions sont prises dans le concept original. Ils sont également fabriqués par Canadian General Electric. De plus, les turbines sont fabriquées par la firme qui les a fabriquées en 1960, la susmentionnée Dominion Engineering. Cette fois-ci, cependant, les transformateurs sont fabriqués aux États-Unis plutôt qu’au Canada. Cette seconde phase de l’histoire du barrage s’achève en 1981.
À un moment donné dans les années 1980, votre humble serviteur pense, une firme de consultants en génie hydroélectrique bien connue de Montréal, Rousseau, Sauvé, Warren Incorporée, coopère avec Qaumi Khidmaat Tameeri Pakistan, ou National Engineering Services Pakistan, pour étudier l’ensablement du réservoir du barrage, sujet préoccupant s’il y en est. Le coût de tout travail sérieux d’atténuation empêche la mise en œuvre des suggestions qu’elle et il font.
Croiriez-vous que Rousseau, Sauvé, Warren est fondée par des ingénieurs qui travaillent pour le bureau montréalais de H.G. Acres & Company? Le monde est petit et interconnecté, n’est-ce pas?
Entre 1957 et 1979, le gouvernement fédéral peut, je répète peut, verser 300 millions de dollars au secteur de l’énergie électrique au Pakistan. On peut se demander combien de pognon s’ajoute à cet impressionnant tas entre 1979 et 2021.
Et bien, vous avez probablement des endroits à faire et des choses à visiter, ou vice versa. À la revoyure.