Auto-Tram, Pic et pic et colégram, Bour et bour et ratatam, Auto-Tram : Voulez-vous participer avec moi au jeu questionnaire radiophonique hebdomadaire québécois Auto-Tram?
Bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, vous êtes en retard. Quelques minutes de plus et on nous claquait au nez la porte de la salle paroissiale Saint-Stanislas, à Montréal, Québec.
Si, si, la salle paroissiale Saint-Stanislas mentionnée dans la chanson Fu Man Chu de 1972, une œuvre magistrale interprétée par l’acteur / auteur / compositeur / interprète / musicien Robert Charlebois, un géant de la chanson québécoise mentionné dans des numéros de mars 2021 et novembre 2022 notre stupéfiant blogue / bulletin / machin. (Bonjour, EP!)
Soit dit en passant, le Fu Man Chu de la chanson est le Dr Fu Manchu, l’archétype du génie criminel maléfique / savant fou / super-vilain et un des principaux protagonistes d’une série de 13 romans publiés par le romancier anglais Sax Rohmer, né Arthur Henry « Sarsfield » Ward, entre 1913 et 1959. Et oui, le méchant docteur est également un des principaux protagonistes d’une série d’émissions de radio et télévision, sans oublier de nombreux films et un grand nombre de bandes dessinées et albums de bandes dessinées. Il est un des nombreux visages du tristement célèbre péril jaune.
En un mot, alors que le 19ème siècle touche à sa fin, les promoteurs de cette métaphore vicieusement raciste affirment que la Chine, sinon l’Asie dans son ensemble, constituent une menace pour la civilisation occidentale, en d’autres termes pour les hommes blancs chrétiens. Beaucoup pensent et craignent que la Chine veut conquérir le monde. Les navires transportant un grand nombre de Chinois en Amérique du Nord à la fin du 19ème siècle, pour qu’ils puissent travailler sur les chemins de fer, sont en fait de gigantesques chevaux de Troie, prétend-on.
Les premiers romans sur le péril jaune sortent dès les années 1880. Au début du 20ème siècle, ce filet devient un torrent littéraire odieux auquel viendront s’ajouter des pièces de théâtre, films, bandes dessinées, etc. Les spectaculaires victoires militaires du Japon contre la Russie en 1904-05 ne font qu’ajouter à l’hystérie. Et si les Japonais transmettaient leur esprit martial aux masses chinoises? L’horreur! L’horreur! Mais je digresse.
Tant et aussi longtemps que nous digressons, permettez-moi de souligner que le lien entre Charlebois et Manchu / Man Chu est la série de 5 films coproduits par des firmes britanniques et ouest-européennes mettant en vedette l’acteur anglais Christopher Frank Carandini Lee. Le jeune Charlebois voit vraisemblablement les versions doublées de The Face of Fu Manchu (1965) et / ou The Brides of Fu Manchu (1966), Le masque de Fu Manchu et / ou Les 13 fiancées de Fu Manchu.
Dans l’ensemble, la série a peu de valeurs rédemptrices. De fait, le dernier film de la dite série, The Castle of Fu Manchu (1969), en français Le Château de Fu Manchu, est sans doute un des pires films jamais réalisés, mais revenons à notre histoire, après une digression finale, euh, plus ou moins finale.
Vous avez un commentaire, ami(e) lectrice ou lecteur? Mon synchronisme n’est pas bon?! Charlebois avait 21 ans quand The Face of Fu Manchu est sorti?! Grand Dieu, vous avez raison!
Ce que Charlebois voit, dans les années 1950, est vraisemblablement Docteur Fu Manchu, la version doublée de Drums of Fu Manchu, la version long métrage de 1943 d’un superbe feuilleton cinématographique américain en 15 épisodes sorti en 1940 intitulée… Drums of Fu Manchu.
Votre humble serviteur se souvient vaguement d’être allé au moins une fois à la salle paroissiale Sainte-Jeanne d’Arc, à Sherbrooke, Québec, ma ville natale, pour visionner un ou quelques épisodes de Batman et Robin, la version doublée de New Adventures of Batman and Robin, the Boy Wonder, un feuilleton cinématographique américain en 15 épisodes sorti en 1949, et… Non, votre humble serviteur n’est pas si vieux que ça. J’ai regardé le dit ou les dits épisodes vers 1965-67.
Croiriez-vous que la Batmobile est alors une toute nouvelle Ford Mercury Eight décapotable? De fait, ce mastodonte se révèle si peu maniable lors des scènes d’action que jusqu’à 6 véhicules sont été plus ou moins sérieusement démolis pendant le tournage. Croiriez-vous que le toit décapotable est relevé lorsque Batman conduit l’automobile, et abaissé lorsque le riche industriel américain Bruce Wayne est au volant? Je ne plaisante pas. Fin des digressions. Pour l’instant.
Que venons-nous faire à Montréal, en novembre 1948, en pleine période de noirceur duplessienne de l’après-Seconde Guerre mondiale, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Nous venons assister à un épisode du tout nouveau jeu questionnaire radiophonique québécois Auto-Tram, alors diffusé par la station radiophonique CKAC de Montréal, pardi!
Et oui, CKAC est mentionnée à plusieurs reprises dans notre formidable blogue / bulletin / machin, et ce depuis novembre 2019.
Vous vous souviendrez que, au moment où se déroule notre récit, cette station appartient au quotidien La Presse de Montréal.
Le premier épisode d’Auto-Tram, un jeu questionnaire nouveau genre, ne serait-ce que pour le Québec de l’époque, passe en fait en ondes à la mi-septembre 1948.
Souhaitez-vous voir une photographie du dit épisode? Et, oui, cette question était bel et bien rhétorique. Désolé.
Une vue d’ensemble du plateau d’Auto-Tram le soir du premier épisode de ce jeu radiophonique, Montréal, Québec, septembre 1948. De gauche à droite, R.A. Giguère, concurrent Tram; Mario Verdon, annonceur; Errol J. Malouin, maître de cérémonie; et Mme Jeanne Hébert, concurrente Auto. Anon., « Le programme ‘Auto-Tram’ au poste CKAC. » La Presse, 30 septembre 1948, 24.
Le maître de cérémonie d’Auto-Tram est Errol J. Malouin, un Franco-Ontarien né à Ottawa, Ontario. Son coéquipier et annonceur est le Montréalais Mario Verdon.
Pour participer à Auto-Tram, les radiophiles n’ont qu’à mettre à la poste une note contenant leurs nom et adresse, et un dessus de boîte de mélange pour gâteau au chocolat XXX d’une meunerie bien connue, Brodie & Harvie Limited d’Outremont, Québec, ou encore une preuve d’achat de la Pharmacie populaire de Montréal.
Incidemment, ce qui est alors W. & R. Brodie & Company commence à utiliser le descripteur XXX au plus tard en 1871. Et oui, fin 2023, la société alimentaire globale américaine Cargill Incorporated produisait toujours de la farine Brodie XXX, mais revenons à notre jeu questionnaire.
CKAC et les commanditaires d’Auto-Tram espèrent que les prix d’une valeur exceptionnelle qui doivent être distribués aux gagnant(e)s ne passeront pas inaperçus.
Le prix de fin de saison est en effet assez impressionnant. Il s’agit en effet d’une magnifique automobile américaine Chrysler Plymouth De Luxe de 1949 fournie par Garage Touchette Limitée de Montréal.
Le prix offert à chaque semaine m’intéresse toutefois davantage. Cela étant dit (tapé?), votre humble serviteur ne va pas l’identifier tout de suite, histoire de vous encourager à lire la présente pontification dans son ensemble. De fait, c’est surtout par le biais de ce prix mystère que je peux justifier la présence d’un article sur un jeu questionnaire dans notre très sérieux, éducatif et didactique blogue / bulletin / machin. Poursuivons donc notre lecture de la présente pontification sans plus de billevesées.
D’accord, d’accord, respirez par le nez, ami(e) lectrice ou lecteur. Je vais vous donner un indice. L’objet mystérieux en question relève des domaines de recherche et collection de technologie domestique du Musée des sciences et de la technologie du Canada, à Ottawa, Ontario.
Ce n’est pas un indice très utile, dites-vous, ami(e) lecteur un peu mécontent(e)? Eh bien, pour citer mon vieux copain Felonious Gru, la vie est pleine de déceptions. Je n’ai jamais pu être un super méchant, par exemple, mais revenons à notre histoire.
Deux participant(e)s s’affrontent lors de chaque ronde d’Auto-Tram. Malouin leur pose des questions d’intérêt général. La première personne à avoir une réponse actionne un dispositif sonore, un klaxon d’automobile dans un cas ou une cloche de tramway dans l’autre cas, d’où le nom du jeu questionnaire, Auto-Tram.
Croiriez-vous que le tout dernier tramway montréalais est mis au rancart en août 1959? Le tout dernier tramway de Québec, Québec, quant à lui, subit le même sort en mai 1948. Voyez-vous, de plus en plus de gens jugent que ce type de véhicule nuit à la circulation dans les centres-villes. La circulation automobile bien sûr. Les personnes en position d’autorité se balancent des piétons ou cyclistes comme du postérieur d’un rongeur.
L’autobus est par ailleurs plus flexible que le tramway, prisonnier comme ce dernier est de ses voies en acier. Pis encore, de nombreux tramways sont âgés, vétustes ou usés jusqu’à la corde, mais revenons à notre histoire. Encore.
Trois bonnes réponses suffisent pour remporter une ronde. La gagnante ou le gagnant empoche alors une somme d’argent correspondant au nombre de questions posées pendant la dite ronde, à raison de 5 $ par question, une somme qui correspond à un peu moins de 67 $ en devises 2023.
Une autre personne ayant été choisie au hasard parmi les personnes qui assistent à l’enregistrement de l’émission, le jeu reprend sans plus de délais.
La personne qui se voit décerner le prix offert à chaque semaine, si, si, le prix dont votre humble serviteur souhaite garder l’identité secrète, est choisie au hasard à la fin de l’émission parmi les lettres envoyées au cours de la semaine précédente. Cette personne semble par ailleurs gagner une somme d’argent. Cette personne chanceuse doit toutefois répondre à une question avant de prendre possession de son prix. Croiriez-vous que la réponse à la dite question est envoyée à l’équipe d’Auto-Tram… par la poste? Je ne plaisante pas.
Une ou un participant(e) particulièrement doué(e) peut revenir d’une semaine à l’autre.
Avant que votre humble serviteur n’oublie de le mentionner, il semble y avoir une cagnotte qui s’enrichit de 75 $ par semaine, je pense, soit environ 1 000 $ en devises 2023, mais je ne saisis pas très bien comment cette cagnotte s’insère dans la remise des prix.
Auto-Tram est diffusée les samedi soir, à 19h. Oh, et chaque émission dure environ 30 minutes.
Auto-Tram est produit par Continental Broadcasting Incorporated de Montréal, une firme de production et de vente d’émissions radiophoniques en apparence éphémère fondée en juillet 1948 par un agent de publicité du nom de Julien Riopel. De fait, celui-ci est le réalisateur de ce jeu questionnaire.
Souhaitez-vous voir une autre photographie d’un épisode de notre jeu questionnaire? Et, oui, il s’agit encore une fois d’une question rhétorique. Désolé.
Un gros plan du plateau d’Auto-Tram, Montréal, Québec, février 1949. De gauche à droite, Mario Verdon, annonceur; Errol J. Malouin, maître de cérémonie; et Mme Yvette Bouchard, concurrente. Anon., « Fin de semaine au poste CKAC. » La Presse, 26 février 1949, 32.
La première saison d’Auto-Tram prend fin à la fin mars 1949. C’est une infirmière, Joséphate « Josette » Gélinas, qui gagne la magnifique Plymouth De Luxe fournie par le susmentionné Garage Touchette. Sa lettre est celle qui est choisie par hasard parmi toutes celles qui ont été envoyées depuis septembre 1948.
Croiriez-vous que cette personne est la fille d’un médecin de Trois-Rivières, Québec, et qu’elle compte une sœur et deux frères médecins? Elle compte deux autres sœurs et deux autres frères, soit dit en passant. Une famille nombreuse sans doute, mais pas énorme pour le Québec des années 1950, un Québec encore sous le joug d’une église catholique apostolique romaine farouchement opposée à toute idée de planification familiale.
Le succès remporté par Auto-Tram au cours de sa première saison justifie son retour à l’antenne à l’automne 1949, encore une fois depuis la salle paroissiale Saint-Stanislas. Ce jeu est toutefois diffusé les lundis à 20h 30. Mentionnons par ailleurs que le principal (seul?) commanditaire est maintenant Duchess Potato Chips Limited de Montréal.
Pour participer à Auto-Tram, les radiophiles n’ont qu’à mettre à la poste une note contenant leurs nom et adresse, et une étiquette de produit Duchess Potato Chips.
Annonce de la confiserie / pâtisserie Joseph Vaillancourt Incorporée de Québec, Québec, vantant les mérites du jeu questionnaire radiophonique hebdomadaire Auto-Tram diffusé par la station radiophonique CHRC de Québec. Anon., « Joseph Vaillancourt Incorporée. » Le Soleil, 13 septembre 1949, 10.
Mieux encore, une mouture d’Auto-Tram fait son apparition à Québec. Oui, la ville. Cette émission est diffusée les lundis à 21h, par la station radiophonique CHRC, à partir du Palais Montcalm, une salle de spectacle bien connue. Les maître de cérémonie et annonceur de cette seconde mouture sont Roger LeBel et Gaston Blais.
Une confiserie / pâtisserie bien connue semble être le principal (seul?) commanditaire. Pour participer à Auto-Tram, les radiophiles n’ont en fait qu’à mettre à la poste une note contenant leurs nom et adresse, et le coupon sur la boîte du gâteau spécial vendu chaque semaine par Joseph Vaillancourt Incorporée de Québec.
Et oui, cette pâtisserie célèbre encore à cette époque le 50ème anniversaire de sa fondation en… 1898 par Joseph « Jos » Vaillancourt, né Jean Baptiste Vaillancourt.
Et oui, encore, ami(e) lectrice ou lecteur, c’est à la confiserie / pâtisserie Joseph Vaillancourt que le Québec doit le Mae West / May West, un petit gâteau qui devient au fil des décennies un emblème de la culture populaire québécoise. Créée au cours des années 1930 ou 1940, cette friandise (malbouffe?) doit son nom à une célèbre et un tant soit peu coquine et controversée actrice / chanteuse / comédienne / dramaturge / scénariste américaine – ou à un gilet de sauvetage gonflable dont les formes rebondies rappellent la, euh, poitrine généreuse de cette dame, Mary Jane « Mae » West.
Personnellement, je n’ai jamais vraiment pu supporter le Mae West / May West. Trop sucré et trop gras.
Avant que je ne l’oublie, la première diffusion de la saison 1949-50 d’Auto-Tram a lieu un peu après la mi-septembre, et ce tant à Québec qu’à Montréal.
Les prix à gagner à chaque semaine à Québec ne sont toutefois pas aussi exotiques que ceux offert à Montréal en 1948-49. Nenni. Il s’agit en effet d’aspirateurs, cireuses à plancher, etc. Cela étant dit (tapé?), la version montréalaise du jeu questionnaire ne semble plus offrir les prix hebdomadaires offerts pendant la saison 1948-49. Nenni. Encore. À au moins une reprise, les dits prix sont une montre-bracelet et une bicyclette pour garçons.
Une brève digression si vous me le permettez. Une personne ayant une bonne culture générale et des réflexes rapides peut gagner des sommes non négligeables en participant à Auto-Tram. Mentionnons par exemple le gentilhomme non identifié qui quitte le plateau montréalais de cette émission avec 400 $ en poche, une somme qui correspond à environ 5 200 $ en devises 2023.
Les saisons montréalaise et québécoise d’Auto-Tram semblent prendre fin en avril 1950. Votre humble serviteur ne saurait dire si les grands prix de fin de saison sont des automobiles. Désolé.
Notre jeu questionnaire entame une 3ème saison à Montréal en septembre 1950. CKAC la diffuse de nouveau les lundis à 20h 30, mais cette fois à partir du Cinéma Le Château. Le susmentionné Malouin semble maintenant cumuler les postes de maître de cérémonie et réalisateur.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, la version de notre jeu questionnaire diffusée à Québec ne semble pas avoir entamé une seconde saison.
Pour une raison ou une autre, toutefois l’équipe de la version montréalaise d’Auto-Tram prend la route en janvier 1951. Un épisode est en effet diffusé à partir de Hull, Québec, au Cinéma de Paris ou au Cinéma Capitol, je pense. La semaine suivante, toujours en janvier, l’équipe se trouve à Trois-Rivières, Québec, au Cinéma L’Impérial. L’équipe se rend par la suite à Sherbrooke. Cet épisode est diffusé à partir du Cinéma Granada. Début février, l’équipe se trouve à Saint-Jérôme, Québec, au Cinéma Rex.
Dans chaque cas, la championne ou champion en poste accompagne l’équipe de production.
La magnifique automobile américaine Kaiser Special 1951 offerte par Richelieu Automobile Limitée de Montréal. Anon., « –. » La Presse, 3 mars 1951, 38.
La 3ème saison de la version montréalaise d’Auto-Tram prend fin un peu avant la mi-mars 1951. C’est une dame de Montréal, Mme J.B. Soucy, qui gagne le grand prix, une magnifique automobile américaine Kaiser Special 1951 offerte par Richelieu Automobile Limitée de Montréal. Sa lettre est celle choisie par hasard parmi toutes celles qui ont été envoyées depuis septembre 1950.
Cela étant dit (tapé?), des émissions spéciales semblent avoir lieu les 29, 30 et 31 mars 1951 sur le site de la grande vente organisée dans une salle de loisirs de Montréal par le Centre canadien des Cercles Lacordaire et Sainte-Jeanne d’Arc, une association œuvrant contre l’alcoolisme et la consommation d’alcool fortement appuyée par l’église catholique, apostolique et romaine du Québec et d’ailleurs en Amérique du Nord.
Votre humble serviteur ne saurait dire si ces émissions sont radiodiffusées.
La saison 1951-52 d’Auto-Tram diffère profondément de celles qui l’ont précédées. Il semble en effet que le jeu questionnaire soit présenté exclusivement à partir du Cinéma Laurier, à Hull. Encore une fois, votre humble serviteur ne saurait dire si ces émissions du vendredi soir sont radiodiffusées. Je ne sais pas non plus qui sont les maître de cérémonie et annonceur.
La saison 1951-52 d’Auto-Tram peut avoir commencé en octobre. Ce jeu questionnaire semble quitter la scène du Cinéma Laurier en mai 1952.
Cela étant dit (tapé?), encore, une version du dit jeu questionnaire agrémente le dernier jour d’une campagne de sécurité routière organisée à Beauharnois, Québec, en avril et mai 1953, par la Chambre de commerce des Jeunes locale.
Une autre version d’Auto-Tram agrémente honoré la réunion mensuelle de mars 1955 du chapitre de Montmagny, Québec, du Centre canadien des Cercles Lacordaire et Sainte-Jeanne d’Arc. Votre humble serviteur ne saurait dire s’il s’agit là d’un cas unique.
Avant de vous quitter, je vais vous révéler l’identité du prix offert aux gagnant(e)s d’Auto-Tram à chaque semaine de la saison 1948-49. Les dits prix sont des Garberator / Garborator / Garburator fournis par Jarry Manufacturing Company Limited de Montréal, une filiale (éphémère?) de Jarry Automobile Limitée de… Montréal. Ta-daa…
Jarry Manufacturing enregistre le mot-symbole Garberator auprès du Bureau canadien des brevets en octobre 1946. Cette firme utilise toutefois le dit mot-symbole depuis septembre.
Il est à noter que le terme français garburateur est parfois utilisé en sol québécois, et ce au plus tard en 1952. De fait, le dit terme peut y être encore utilisé de temps en temps en 2023, mais je digresse.
Le terme anglais Garberator / Garborator / Garburator, une subtile combinaison des termes garbage et incinerator, soit déchet et incinérateur, est en fait un canadianisme qui cache une invention américaine, un des premiers broie-videurs / broyeurs à déchets alimentaires / broyeurs à ordures / broyeurs d’aliments / broyeurs d’évier / broyeurs d’ordures / broyeurs d’ordures ménagères / broyeurs de cuisine / broyeurs de déchets / broyeurs de déchets alimentaires / broyeurs de déchets ménagers / dilacérateurs ménagers / dispositifs de traitement des déchets alimentaires / vide-ordures électriques à être commercialisé.
Et oui, un dilacérateur ménager peut être monté sur n’importe quel évier de cuisine.
L’architecte américain John W. Hammes commence à s’intéresser à un tel dispositif vers 1927. Il souhaite faciliter l’existence de son épouse – et d’autres reines du foyer. Il se peut toutefois fort bien que Hammes n’aime tout simplement pas sortir les ordures.
Hammes semble obtenir un brevet pour son idée en 1933.
Cela étant dit (tapé?) , General Electric Company, un géant américain mentionné dans quelques numéros de notre exceptionnel blogue / bulletin / machin depuis avril 2018, commercialise un broyeur d’ordures ménagères au plus tard en février 1936, voire même dès octobre 1935, mais revenons à Hammes.
Un des premiers modèles de série de ce que d’aucuns appellent alors parfois un « electric pig, » en français cochon électrique, est présenté dans la maison modèle inaugurée en septembre 1937 à Racine, Wisconsin.
Hammes fonde In-Sink-Erator Manufacturing Company dans cette ville en 1938. S’il faut en croire la presse de l’époque, des firmes de plus de 15 états américains vendent des In-Sink-Erators avant même la fin de l’année. Elles n’en vendent toutefois pas beaucoup.
Et oui, le terme In-Sink-Erator est une subtile combinaison des termes sink et incinerator, soit évier et incinérateur.
Le slogan de In-Sink-Erator Manufacturing mérite d’être mentionné en ces lieux : « Quick as a wink through any kitchen sink, with the In-Sink-Erator, » en d’autres mots rapide comme un clin d’œil via n’importe quel évier de cuisine, avec le In-Sink-Erator.
Cela étant dit (tapé?), la plupart des villes américaines interdisent apparemment l’installation de In-Sink-Erator sur leur territoire, par crainte que les déchets alimentaires ainsi déversés dans les égouts municipaux ne provoquent des problèmes dans les canalisations et usines de traitement des eaux. De plus, de nombreux pères de famille voient en eux un luxe inabordable en période de crise économique.
Une publicité typique de In-Sink-Erator Manufacturing Company vantant les vertus du broyeur d’ordures ménagères In-Sink-Erator. Anon., « In-Sink-Erator Manufacturing Company. » House & Garden, octobre 1947, 226.
Une photographie mise en scène avec deux jeunes femmes américaines en adulation devant un broyeur d’ordures ménagères In-Sink-Erator. Anon., « Business Screen Camera – General Mills Premieres Annual Report Film; Lens-Views of the News. » Business Screen Magazine, mars 1949, 29.
Les choses ne commencent vraiment à changer qu’à partir de 1948, avec l’entrée en scène de Robert M. Cox. Le nouveau vice-président des ventes est ambitieux mais a en du pain sur la planche. En effet, plusieurs firmes, dont General Electric, produisent maintenant des broyeurs d’ordures ménagères.
Cox commence à sillonner le territoire américain dès 1948-49. Il contacte les services d’égouts de nombreuses villes et soutient que l’utilisation massive de In-Sink-Erator n’endommagerait pas les installations d’épuration des eaux usées. Une telle utilisation serait en fait une bonne idée. Les démonstrations organisées par Cox lors de ses visites ne passent pas inaperçues. Au fil des ans, la plupart des administrations municipales américaines lèvent leurs interdictions.
Mieux encore, au cours des années 1960, plusieurs administrations municipales américaines adoptent des ordonnances exigeant l’installation de broyeurs d’ordures ménagères. Dans au moins un cas, l’introduction massive de tels dispositifs réduit la quantité de déchets dans les poubelles à un point tel qu’il devient possible de réduire la collecte des déchets de deux fois à une fois par semaine.
En parallèle, Cox contacte des firmes de plomberie. Il offre également des repas aux épouses de membres de la National Association of Plumbing and Heating Contractors. Mieux encore, Cox envoie des représentants de In-Sink-Erator Manufacturing partout aux États-Unis. Pour différencier les dits représentants, il leur donne pour véhicules des automobiles familiales… roses. Je ne plaisante pas.
Et oui, Cox vise beaucoup une clientèle potentielle féminine, qui, espère-t-il, va appliquer de subtiles, ou pas très subtiles, pressions sur leurs époux.
À cet effet, croiriez-vous que Cox obtient de la direction de la firme que son broyeur d’ordures ménagères soit rendue disponible en 5 ou 6 couleurs?
Cox augmente par ailleurs considérablement le budget publicitaire de son employeur. En 1956, il place plusieurs annonces publicitaires dans le très chic magazine féminin Vogue et ailleurs, des annonces publicitaires dont le texte est, et je cite, en traduction : « Chérie, tu es bien trop charmante pour être ramasseuse d’ordures. »
En 1970, Cox fait appel à la fameuse actrice / artiste visuelle / auteure / monologiste / musicienne américaine Phyllis Ada Diller, née Driver, pour vendre des broyeurs d’ordures ménagères. Une version du texte des publicités se lit comme suit, une fois traduite bien sûr :
Qui veut toutes ces ordures pour la Fête des mères?
Donnez un gros coup de main à la petite madame. Offrez-lui un In-Sink-Erator, l’amoureux des RESTES.
Une question un tant soit peu impertinente si vous me permettez. Un époux qui donne un broyeur d’ordures ménagères à sa douce moitié lors de la Fête des Mères pourrait-il être accueilli avec une brique et un fanal? Pour ma part, je suis convaincu que mon père savait mieux que de faire un truc pareil.
Parmi les autres célébrités employées au fil des décennies pour vendre des In-Sink-Erator, mentionnons…
- la journaliste de télévision américaine Barbara Jill Walters,
- l’actrice / chanteuse américaine Doris Day, née Doris Mary Ann von Kappelhoff, et
- l’annonceur de jeu télévisé américain Robert William « Bob » Barker.
Permettez-moi de souligner que In-Sink-Erator Manufacturing devient la In-Sink-Erator Division de la firme américaine Emerson Electric Company en 1968.
En date de 2023, la Insikerator Division d’Emerson Electric, probablement le plus grand fabricant de broyeurs d’ordures ménagères sur la planète Terre, est la propriété de la multinationale américaine fabricante et distributrice d’appareils électroménagers Whirlpool Corporation.
Souhaitez-vous entendre ce qui peut fort bien être le seul épisode d’Auto-Tram encore disponible de nos jours, soit celui du 25 septembre 1949? […] Vermouilleux! Voici le lien…
Et c’est tout pour aujourd’hui, ami(e) lectrice ou lecteur et… Quelque chose ne va pas? Vous vous comportez comme un Tigrou hyperactif qui attend l’arrivée de Winnie l’ourson – ou du grand maître Jedi Yoda. Une question vous avez? Votre humble serviteur a-t-il modifié une comptine française pour arriver au titre de ce numéro de notre merveilleux blogue / bulletin / machin? Oui, je l’ai fait. La véritable comptine va comme ceci :
Pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam,
Am, stram, gram.
Il est suggéré que cette comptine apparaît avant le 9ème siècle. Si tel est le cas, elle était parlée par les Francs, c’est-à-dire des gens qui vivaient dans le royaume dirigé, par exemple, par Karolus serenissimus Augustus a Deo coronatus magnus pacificus imperator Romanum gubernans imperium, un monarque de la dynastie carolingienne naturellement mieux connu sous le nom de Charlemagne. Et oui, ce titre hypertrophié n’est utilisé qu’après décembre 800, lorsque Charles le Grand est couronné empereur.
Soit dit en passant, Karolus serenissimus Augustus a Deo coronatus magnus pacificus imperator Romanum gubernans imperium est le latin pour Charles le très sérénissime Auguste, couronné par Dieu, le grand empereur pacifique dirigeant l’Empire romain.
Compte tenu de la grande violence dont ce monarque fait preuve envers les Saxons à cette époque, le mot pacifique est un mensonge éhonté, un stratagème de politicien, mais je digresse.
Croiriez-vous que, selon certain(e)s, Am, stram, gram serait dérivée d’une incantation chamanique, prononcée lors de veillées funéraires du 8ème siècle, et avant, qui permettait à l’officiant / chaman d’être possédé par l’esprit du loup (céleste?). Cette incantation allait / va comme suit :
Emstrang Gram
Bigà bigà ic calle Gram
Bure bure ic raede tan
Emstrang Gram
Autrement dit,
Toujours fort Gram
Viens, viens, j’appelle Gram
Surviens, surviens, j’invoque le brin
Toujours fort Gram
Le brin en question semble être une sorte de baguette magique.
Ce n’est pas tout à fait la réponse que vous attendiez? Eh bien, c’est la vie. Carpe Diem.