« La Russie lance une… ‘cosmonette’ » Un autre bref regard sur la façon dont la presse francophone du Québec couvre un aspect du programme spatial soviétique, en l’occurrence le voyage dans l’espace de Valentina Vladimirovna Terechkova, partie 2
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, et bienvenue à bord de la capsule spatiale de notre inimitable blogue / bulletin / machine, une capsule consacrée à la seconde partie de notre article sur le vol dans l’espace de la première femme cosmonaute / astronaute de l’histoire, la sous-lieutenante Valentina Vladimirovna « Valya » Terechkova.
Vous souvenez-vous du nom du Homo sapiens mâle non nommé qui se trouve sur la photographie que vous avez vue il y a quelques milliards de nanosecondes? Le lieutenant-colonel Valeri Fiodorovitch Bykovski, lui aussi officier de la Voïenno-Vozdouchnye Sily SSSR, en d’autres termes l’armée de l’air de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), tout comme Terechkova, dites-vous? Bonne réponse. Vous vous souviendrez que Bykovski se rend dans l’espace environ 45 heures 30 minutes avant Terechkova et revient sur Terre environ 2 heures 45 minutes après cette dernière.
Il serait inutile de me demander le nom de la dame qui se trouve sur la droite de la photographie prise à Moscou, URSS, au Cinquième congrès mondial des femmes. Les recherches entamées à ce jour par votre humble serviteur se sont avérées infructueuses. Je sais toutefois qu’il ne s’agit pas de Nina Vassilievna Popova, cheffe de la délégation soviétique, ou de Nina Petrovna Koukhartchouk-Khrouchtcheva, l’épouse du pas bon le plus important de l’URSS, le premier secrétaire du Kommunistítcheskaïa Pártiïa Soviétskogo Soyoúza, Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev. Il ne s’agit par ailleurs pas de la Française Eugénie Élise Céline Cotton, née Feytis, présidente de Fédération démocratique internationale des femmes, l’organisation derrière le Cinquième congrès mondial des femmes.
Cela étant dit (tapé?), puis-je vous suggérer de jeter avec moi un coup d’œil au contenu québécois paru dans la presse francophone du Québec pendant et après le séjour en orbite de Terechkova? Ce coup d’œil est après tout l’objectif premier de cet article.
Dans le cadre d’un texte sur un bref séjour à l’Aéroport international de Toronto, à Mississauga, Ontario, un journaliste du quotidien Le Devoir de Montréal, Québec, mentionne, le 18 juin, une conversation (réelle?), traduite dans le quotidien, entre 2 garçons âgés de 6 et 7 ans :
Qu’est-ce que tu en penses, une femme dans l’espace, ça ne réussira jamais?
Mais oui, mon vieux, ils auraient dû y penser plus tôt. Les femmes, c’est bien connu, sont plus légères que les hommes. Peut-être que celle-là, elle réussira à aller toucher la lune.
Nous devrions… Pourquoi ce regard perplexe, ami(e) lectrice ou lecteur? Ignorez-vous que les États-Unis et l’URSS lancent non moins de 24 sondes (12 + 12) vers la Lune entre août 1958 et juin 1963? Deux de ces lancements (1 + 1) sont des échecs / succès partiels. Vingt autres lancements (11 + 9) sont des échecs lamentables. Seules Luna 2 et Luna 3, deux sondes soviétiques soit dit en passant, réussissent leur mission. Si votre humble serviteur peut l’affirmer, c’est beaucoup de pognon parti en fumée vers un monde meilleur.
La Lune, pour reprendre la traduction littérale du titre d’un roman de science-fiction de l’officier de marine / ingénieur aéronautique / auteur de science-fiction américain Robert Anson Heinlein datant de 1966, est une sévère maîtresse, mais revenons à notre histoire. Après avoir souligné que Heinlein est mentionné dans quelques numéros de notre incomparable blogue / bulletin / machin depuis février 2019, bien sûr.
Nous, le nous royal / curatoriel bien sûr, encore, devrions mentionner à ce point un éditorial, intitulé « Propos du matin – Maurice Chevalier en est flatté, » paru ce même 18 juin dans le quotidien Montréal-Matin de… Montréal.
Valentina! Maurice Chevalier en sera flatté. La première femme dans l’espace se prénomme Valentine. Elle est jolie, dit-on, mais son charme est sévère bien qu’elle se soit appliqué [sic] du rouge à lèvres avant le grand départ.
Pour prouver peut-être que la femme soviétique ne cède en rien aux autres quand il s’agit de la coquetterie, mais je suis persuadé que Valentina n’est pas la Valentine de la chanson.
Et vous? La propagande soviétique ne changera rien à l’affaire.
Ces braves Russes! Ils veulent nous faire croire que se balader dans l’espace, c’est une partie de plaisir. Ils nous annoncent qu’hier matin les deux cosmonautes se sont levés frais et dispos et ont fait leurs petits exercices de dégourdissement.
Faut tout de même pas exagérer.
Quand vous êtes emprisonné dans une capsule toute petite, que des centaines d’instruments vous cernent de leurs cadrans, que la pesanteur n’a plus d’effet sur vous, que vos habits de vol vous serrent comme un étau et que les robots vous auscultent à chaque seconde du voyage, qu’on ne vienne pas nous dire que les deux Russes ont fait leur gymnastique matinale.
Les Occidentaux ne sont pas naïfs à ce point.
Et il ne faut pas minimiser le grand exploit de Valentina. Elle entre de plain-pied dans l’histoire de l’espace, elle réjouit le cœur de toutes les femmes du monde, donnons-lui au moins son mérite.
Aller épousseter les étoiles, comme on l’a souligné, c’est tout de même plus difficile que d’épousseter ses meubles.
Votre haussement de sourcil à la S’Chn T’Gai Spock me dit que tout ne va pas, ami(e) lectrice ou lecteur. C’est la référence à Chevalier et Valentine, n’est-ce pas? C’est le ton même de l’éditorial qui vous agace? Toutes mes excuses. Ce texte est en effet plutôt décevant. Youri Alekseïevitch Gagarine, le premier Homo sapiens à orbiter la Terre, un Homo sapiens mâle ne l’oublions pas, n’est certes pas traité de cette manière.
Néanmoins, permettez-moi de pontifier un tantinet sur Chevalier et Valentine.
Valentine est une chanson française un tantinet égrillarde et croyait-on / croit-on, humoristique interprétée pour la première fois en public en novembre 1925 par Maurice Auguste Chevalier. Cette chanson connait un succès bœuf. Ce succès est durable. De fait, l’éditorialiste de Montréal-Matin n’hésite pas à se servir de son titre en juin 1963. Aux dires de plusieurs, Valentine fait de Chevalier une vedette du music-hall français dont la carrière internationale de parolier / imitateur / écrivain / danseur / comique / chroniqueur / chanteur / acteur se poursuit jusqu’en 1968.
Et oui, certaines mots de Valentine doivent être changés à au moins une reprise, en 1935, lorsque Chevalier la chante devant un public américain. Et oui encore, il est probablement amusé par le puritanisme américain. Remarquez, une personne à l’esprit mal tourné, mais pas votre humble serviteur bien sûr, pourrait se demander si la version remaniée de la chanson n’est pas aussi coquine que la version originale. Enfin, passons.
Un commentaire potentiellement controversé si je peux me le permettre. Le Canada et le Québec sont probablement aussi puritains que les États-Unis au cours des années 1930, 1940 et 1950, et…
Quels sont les mots égrillards / coquins en question, demandez-vous, espiègle ami(e) lectrice ou lecteur? Je préfère ne pas m’engager dans cette voie. Allez voir en ligne, mais pas tout de suite car nous devons revenir à notre sujet.
Le 19 juin, un hebdomadaire de Saint-Jérôme, Québec, L’Avenir du Nord, publie un bref commentaire qui, sans mentionner directement Terechkova, mérite néanmoins de trouver place en ces lieux :
Il pleut et il pleut presqu’à tous les jours. Rien de surprenant avec tous les cosmonautes qui traversent l’es)pace [sic] à la vitesse de 88 minutes pour faire le tour de la terre. Ces pauvres nuages se font crever à tout instant. Ca [sic] fait qu’on en reçoit les conséquences. Si on peut lâcher la lune et travailler ici-bas, il a tellement à faire.
Votre humble serviteur oserait-il dire qu’on devrait lâcher la Lune et travailler ici-bas, en 2023, car il y a encore tellement à faire? Diffuser sur les écrans des médias sociaux du globe des images d’une poignée de Homo sapiens américains privilégiés se baladant sur la surface lunaire, en 2025 ou 2026, ne sera d’aucune utilité aux innombrables personnes ici-bas qui vivent actuellement dans des conditions plutôt épouvantables. Les 93 000 000 000 $ ÉU engloutis dans cette virée gambadante interplanétaire pourraient / devraient être utilisés pour aider l’humanité. Je vous dit ça comme ça, moi.
La première caricature qui touche au vol de Terechkova qui paraît dans la presse francophone du Québec paraît le 19 juin, dans le grand quotidien La Presse de Montréal. Cette œuvre du grand caricaturiste et peintre québécois Normand Hudon, un gentilhomme mentionné dans un numéro de mai 2023 de notre spectaculaire blogue / bulletin / machin, s’intitule « Les cosmonautes. » Elle accompagne un article intitulé « Le couple spatial est de retour. »
La caricature que le grand caricaturiste et peintre québécois Normand Hudon consacre aux vols dans l’espace du lieutenant-colonel Valeri Fiodorovitch Bykovski et de la sous-lieutenante Valentina Vladimirovna Terechkova. Normand Hudon, « Les cosmonautes. » La Presse, 19 juin 1963, 1.
D’autres caricatures qui abordent le vol de Terechkova sous l’angle d’un couple spatial paraissent le 20 juin dans Le Devoir et le quotidien La Tribune de Sherbrooke, Québec, la ville natale de votre humble serviteur. Le titre de la caricature de La Tribune, « Un nouveau champ d’action pour Cupidon, » clarifie les choses pour quiconque ne saisit pas l’objectif du caricaturiste.
La caricature qu’un caricaturiste dont je n’arrive pas à lire le nom consacre aux vols dans l’espace du lieutenant-colonel Valeri Fiodorovitch Bykovski et de la sous-lieutenante Valentina Vladimirovna Terechkova. Anon., « –. » Le Devoir, 20 juin 1963, 4.
La caricature qu’un autre caricaturiste dont je n’arrive pas à lire le nom consacre aux vols dans l’espace du lieutenant-colonel Valeri Fiodorovitch Bykovski et de la sous-lieutenante Valentina Vladimirovna Terechkova. Anon., « Un nouveau champ d’action pour Cupidon. » La Tribune, 20 juin 1963, 6.
C’est encore une fois par le biais de l’humour que l’auteur / écrivain / humoriste québécois Albert Brie aborde le vol de Terechkova, le 21 juin, dans une de ses nombreuses chroniques, intitulées « les propos d’un timide, » parues dans La Presse. Permettez-moi de le citer dans son entièreté.
La mise en orbite d’une femme cosmonaute a ouvert les vannes de l’éloquence scientifique d’Adjutor. Adjutor c’est mon fournisseur de légumes. Horticulteur de son métier, il vit de la terre sans avoir les pieds dessus. Il est aussi versé dans la connaissance des fusées que des navets; du moins, il le croit.
Adjutor n’a pas été surpris d’apprendre que Valentina tournait, pour la bonne raison que les femelles russes sont des viragos. Elles exercent en Soviétie des métiers d’hommes et vice-versa. Selon lui, on trouverait au pays de K. des fraiseuses et des ‘midinets’. Tout est à l’envers, décide-t-il. Si demain les mâles communistes ne sont pas engrossés, c’est parce que la chimie impure aura trouvé le moyen de sortir les enfants des laboratoires.
Comme vous voyez, Adjutor est à l’avant-garde des anticipations scientifiques. Il n’ignore rien des lendemains qui chantent puisqu’il lit le ‘Popular Mechanics’, les bandes illustrées et ‘Vers Demain’. Par-dessus tout, il possède une grande faconde, un vocabulaire de technicien et un juron indicatif : Jupiter.
C’est ainsi que dernièrement Adjutor m’a entraîné sur les sentiers de sa balistique au milieu de ses cageots de légumes. Je m’en voudrais de garder pour moi seul les grandes prémonitions de ce savant de la glèbe. Elle ont engraissé les pachères de ma culture spatiale.
Adjutor prévoit que dès l’an 2000, chaque famille aura son “char” interplanétaire et que durant les fins de semaine les artères de l’espace seront encombrées de capsulards, sorte de chauffards des voies célestes.
Mon prophète annonce que les Russes conserveront la suprématie des entreprises astronautiques. Il espère même vivre assez longtemps pour voir tous les Rouges en orbite. Leur impérialisme trouverait dans les galaxies une ample provision d’étoiles propre à satisfaire leur appétit de conquête. Il croit à la coexistence pacifique, mais à la condition que les deux idéologies, la capitaliste et la marxiste, soient à la distance d’années-lumière.
Adjutor soutient que la lune est habitée. Les luniens habiteraient la quatrième dimension où le terrien n’a pas accès. Ce sont des êtres invisibles à la Wells. Il ne tient pas à se rendre à la lune parce qu’il craint d’alunir sur un quartier non éclairé. Si vous affirmez qu’il n’y a pas de vie possible sur la lune, il vous rétorque que c’est une conclusion partiale et partielle de l’entendement humain qui admet d’autre part que les diables vivent dans le feu.
De là à croire que Mars est habitée, il n’y a qu’un pas sidéral qu’Adjutor franchit dans ses grandes bottes de logicien apriorique. Il regrette de ne pas être né martien pour la bonne raison que les années ayant par là [sic] 687 jours, il aurait 20 ans au lieu de 35 ici-bas. De plus, comme il pèse (environ 82 kilogrammes) 180 livres, il a calculé que l’intensité de la pesanteur étant trois fois moindre, elle ramènerait son obésité à la portion congrue de (environ 27 kilogrammes) 60 livres. C’est sur cette vision de son corps volatile qu’il m’a quitté.
J’ai bien hâte de revoir mon hortico-scientiste. Il m’a vendu des tomates immangeables. Elles me font l’impression d’avoir un goût saturnien.
Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, votre humble serviteur ne commentera pas les petites erreurs mathématiques concernant l’âge et le poids martiens d’Adjutor que contient ce texte. Il n’y a pas de quoi.
Et oui, le Wells mentionné dans le dit texte est Herbert George « H.G. » Wells, un écrivain et géant de la science-fiction anglais mentionné à plusieurs reprises dans notre stellaire blogue / bulletin / machin depuis juillet 2018, un géant contradictoire / controversé qui publie le roman L’Homme invisible en 1897, en anglais.
Si Popular Mechanics est somme toute assez bien connu, pourriez-vous me dire, oh, ami(e) lectrice ou lecteur bien informé(e), si ce magazine mensuel américain consacré aux nouveautés techniques, scientifiques, industrielles, etc. est disponible dans d’autres langues en 1963? Il l’est, affirmez-vous? En allemand (Populäre Mechanik), espagnol (Mecánica Popular) et français (Mécanique populaire)? Excellente réponse.
Et oui, l’expression pays de K. fait référence au pays du pas bon le plus important de l’URSS, le susmentionné Khrouchtchev.
Cela étant-dit (tapé?), connaissez-vous Vers Demain? Non? Sachez qu’il s’agit d’une publication (mensuelle?) publié par les Pèlerins de Saint-Michel, une association marginale / ridiculisée d’extrême droite de type crédit social regroupant des laïcs et laïques catholiques, apostoliques et romain(e)s. Fondée au Québec en 1939, la dite association est mieux connue sous le nom de Bérets blancs. Elle existe encore en 2023, doit dit en passant, mais est encore plus marginale et ridiculisée qu’elle ne l’était en 1963, mais revenons à notre cosmonaute. Presque.
Croiriez-vous que l’épouse du susmentionné Brie s’appelle Madeleine Hudon et que le père de cette dame s’appelle Rémi Alphonse Hudon? En quoi cela nous concerne-t-il, vous demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Sachez que le susmentionné Normand Hudon publie une bande dessinée intitulée Julien Gagnon du 16 mai au 7 novembre 1948 dans un fort populaire hebdomadaire de Montréal, Le Petit Journal. Hudon publie cette bande dessinée, mentionnée en long, en large et en hauteur dans un numéro de mai 2023 de notre stupéfiant blogue / bulletin / machin, sous le pseudonyme de … Rémy. Je ne plaisante pas. Imaginez ma joie : Brie et Hudon étaient beaux-frères! Quelle coïncidence.
Imaginez ma déception lorsque cela s’est avéré inexact. Madeleine et Normand Hudon n’étaient pas sœur et frère. Elle et il étaient tout au plus, peut-être, cousine et cousin (très?) éloigné(e), mais je digresse.
La découverte d’un texte intitulé « L’actualité – Valentina, cosmonaute, » publié dans Le Devoir du 27 juin par la grande journaliste / humoriste / écrivaine / auteure québécoise Rolande Allard-Lacerte a vite éteint cette déception. Permettez-moi de le partager avec vous.
Elle a chanté dans l’espace, ivre, libre. Et toutes les femmes, ses sœurs, enracinées dans la routine quotidienne, ont levé la tête. Toutes les femmes, secrètement fières, out applaudi à l’exploit de Valentina et l’ont enviée de planer au dessus [sic] des contingences matérielles de la terre; de s’être évadée des tâches obscures perpétuellement répétées auxquelles elles sont astreintes depuis des millénaires.
Pauvre Valery, il avait beau pulvériser des records, l’univers n’avait d’yeux que pour Valentina qui ouvrait aux femmes une nouvelle voie. La voie lactée! Des malins diront peut-être, railleurs, que c’est à la portée de toutes les femmes légères de… s’envoler! Les plus méchants ajouteront même que les femmes n’ont pas à monter si haut pour réussir à ébranler de respectables institutions politiques ou mettre en péril certains gouvernements!
Cependant, à côté d’une intrépide amazone de l’espace obtenant les manchettes des journaux de l’univers, il est des milliers d’autres femmes desquelles il se fait comme une conspiration de silence. Pourtant, ces autres femmes, épouses et mères, dont on ne connaît ni le sourire ni même le prénom modifient tous les jours, de l’intérieur, l’âme et le visage de l’humanité. Leur présence au sein du foyer est telle qu’elles tiennent, au creux de leur main, le bonheur de tous ceux qui vivent en orbite autour d’elles. Et cela n’est pas que littérature… Chaque jour, elles retombent dans le réseau des mêmes gestes, dans le cadre de l’habitude; elles font souvent d’humbles travaux et frottent les coins les plus obscurs avec soin, par réel souci de propreté, pour le bien-être et le confort de ceux qu’elles aiment. Ces femmes, même en accomplissant les tâches les plus modestes, témoignent d’un raffinement qui rejoint celui du sculpteur de Reims qui, dit-on, « fignolait dans les combles de la cathédrale, un ange que personne n’irait jamais voir, uniquement pour l’amour de l’art et de Dieu. »
La références aux femmes qui n’ont pas à monter si haut pour réussir à ébranler de respectables institutions politiques ou mettre en péril certains gouvernements touche à un des grands scandales politiques britanniques du 20ème siècle.
Veuillez noter que ce qui suit peut bien être qualifié de dérangeant.
Pour comprendre cette saga, il faut remonter à 1961, une année pendant laquelle John Dennis Profumo a une aventure extra-conjugale de quelques semaines / mois avec une mannequin anglaise du nom de Christine Margaret Keeler. Il a 49 ans et elle, 19. Et oui, Keeler est une mineure à l’époque.
Le secrétaire d’état à la guerre britannique est loin de se douter que le Security Service, ou MI5 (Military Intelligence, section 5), le service de renseignement responsable de la sécurité intérieure du Royaume-Uni, souhaite tirer profit de l’interconnaissance de Keeler et d’un ostéopathe / portraitiste / socialite anglais bien connecté, Stephen Thomas Ward, afin d’encourager / contraindre un officier des Voïenno-Morskoy Flot SSSR, en d’autres mots la marine soviétique, le capitaine Evgueni Mikhaïlovitch Ivanov, à trahir son pays. Voyez-vous, Ward est un ami de cet adjoint de l’attaché naval à l’ambassade de l’URSS à Londres, Angleterre, qui est également un agent du Glavnoïé Razvédyvatel’noïé Oupravlénié, le service de renseignement militaire soviétique. De fait, Keeler et Ivanov semblent entamer une aventure extra-conjugale en 1961. Il a 35 ans et elle, 19.
Si l’attirance ressentie par Profumo envers Keeler complique les manigances du Security Service, le fait que Profumo et Ivanov se croisent à quelques reprises en 1961 (et 1962?), une information fournie par Ward, inquiète un tant soit peu le dit service de renseignement.
Si des rumeurs concernant l’aventure extra-conjugale de Keeler et Profumo, et son aventure extra-conjugale avec Ivanov, commencent à circuler au plus tard en juillet 1962, c’est en mars 1963 que commence vraiment l’affaire Profumo. L’absence de Keeler lors du procès d’un amant furieux / jaloux qui a criblé de balles la porte de la maison où elle se trouvait (!) donne lieu à toutes sortes de spéculations de la part de la presse londonienne.
Un Profumo de plus en plus inquiet nie avoir eu aventure extra-conjugale avec la jeune femme dans l’enceinte de la Honourable the Commons of the United Kingdom of Great Britain in Parliament assembled, et… Êtes-vous vraiment choqué(e) et surpris(e) par ce mensonge parlementaire, ami(e) lectrice ou lecteur? Vraiment? Comme c’est mignon. Ce qui me rappelle quelque chose. J’ai ce pont que j’aimerais beaucoup vendre. Vraiment pas cher. Non? Bon, revenons à notre histoire.
Début juin, Profumo avoue avoir menti dans la dite chambre à Timothy James Bligh, le secrétaire particulier du premier ministre britannique, et remet sa démission. La presse londonienne se déchaîne aussitôt et tire à boulets rouge sur la classe gouvernante du Royaume-Uni, jugée décadente et / ou pervertie.
Un rapport d’enquête publié en septembre 1963, un rapport qui ne va peut-être pas au fond des choses soit dit en passant, conclut que Profumo n’a fourni aucune information confidentielle à Keeler ou Ivanov. Le ministre déchu entame alors une remarquable carrière de bénévole pour un organisme charitable londonien. C’est un homme respecté de toutes et tous au moment de son décès, en mars 2006, à l’âge de 91 ans.
Keeler n’a pas cette chance. Elle ne fait pas partie de la classe dirigeante britannique et, de plus, c’est une femme. Keeler vit en fait plus ou moins pauvrement jusqu’à sa mort, en décembre 2017, à l’âge de 75 ans.
À première vue, Ivanov, un autre Homo sapiens mâle blanc ne l’oublions pas, ne souffre pas trop, trop de son aventure extra-conjugale avec Keeler. Il est rappelé en URSS en janvier 1963, lorsque ses supérieurs commencent à se rendre compte que le Security Service tente de le piéger. Ivanov poursuit une carrière assez ordinaire dans les Voïenno-Morskoy Flot SSSR. Il décède en janvier 1994, à l’âge de 68 ans.
De toutes les personnes impliquées de près dans l’affaire Profumo, le susmentionné Ward paye le prix le plus lourd. Il est traduit en justice pour proxénétisme et avoir vécu des revenus de la prostitution – une décision judiciaire plutôt rapide considérée par beaucoup comme un acte de vengeance politique initié par des membres du gouvernement et de la classe dirigeante britanniques, alors fort embarrassées. Cette bouc-émissairarisation, possiblement acceptée par le juge, associée au fait que le Security Service et ses nombreux amis refusent de témoigner en son nom, choquent Ward à un point tel qu’il se donne la mort en août 1963, à l’âge de 50 ans.
Des circonstances étranges entourant la mort de Ward amènent certains à croire qu’il est en fait assassiné sur ordre de personnes haut placées pour l’empêcher d’embarrasser davantage des membres du gouvernement et de la classe dirigeante britanniques, jusqu’à et y compris la famille royale. Je ne plaisante pas.
Avant d’aller plus loin, oserai-je vous suggérer la lecture d’une paire d’ouvrages publiés en… Vous avez sans doute raison. Je n’oserai pas. Pourquoi tenter… le dindon? Désolé.
Comme vous pouvez l’imaginer, l’affaire Profumo porte au coup sérieux à la crédibilité du gouvernement britannique. Le premier ministre Maurice Harold « Supermac » Macmillan démissionne en octobre 1963, alors qu’il se remet d’une opération relativement mineure. Son parti est défait, de justesse il faut l’avouer, lors des élections générales qui se tiennent en octobre 1964, mais revenons à notre histoire.
Permettez-moi maintenant de partager avec vous un autre texte du 27 juin qui éteint plus encore ma susmentionnée déception, celui-là de Madeleine Doyon Ferland, une éminente professeure d’ethnologie et folklore à l’Université Laval de Québec, Québec. Un texte intitulé « On m’a dit – je l’ai cru, » et paru dans La Presse.
Valentina Tereshkova portait toute une responsabilité sur ses épaules. Si les examens médicaux à la suite de son vol spatial, avaient révélé quelques troubles, on en aurait conclu tout de suite que les femmes ne peuvent supporter les courses interplanétaires. Car il y avait des sceptiques en URSS qui n’attendaient qu’une défaillance de sa part pour crier que le sexe faible est décidément faible.
Heureusement, il n’en fut rien. Et un physiologue s’est empressé d’affirmer que l’organisme féminin supportait les vols spatiaux. J’ai bien de la peine à m’étonner de ce fait, car je me souviens bien que des souris, des singes, des chiens et enfin des hommes, en sont revenus sains et sauf.
Il y a plusieurs mois, une fillette écrivait au président Kennedy pour lui demander comment elle pourrait devenir cosmonaute. Et avec bienveillance, le chef des États-
Unis lui répondait qu’on ne songeait pas encore à catapulter aucune femme dans l’espace et qu’elle devrait songer à autre métier.
Dans un corps de majorettes, il se trouve probablement une athlète qui manifeste des dispositions heureuses pour un métier spectaculaire, la cosmonautie. Peut-être nos voisins brûleront-ils les étapes et chercheront-ils à prouver que l’organisme des enfants supportent [sic] les vols spatiaux.
Si ce métier moderne ne vous attire pas particulièrement, c’est que vous êtes vraiment peu enthousiaste, ou encore que vous n’avez rien d’un athlète. Car ce métier est une espèce de sport, semble-t-il.
Ouvrira-t-on une école nouvelle pour les aspirants-cosmonautes? C’est possible. Et seuls les diplômés pourront ensuite exercer. Et nous, femmes, préparons-nous à une dure lutte pour être admises dans cette école. On prouvera que cette spécialité n’a rien de féminin.
Soit dit en passant, la fillette qui écrit à John Fitzgerald Kennedy, un gentilhomme mentionné à quelques reprises depuis septembre 2019 dans notre vous savez quoi, peut-être Linda Halpern – du moins c’est ce que votre humble serviteur pensait au départ. Celle-ci adresse en effet une lettre au président des États-Unis. Elle le fait toutefois au début de 1962. Quoiqu’il en soit, la réponse que Halpern reçoit provient en fait de O.B. « Bill » Lloyd, Junior, directeur du Office of Public Services and Information de la National Aeronautics and Space Administration – une organisation mondialement connue mentionnée moult fois dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis mars 2018.
La lettre mentionnée par Doyon Ferland n’est par conséquent probablement pas celle de Halpern. De fait, votre humble serviteur n’a pas trouvé le nom de Halpern dans les journaux de l’époque. Quoi qu’il en soit, celle-ci n’est définitivement pas la seule adolescente ayant envoyé une lettre à quelqu’un afin de souligner son désir de devenir astronaute. Mentionnons par exemple Hillary Diane Rodham. Si, si, la future sénatrice et secrétaire d’état Hillary Diane Rodham Clinton affirme avoir envoyé une lettre à quelqu’un. Je ne plaisante pas.
Et non, la cosmonautique ne m’attire pas particulièrement. Suis-je un Gallus gallus domesticus, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur amusé(e)? Et comment.
Avant que je ne l’oublie et histoire de vous casser un peu les pieds, l’éminent Piotr Kouzmitch Anokhin est le physiologiste et biologiste soviétique mentionné par Doyon Ferland, et… Non, pas Anakin, Anokhin. Le gars est un physiologiste et biologiste soviétique, pas un personnage de La Guerre des étoiles. Vous êtes un vrai pétard aujourd’hui, ami(e) lectrice ou lecteur. Continuez comme ça et je trouverai peut-être un moyen de transformer cette péroraison en un article en cinq parties.
Votre humble serviteur va revenir à notre sujet en insérant la caricature suivante, dont le titre est « Tant qu’il y aura un monde… les femmes le gouverneront. » La dite caricature paraît le 27 juin, dans La Presse.
La caricature par laquelle encore un autre caricaturiste dont je n’arrive pas à lire le nom fait un lien entre le destin de la sous-lieutenante Valentina Vladimirovna Terechkova et celui de la mannequin anglaise Christine Margaret Keeler. Anon., « Tant qu’il y aura un monde… les femmes le gouverneront. » La Presse, 27 juin 1963, 4.
Si la minuscule capsule spatiale portant le nom de Valentina est auto-explicative, le champignon nucléaire portant le nom de Christine l’est maintenant tout autant, n’est-ce pas?
Et je crois que le moment est venu de conclure cet exposé.
Et vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur. Est-ce que Terechkova participe au susmentionné Cinquième congrès mondial des femmes qui se tient à Moscou du 24 au 29 juin 1963? Euh, n’avez-vous pas vu la photographie au début de ce numéro de notre superbe blogue / bulletin / machin? Quoi qu’il en soit, la réponse à cette question est un oui tout aussi retentissant que les applaudissements des quelque 2 000 déléguées d’environ 120 pays et territoires coloniaux, dont le Canada, présentes à Moscou. Croiriez-vous que Montréal-Matin annonce ce fait par un article intitulé : « La cosmonette reçue par les suffragettes, » hum? Et oui, Terechkova est élue au présidium du dit congrès.
La personne qui dirige la trentaine de représentantes canadiennes, et non des déléguées, une distinction subtile dont les autorités soviétiques se moquent bien, qui assistent au congrès est la présidente fondatrice de Canadian Voice of Women for Peace de Toronto, Ontario, la Texane Canadienne Helen Boorman Tucker. Et oui, il est pratiquement certain que la Gendarmerie royale du Canada espionne cette organisation.
Ceci étant dit (tapé ?), on peut soutenir que la membre le plus célèbre du groupe qui se rend à Moscou n’est autre que Simonne Monet-Chartrand, une syndicaliste / pacifiste / féministe / écrivaine québécoise qui se trouve être l’épouse d’un typographe de profession québécois qui lui-même n’est autre que Joseph Michel Raphaël Chartrand, un défenseur des démunis / vulnérables et figure de proue du syndicalisme au Québec qui ne mâche jamais ses mots et dit toujours ce qu’il pense, avec quelques jurons et un rire contagieux.
Au risque d’outrepasser les limites de l’objectivité, une objectivité que des Homo sapiens mâles blancs privilégiés utilisent (abusent?) souvent pour saper / étouffer des voix contestataires remarquez, votre humble serviteur aimait / aime beaucoup Chartrand. Le monde aurait besoin de beaucoup plus de gens comme lui, des gens prêts à secouer la cage dorée et incrustée de diamants du club des 1% et de ses larbins.
Et vous avez une autre question, ami(e) lectrice ou lecteur concerné(e) qui tente désespérément d’orienter la conversation vers un sujet moins controversé? Qu’arrive-t-il à Terechkova après son vol historique de juin 1963? Eh bien, ce membre éminent du Kommunistítcheskaïa Pártiïa Soviétskogo Soyoúza devient ingénieure aérospatiale et instructrice de cosmonautes. En dépit de ses efforts à cet effet, Terechkova ne retournera jamais dans l’espace.
Selon une procédure somme toute habituelle, elle est mise à la retraite par le gouvernement russe, en mars 1997, lors de son 60ème anniversaire. Elle est alors major-général dans la Voïenno-Vozdouchnye Sily Rossiï, en d’autres termes l’armée de l’air russe. Il s’agit apparemment d’un titre honoraire dans les forces de réserve.
Membre de la Gossoudarstvennaïa Douma, l’équivalent russe fantoche et ridicule de la Chambre des Communes du Canada, depuis décembre 2011, sous la bannière du parti politique poutinien Iedinaïa Rossia, Terechkova est une fervente partisante du président / dictateur russe Vladimir Vladimirovitch Poutine et des valeurs abominables qu’il défend.
Et oui, ce plat de frites et fromage en grains garni d’une sauce brune est mentionné dans des numéros de décembre 2019 et mai 2020 de notre de blogue / bulletin / machin.
Croiriez-vous que, en mars 2020, Terechkova propose un amendement constitutionnel de dernière minute qui remet l’horloge à zéro pour les mandats présidentiels, une réinitialisation qui permettrait à Poutine de se présenter aux élections présidentielles de mars 2024 et mars 2030? Si, si, ce parangon de vertu pourrait être président de la Russie jusqu’en mars 2036. Oh, joie!
Terechkova compte parmi les *nf**r*(*)s de la Gossoudarstvennaïa Douma qui appuient l’invasion criminelle / illégale / monstrueuse de l’Ukraine en février 2022.
Si votre humble serviteur peut se permettre de paraphraser, hors contexte et en traduction (!), le dramaturge / écrivain / encyclopédiste / historien / philosophe / poète français François-Marie Arouet, mieux connu sous le nom de Voltaire, dans son An Essay upon the Civil Wars of France, Extracted from Curious Manuscripts, and also upon the Epick Poetry of the European Nations from Homer down to Milton de 1727, on est étonné de la voir tomber si bas, après avoir pris un vol si haut.
Путин должен уйти. Терешкова должна уйти в отставку. Слава Украине!