Tirer des marchandises sur une glace mince : Le chemin de fer du pont de glace entre Longueuil, Québec, et Hochelaga / Montréal, Québec, partie 1
Bien que votre humble serviteur ne puisse prétendre être un ferroequinologue bien connu ou un amateur de trains miniatures comme le physicien théoricien Sheldon Lee Cooper, j’aime les voyages en train. Un train de voyageurs bat un bus interurbain n’importe quel jour. Et ne me lancez pas dans les voyages en avion. S’il vous plaît. Franchement, qu’est-ce qu’il y a à aimer dans les voyages en avion? Tout cela pour dire (taper?), que j’aimerais porter à votre attention un aspect des plus intéressants de l’histoire des chemins de fer au Canada. Êtes-vous prêt(e)? En voiture, et non, le changement n’est jamais bien. (Bonjour EP!)
Il était une fois, dans la seconde moitié des années 1870 pour être plus précis, un chemin de fer, plus précisément South Eastern Railway Company de Montréal, Canada, une firme relativement petite fondée en 1866 par des intérêts américains, dans ce qui est alors la Province du Canada, sous le nom de South Eastern Counties Junction Railway Company, mais renommée en 1872 à la suite de sa fusion avec Richelieu, Drummond and Arthabaska Counties Railway Company de Montréal (?).
Grâce à ses liens avec une firme ferroviaire américaine, Connecticut and Passumpsic Rivers Railroad Company, South Eastern Railway espère créer un lien entre Montréal, Québec, la métropole du Canada, le pays bien sûr, fondé en juillet 1867, et Boston, Massachusetts, je pense. Cette liaison concurrencerait celles déjà exploitées par deux poids lourds qui s’entendent plutôt bien, un américain, Central Vermont Railway Company, et un canadien, Grand Trunk Railway Company of Canada (GTR) de Montréal.
Le mécontentement de ce dernier face au projet de South Eastern Railway se transforme en hostilité pure et simple lorsque, en 1879, je crois, cette firme acquiert (loue?) une ligne de chemin de fer exploitée par Montreal, Portland and Boston Railway Company de Montréal. Voyez-vous, la dite ligne, qui va de Farnham, Québec, à Longueuil, Québec, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, en vue de Montréal, est un complément idéal à la ligne de chemin de fer du South Eastern Railway qui va de Farnham à Newport, Vermont. South Eastern Railway, semble-t-il, est sur le point d’atteindre son objectif, le susmentionné lien entre Boston et Montréal.
Comme on peut s’y attendre, South Eastern Railway demande rapidement à GTR combien elle devrait payer pour mettre ses trains sur le Great Victoria Bridge, le seul pont ferroviaire qui enjambe le majestueux fleuve Saint-Laurent. GTR, une firme fondée en bonne partie avec du pognon anglais et dirigée par des hommes d’affaires québécois / canadiens qui ne connaissent apparemment pas le sens du mot pitié, ne veulent rien entendre. Les trains de South Eastern Railway se retrouvent soumis à des retards longs et, aux yeux de la firme, tout à fait inutiles et inacceptables. De plus, les négociations entre les deux firmes de chemin de fer sur les droits de circulation du Great Victoria Bridge deviennent si acrimonieuses que South Eastern Railway laisse tout simplement tomber.
Il se trouve que, alors que cette firme reste résolue à trouver un moyen de se rendre à Montréal à partir d’une gare sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, une autre firme ferroviaire, celle-là ayant accès à une gare à Montréal, a l’intention de rejoindre la rive sud du fleuve Saint-Laurent et des points au-delà. Cette firme de chemin de fer est Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental Railway Company (QMO&OR) de Montréal (?).
QMO&OR voit le jour en 1875 à la suite des faillites de Quebec North Shore Railway Company de Québec, Québec, et de Montreal, Ottawa & Western Railway Company de Montréal (?), des faillites causées par un manque d’aide financière fédérale et un manque d’implication financière britannique, des faillites qui peuvent, je le répète peuvent, être causés par du lobbyisme en coulisse de la part de GTR. Et non, les gouvernements qui détiennent le pouvoir à Québec et Ottawa, Ontario, n’ont pas la même allégeance politique.
Incidemment, Montreal, Ottawa & Western Railway est initialement (1869) connu sous le nom de Montreal Northern Colonization Railway Company. Le Chemin de fer du Nord, comme on l’appelle communément, doit en grande partie son existence aux efforts d’un géant québécois de la fin du 19ème siècle, François Xavier Antoine Labelle, un prêtre catholique également connu sous le nom de Roi du Nord, qui joue un rôle crucial dans la colonisation / occupation de la région québécoise des Laurentides, sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, mais revenons à notre histoire.
Ne voulant pas voir Quebec North Shore Railway et Montreal, Ottawa & Western Railway sombrer en raison de leur importance potentielle dans le développement de Québec, le gouvernement provincial dirigé par Charles Eugène Napoléon Boucher de Boucherville, un médecin, les reprend et forme QMO&OR.
Lorsque cette action se produit, cependant, le Québec et une grande partie du monde sont en proie à la dépression de 1873-1879, ou à la grande dépression de 1873-1896, selon les paramètres utilisés pour évaluer cette période sombre. Pour aggraver les choses, du lobbyisme en coulisse de la part de GTR fait en sorte que les investisseurs, tant en Amérique du Nord qu’à l’étranger, choisissent de ne pas investir dans QMO&OR, ce qui force Boucher de Boucherville à investir de l’argent public dans cette firme coûteuse.
À la fin de 1877, le déficit provincial est tel que Boucher de Boucherville doit recourir à une mesure désespérée. N’étant plus en mesure d’emprunter sur le marché libre, le gouvernement adopte une loi, en janvier 1878, qui oblige les villes et villages situés le long des voies ferrées desservies par QMO&OR à cracher le pognon promis, mais jamais livré, afin de jouir de ce privilège. Les autorités locales de ces villes et villages ne sont pas amusées.
Le tumulte qui suit donne au lieutenant-gouverneur du Québec, Luc Horatio Letellier de Saint-Just, une excuse, une excuse qu’il attendait depuis longtemps en fait, pour destituer Boucher de Boucherville, en mars, alors même que son parti détient la majorité à l’Assemblée législative du Québec et au Conseil législatif du Québec, en quelque sorte le sénat de la province. Mieux encore, ou pis encore, votre choix, il confie au chef de l’opposition officielle, le franco-québécois Henry Gustave Joly, la tâche de former un nouveau gouvernement.
Ai-je mentionné que Joly et Letellier de Saint-Just ont la même allégeance politique?
Des membres du parti de Boucher de Boucherville accusent Letellier de Saint-Just d’avoir orchestré un coup d’état, ce qui n’est peut-être pas trop éloigné de la vérité. De fait, tant l’Assemblée législative du Québec que le Conseil législatif du Québec adoptent des motions de censure contre lui. Le non-élu Letellier de Saint-Just les ignore royalement.
Même des membres de l’homologue fédéral du parti politique de Joly, et jusqu’au premier ministre du Canada, le Canadien écossais Alexander Mackenzie, sont choqués, et embarrassés, par l’action de Letellier de Saint-Just, une personne qu’ils ont nommée. Cette action, qui provoque une crise politique et constitutionnelle au Québec, est bel et bien condamnée par Mackenzie et compagnie, mais seulement en privé.
En fin de compte, Joly et son parti remportent 31 sièges aux élections générales subséquentes, tenues en mai 1878. Le parti de Boucher de Boucherville remporte 32 sièges – et perd les élections. Si, si, il perd les élections. Voyez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur indigné(e), les deux députés indépendants de l’Assemblée législative du Québec choisissent d’appuyer Joly, et ce alors même si leurs convictions politiques sont presque identiques à celles de Boucher de Boucherville.
Les membres du caucus même de ce dernier ajoutent l’insulte à l’injure en préférant quelqu’un d’autre pour les diriger. Ce quelqu’un, c’est un avocat du nom de Joseph-Adolphe Chapleau. Cédant à l’inévitable, Boucher de Boucherville démissionne comme chef de son parti politique, mais revenons à l’histoire au cœur de ce numéro de notre blogue / bulletin / machin.
Sa volonté irrésistible de traverser le fleuve Saint-Laurent ayant rencontré un objet inamovible, soit GTR, des représentants du South Eastern Railway en viennent à un accord avec des représentants de QMO&OR à un moment donné à la fin des années 1870, très probablement en 1879 ou peut-être dès 1878.
Pas plus tard qu’en janvier 1880, un groupe d’hommes d’affaires québécois francophones et anglophones s’apprête à lancer une firme au nom insolite et au but encore plus insolite, soit Compagnie de travaux de chemin de fer entre Hochelaga et Longueuil. Voyez-vous, la dite firme a l’intention de louer, acheter ou construire un ou quelques traversiers qui transporteraient des wagons ou trains entiers sur le fleuve Saint-Laurent. Remarquez, elle vise également à construire une voie ferrée sur la glace qui recouvre ce fleuve en hiver, reliant ainsi la rive sud de ce cours d’eau majestueux à l’île de Montréal. Je ne plaisante pas.
La question de savoir si la firme en question est créée ou non n’est toutefois pas claire. La dite création est encore en discussion en avril 1880, lorsque son nom est mentionné pour la dernière fois dans Gazette Officielle de Québec.
Les ponts de glace entre Longueuil, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, et Hochelaga, sur l’île de Montréal, n’ont rien de nouveau. Des gens à bord de traîneaux tirés par des chevaux font le voyage au plus tard dans les années 1830, et…
N’ayez pas peur, ami(e) lectrice ou lecteur nerveuse / nerveux. L’épaisseur de la glace entre Hochelaga et Longueuil dépasse régulièrement 60 centimètres (2 pieds) dans les années 1870 et 1880. Cette quantité de glace de bonne qualité peut supporter une charge de 22.7 tonnes métriques (22.3 tonnes impériales / 25 tonnes américaines). Dans certaines sections, la glace peut atteindre 1.2 mètre (4 pieds) d’épaisseur. Elle supporterait une charge bien supérieure à 100 tonnes métriques (environ 100 tonnes impériales / 110 tonnes américaines). Le hic, c’est que le courant retarde le gel jusqu’à ce que les températures chutent vraiment. À ce moment-là, des morceaux de glace se sont enfoncés dans la glace déjà présente. On retrouve ainsi de nombreux bourguignons entre Hochelaga et Longueuil.
Et oui, bourguignon est un mot amusant, un peu comme le mot français abat-jour – ou le mot allemand flugzeug. (Bonjour, EP!)
Louis Adélard Senécal. L’annaliste, « Les hommes du passé – Louis Adélard Senécal. » Le Monde illustré - Album Universel, 3 mai 1902, 5.
La construction du chemin de fer sur la glace entre Hochelaga et Longueuil débute en janvier 1880, presque au milieu du mois peut-être, sous la supervision du surintendant général de QMO&OR. Selon certains, Louis Adélard Senécal, un des hommes d’affaires canadiens francophones les plus formidables, imaginatifs et prospères de l’époque, est celui qui lance l’idée d’un chemin de fer sur la glace.
De fait, croiriez-vous que cet individu rusé doit son poste au QMO&OR à son bon copain Chapleau, premier ministre du Québec depuis la chute du gouvernement minoritaire de Joly, en octobre 1879, à la suite d’un vote de défiance? De fait, encore, depuis quelques années, il est le trésorier du parti alors dirigé par Chapleau. Et oui, Senécal est aussi un bon copain de Boucher de Boucherville.
Croiriez-vous que Senécal joue un rôle de coulisse de la chute du dit gouvernement Joly? Cet opérateur bien connecté joue également un rôle dans la destitution du susmentionné Letellier de Saint-Just, en juillet 1879, une destitution facilitée par le fait que le dit Mackenzie et son parti politique avaient perdu leur emprise sur le pouvoir fédéral à la suite des élections générales de septembre 1878. Compte tenu de tout cela, Chapleau doit beaucoup à Senécal, ce qui explique la position au QMO&OR, et d’autres choses sur lesquelles nous n’avons pas le temps de nous attarder. Eh bien, peut-être un peu.
QMO&OR est-il un nid de clientélisme et corruption qui canalise du pognon dans les coffres du parti politique dirigé par Chapleau, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur inquièt(e)? Est-ce que le pape, Franciscus / Francis, né Jorge Mario Bergoglio, est argentin? Mais je digresse.
La construction du chemin de fer sur la glace, affirmai-je, commence à la mi-janvier 1880. De nombreux ouvriers commencent par niveler la glace sur une largeur d’environ 20 mètres (environ 65 pieds). Vérifiant l’épaisseur de la glace tous les quelques mètres (verges), ils posent des poutres en bois tous les 2.15 mètres environ (environ 7 pieds) afin de réduire les vibrations transmises à cette glace. Les ouvriers posent ensuite de longues planches sur les poutres. Tous les 90 centimètres environ (environ 3 pieds), ils placent des traverses sur les planches. Des rails légers sont ensuite posés sur le tout. Pour renforcer la voie, les ouvriers pompent de l’eau entre les planches et poutres, où elle gèle rapidement.
Au moment où la voie ferrée est achevée, fin janvier, elle mesure environ 2 800 mètres (environ 9 100 pieds) de long, je pense. Une courte partie de la voie passe au-dessus de la rive du fleuve à Longueuil tandis qu’une partie beaucoup plus longue passe au-dessus des quais du port de Montréal et mène à la gare d’Hochelaga.
À première vue, la voie est testée au moins une fois par des wagons tirés par des chevaux entre Longueuil et Hochelaga. Une locomotive s’aventure également sur la glace sur une (courte?) distance.
Quoi qu’il en soit, l’ouverture officielle du chemin de fer sur la glace a lieu le 30 janvier 1880. Chapleau, Senécal et beaucoup de gros bonnets sont là, comme il faut s’y attendre, ainsi que des centaines de sympathisant(e)s prudent(e)s rassemblé(e)s des deux côtés du fleuve.
Et oui, il y a quelques ajustements finaux en raison du fait que la hausse des températures a provoqué une certaine fonte de la glace. Une partie relativement petite de la voie baisse également un peu. Voyez-vous, deux wagons lourdement chargés sont restés là pendant quelques jours. Oups…
Le 30 janvier 1880, une petite locomotive relativement légère, la W.H. Pangman, propriété de Laurentian Railway Company de Montréal (?) mais loué par South Eastern Railway, quitte la gare d’Hochelaga de QMO&OR, sur l’île de Montréal. Elle remorque un tender, bien sûr, et 2 wagons plats équipés de sièges temporaires sur lesquels sont assises une centaine de passagères et passagers très important(e)s. Et oui, Chapleau, Senécal et beaucoup de gros bonnets sont là, dont le président de Laurentian Railway, John Henry Pangman.
Des dizaines et des dizaines de traîneaux tirés par des chevaux accompagnent le train, certains d’entre eux peut-être à une distance de sécurité. Même ainsi, certains des chevaux prennent peur et ont du mal à se calmer. Remarquez, l’explosion de 3 ou 4 signaux de brume posés par la piste n’aide probablement pas.
Soit dit en passant, le vice-président du Laurentian Railway, Hilaire Hurteau, est député fédéral du côté gouvernemental et petit-neveu de feu Isidore Hurteau, le beau-père de Clément Arthur Dansereau, un puissant combinard et propriétaire du journal quotidien pro-gouvernemental (provincial et fédéral) La Minerve de Montréal, qui est aussi l’éminence grise de Chapleau. Incidemment, Dansereau est lié à Senécal par alliance, l’épouse de ce dernier étant Justine Delphine Senécal, née Dansereau, une cousine ou nièce de celui-ci, je crois, mais je digresse. Et oui, le monde est petit…
Selon de nombreux observateurs contemporains et actuels, Chapleau, Dansereau et Senécal forment un triumvirat, un état dans l’état, une maléfique trinité oserait-on affirmer, qui dirige la province de Québec comme son jouet privé, mais revenons à notre train de pensée.
Alors que le train roule vers l’est, sur la glace, en route vers Longueuil et la gare du South Eastern Railway, les passagères et passagers très important(e)s ne ressentent ni secousses ni sensations désagréables. Ceci étant dit (tapé?), alors que le train avance, comprimant la glace, voir de l’eau jaillir des trous préalablement percés dans cette glace pour mesurer son épaisseur s’avère un tantinet énervant.
À l’approche de la rive sud du fleuve Saint-Laurent, le train fait un arrêt d’une dizaine de minutes pour permettre à deux photographes montréalais bien connus qui ne sont peut-être pas à bord, soit Henry « Hy » Sandham du célèbre studio de photographie Notman & Sandham ainsi que Alexander Henderson, d’immortaliser l’instant. Certaines passagères et passagers très important(e)s ne peuvent réprimer un gloussement ou trois au redémarrage du train. Voyez-vous, Sandham commence à courir après le dit train, agitant frénétiquement ses bras. Il vient de rater une bonne image. Le train ne s’arrête pas. On n’arrête pas le progrès, surtout quand il y a du pognon à faire.
Le train se rend donc au hangar du South Eastern Railway à Longueuil. Ses passagères et passagers débarquent ensuite et se dirigent vers un bâtiment où des rafraîchissements et de la nourriture en abondance sont servi(e)s. Le député fédéral local, un député d’arrière-ban du gouvernement du nom de Charles-Joseph Coursol, préside les célébrations, fort possiblement à la demande de Bradley Barlow, président de South Eastern Railway et membre de la United States House of Representatives. Et oui, il y a moult toasts et discours, la plupart en français. Un Senécal ému aurait versé quelques larmes.
Le train et, semble-t-il, quelque 200 passagères et passagers très important(e)s reviennent à Hochelaga / Montréal plus tard dans la journée.
Et voici une série de dessins réalisés pour illustrer divers aspects des activités du 30 janvier 1880…
Divers aspects des activités entourant le lancement du chemin de fer sur la glace entre Longueuil, Québec, et Hochelaga, Québec. Anon., « Montreal – Incidents at the opening of the ice railway bridge. » Canadian Illustrated News, 14 février 1880, 105.
Comme on peut s’y attendre, de nombreux (tous les??) journaux de Montréal abordent le lancement du chemin de fer sur la glace. La Minerve s’exprime de manière quasi lyrique sur l’exploit de Senécal et de ses associés. La Patrie, un journal qui n’est pas pro-gouvernemental, est en revanche un peu plus sarcastique. Il s’en prend surtout à Étienne Théodore Pâquet, un membre du quintette des députés de l’Assemblée législative du Québec qui franchit le parquet, en octobre 1879, lors de la crise politique qui entraîne la susmentionnée chute du gouvernement Joly. Pâquet, aux dires de La Patrie, est un vendu et renégat. En octobre 1879, elle le qualifiait de traître.
La vérité, c’est que cette trahison s’avère bien avantageuse pour Pâquet, dont la position passe de celle de député d’arrière-ban, autrement dit un rien du tout, dans le gouvernement de Joly à celle de Secrétaire provincial du Québec, l’équivalent d’un ministre de l’intérieur, dans le gouvernement de Chapleau.
Soit dit en passant, le lieutenant-gouverneur qui choisit de confier au chef de l’opposition officielle, c’est-à-dire Chapleau, la tâche de former un nouveau gouvernement a la même allégeance politique que le dit Chapleau. Il s’appelle Théodore Robitaille.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, le dévoilement du chemin de fer sur la glace est mentionné dans plusieurs publications étrangères (américaines, britanniques, françaises, etc.?), dont le prestigieux magazine hebdomadaire américain Scientific American (1881) et les tout aussi prestigieux magazines hebdomadaires français La Nature (1883) et Le Génie civil (1883). Les articles en français incluent même une gravure, la même en fait. Et oui, cette gravure est basée sur une photographie prise par le susmentionné Sandham, mais je digresse.
Incidemment, aussi prestigieux soit-elle, La Nature a des lacunes dans sa connaissance de la géographie nord-américaine. Le chemin de fer sur la glace n’est certainement pas situé aux États-Unis.
Au risque de paraître irrévérencieux, votre humble serviteur est tombé sur un autre oupsie ferroviaire perpétré cette fois par un magazine trimestriel français prestigieux et très intéressant, à savoir Tintin c’est l’aventure. Sur la couverture de son numéro de décembre 2022-février 2023, on peut voir une magnifique photographie d’un train de marchandises du Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée traversant le Parc national de Banff, en Alberta, en janvier 2019. Un examen plus approfondi de la dite photographie montre que les mots Canadian Pacific sur la locomotive sont inversés. Si, si, inversés, mais revenons à notre histoire.
Aussi gratifiants que soient les résultats du voyage inaugural du chemin de fer sur la glace et aussi utiles que soient les liaisons ferroviaires hivernales, nombreux sont ceux, parmi l’élite montréalaise, qui ont des appréhensions plus ou moins sérieuses. Si les températures devaient augmenter, l’intégrité de ce chemin de fer pourrait être compromise, avec des résultats potentiellement fatals.
Et cette pensée dramatique pourrait être un moment propice pour faire sagement dérailler ce train de pensée. Veuillez revenir la semaine prochaine pour voir comment les choses évoluent.