« En conserve, elle est excellente, étant splendide pour les tartes » – La saga rampante et florissante d’un léger mystère horticole du début du 20ème siècle, la mûre de Logan, partie 2
C’est une image qui met l’eau à la bouche, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur gourmet? La mûroise / ronce-framboise est certainement un fruit multiple intéressant.
Déterrons davantage de détails juteux sur ses premières années.
Des plants de mûres de Logan / ronces-framboises commencent à apparaître au Canada, en l’occurrence en Colombie-Britannique, au plus tard en 1904 – et très probablement avant. Comme c’est le cas aux États-Unis, votre humble serviteur présume que la plupart de leurs mûroises sont mises en conserve, conservées ou transformées en confitures ou gelées. Mais ce n’est pas tout.
Le vin de mûroises fait maison commence à apparaître en Colombie-Britannique au plus tard en 1908 – et très probablement avant. À la fin des années 1910, cette boisson enivrante est très populaire dans cette province canadienne. De fait, elle peut être achetée dans de nombreux endroits – et dans des magasins situés dans ces endroits.
Un expert helvético canadien en produits laitiers (beurre, fromage et lait) ayant travaillé aux États-Unis, Léon de Montreux Chevalley, commence à cultiver, eh bien, en fait, son équipe commence à cultiver des mûres de Logan près de South Sumas, Colombie-Britannique, près de Chilliwack, en 1919, je pense. De fait, il commence à mettre en bouteille du vin de mûroises au plus tard en 1920.
Après environ 6 mois passés en fûts de bois, le jeune vin a le bouquet particulier et appétissant d’un bon Bordeaux, du moins c’est ce que prétend de Montreux Chevalley en mars 1921. Selon lui, ce breuvage est supérieur aux vins aigres et désagréables mis en bouteille dans Californie.
Sachant que chaque hectare (acre) de terre planté de mûres de Logan peut produire en moyenne d’environ 7 500 à 9 400 litres de jus par hectare (environ 720 à 900 gallons impériaux / environ 875 à 1 075 gallons américains par acre), toujours selon de Montreux Chevalley, la Colombie-Britannique pourrait produire un volume important de vin.
Et oui, de tels rendements peuvent, je répète peuvent, être comparables, voire supérieurs, à ceux de terres plantées en vignes.
Chevalley Wine Company Limited de Vancouver, Colombie-Britannique, est incorporée en février 1926. Chevalley lui-même décède malheureusement en juin, à l’âge de 71 ou 72 ans. Sa firme peut, je répète peut, avoir cessé ses activités peu de temps après.
De Montreux Chevalley n’est pas la seule personne en Colombie-Britannique à rêver de vin de mûroises. Nenni. Au printemps 1921, le secrétaire et directeur fondateurs de la Saanich Fruit Growers’ Association de… Saanich, Colombie-Britannique, J.H. Sutton, avance l’idée de vendre du vin fabriqué par des membres de cette association dans les magasins du Liquor Control Board de la province qui doivent ouvrir en juin de la même année.
Voyez-vous, les producteurs de mûres de Logan de Colombie-Britannique avaient considérablement étendu leurs plantations pendant la Première Guerre mondiale en raison des prix élevés qu’ils obtenaient. Avec la chute (précipitée?) des quantités de conserves fabriquées et la baisse concomitante des prix, après la fin du conflit, ils se sont retrouvés coincés avec des champs remplis de mûres de Logan avec peu d’acheteurs en vue. Transformer ces fruits, euh, ces fruits multiples en pinard semble être une bonne idée.
Bien qu’intrigués, les dirigeants du Liquor Control Board ne semblent pas avoir mordu avant en juin 1923, lorsque la première conclut des accords avec environ 200 producteurs de mûroises de Logan situés à Saanich ou à proximité.
Votre humble serviteur se demande si cette initiative mène à la création de Growers Wine Company Limited de Victoria, Colombie-Britannique, une firme incorporée en juillet 1923. De fait, les premiers produits commercialisés par cette firme sont Logana, un vin de mûroises, et Vin Suprême, un vin de mûroises et de mûres. Les deux produits peuvent encore être achetés plus de 35 ans plus tard, comme le montre la publicité suivante.
Une publicité typique émise par Growers Wine Company Limited de Victoria et Vancouver, Colombie-Britannique. Anon., « Growers Wine Company Limited ». Victoria Daily Times, 11 décembre 1959, 15.
Croiriez-vous que Growers Wine multiplie sa production par 15 environ entre 1923 et 1927, année au cours de laquelle la dite production oscille autour d’environ 500 000 litres (environ 110 000 gallons impériaux / environ 130 000 gallons américains)? Ça fait beaucoup de pinard.
Et oui, au début des années 1920, Sutton produit son propre vin de mûroises. On dit, en traduction, qu’il est « si bon qu’un verre plein est plus que ce que n’importe quel automobiliste devrait boire à la fois. »
Les projets avancés par Sutton et de Montreux Chevalley peuvent, ou non, inspirer quelques agriculteurs basés à Steveston, Colombie-Britannique, près de Richmond. Voyez-vous, James Archibald McKinney et William R. Simpson ne peuvent pas vendre leur première récolte de mûroises, une récolte exceptionnelle, en 1924. Ils décident alors de la transformer en vin. Pour ce faire, McKinney peut, je répète peut avoir acquis un petit domaine viticole californien assommé par la prohibition et déplacé ses équipements à Steveston.
Informé de ce qui se passe dans ce village, le susmentionné Liquor Control Board vient naturellement frapper à la porte. Il est convenablement impressionné et c’est ainsi que naît la marque Myrtena de vin de mûroises, mise en bouteille par la dite commission des liqueurs.
Incidemment, le mot Myrtena est un mot-valise qui mélange plus ou moins précisément les prénoms d’une des filles de McKinney, Myrtle Helena McKinney, et d’une de ses belles-filles, Christine McKinney, née Gilmore, je pense.
L’humble demeure de Richmond Wineries Limited, Steveston, Colombie-Britannique. Anon., « Lulu Island Firm Brings Fame To British Columbia By Its Manufacture of the ‘Myrtena’ Brand. » The Sunday Sun, 31 janvier 1931, 21.
Une publicité typique émise par Richmond Wineries Limited de Steveston, Colombie-Britannique. Anon., « Richmond Wineries Limited. » The Vancouver Daily Province, 2 décembre 1933, 21.
Avant trop, trop longtemps, le vin de mûroises produit à Steveston se révèle si populaire que McKinney et Simpson doivent acheter les récoltes de quelques producteurs locaux simplement pour répondre à la demande.
Mieux encore, dès 1931, ils commencent à superviser sur place la mise en bouteille de leur produit. Et oui, cela se fait à la main jusqu’à l’installation d’un quelconque équipement d’embouteillage au cours de la même année.
À ce moment-là, Richmond Wineries Limited de Steveston avait fait son apparition, ce qui soulève une question intéressante : une sorte de Myrtena Wineries Incorporated / Limited / Registered existait-elle officiellement avant ce point? Le savez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, parce que votre humble serviteur ne le sait vraiment pas?
Quoi qu’il en soit, Richmond Wineries est apparemment fondée en 1926 ou 1927, et…
Votre air dubitatif m’amène à penser que vous doutez de la qualité des populaires vins de mûroises produits par la susmentionnée Growers Wine. Eh bien, laissez-moi vous dire, Thomas / Thomasine l’incrédule, que des vignerons français en visite en Colombie-Britannique au cours de l’été 1927 sont loin d’être mécontents des vins de mûroises qu’ils dégustent. Mieux encore, ils estiment que cette boisson enivrante pourrait s’assurer des marchés plus importants et rémunérateurs en Europe et Asie. Et voilà.
Soit dit en passant, Growers Wine prend apparemment en charge Richmond Wineries en 1936 ou 1937.
Au fil du temps, Growers Wine diversifie sa production, en s’orientant vers les vins de raisin ainsi que le brandy dès 1936, les premières bouteilles de vin de raisin étant sorties en 1939, je pense.
Growers Wine change de mains à quelques reprises entre 1965 et 1986, peut-être en raison de difficultés financières. De nos jours, elle est connue sous le nom de Growers Cider Company de Niagara Falls, Ontario. Je ne pense pas qu’elle produise encore du vin.
Il y a certainement d’autres producteurs de vin de mûroise en Colombie-Britannique dans les années 1920 et 1930 – et très probablement plus tard. George W. Rathbun, par exemple, crée un vignoble à Richmond en 1927. Son installation brûle toutefois en novembre 1932.
Vous pourriez être intéressé, ou non, d’apprendre que l’origine de la mûre de Logan fait l’objet de discussions parmi les horticulteurs / botanistes entre la fin des années 1910 et la fin des années 1940.
Quelques chercheurs respectés, parmi lesquels George McMillan Darrow, un horticulteur américain employé par le United States Department of Agriculture, ainsi que Ulysses Prentiss Hedrick, un botaniste / horticulteur américain employé par la New York State Agricultural Experiment Station, sans oublier Albert Edward Longley, un botaniste / cytologue canado-américain employé par le United States Department of Agriculture, pensent que la mûre de Logan est simplement une variété de la mûre de Californie.
D’autres chercheurs respectés, Liberty Hyde Bailey, un horticulteur à la retraite / réformateur de la vie rurale américain, oui, le Bailey mentionné dans la première partie de cet article, et Morley Benjamin Crane, un botaniste / horticulteur anglais employé par une organisation anglaise, le John Innes Horticultural Institute, par exemple, restent fidèles à l’hypothèse initiale selon laquelle la mûre de Logan est un hybride. Il s’avère qu’ils ont raison.
À Ucluelet, Colombie-Britannique, un renommé horticulteur / hybrideur canadien d’origine écossaise, George Fraser, commence à se pencher sur le mystérieux pedigree de la mûre de Logan dès 1912. Votre humble serviteur n’a malheureusement pas été en mesure de cerner où ses recherches mènent.
Incidemment, le susmentionné Longley met de côté ses études à Acadia University, à Wolfville, Nouvelle-Écosse, pour commencer sa formation de pilote, vers août 1918, dans une des écoles ontariennes de la Royal Air Force (Canada). L’armistice du 11 novembre met un terme à sa carrière militaire.
L’aéroplane sur lequel il s’entraîne, ou sur lequel il s’apprête à s’entraîner, est bien sûr le Curtiss JN-4 Canuck, une machine volante trouvée dans l’exceptionnelle collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario.
Une phase intéressante dans l’histoire de la mûre de Logan au Canada commence entre le milieu et la fin des années 1930. Désireux d’aider sa province, l’homme d’affaires et député de Victoria, Robert Wellington Mayhew, parvient à convaincre les pouvoirs en place de mettre des mûroises et / ou produits à base de mûroises au(x) menu(s) de nourriture et / ou boissons du restaurant parlementaire, sur la colline du Parlement, à Ottawa.
Dans l’ensemble, les journalistes, hommes politiques et fonctionnaires sont plutôt impressionnés. Fort de ce succès, Mayhew contacte quelques hôtels importants de l’Est du Canada. La réponse est de nouveau généralement favorable. En conséquence, des grossistes de cette région du pays commencent à commander des mûroises et / ou produits à base de mûroises.
Le début de la Seconde Guerre mondiale met fin aux efforts de Mayhew. Voyez-vous, la Royal Navy décide d’absorber la majeure partie de la récolte de mûroises de la Colombie-Britannique afin de servir à ses marins une boisson riche en vitamine C, pour prévenir le scorbut. Par conséquent, les grossistes de l’Est du Canada sont progressivement à court de mûroises et / ou produits à base de mûroises.
Lorsque que le conflit prend heureusement fin, en 1945, les producteurs de mûroises perdent leur plus gros client. Mayhew tente de les aider, mais ne rencontre peut-être pas beaucoup de succès. Remarquez, le fait qu’il soit devenu ministre des Pêcheries à Ottawa en juin 1948 peut avoir réduit le temps consacré à la promotion de la mûre de Logan.
Une brève digression si je peux me le permettre. Croiriez-vous que l’épouse de Mayhew s’appelle Grace Gertrude… Logan? Je ne plaisante pas. Les coïncidences peuvent être tout à fait fascinantes et totalement dénuées de sens, mais je digresse.
Aussi populaire qu’elle le soit durant la première moitié du 20ème siècle, la mûre de Logan perd progressivement du terrain, et ce malgré l’introduction de mûroises surgelées.
En 2024, il n’est pas toujours facile de trouver ce fruit multiple dans les épiceries, à moins de vivre dans des endroits comme l’Oregon et, peut-être, la Colombie-Britannique, je pense.
Ceci étant dit (tapé?), les plants de mûres de Logan restent très populaires auprès des jardiniers fruitiers, notamment, peut-être, auprès des jardiniers fruitiers anglais.
De plus, le jus de mûroises semble être très populaire dans certaines régions de New York, si, de l’état, et de l’Ontario.
Et oui, quelques microbrasseries américaines et au moins une canadienne ont produit et / ou continuent de produire des bières aux mûroises.
Fait intéressant, la mûre de Logan donne naissance à au moins deux cultivars. Le personnel d’une firme anglaise de sélection et production de plantes, Laxton Brothers Limited, par exemple, crée la mûre de Laxton en croisant la mûre de Logan avec un cultivar anglaise de framboises connu sous le nom de Superlative, et ce au plus tard en 1908. Le fruit multiple ainsi obtenu est d’une couleur rouge plus foncée.
La mûre de Santiam, quant à elle, est créée en croisant la mûre de Logan avec la susmentionnée mûre de Californie, une des plantes utilisées pour créer ce fruit multiple. La mûre de Santiam doit son nom à la région de la rivière Santiam, en Oregon.
Il est également suggéré que la mûre de Logan joue un rôle dans la création de la mûre de Boysen, un fruit multiple marron foncé développé en Californie vers 1923 par un horticulteur américain. Blessé dans un accident et incapable de commercialiser sa création, un croisement entre le mûron, la mûroise de Loganberry, la mûre et la framboise, je pense, Charles Rudolph Boysen l’a pratiquement abandonnée.
À la fin des années 1920, le susmentionné Darrow commence à chercher des informations sur un gros fruit multiple cultivé dans la ferme d’un homme dénommé Boysen. Il contacte un agriculteur / expert en fruits californien, Walter Marvin Knott. Les deux hommes apprennent vite que Boysen avait abandonné ses expériences quelques années plus tôt et vendu sa ferme.
Inquiets mais pleins d’espoir, Darrow et Knott se dirigent vers l’ancienne ferme de Boysen, où ils trouvent quelques plants, à peine vivants, dans un champ bourré de mauvaises herbes. Ces plants sont transplantés sur la ferme de Knott. Ce dernier les ramène à la santé. En conséquence, Knott devient la première personne à cultiver des mûres de Boysen, un nom donné au nouveau fruit multiple par Knott et / ou Darrow.
Malheureusement, James Harvey Logan quitte la Terre à cette époque, plus précisément en juillet 1928. Il avait 86 ans.
Et ainsi se termine notre histoire.
N’hésitez pas à revenir la semaine prochaine pour parcourir le prochain numéro de notre incroyaaable blog / bulletin / machin.