Une pièce dans un avion, et un avion dans une pièce : Dancing Partner, 1930
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur sophistiqué(e). Veuillez prendre quelques secondes pour penser aux implications de ce qui est montré sur la photographie ci-dessus et sur celle ci-dessous.
Des techniciens de théâtre usant de leur magie alors que les actrice et acteur qui jouent Roxana Hartley et M. Jolie / lord Robert Brummel prononcent leurs répliques, Belasco Theatre, New York, New York. Anon., « The Stage Goes ‘Air-minded’. » Scientific American, novembre 1930, 355.
Pour paraphraser le brillant mais colérique Cortex (en anglais Brain) alors qu’il parle au non brillant Minus (en anglais Pinky) avant de partir, encore une fois, pour conquérir le monde, ce qui est tout un défi pour une paire de souris de laboratoire, et vous avez vu quelques épisodes de la délicieuse série télévisée d’animation américaine Minus et Cortex (Pinky and the Brain), n’est-ce pas, est-ce que vous pensez à ce que votre humble serviteur pense?
Désolé. Je n’ai pas pu résister. J’aime vraiment Pinky and the Brain.
Ce que nous avons ici, ami(e) lectrice ou lecteur très confus(e), est une scène d’une pièce de théâtre, vue par le public et vécue par l’équipe du dit théâtre. Curieusement, les 2 photographies ont été trouvées dans Scientific American, une publication mensuelle que peu de gens consultent lorsqu’ils recherchent des informations sur les pièces de théâtre de New York, New York.
Cette pièce, soit dit en passant, est créée à Atlantic City, New Jersey, en juillet 1930. La première à New York a lieu en août. Écrite par un duo autrichien (et allemand?) dont le texte est apparemment traduit en anglais, Dancing Partner est produite par David Belasco, un dramaturge / impresario / producteur / réalisateur bien connu de New York, au Belasco Theatre. Elle s’avère suffisamment réussie pour attirer l’attention d’un des principaux studios de cinéma de la planète Terre, Metro-Goldwyn-Mayer Studios Incorporated. Le film qui en résulte arrive en salles en juin en 1931. Son titre en version française est C’est mon gigolo – et non, il ne met pas en vedette David Lee Roth.
Et non encore, Belasco n’est pas l’inspiration de Emeric Belasco, la présence maléfique dans un roman d’horreur américain de 1971, La maison des damnés, qui a engendré le film d’horreur américain éponyme de 1973. Allons, soyez sérieuse ou sérieux, ami(e) lectrice ou lecteur.
Pourtant, il faut dire que, selon la tradition locale, le fantôme de Belasco, décédé en mai 1931, à l’âge de 77 ans, hanterait le Belasco Theatre. Cette présence spectrale peut cependant s’être arrêtée vers 1971-72. Belasco est apparemment choqué hors de notre niveau d’existence par la distribution de Oh! Calcutta! qui passe une grande partie de son temps sur scène complètement… nue.
Incidemment, le titre de cette revue théâtrale n’a aucun rapport avec la ville indienne de Calcutta. Il est en fait dérivé du titre d’un tableau de 1946 de l’artiste anticlérical et antimilitariste français Camille Clovis Trouille, Oh! Calcutta! Calcutta! Ce titre est un jeu de mots basé sur une expression française, et je m’excuse auprès de tous les filtres anti-pourriels de la planète Terre, « Oh, quel c*l t’as! » Désolé, désolé! Il n’y a rien à voir ici. Rien à voir.
Et maintenant pour quelque chose de complètement différent.
Veuillez revoir les photographies. On peut voir les techniciens de théâtre user de leur magie pendant que les actrice et acteur prononcent leurs répliques. L’illusion du vol est créée par un opérateur qui déplace physiquement l’ensemble représentant la cabine de l’aéronef. Il y a aussi des projecteurs et haut-parleurs. Les premiers, cachés au public par l’aile de l’aéronef, projettent des images de nuages, de terre ferme et de cieux étoilés directement sur le fond de scène. Les derniers, vraisemblablement connectés à des tourne-disques ou des accessoires bruyants opérés par le personnel du théâtre, reproduisent le son du moteur de l’aéronef.
La scène capturée sur les photographies a lieu à bord d’un aéronef en route vers Donostia, une station balnéaire basque, d’accord, d’accord, en route vers San Sebastián, une station balnéaire espagnole près de la frontière française, sur les rives de l’océan Atlantique, 125 kilomètres environ (plus de 75 miles) à l’ouest de Pau, France. Eta bizi euskal herria!
Croiriez-vous que les linguistes sont toujours incapables de lier la langue basque à une autre langue de la planète Terre? Pour citer S’chn T’gai Spock, fascinant…
Vous vous souvenez de Pau? Non, pas Po. Nous parlons de coquillages et bord de mer, pas de panda et kungfu. Pau comme Pau de Wilbur Wright en février 1909, quand Alfonso XIII, autrement dit Alfonso Léon Fernando María Jaime Isidro Pascual Antonio de Borbón y Austria-Lorena, gare son arrière train royal à côté de lui, alors que le célèbre pionnier de l’aviation américain lui montre les commandes d’un Wright Flyer. Le roi espagnol de 22 ans est cruellement tenté de monter avec cet aviateur.
Wright, comme vous le savez sans doute, est mentionné à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis décembre 2017. Alfonso XIII, par contre, est mentionné dans 2 numéros de cette sublime publication, en décembre 2017 et juin 2020, mais je digresse.
Les personnages principaux de Dancing Partner et C’est mon gigolo sont Mlle Roxana Hartley, une jeune femme vertueuse, et M. Jolie, un partenaire de danse professionnel / gigolo totalement étranger à Angelina Jolie Voight. Le susmentionné gigolo est, bien sûr, lord Robert Brummel, un beau, jeune, dissolu et irresponsable dragueur (En existe-t-il un autre type?) britannique basé à Paris, en France.
Il se trouve que, quelque temps auparavant, le riche oncle de Brummel, Lord George Hampton, a fermé le robinet à la suite d’affaires bien médiatisées impliquant son neveu et un certain nombre de femmes mariées. Le dit oncle va jusqu’à insister pour que Brummel épouse la fille d’un riche ami comme condition à la réouverture du flux monétaire. La dite jeune femme est, vous l’aurez deviné, la susmentionnée Hartley.
Commentant qu’on ne peut pas faire confiance aux femmes, en particulier à celles qui sont mariées, Brummel fait un pari avec Hampton. En moins de 30 jours, déclare le goujat, il prouverait que Hartley est susceptible à la tentation d’avoir une liaison tout en étant fiancée avec lui. Si Brummel gagne, il récupérerait son argent (sans jeu de mots) et retournerait à son dragage. Si la jeune femme se montre vertueuse, il l’épouserait et deviendrait un mari respectueux. Maintenant, si vous pensez que cette idée assez révoltante a un potentiel dramatique / comique, vous êtes en assez bonne compagnie. Je semble me rappeler que la pièce de théâtre de 1611 environ de William Shakespeare, Cymbeline, inclue une intrigue quelque peu similaire.
Quoi qu’il en soit, au moment où la susmentionnée scène à bord de l’aéronef commence, Hartley est conscient de la double identité de Brummel. Elle accepte son invitation de s’envoler pour San Sebastián pour lui donner une leçon. À son tour, la décision de Hartley de voler avec lui prend Brummel par surprise. Après tout, c’est le 30ème jour et dernier du pari et il ne va nulle part avec cette jeune femme étonnamment vertueuse et plutôt intrigante. À vrai dire, Brummel est un peu contrarié par son changement d’avis. Une fois à San Sebastián, cependant, le pognon étant le pognon, Brummel commence à flirter avec Hartley. Elle le gifle, révélant qu’elle connaît sa véritable identité. Elle le méprise. Il lui demande pardon. Ils s’embrassent. Fin.
D’une certaine manière, j’ai le sentiment que le rusé oncle garde son neveu et sa future épouse inondé(e)s de pognon pour le reste de leur vie.
The Motion Picture Producers and Distributors of America Incorporated, une association professionnelle parfois / souvent connue sous le nom de Hays Office, après que son président, William Harrison Hays, Senior, dont la fonction principale est de nettoyer l’image scandaleuse de l’industrie cinématographique, recommande qu’un certain nombre de modifications soient apportées à la version originale anglaise de C’est mon gigolo. Dixit le censeur cinématographique, son traitement léger de sujets immoraux n’est tout simplement pas acceptable. Même après que ces modifications soient apportées, les commissions de censure de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique rejettent tout de même la version originale anglaise de C’est mon gigolo.
Hays, en passant, est embauché en 1922. Ce rabat-joie a certainement des références. Conseiller presbytéral à la réputation irréprochable, Hays dirige la campagne présidentielle de Warren Gamaliel Harding en 1920. Le candidat victorieux à la présidence est si reconnaissant qu’il nomme Hays Postmaster General, soit ministre des Postes. On pourrait dire que le moment choisi par Hays pour quitter le navire Harding est vraiment impeccable. Je n’oserais jamais suggérer qu’il est suspect, mais ici git trouve un récit, un récit tragique en fait. (Des cris résonnent dans l’éther! Non! S’il vous plaît, non, pas un récit!)
Quiz pop. Vrai ou faux, Harding est le second président américain en exercice à visiter le Canada. La réponse est ... Faux. Il devient le premier à le faire lorsqu’il s’arrête à Vancouver, Colombie-Britannique, en juillet 1923, alors qu’il revient d’Alaska. Harding sonne, a l’air et agit présidentiellement, comme toujours, pendant cette escale assez brève. La vérité est qu’il est en très mauvais état, à la fois physiquement et émotivement. Mauvais juge de caractère, Harding a attiré de nombreux soi-disant amis qui ne sont guère plus que des marchands d’influence / escrocs. Il y a de la corruption dans et autour de Washington, District de Columbia. Des hommes du pétrole peuvent être au cœur de tout ceci. Bien que n’étant pas directement impliqué, Harding a une idée de ce qui se passe. Il sait également que ce merdier ne peut pas rester caché pour toujours, et revenons à notre histoire.
Harding tombe malade à Vancouver et son groupe rentre rapidement chez lui. Une semaine environ après avoir quitté le Canada, Harding meurt. Des rumeurs d’acte criminel font surface. Il est même suggéré que la femme / veuve de Harding, Florence Mabel Kling Harding, qui en sait beaucoup sur ses infidélités, avait finalement pété une coche et l’avait empoisonné. Une histoire des plus improbables. L’empoisonnement, pas les infidélités, malheureusement. D’un autre côté, on peut soutenir que les traitements administrés par le médecin de Harding, un homéopathe qui n’est pas un médecin certifié, peuvent bien avoir contribué à sa mort. La vérité est que nous ne le saurons probablement jamais avec certitude. Ce qui revient à dire que les théories du complot existent depuis longtemps.
Prenez soin de vous, ami(e) lectrice ou lecteur. Coniuratis non carborundum!