Une fable d’air, d’eau, et de feu : Un coup d’œil sur les activités aéronautiques de Hoffar Motor Boat Company de Vancouver, Colombie-Britannique, 1915-27, partie 2
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur. Vous vous souviendrez bien sûr de la fin de la première partie de cet article. Quelque chose sur le début d’une nouvelle phase dans l’histoire aéronautique de Hoffar Motor Boat Company de Vancouver, Colombie-Britannique. Êtes-vous prêt(e)? Commençons.
Croiriez-vous que, en 1909, William T. Cox, assistant forestier du United States Forest Service, une agence du United States Department of Agriculture, se serait demandé si des aéroplanes pourraient être utiles dans la lutte contre les incendies de forêt? Oui, il l’aurait fait, après avoir vu un biplan Wright dans les airs.
En juillet 1911, le superviseur de la nouvelle Selway National Forest, dans l’Idaho, Frank Alfred Fenn, prédit que des aéroplanes et la télégraphie sans fil / radio joueraient bientôt un rôle important dans la protection des grandes forêts de l’ouest de l’Amérique du Nord. Ce soldat / rédacteur en chef / propriétaire de journal / homme d’état / conservationniste / avocat est d’avis qu’un aviateur pourrait inspecter en quelques heures une zone qu’une vingtaine de gardes forestiers auraient besoin d’une semaine pour couvrir. Les incendies pourraient ainsi être détectés plus tôt, et éteints plus tôt, par des équipes de pompiers au sol. Ces équipes seraient alertées par télégraphie sans fil ou d’autres moyens, à l’aide de banderoles messages par exemple.
Alors que la plupart des forestiers et surveillants forestiers ont tendance à penser que le vol motorisé est une technologie trop immature pour être utile, les surveillants forestiers du Nouveau-Mexique et de l’Arizona ne sont pas d’accord. De fait, lors de leur première réunion annuelle, tenue au Texas en novembre 1911, ils décident, en traduction, « que l’utilisation d’aéroplanes pour les patrouilles d’incendie soit envisagée ».
Sur une note plus fantaisiste, un garde forestier écrit un poème intitulé « Tomorrow’s Forest Fire, » en français les incendies de forêt de demain, qui sort dans le numéro de février 1912 de The Sierra Ranger, un bulletin publié par le personnel de la Sierra National Forest, en Californie. John M. Farley pérore avec lyrisme du pilote audacieux, mais sans nom, d’un « fireoplane, » en français feuoplane, dont les bombes remplies de produits chimiques étouffent un incendie après quelques manœuvres époustouflantes. Après tout, combattre les incendies de forêt du haut des airs réduirait le dur labeur et les nombreux dangers associés à la lutte contre les incendies de forêt depuis le sol, et…
Vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe? Cette seconde partie de notre article sur Hoffar Motor Boat sera-t-elle consacrée à la lutte aérienne contre les incendies? Oui, bien sûr. À quoi vous attendiez-vous? À une péroraison sur les méthodes de cuisson qui utilisent le feu vif et la fumée? La saison des barbecues est terminée, du moins dans l’hémisphère nord, et ce jusqu’en 2024. Revenons maintenant au fil conducteur de notre histoire, vous voulez bien?
Votre humble serviteur aimerait vous dire que la première patrouille aérienne de détection d’incendie a lieu à l’été 1913, en Californie, près de Los Angeles plus précisément, et que les personnes impliquées sont l’aviateur Howard Gill et le garde forestier S.V. Parnay. Malheureusement, ce vol historique n’a jamais lieu.
Ceci étant dit (tapé?), début janvier 1912, un garde forestier arménien américain du nom de Serope Yotnelpire Parnay, né Parnag, je crois, est choisi par son supérieur, le surveillant de la Angeles National Forest, en Californie, pour rejoindre Howard Warfield Gill dans une balade aérienne conçue pour voir si oui ou non les aéroplanes pourraient être utiles pour détecter les incendies de forêt. Parnay est profondément déçu (ou soulagé?) lorsque Rush H. Charlton l’informe que l’expérience est reportée sine die, et cela après qu’il ait rédigé ses dernières volontés et testament – et passé la majeure partie de 2 jours à essayer d’obtenir une importante police d’assurance-vie.
Une petite digression si je peux me permettre. Saviez-vous que l’aire de pique-nique de… Charlton Flat, Californie, est le lieu choisi pour représenter le village de Bozeman, Montana, où le brillant et excentrique (physicien / mathématicien?) Zefram Edark Cochrane rencontre l’équipage d’un vaisseau spatial de recherche vulcain, en avril 2063, un historique premier contact pour les Terriennes et Terriens, après avoir rencontré quelques officiers supérieurs du vaisseau interstellaire U.S.S. Enterprise-E de Starfleet voyageant dans le temps. (Bonjour, EP, EG et SB!) Mais revenons à notre histoire.
Il s’avère que la première patrouille aérienne de détection d’incendie sur la planète Terre peut, je répète peut, avoir eu lieu quelque part dans l’ouest des États-Unis au cours de l’hiver 1912-13. Le dynamique duo sélectionné pour cette expérience est dans les airs depuis moins de 10 minutes lorsqu’il repère une paire d’incendies au loin. À leur insu, ces petits feux de brousse ont été allumés délibérément pour voir si le dit duo les détecterait. Quoi qu’il en soit, nos observateurs aériens atterrissent rapidement et signalent leurs observations. Mieux encore, les positions qu’ils signalent correspondent aux positions réelles des incendies.
Un rapport tout à fait enthousiaste de cette expérience réussie est rapidement / finalement transmis au bureau principal du United States Forest Service, à Washington, District de Columbia. Et… rien ne se passe.
L’idée d’utiliser des aéroplanes pour détecter les incendies de forêt est certainement… dans l’air à l’époque, cependant. Au début de l’automne 1914, par exemple, le premier forestier d’état du Minnesota, le susmentionné Cox, suggère que le United States War Department pourrait fournir quelques aéroplanes pour voir si des machines volantes peuvent être utiles ou non. Cox le pense certainement. Un sénateur des États-Unis norvégien américain du Minnesota, un ancien gouverneur du Minnesota en fait, Knute Nelson, né Knud Evanger, parle à des responsables du département au nom de Cox. Les dits responsables ne disent pas non mais, au final, rien ne se passe.
Un journal hebdomadaire américain, The Princeton Union de… Princeton, une petite ville du Minnesota, a ceci à dire en mai 1915, en traduction :
C’était une erreur de la part de la législature de ne pas fournir au forestier général Cox une flotte d’aéroplanes et de Zeppelins pour l’extinction des incendies de forêt. Mais il est à peine possible que le nord du Minnesota ne brûle pas avant la prochaine législature.
Ayoye…
Ce qui est officiellement reconnu comme la première patrouille aérienne de détection d’incendie sur la planète Terre a lieu fin juin 1915. Le pilote impliqué dans ce vol historique est Logan Archbold « Jack » Vilas, l’aviateur officiel récemment embauché du Wisconsin State Board of Forestry. Ce pilote américain est aux commandes de son hydravion à coque Curtiss Modèle F personnel, alors basé au lac Trout, au Wisconsin. Et oui, le premier forestier d’état de vous savez où, Edward Merriam Griffith, est assis à côté de lui ce jour historique. Mieux encore, ils repèrent un incendie de forêt. Je ne plaisante pas.
Vilas vole par la suite plusieurs fois au… Wisconsin en juin, juillet et août 1915. Cet homme riche et indépendant fait tout ce travail de manière bénévole. Et oui, Vilas repère au moins un autre incendie de forêt.
Il semble que le Wisconsin State Board of Forestry continue à utiliser au moins un aéroplane autrement non identifié pendant les saisons des incendies de 1916 et 1917. Votre humble serviteur ne peut pas dire qui possède cette machine, ou qui la pilote. Désolé. Cela étant dit (tapé?), le dit pilote peut apparemment détecter des feux de foret se trouvant à environ 100 kilomètres (environ 60 milles) de lui.
Les vols de Vilas ne passent pas inaperçus. Nenni. Pas plus tard qu’en août 1915, le commissaire des terres de l’état de l’Idaho, George A. Day, encourage l’utilisation d’aéroplanes dans son état, par exemple. Le secrétaire de la Public Domain Commission du Michigan, Augustus Caesar Carton, va encore plus loin à cette époque. Il avance l’idée de larguer une sorte de composé extincteur sur les nouveaux incendies, afin de les contenir – l’essence même de l’arrosage aérien du 21ème siècle.
Les fonctionnaires de quelques / plusieurs autres états, dont des forestiers d’état ou des commissaires fonciers d’état, ou les deux, semblent également intéressés. Il suffit de mentionner la présentation faite par le premier commissaire de la récemment créée Wisconsin Conservation Commission, lors de la réunion annuelle de l’American Forestry Association tenue à Boston, Massachusetts, en janvier 1916. Le travail de Vilas au cours de l’été précédent est salué par Frank B. Moody.
On pourrait également mentionner la réaction d’un groupe de membres du United States Forest Service de quelques états de l’Ouest lors d’une réunion tenue à Salt Lake City, Utah, en février 1916. Ils sont d’accord avec l’assistant forestier de leur district, Arthur C. « Mac » McCain, pour croire que des essais devaient avoir lieu dans leur coin de pays. Ceci étant dit (tapé ?), le superviseur de la Beartooth National Forest, au Montana, Robert T. Ferguson, n’envisage pas d’utiliser des aéroplanes dans son propre coin de pays dans un avenir proche.
Et puis il y a la nouvelle suivante publiée avec plus ou moins de détails dans une quarantaine de journaux américains et canadiens entre janvier et avril 1916, sans compter près de 15 journaux australiens entre avril 1916 et janvier 1917 : William Charles John Hall, surintendant du Service de protection des forêts du ministère des Terres et Forêts du Québec, indique que son service va utiliser des aéroplanes pour localiser les incendies de forêt.
Votre humble serviteur n’exagèrerait pas tant que ça si je vous disais que j’ai failli tomber de mon fauteuil poire en lisant cela. Je n’avais jamais entendu parler d’une telle déclaration si tôt dans le jeu. Le picotement de mon spidey-sens me conduit dans une quête pour confirmer cette nouvelle.
Il s’avère que Hall déclare dans le rapport annuel de 1915 du ministère des Terres et Forêts que des aéroplanes seraient très utiles pour détecter / localiser les incendies de forêt. Cependant, il affirme aussi dans ce rapport déposé en janvier 1916 à l’Assemblée législative du Québec par le ministre responsable, l’avocat Louis-Jules Allard, que le coût de ces aéroplanes serait prohibitif. Prohibitif pour le moment en fait. Lorsque ce coût tomberait à un niveau suffisamment bas, l’acquisition de quelques aéroplanes serait une bonne idée – ou quelque chose dans ce sens.
Zut…
Croiriez-vous que le susmentionné Charlton participe apparemment à une patrouille aérienne de détection d’incendie? En 1916, Charlton peut, je répète peut, avoir rejoint un aéronaute chevronné dans un vol en ballon (libre ou captif?) au-dessus / près de la Angeles National Forest. Il conclut cependant rapidement que des ballons ne seraient pas utiles pour détecter les incendies de forêt.
Début juin 1916, à Olympia, Washington, le State Board of Forest Commissioners discute de la possibilité d’acheter un aéroplane et d’embaucher un pilote pour le piloter. Le secrétaire de la commission est invité à étudier cette possibilité, mais aucune suite n’est donnée.
En octobre de la même année, aux États-Unis, lors d’une réunion annuelle de la Western Forestry and Conservation Association, à Portland, Oregon, un dirigeant d’une firme américaine récemment créée (juillet 1916) lit une communication rédigée par le président de cette firme, qui ne pouvait pas être présent. Le dit président écrit (tape?) que des aéroplanes pourraient certainement être utiles pour repérer les incendies de forêt dans le nord-ouest des États-Unis. Le dirigeant est Edgar Nathaniel Gott. La firme est Pacific Aero Products Company. Le président absent est un Germano Américain du nom de William Edward Boeing, né Wilhelm Eduard Böing. Ouais, ce Boeing-là.
Au moins un représentant d’un pays étranger non identifié est présent à cette réunion. Votre humble serviteur serait prêt à parier quelques sous, peut-être même une pièce de 5 cents ou deux, que ce pays étranger est le Canada.
Incidemment, la seule revue forestière canadienne publiée à l’époque publie un article de Boeing, « Finding Fires With Aeroplanes, » en français trouver des feux avec des aéroplanes, dans son numéro de décembre 1916. De fait, Canadian Forestry Journal a publié un article sur les activités de Vilas dans son numéro d’avril 1916. Ce même magazine mensuel publie un article du susmentionné Cox, « The Cost of Aerial Patrol, » en français le coût des patrouilles aériennes, dans son numéro de mars 1917.
Soit dit en passant, l’article de Cox contient une brève analyse du coût d’une hypothétique équipe de 3 hydravions de surveillance responsable pour une région d’environ 20 250 kilomètres carrés (environ 7 800 milles carrés) pendant une saison de 6 mois, soit 12 430 $, une somme qui correspond à environ 298 000 $ en devises 2023. Cette équipe permettrait de réduire considérablement la taille des équipes de surveillance basées au sol. La somme d’argent ainsi économisée frôle en fait 25 900 $, une somme qui correspond à environ 621 000 $ en devises 2023, mais je digresse.
L’intérêt pour la lutte aérienne contre les incendies commence à croître au Québec en 1917, peut-être à la suite d’une réunion tenue à Montréal, Québec, en janvier, une réunion qui mène à la création de la Montreal Branch de la Canadian Division de l’Aerial League of the British Empire. Un des sujets abordés à l’époque et / ou plus tard est le rôle que des aéroplanes pourraient jouer au Canada après la Première Guerre mondiale. Et oui, la détection des incendies de forêt est apparemment un des rôles mentionnés.
À la fin mars, cette même Montreal Branch réserve un grand espace dans un hôtel chic de Montréal pour une présentation sur « Aviation and its possibilities, » en français l’aviation et ses possibilités, par John Alexander Douglas McCurdy, un gentilhomme qui, comme nous le savons toutes et tous les deux, accomplit le premier vol contrôlé et soutenu vol d’un aéroplane motorisé en sol canadien, en février 1909. À l’époque, oui, en 1917 et pas en 1909, McCurdy compte parmi les directeurs d’un géant aéronautique américain, Curtiss Aeroplane and Motor Corporation.
Un autre conférencier invité ce soir-là est le forestier en chef d’une firme canadienne / québécoise de pâte à papier, Laurentide Company Limited de Montréal, le Canadien américain Ellwood Wilson. Ce dernier en surprend probablement plus d’un(e) lorsqu’il annonce que des aéroplanes seraient (bientôt?) utilisés au Québec, plus précisément dans la région de la rivière Saint-Maurice, pour localiser les incendies de forêt. Ces aéroplanes seraient pilotés par des aviateurs militaires canadiens rentrés chez eux pour une raison ou une autre (maladie ou blessure par exemple).
Vous savez que la Première Guerre mondiale, la der des ders, bat son plein en 1917, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur?
Votre humble serviteur a-t-il besoin d’ajouter que McCurdy est mentionné à plusieurs reprises dans notre stellaire blogue / bulletin / machin, et ce depuis septembre 2017? C’est ce que je pensais.
Sans grande surprise, Canadian Forestry Journal rapporte en juin 1917 qu’un groupe basé au Québec, la St. Maurice Fire Protective Association de Trois-Rivières, veut faire des essais avec un aéroplane pour évaluer l’utilité de tels véhicules pour localiser les incendies de forêt.
Lors d’une réunion de la Quebec Fire Protective Association tenue à Montréal au début de février 1918, dans un hôtel chic, un officier québécois du Royal Flying Corps de la British Army fait la promotion de l’utilisation d’aéroplanes pour détecter les incendies de forêt. Le discours prononcé par le major Kenneth Edgar Clayton-Kennedy est publié in extenso, avec une transcription de la période de questions, dans les numéros de février et mars 1918 de Canadian Forestry Journal.
Le premier commissaire de la Direction des parcs du dominion du ministère de l’Intérieur, James Bernard Harkin, présent à cette réunion, va plus loin, en traduction : « Je suis peut-être visionnaire, mais je pense qu’il est possible de fabriquer un gaz qui pourrait étouffer un incendie. J’ai des visions d’aéroplanes larguant des bombes à gaz sur des incendies de forêt dans un avenir pas trop lointain. »
Si on en croit une dépêche publiée en juin 1918, la St. Maurice Fire Protective Association a décidé d’utiliser des aéroplanes pour localiser les incendies de forêt. De fait, cette association québécoise a déjà réservé les services de deux aviateurs canadiens qui ont combattu outre-mer. Mieux encore, l’association espère lancer ce service au cours de l’été 1918, et…
Nous nous sommes pas mal éloigné(e)s de notre sujet, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Je crains que cette digression n’entraîne la nécessité de conclure cet article dans une troisième partie. Désolé pour ça.
Parlant (en tapant ?) d’une troisième partie, si vous n’avez pas profité de Une nuit à l’opéra, si, la comédie américaine de 1935 mettant en vedette 3 des 5 frères Marx (Leonard Joseph « Chico » Marx, Arthur « Harpo » Marx , né Adolph Marx, et Julius Henry « Groucho » Marx), et non l’album de 1975 du groupe rock britannique Queen, veuillez le faire le plus tôt possible. La scène du contrat est un classique. Diable, Une nuit à l’opéra dans son ensemble est un classique.
Il y a même des aviateurs, je ne plaisante pas, des soviétiques, je pense, remarquez, dont la présence pourrait vous amener à vous demander si le groupe rock américain ZZ Top était actif dans les années 1930, mais je digresse.