Jules Gabriel Verne n’aurait pas été amusé : De la Terre à la Lune
Ami(e) lectrice ou lecteur, puis-je commencer cet article en vous offrant mes salutations les plus sincères? Je suis très heureux d’être à nouveau avec vous. Si votre humble serviteur peut paraphraser le titre d’une chanson plutôt populaire de 1991 du trio hip-hop américain Salt-n-Pepa, parlons d’espace. Plus précisément, parlons d’un film spatial oublié dont la première a lieu il y a 60 ans, c’est-à-dire en novembre 1958.
De la Terre à la Lune est une adaptation d’un roman bien connu, De la Terre à la Lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes, publié en 1865. En fait, il s’agit d’un des 9 films inspirés de romans écrits par un des pères fondateurs de la science-fiction, le Français Jules Gabriel Verne, qui sortent en salles entre 1954 et 1962. Les autres sont 20,000 lieues sous la mer / Vingt milles lieues sous les mers, en 1954, Le tour du monde en 80 jours, en 1956, Voyage au centre de la terre, en 1959, Le maître du monde, L’île mystérieuse et Sur la comète, en 1961, et Cinq semaines en ballon et Les enfants du capitaine Grant, en 1962.
Votre humble serviteur n’aime pas beaucoup certains de ces films. Ils sont trop farfelus. Quelques-uns sont vraiment bons, cependant, mais je m’éloigne du sujet, un de mes nombreux défauts. Et oui, c’est là une très brève citation d’un superbe film de 2010, Le discours d’un roi / Le discours du roi. Et oui encore, ami(e) lectrice ou lecteur attentive / attentif, 20,000 lieues sous les mers, le roman, pas le film, est mentionné dans des numéros de juillet et septembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
Pourquoi des films verniens, vous demandez-vous? Et bien, pourquoi pas? D’une part, les films basés sur les romans de Verne peuvent attirer les fans de science-fiction et / ou d’aventure. Par ailleurs, l’aura qui entoure le nom de Verne peut conférer aux films inspirés de ces mêmes romans une certaine patine de dignité et de distinction. Ces mêmes facteurs expliquent pourquoi des studios de cinéma adaptent également 3 romans de Herbert George Wells dans les années 1950 et 1960. Les films qui en résultent sont La guerre des mondes, en 1953, La machine à explorer le temps, en 1960, et Les premiers hommes dans la Lune, en 1964. Maintenant que j’y pense, je me demande si les livres de Verne ne sont pas dans le domaine public, ce qui aurait éliminé la nécessité de verser des paiements à sa succession.
Chose intéressante, un scénariste, réalisateur, producteur et acteur américain annonce en 1948 qu’il envisage la possibilité de transformer De la Terre vers la Lune en un film intitulé provisoirement Trip to the Moon. William Castle, né Wilhelm Schloss, junior, semble avoir changé le titre en Destination Moon. Un producteur et réalisateur hungaro américain du nom de George Pal, né Marczincsak György Pál, reprend le projet en main et le reste, comme on dit, appartient à l’histoire. Qui sont- ces « on, » je n’en ai aucune idée, mais je m’éloigne du sujet. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, Pal produit un des susmentionnés films wellsiens, à savoir La guerre des mondes. Incidemment, votre humble serviteur envisage la possibilité de pontifier sur Destination Lune, un film de science-fiction classique mentionné dans un numéro de septembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin, à un moment donné dans le futur, mais revenons à notre histoire.
L’intrigue du film De la Terre à la Lune est familière aux millions de personnes qui lisent le roman de Verne au cours des 150 dernières années. Le générique d’ouverture, imprimé en lettres gothiques sur les pages d’un grand livre qui tournent lentement, est certes un peu démodé. On peut se demander s’il atténue l’impact du contexte historique de l’histoire, qui commence peu après la fin d’un des conflits les plus terribles du 19ème siècle, la guerre de Sécession (1861-1865).
Quoi qu’il en soit, le film démarre vraiment avec l’annonce faite par un Américain, Victor Barbicane, qu’il vient d’inventer un explosif d’une puissance sans pareille and sans précédent. Un métallurgiste américain qui méprise ce fabricant de munitions ridiculise cette affirmation. Stuyvesant Nicholl ne peut apparemment pas accepter que Barbicane n’a rien fait pour aider les États confédérés d’Amérique à remporter la guerre de Sécession. Au risque de susciter une controverse, puis-je me permettre de demander si les états esclavagistes du Sud méritent de gagner? Et pourtant, il y a des groupes puissants au Royaume-Uni et au Canada, celui d’avant 1867 bien sûr, qui favorisent les États confédérés. Le fait que quelqu’un ait voulu travailler avec ce pays dépasse l’entendement. Ce doit être une question d’argent.
Quoiqu’il en soit, Nicholl parie 100 000 $, une somme titanesque à l’époque, qu’un métal d’une résistance sans pareille et sans précédent qu’il vient de perfectionner ne serait pas détruit par le Power X de Barbicane, comme on appelle le nouveau super explosif. Ce dernier accepte le défi. À l’aide d’un canon peu impressionnant, il pulvérise une plaque épaisse faite du super métal de Nicholl. La démonstration démolit également une petite montagne derrière le site d’essais. Si je peux dérober une phrase d’un monarque britannique, Nicholl n’est pas amusé.
Et non, il n’est pas du tout certain que la reine Victoria, née Alexandrina Victoria Hanover, a prononcé ces paroles. Selon certain(e)s, le monarque en question est Elizabeth I, née Elizabeth Tudor. Selon toute vraisemblance, nous ne pourrons jamais le savoir avec certitude. En effet, il se peut que ni l’une ni l’autre de ces reines n’a prononcé ces mots, mais revenons à notre histoire.
Avant d’y arriver, je tiens à souligner que le Power X est un liquide dont l’apparence est semblable à celle du soda au gingembre. Vous vous pourriez être heureuse / heureux d’entendre (lire?), ou pas, que John James McLaughlin, fondateur du géant canadien des boissons gazeuses Canada Dry Ginger Ale Incorporated, est le frère de Robert Samuel « Sam » McLaughlin, fondateur de McLaughlin Motor Car Company Limited, un ancêtre de General Motors of Canada Limited (GMC), une filiale d’un géant américain de l’automobile, General Motors Corporation.
Croiriez-vous que GMC fabrique 2 voitures très spéciales pour la tournée royale faite au Canada de 1927 par le prince de Galles, alors héritier du trône britannique, et son frère, le duc de York? Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur royaliste, le duc de York, alors roi George VI, né Albert Frederick Arthur George « Bertie » Saxe-Coburg et Gotha, est le personnage principal du susmentionné film Le discours d’un roi. Mieux encore, en 1939, GMC complète 2 autres voitures très spéciales pour une autre visite royale, la première effectuée au Canada par un monarque régnant, vous l’aurez deviné, le susmentionné roi George VI. Deux de ces 4 voitures, une pour chaque visite, sont conservées au Musée des sciences et de la technologie du Canada, à Ottawa, Ontario, mais revenons à notre histoire. Encore une fois. Je m’excuse.
Il se trouve que Barbicane a l’idée de frapper la Lune avec un obus rempli de Power X afin de déclencher une explosion visible de la Terre. Le président Ulysses Simpson Grant lui envoie une lettre lui demandant de mettre de côté ce projet et son invention. Les gouvernements de plusieurs pays, semble-t-il, craignent la puissance du nouveau super-explosif américain. Pis encore, l’obus de Barbicane pourrait manquer la Lune et s’écraser sur Terre, faisant de nombreuses victimes. Un tel désastre pourrait être interprété comme un acte de guerre. Barbicane respecte les souhaits du président et est rapidement vilipendé par ses partisans et par le grand public.
Barbicane découvre à un moment donné que des morceaux du super métal de Nicholl brisé par son Power X ont été transformés en une céramique extrêmement légère et résistante. L’idée lui vient que ce matériau peut être utilisé pour construire un obus / vaisseau spatial dans lequel des gens pourraient se rendre sur la Lune, y alunir et vraisemblablement en revenir. Très conscient du fait qu’il a besoin de l’aide de son rival pour réaliser ses objectifs, Barbicane contacte Nicholl, qui accepte de l’aider. Au fur et à mesure que s’effectue la construction du vaisseau spatial et du canon géant nécessaire à sa mise à feu, le jeune assistant de Nicholl, Ben Sharpe, et la charmante fille de Barbicane, Virginia, tombent peu à peu amoureux.
Le jour du lancement, Barbicane, Nicholl et Sharpe se scellent à l’intérieur du vaisseau spatial. Chaque homme pénètre dans une chambre cylindrique qui se remplit rapidement d’un gaz spécial qui réduit leur rythme cardiaque à 5 battements par minute. Les hommes agissent ainsi pour se protéger de la force extrême, ou force G, créée lors du lancement de leur vaisseau spatial. Les chambres interconnectées commencent à tourner comme des tubes à essai dans une centrifugeuse alors que celui-ci sort du canon. À l’insu de Sharpe, Nicholl et Barbicane, la fille de ce dernier s’est faufilée à bord et s’est dissimulée en revêtant une des combinaisons spatiales que les hommes porteraient sur la Lune.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, ami(e) lectrice ou lecteur, mais je pense qu’une digression serait une bonne idée en cet instant. Lors de manœuvres violentes, un pilote de chasse ou de voltige était / est / sera soumis à la susmentionnée force G, ce qui peut entraîner une perte temporaire de la vue, voire de la conscience. Des cas documentés remontent à la Première Guerre mondiale, mais l’introduction de nouveaux avions de chasse à hautes performances pendant les années 1930 exacerbe les risques pour les pilotes. On peut trouver de tels aéronefs dans l’incroyable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa. Il suffit de mentionner le Hawker Hurricane, le Messerschmitt Bf / Me 109 et le Supermarine Spitfire, mais revenons à notre digression.
Au Canada, avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le Dr Wilbur Rounding Franks, un chercheur en cancer au Banting Institute de la University of Toronto à Toronto, Ontario, commence à travailler sur une combinaison remplie d’eau conçue pour aider les pilotes à rester pleinement conscient dans des conditions de combat difficiles. Croiriez-vous qu’il teste son concept de base avec une centrifugeuse de laboratoire en utilisant des souris immergées dans de l’eau jusqu’au cou dans des préservatifs? Les souris survivent.
Franks effectue des essais en vol de sa combinaison anti-G en janvier 1940 dans un avion de l’Aviation royale du Canada (ARC) – un geste vraiment courageux et peut-être même son premier vol dans un avion. Il est à noter que l’expression Aviation royale du Canada n’est utilisée officiellement qu’à partir de la fin des années 1950. Avant cette date, l’expression Royal Canadian Air Force se traduit par Corps d’aviation royal canadien (CARC). Un modèle de série de la combinaison Franks est utilisé au combat en Afrique du Nord en novembre 1942 par des escadrons de chasse de la Fleet Air Arm de la Royal Navy – une première mondiale pour ce type de technologie. Certaines questions, parmi lesquelles des problèmes de sécurité et le manque de confort lors de longues missions, empêchent l’utilisation ultérieure de la combinaison anti-G Franks. Aucun escadron de l’ARC n’a jamais utilisé ce dispositif en action. De fait, il s’avère être une impasse technologique, vu que des combinaisons anti-G remplies à l’air font leur apparition. Et non, ami(e) lectrice ou lecteur patriote, le costume de Franks n’est pas la première combinaison anti-G au monde. À vrai dire, des chercheurs allemands commencent à s’intéresser au développement de tels dispositifs au plus tard en 1935. Leurs expériences indiquent qu’une combinaison remplie d’eau n’est pas la bonne solution bien avant que Franks ait terminé son prototype.
Par ailleurs, un professeur d’université et physiologiste, Frank Stanley Cotton, met au point une combinaison anti-G gonflée d’air en Australie pendant la Seconde Guerre mondiale. Mis à l’essai en novembre 1941, ce dispositif entre en service au sein d’un escadron de chasse de la Royal Australian Air Force en juillet 1943. La combinaison anti-G Cotton n’est pas produite en grande quantité. En Europe, à partir du milieu de 1944, de nombreux pilotes de chasse des United States Army Air Forces portent au combat des combinaisons anti-G G-2 remplies d’air. Au fur et à mesure que les avions à réaction viennent remplacer les bombardiers et les avions de chasse munis de moteurs à pistons après la fin de la guerre, les combinaisons anti-G deviennent indispensables, mais revenons à notre histoire. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur patriote grincheux, l’histoire de la combinaison anti-G est un exemple du nationalisme qui imprégnait / imprègne l’histoire de l’aviation. Mais revenons à notre récit.
Alors que leur vaisseau spatial navigue dans l’espace, Barbicane, Nicholl et Sharpe doivent faire face à une série de problèmes mécaniques. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur avec une bonne mémoire, nos amis astronautes victoriens sont confrontés à une pluie de météores – un élément commun dans les films spatiaux des années 1950 et 1960, et un qui est mentionné dans un numéro de juillet 2018 de notre blogue / bulletin / machin, mais revenons au sujet qui nous préoccupe.
Nicholl admet / révèle finalement qu’il a délibérément endommagé le vaisseau spatial avant le décollage. Il craint qu’un voyage réussi sur la Lune ne conduise à l’adoption du Power X par de nombreux pays du monde. La méchanceté innée de l’humanité mènerait à une guerre mondiale qui pourrait mettre fin à toute vie (humaine?) sur Terre. Cet homme fortement religieux prétend même avoir agi avec un soutien divin. En organisant un voyage sur la Lune, déclare Nicholl, Barbicane bafoue les commandements de Dieu. Barbicane rejette cette accusation. En mettant le Power X à la disposition de nombreux gouvernements, il garantirait la paix dans le monde.
Au milieu du chaos, Sharpe, Nicholl et Barbicane réalisent que la fille de ce dernier est à bord. Ils sont profondément choqués. Les travaux de réparation du vaisseau spatial se poursuivent néanmoins au fur et à mesure de sa progression dans l’espace. Non impliquée dans ces réparations, Virginia Barbicane assume un rôle domestique. Elle cuisine tous les repas, par exemple.
Alors que les hommes commencent à envisager la probabilité qu’ils ne survivront pas au voyage, la jeune femme leur rappelle que les humains sont mortels. De fait, ajoute-t-elle, ce serait un privilège merveilleux de mourir dans une explosion impressionnante dans l’espace. Abasourdi par le calme de sa fille, Barbicane déclare que s’il a la chance de mener d’autres voyages dans l’espace, il insistera pour qu’une femme soit présente dans tous les cas – pour son courage.
Travaillant côte à côte avec Barbicane, Nicholl finit par respecter son rival / ennemi, sans pour autant abandonner son opinion sur le Power X. Mieux encore, il le sauve d’une électrocution et mort possible.
Incapable d’accepter la probabilité que sa fille bien-aimée périsse dans l’espace, Barbicane propose une solution désespérée. Il démembrerait le vaisseau spatial. Sharpe et sa fille resteraient dans le compartiment principal plus confortable, qui est le plus susceptible de revenir sur Terre. Nicholl et Barbicane, en revanche, achèveraient le voyage vers la Lune dans d’autres compartiments. Les protestations de Sharpe et de la fille de Barbicane sont ignorées. Après avoir placé Virginia et un Sharpe inconscient dans leur compartiment, Barbicane démembre le vaisseau spatial.
Alors que Sharpe et la fille de Barbicane s’approchent de la Terre, ils voient des lumières sur la Lune. Nicholl et Barbicane, semble-t-il, ont aluni avec succès. Cette réalisation est teintée de chagrin car l’un et l’autre savent que les 2 hommes ne disposent que de provisions limitées.
La scène suivante du film, la dernière en fait, montre un homme sur Terre. Cet individu qui observe tout ce qui se passe depuis le début prend ses bagages et rentre chez lui afin d’écrire un grand roman sur un voyage vers la Lune. Vous avez deviné que ce gentilhomme est nul autre que Verne. Fin.
Et maintenant, pour quelques mots, un très grand nombre de mots de votre pontificateur local. Bien que filmé en Technicolor, De la Terre à la Lune n’est en fait pas une production majeure. Et non, ami(e) lectrice ou lecteur inquiète / inquiet, ce film n’est pas la raison principale pour laquelle RKO Pictures Incorporated, une filiale de General Tire and Rubber Company, cesse de produire des films en 1957 à cause de problèmes financiers. Malgré cela, ce studio de cinéma est contraint de signer un contrat de distribution américain pour De la Terre à la Lune avec un de ses rivaux, Warner Brothers Pictures Incorporated. Ni l’un ni l’autre de ces studios ne dépense beaucoup en argent pour faire connaître le film lors de sa sortie. RKO Pictures n’est peut-être pas trop fier du produit final et Warner Brothers Pictures ne s’en soucie peut-être pas beaucoup.
En passant, saviez-vous que les célèbres frères Warner, peut-être nés Wonsal ou Wonskolaser, vivent au Canada pendant une brève période, entre 1890 et 1892, et que l’un d’entre eux naît à London, Ontario? Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur spirituel(le), c’est là un exemple du nationalisme qui imprégnait / imprègne certaines des œuvres en histoire du cinéma écrites et diffusées dans le monde entier. Malheureusement, Jack Warner, peut-être né Jacob Wonsal / Wonskolaser, peut très bien avoir été un prédateur sexuel.
Si votre humble serviteur peut se permettre de digresser pendant un moment, je voudrais signaler une inexactitude potentielle sur la page Wikipedia de langue anglaise de De la Terre à la Lune. On pourrait soutenir que cette production n’est pas la seule adaptation cinématographique du roman de Verne portant ce même nom. Voyage dans la Lune sort en 1902. Réalisé par un des grands pionniers du cinéma, le Français Marie Georges Jean Méliès, ce film vaut vraiment le détour. De fait, on peut en voir certaines parties au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, sur un écran assez petit toutefois, dans sa section sur les débuts de l’aviation.
Incidemment, Méliès réalise également au moins 2 films humoristiques traitant d’aviation, à savoir Le dirigeable fantastique / Le cauchemar d’un inventeur et À la conquête du pôle, arrivés en salle en 1906 et 1912. Selon toute vraisemblance, ces 2 films peuvent encore être regardés en 2018.
Revenons maintenant à De la Terre à la Lune pour une pontification brassée maison. Le réalisateur du film, bien que méconnu aujourd’hui, peut produire des films bien faits. Il suffit de penser à la susmentionnée La guerre des mondes, ainsi qu’à L’île au trésor, Quand la Marabunta gronde et La conquête de l’espace, arrivés en salle en 1950, 1954 et 1955. Ce gentilhomme dirige toutefois aussi Robinson Crusoé sur Mars, arrivé en salle en 1964. Incidemment, le tout aussi susmentionné Pal produit La guerre des mondes, Quand la Marabunta gronde et La conquête de l’espace. À son tour, le producteur indépendant de De la Terre à la Lune est plutôt oublié de nos jours. Un journaliste américain avec un vilain sens de l’humour utilise son nom, Benedict Bogeaus, pour rédiger une description quelque peu tranchante de De la Terre à la Lune. Le film, dit-il, est du pseudo Verne. En anglais, pseudo se dit bogus.
Et la triste vérité est que le film ne fonctionne pas très bien. Les critiques de l’époque l’attaquent, tout comme ceux des années suivantes. Ils affirment que De la Terre à la Lune est terne, sérieux, poussif, pompeux, pesant, maussade, lourd, guindé et bavard. Le film n’attire pas beaucoup de spectatrices et spectateurs et est rapidement relégué, oserons-nous le dire, la honte étant si grande, à la télévision.
Les acteurs qui interprètent les personnages principaux de De la Terre à la Lune connaissent certes leur métier, mais seul celui qui représente Barbicane semble crédible. D’accord, d’accord. L’acteur qui joue Nicholl n’est pas trop mal non plus. De nombreux spectatrices et spectateurs de la fin des années 1950 pensent que Barbicane, un homme fort, intelligent et puissant, est le héros de l’histoire. Pour eux, Nicholl est un fou méchant. En tant qu’individu du 21ème siècle, votre humble serviteur ne peut pas vraiment accepter cette interprétation. Bien que les 2 hommes soient certainement des extrémistes, sinon des cinglés, l’opinion de Barbicane selon laquelle les grandes puissances du monde s’abstiendront de faire la guerre si elles ont accès au Power X ne semble pas très convaincante ou rassurante. Si je peux me permettre, une destruction mutuelle assurée peut ne pas être le meilleur moyen de garantir la survie de la vie sur Terre. Compte tenu de cela, oserons-nous dire que Nicholl est un héros ambigu qui peut être plus sain d’esprit que Barbicane? De fait, il est possible que le réalisateur et les scénaristes du film ressentent la même chose, mais sans réussir à le faire comprendre.
La version Barbicane des années 1860 de la balance des forces est un anachronisme, un des nombreux qui affecte De la Terre à la Lune. La plupart des gens qui le voient à la fin des années 1950 reconnaissent le Power X pour ce qu’il est, une sorte d’arme (thermo)nucléaire. On doit se demander pourquoi le réalisateur, le producteur et / ou les scénaristes introduisent une technologie du 20ème siècle dans une histoire du 19éme siècle qui n’inclut rien de la sorte. Ils n’ont apparemment pas l’impression que ce siècle est suffisamment cool. Oserons-nous dire que cette décision illustre bien la nature égocentrique / absorbée des États-Unis dans les années 1950? De nombreux réalisateurs, producteurs et / ou scénaristes de l’époque ayant travaillé sur des projets de science-fiction tombent dans ce piège et ne parviennent pas à faire le saut dans l’imagination qui leur aurait permis de laisser derrière eux les peurs de la Guerre froide et de vraiment conquérir l’univers, et… Vous ne me croyez pas, n’est-ce pas? L’Américain(e) moyen(ne) n’est pas égocentrique dans les années 1950, vous dites?
Pour rendre De la terre à la lune plus pertinent pour un public américain de 1958, le réalisateur, producteur et / ou scénariste du film ajoutent un personnage féminin à la distribution entièrement masculine de Verne, la ravissante et très courageuse fille sans défense de Nicholl, Virginia. Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous trouvez cet ajout amusant, mais pensez que Verne n’aurait peut-être pas été amusé par le dit ajout? Vous pouvez fort bien avoir raison mais, comme nous le savons tous les 2, l’équipe derrière le susmentionné Voyage au centre de la Terre fait exactement la même chose. La dame qu’elle ajoute à la distribution est aussi brave que ce peut – et fort jolie.
Quelques décennies plus tard, sir Peter Robert Jackson et son équipe choisissent également d’ajouter un personnage féminin lorsqu’ils adaptent pour le grand écran le classique roman de 1937 de John Ronald Reuel Tolkien, Bilbo le Hobbit. Aussi charmante qu’elle soit, Tauriel n’est pas du tout sans défense – une décision prise pour la rendre plus pertinente pour le public du 21ème siècle. Elle participe à de nombreuses scènes de combat parmi les plus intenses des deuxième et troisième films de la trilogie de Jackson, à savoir Le Hobbit: La désolation de Smaug et Le Hobbit: La bataille des cinq armées, qui arrivent en salles en 2013 et 2014. Cela étant dit (tapé?), impliquer cette dame elfe dans un triangle amoureux me chiffonne un peu, mais dans les faits, que sais-je des elfes et des nains?
À propos, saviez-vous que Jackson et un ami, lui aussi réalisateur et producteur, Costa Botes, complètent un documentaire en 1995? Forgotten Silver raconte l’histoire d’un génie oublié du cinéma originaire de Nouvelle-Zélande. Pour dire vrai, Colin McKenzie est le plus grand innovateur de l’histoire du cinéma. Ce cinéaste invente non seulement le travelling et le plan rapproché, par accident toutefois, mais il produit aussi des films sonores et en couleur de nombreuses années avant tout le monde. La / le passionné(e) d’aviation en vous, si, si, vous, ami(e) lectrice ou lecteur, serez emmené(e) au septième ciel, avant d’en revenir, par une scène d’un des films de McKenzie. En utilisant un ordinateur pour améliorer des images de plus de 90 ans, Jackson et Botes peuvent voir une date dans un journal. Cette date prouve qu’un pionnier néo-zélandais oublié de l’aviation, Richard William Pearse, effectue le premier vol contrôlé et soutenu dans un avion à moteur en mars 1903, 9 mois avant Orville et Wilbur Wright.
Votre humble serviteur aurait-t-il oublié de mentionner que Forgotten Silver est un faux documentaire? Je suis vraiment désolé. Ou pas. La triste vérité est que McKenzie est un personnage fictif inventé par Jackson et Botes. Les 2 hommes permettent apparemment à un journaliste de publier un article suggérant que McKenzie est une personne réelle avant que Forgotten Silver ne soit diffusé pour la première fois à la télévision, en octobre 1995. Beaucoup de gens sont dupés, ce qui amène Jackson et Botes à souligner que leur film est une blague. Beaucoup de gens sont amusés par cette révélation, mais d’autres non. À dire vrai, Forgotten Silver est une brillante parodie d’une biographie typique de cinéaste. Il se moque également du susmentionné nationalisme qui imprégnait / imprègne certaines des œuvres en histoire du cinéma écrites et diffusées dans le monde entier. De fait, on pourrait affirmer que le nationalisme a imprégné et continue à imprégner bon nombre d’ouvrages d’histoire écrits et diffusés dans le monde entier, sur des sujets aussi divers que le hockey et l’énergie nucléaire.
Une clarification si je peux me le permettre. Pearse n’est pas un personnage fictif. C’est un agriculteur et inventeur avec des capacités mécaniques certaines. Pearse peut avoir terminé un avion à moteur dès 1901-02. Il réalise peut-être plusieurs sauts de puce, mais s’avère incapable de mener à bien un seul vol contrôlé et soutenu. Cela étant dit (tapé?), alors que vous lisez ces lignes, il y a des gens, principalement en Nouvelle-Zélande, qui demeurent convaincus que Pearse effectue au moins un vol contrôlé et soutenu avant les frères Wright. D’autres, principalement aux États-Unis et / ou en Allemagne semble-t-il, croient qu’un Américain d’origine allemande, Gustav Albin Whitehead, né Gustav Weißkopf, fait la même chose aux États-Unis en 1901 et / ou 1902.
Au Canada, quelques personnes présentent une revendication similaire au nom de Louis « Lou » Gagnon, une personne mentionnée dans un numéro d’octobre 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Votre humble serviteur oserait-il suggérer que le susmentionné nationalisme lié à l’histoire du cinéma imprégnait / imprègne également l’histoire de l’aviation? Vous vous souviendrez, ami(e) lectrice ou lecteur, que le tous aussi susmentionné numéro d’octobre 2018 de notre blogue / bulletin / machin se moque gentiment, je l’espère, du nationalisme canadien entourant le premier vol contrôlé et soutenu d’un avion à moteur dans ce qui est alors l’Empire britannique.
Incidemment, Pearse ne doit pas être confondu avec Percy Winslow Pierce, un des premiers membres du Junior Aero Club of America. Cet adolescent américain conçoit le Percy Pierce Flyer vers 1909. Les adolescent(e)s et adultes souhaitant piloter ce modèle réduit d’avion très performant peuvent acquérir un kit ou une liasse de plans. Le kit demeure en production pendant de nombreuses années. Vous serez peut-être heureuse / heureux d’entendre (lire?) que le susmentionné aéroclub est cofondé par Emma Lillian Todd, une des premières femmes à avoir conçu un avion. Elle partagé cette distinction avec, non, pas avec la Canadienne Elizabeth Muriel Gregory « Elsie » MacGill. La jeune femme dont nous parlons est britannique. Cela étant dit (tapé?), Lilian Emily Bland épouse un cousin éloigné qui vit au Canada, plus précisément en Colombie-Britannique, en 1911. Elle passe près d’un quart de siècle ici, ou est-ce là-bas, avant de retourner au Royaume-Uni en 1935. Et oui, l’histoire de MacGill est un autre exemple du nationalisme qui imprégnait / imprègne l’histoire de l’aviation.
MacGill, qui est d’ailleurs native de la Colombie-Britannique soit dit en passant, conçoit un avion environ 25 ans après Todd et Bland. Elle est la première femme en Amérique du Nord, sinon dans le monde, à obtenir une maîtrise en génie aéronautique, en 1929, aux États-Unis. Conçu pour répondre aux besoins de l’armée de l’air mexicaine, ou Fuerza Aérea Mexicana, l’avion d’entraînement élémentaire Canadian Car and Foundry Maple Leaf II de MacGill vole pour la première fois en octobre 1939, tout juste après le début de la Seconde Guerre mondiale.
À l’époque, l’employeur de MacGill, un important fabricant de matériel roulant ferroviaire du nom de Canadian Car and Foundry Company Limited (CCF), a pratiquement abandonné l’idée de créer une usine au Mexique. Cela étant dit (tapé?), CCF réfléchit de nouveau à l’idée en 1940 avant de la laisser tomber définitivement. Au plus tard vers ce moment, l’ARC indique qu’elle ne voit aucune raison de commander le Maple Leaf II. En octobre 1940, un petit avionneur américain acquiert les droits de production de l’aéronef, ainsi que le prototype et 2 aéronefs incomplets. N’ayant pas réussi à obtenir un contrat militaire, Columbia Aircraft Corporation vend tout ce qu’elle a acheté au gouvernement mexicain. La Fuerza Aérea Mexicana construit entre 1940-1941 et 1944 environ une douzaine de Barreda Ares, un dérivé du biplan de MacGill. Le Maple Leaf II devient ainsi le tout premier aéronef de conception canadienne à être produit par une organisation étrangère. Et voilà que je recommence à digresser comme si demain n’allait jamais arriver. Désolé.
En passant, saviez-vous que l’acronyme CCF signifie également Coopérative Commonwealth Federation, le nom d’un parti socialiste / social-démocrate canadien qui donne naissance au fort peu nouveau Nouveau parti démocratique? Les noms des partis politiques peuvent être amusants de cette façon. Quelques / plusieurs partis libéraux, démocrates ou conservateurs peuvent être tout sauf libéraux, démocratiques ou conservateurs, par exemple, mais je m’éloigne du sujet. Je vois aussi le visage de « Big Brother » se tourner dans ma direction.
Continuant sur notre lancée, à un pas rapide, pour éviter les caméras de surveillance, croiriez-vous que Jackson est un(e) passionné(e) d’aviation tout comme vous? Oui, il l’est, et oui, vous l’êtes. Pourquoi, sinon, seriez-vous toujours ici, en train de lire toute cette… chose? La société de production cinématographique de Jackson s’appelle WingNut Films Limited. Mieux encore, Jackson fonde une compagnie de restauration et de fabrication d’aéronefs, une des plus connues et respectées au monde, The Vintage Aviator Limited (TVAL). À dire vrai, TVAL expédie 2 avions de chasse monoplaces de l’ère de la Première Guerre mondiale, un britannique et un allemand, au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, vers la fin de 2018. L’un d’eux est un Royal Aircraft Factory S.E.5a, fabriqué en partie à partir de composants d’origine. L’autre est le Fokker D.VII du musée, assemblé en Nouvelle-Zélande à partir d’un mélange de composants originaux et modernes. La conservatrice adjointe, aviation et espace, a supervisé ce dossier de manière magistrale. Bravo, EG!
Vous pourriez être heureuse / heureux d’entendre (lire?) que le D. VII du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada est le seul avion de ce type encore en existence fabriqué par Junkers-Fokker Aktiengesellschaft, une entreprise née du mariage forcé en 1917 de la division aéronautique de Junkers und Company et de Fokker Flugzeugwerke Gesellschaft mit beschränkter Haftung.
Croiriez-vous que le D.VII du musée est l’un des aéronefs acquis par un riche producteur, pilote et homme d’affaires, Howard Robard Hughes, Junior, oui, ce Howard Hughes, pour le tournage de Les Anges de l’enfer? Arrivé en salles en 1930 en tant que film parlant, cette production compte parmi les grands films d’aviation du 20ème siècle. Votre humble serviteur aurait été plutôt content si le D.VII du musée avait retrouvé les couleurs et marques qu’il portait au moment du tournage – une pensée hérétique, je le sais, mais ça aurait été tellement cool.
Par ailleurs, Hughes achète également l’avion de chasse monoplace Sopwith 7F.1 Snipe qui appartient présentement au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada pour le tournage de Les Anges de l’enfer, mais revenons à notre histoire. Et oui, votre humble serviteur s’abstiendra de pontifier sur le S.E.5a, le D.VII ou le Snipe. Nous sommes les Borg, désolé, je suis le conservateur. Toute insistance serait futile.
Où en étions-nous? Oh oui. Les anachronismes. Les fragiles combinaisons spatiales de De la Terre à la Lune ne ressemblent pas aux scaphandres modifiés qu’un ingénieur du 19ème siècle aurait développés. Elles ressemblent au genre de chose qu’une équipe de tournage des années 1950 avec un budget limité aurait proposé. Les initiales élégantes sur chaque combinaison spatiale sont toutefois une bonne idée.
De même, l’intérieur du vaisseau spatial dans lequel prennent place les personnages principaux de notre film ne ressemble pas à quelque chose de conçu dans les années 1860. À vrai dire, il ressemble beaucoup plus aux vaisseaux spatiaux que l’on retrouve dans les « pulps » des années 1930. Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous ne savez pas ce qu’est / était un « pulp ? » Pôvre, pôvre petit(e) vous. Désolé.
Les « pulps » sont des publications mensuelles, principalement américaines, imprimées sur du papier de mauvaise qualité. Ils commencent leur montée vers la gloire dans les années 1890 et demeurent populaires jusqu’aux années 1950. L’étendue des sujets traités dans ces publications incroyablement nombreuses est à couper le souffle, des plus pures et romantiques aux plus violentes et tordues. Et oui, il y a pas mal de « pulps » aéronautiques, et… Nous nous éloignons de notre sujet, n’est-ce pas?
Les anachronismes, oui. Oui. Avec ses spirales rayonnantes, sa sphère éclairée et ses chambres cylindriques en rotation, l’intérieur du vaisseau spatial dans lequel prennent place les personnages principaux de notre film ressemble à celui d’un billard électrique / flippeur. Les grandes pièces et les escabeaux sont également peu réalistes. De plus, il est inconcevable sur la Terre verte du monstre spaghetti volant qu’un gyroscope, et même un gros, puisse neutraliser la microgravité de l’espace.
Qu’est-ce que c’est, ami(e) lectrice ou lecteur? Trop de négativité, dites-vous? Négatif, me? Et bien peut-être. Sur une note positive, on pourrait dire que l’intérieur cossu du vaisseau spatial est assez j beau et ressemble à d’autres intérieurs vus dans d’autres films verniens de la fin des années 1950 et du début des années 1960. On pourrait même soutenir que les dispositifs mécaniques qu’il contient ont un certain aspect steampunk. Et oui, le terme steampunk est mentionné dans un numéro de février 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Et non, votre humble serviteur ne vous fournira pas une définition douloureusement détaillée de ce mot fascinant.
Votre humble serviteur aimerait également signaler que De la Terre à la Lune n’est peut-être pas le film que le réalisateur, le producteur et / ou les scénaristes ont en tête lors du lancement du projet. Le budget prévu peut, je répète peut, avoir été supérieur, par exemple. Le script original peut également inclure davantage d’action. Le script final est peut-être devenu plus bavard lorsque l’argent requis n’est pas arrivé, la situation financière de RKO Pictures s’étant détériorées. De plus, les scénaristes peuvent avoir tenté, sans grand succès, de faire parler leurs personnages comme des gens du 19ème siècle. Ils ne parviennent pas à saisir le sens de l’émerveillement de cet âge. Pour être juste, le script tient assez bien le coup jusqu’au lancement du vaisseau spatial. À partir de ce moment, ce qui promet d’être la partie la plus cool du film ne va nulle part. Sans jeu de mots.
D’aucuns suggèrent que les acteurs qui jouent Barbicane et Nicholl sont impliqués dans le peaufinage du script. Si les 2 hommes l’améliorent peut-être, ils l’ont peut-être fait aux dépens des jeunes acteurs qui interprètent Ben Sharpe et Virginia Barbicane.
Compte tenu du manque d’argent, toutes les tentatives faites par l’équipe de tournage pour transformer De la Terre vers la Lune en épopée de l’espace tombent à plat. Compte tenu de l’apparence anachronique et criarde de son vaisseau spatial, vous pourriez être déçu(e), ou pas, d’entendre (lire?) que la conception des décors terrestre est plutôt banale. Le film a plutôt l’air d’un western, et d’un western peu coûteux en fait. L’apparence des scènes terrestres du film tient peut-être au fait qu’il est tourné au Mexique, près de Ciudad de México – une autre mesure d’économie imposée à l’équipe. À son tour, la qualité relativement médiocre de la photographie de De la Terre à la Lune tient peut être au fait que l’équipe de tournage mexicaine ne comprend pas toujours parfaitement ce que le réalisateur américain veut réaliser. Curieusement, l’environnement rude du Mexique n’est mis à contribution pour créer une scène montrant Barbicane et Nicholl sur la Lune – une omission impardonnable si je peux me permettre ce commentaire.
Le manque d’argent affecte également la qualité des effets spéciaux de De la Terre à la Lune, qui peuvent être qualifiés d’inefficaces ou de lamentables. La tige qui supporte le modèle du vaisseau spatial lorsqu’il sort du canon, par exemple, est facilement visible à travers la fumée et les flammes. Voir la traînée de fumée laissée par ce véhicule rapide monter lentement à l’écran est également très mauvais. Et ne parlons pas du fond bleu profond observé à au moins une reprise alors que le vaisseau spatial est sensé être dans l’espace. La Lune, quand elle est apparaît, est une peinture de mauvaise qualité.
De fait, le principe même du film est ridicule. Il est inconcevable sur la Terre verte du monstre spaghetti volant que des personnes tirées à partir d’un gigantesque canon puissent survivre à l’accélération titanesque du lancement. Les chambres cylindriques inter reliées en rotation dans lesquelles Barbicane, Nicholl et Sharpe prennent place ne les auraient pas sauvées. De toute façon, Victoria Barbicane survit au lancement sans le bénéfice de cet appareillage à l’apparence cool – une incohérence grave dans l’intrigue s’il en est une.
La partition musicale de De la Terre à la Lune pourrait être décrite comme étant peu imaginative, sinon banale. Il convient de noter que certains effets sonores électroniques, entendus lors du vol spatial, sont extraits de la bande originale de Planète interdite, un des plus grands films de science-fiction du 20ème siècle. Soit dit en passant, le capitaine un peu fade du vaisseau spatial de ce film de 1956 est un certain Leslie William Nielsen. Comme nous le savons tous les deux, cet acteur canadien joue un personnage secondaire dans Y-a-t-il un pilote dans l’avion?, une des grandes comédies aéronautiques de tous les temps. La performance de Nielsen dans ce film de 1980 ne passe pas inaperçue. Sa carrière filmique prend l’air peu après. Sans jeu de mots.
Où en étions-nous? Oh oui. Pour une raison ou une autre, le réalisateur, le producteur et / ou les scénaristes de De la terre à la lune choisissent d’éliminer un des personnages les plus intéressants du roman de Verne. Michel Ardan est un aventurier français dont le nom de famille est une anagramme basée sur le surnom d’un bon ami de l’auteur, Nadar, né Félix Tournachon. Croiriez-vous que ce photographe, dessinateur et artiste parisien très connu prend la toute première photographie aérienne, saisie depuis un ballon captif flottant au-dessus d’un village situé près de Paris, en 1858? Vive la France – et les pommes de terre frites!
Mieux encore, en 1863, Nadar et 2 personnes d’horizons très différents forment la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne au moyen d’appareils plus lourds que l’air – la première organisation au monde dédiée à la promotion de la locomotion aérienne à l’aide de machines volantes plus lourdes que l’air. Ces hommes sont Guillaume Joseph Gabriel de La Landelle, un journaliste, écrivain et officier de la marine française, la Marine impériale, un service connu aujourd’hui sous le nom de Marine nationale, et le vicomte Gustave Ponton d’Amécourt, un numismate et archéologue amateur. Croiriez-vous que Verne et un auteur français plus célèbre encore, Victor Marie Hugo, sont membres de la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne au moyen d’appareils plus lourds que l’air? Alors, vive la France – et les pommes… Désolé.
En 1862-63, de La Landelle et Ponton d’Amécourt supervisent la fabrication d’un hélicoptère à vapeur miniature qui s’avère incapable de décoller. L’horloger doué qui construit ce bijou ne se rend pas compte qu’il est probablement la première personne à utiliser un métal très rare et coûteux, l’aluminium, pour fabriquer une machine volante plus lourde que l’air. Incidemment, il semble que l’hélicoptère de de La Landelle et Ponton d’Amécourt est préservé par le Musée de l’Air et de l’Espace de Paris, un des plus grands musées aérospatiaux sur cette Terre. Donc, encore une fois, vive la France – et… Désolé.
Il est intéressant de noter qu’un dessin de 1863 d’un navire volant piloté hypothétique par de La Landelle inspire au moins en partie la conception de l’Albatros, un navire volant à propulsion électrique trouvé dans Robur le conquérant. Croiriez-vous que l’intrigue de ce roman de science-fiction publié par Verne en 1886 inclut un vol entre Québec, Québec et Ottawa, via Montréal, Québec, qui dure 3 heures et demie? Sa vitesse moyenne d’environ 115 kilomètres / heure (70 milles / heure) est à peine plus élevée que celle des voitures, motos, camions et autocars circulant sur la route en 2018 – lorsqu’il n’y a pas de travaux de construction, et ceci n’est certes pas une blague, comme nous le savons tous les deux.
Vous serez peut-être heureuse / heureux d’entendre (lire?), ou pas, votre choix, que Ponton d’Amécourt invente le mot hélicoptère en 1861-62. De La Landelle, quant à lui, invente le mot aviation en 1863. Or donc, encore une fois, vive… Désolé. Désolé.
C’est tout. Pour le moment.