« Jamais le pétrole ne tuera l’électricité, surtout si celle-ci est défendue par un Kriéger. » Louis Antoine Jules Tony Kriéger et ses automobiles électriques, dont certains des premiers véhicules hybrides de la planète Terre, partie 3
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, et bienvenue dans cette 3ème partie de notre examen de la carrière et des automobiles de l’ingénieur / homme d’affaires français Louis Antoine Jules Tony Kriéger.
L’image du kiosque de la Compagnie parisienne des voitures électriques à l’Exposition internationale de l’automobile, du cycle et des sports de décembre 1903, à Paris, France, si, celle que vous venez de voir, vous a-t-elle plu? Vermouilleux. En voici donc une autre.
Le kiosque de la Compagnie parisienne des voitures électriques à l’Exposition internationale de l’automobile, du cycle et des sports, Paris, France. Louis Antoine Jules Tony Kriéger se trouve à son entrée. A.B., « La voiture à transmission électrique Kriéger. » Le Monde sportif, 25 décembre 1903, 9.
De fait, les affaires semblent aller de mieux en mieux pour la Compagnie parisienne des voitures électriques. Comme l’affirme un numéro de décembre 1903 d’un éphémère quotidien sportif parisien, Le Monde sportif, « Kriéger est le fournisseur de la clientèle chic, riche. » Il n’y a par conséquent rien de surprenant à ce que des concessionnaires automobiles parisiens importants la contactent lors du dit salon, et ce afin de s’assurer une partie de sa production.
Il est à noter que Kriéger, ou un de ses collaborateurs, a la bonne idée d’offrir aux passionnés d’automobiles et clients potentiels la possibilité d’essayer un des véhicules hybrides à 5 places de la firme, et ce tout au long de l’événement. Le dit véhicule frôle les 75 kilomètres/heure (plus de 45 milles/heure) sur une bonne route bien droite. Il ne va évidemment pas aussi vite dans les rues, boulevards et avenues achalandé(e)s de la Ville lumière.
Une brève digression si vous me le permettez. Ce véhicule hybride consomme environ 20 litres d’essence aux 100 kilomètres (environ 14 milles/gallon impérial / 12 milles/gallon américain), un chiffre énorme si on le compare à la consommation d’un véhicule hybride actuel.
Ce même véhicule hybride, oui, celui de 1903, peut, je répète peut, être celui qui ramène à son bureau le ministre du Commerce, de l’Industrie, et des Postes et Télégraphes, Georges Trouillot, après sa visite du Salon de l’automobile, du cycle et des sports, une visite qui inclut un examen détaillé du kiosque de la Compagnie parisienne des voitures électriques. Kriéger répond évidemment lui-même à ses nombreuses questions.
Il va de soi que Trouillot visite certainement d’autres kiosques lors de sa visite.
Et oui, vous avez fort possiblement, sinon probablement raison, ami(e) lectrice ou lecteur aux yeux de lynx, le véhicule hybride à 5 places mis à la disposition des amateurs d’automobiles et clients potentiels qui visitent le Salon de l’automobile, du cycle et des sports de 1903 est identique à celui qui se trouve sur la photographie au tout début de la 1ère partie de cet article.
Et voici des photographies de deux types d’automobiles électriques produits vers cette époque par la Compagnie parisienne des voitures électriques pour sa clientèle chic, riche.
Une victoria électrique typique produite par la Compagnie parisienne des voitures électriques pour sa clientèle chic, riche. Maurice Chérié. « Les grandes marques au Salon de l’automobile. » Paris illustré, 2ème numéro de décembre 1904, 20.
Un landaulet électrique typique produit par la Compagnie parisienne des voitures électriques pour sa clientèle chic, riche. Maurice Chérié. « Les grandes marques au Salon de l’automobile. » Paris illustré, 2ème numéro de décembre 1904, 20.
Croiriez-vous que, au cours l’hiver 1903-04, Kriéger s’offre le luxe de traverser les Alpes, au volant d’un de ses véhicules hybrides? Il parcourt par la suite une partie de l’Italie à son bord. Traverser les Alpes en plein hiver, dans une automobile sans système de chauffage, il faut le faire quand même.
En mars 1904, la Compagnie parisienne des voitures électriques participe semble-t-il pour la première fois au Corso fleuri du Carnaval de Nice, à… Nice, France. La direction n’est pas sans savoir que cette parade de chars allégoriques et d’automobiles fleuri(e)s attire des foules importantes.
Le fait que les véhicules hybrides qui participent au dit défilé sont venues de Paris par la route, franchissant ainsi une distance d’environ 930 kilomètres (environ 580 milles), ne passe certes pas inaperçu.
Et oui, Kriéger lui-même compte parmi les conducteurs. De fait, il participe au Concours d’élégance qui se tient à la fin mars, en face du célèbre Casino de Monte Carlo, dans la principauté de Monaco. Là encore, le véhicule hybride qu’il conduit ne passe pas inaperçu.
Il va de soi que les véhicules hybrides de la Compagnie parisienne des voitures électriques également participent à l’Exposition internationale de l’automobile, du cycle et des sports qui se tient à Nice en avril 1904. De fait, ils sont, dit-on, de loin les plus remarqués par la clientèle chic, riche des grands hôtels niçois. Une clientèle à la fois européenne et américaine. Américaine dans le sens de continent américain, bien sûr. Une dame de Toronto, Ontario, est en effet tout aussi américaine qu’un homme de New York, New York.
Au moins un véhicule hybride participe par ailleurs à un événement se déroulant à Vienne, empire austro-hongrois, entre avril et juin 1904, je pense, la Internationale Ausstellung für Spiritus-Verwertung und Gärungsgewerbe, en d’autres mots l’exposition internationale de la valorisation des spiritueux et de la fermentation. Et oui, les moteurs à pistons des dits véhicules hybrides brûlent de l’alcool.
La Compagnie parisienne des voitures électriques ne reçoit toutefois pas la moindre médaille. Voyez-vous, Kriéger fait partie du jury qui examine les véhicules qui participent au volet automobile de cette exposition.
De fait, Kriéger ne s’intéresse pas qu’à l’alcool comme carburant pour ses véhicules hybrides. Nenni. Il examine également l’utilisation de carburants économiques tels que le gaz pauvre, un type de gaz naturel au contenu énergétique relativement peu élevé, et ce tant pour les voitures de tourisme et fiacres que pour les véhicules poids-lourds (camions et omnibus), voire même les trains légers.
L’exemplaire du camion hybride de la Compagnie parisienne des voitures électriques muni d’un projecteur électrique. J. Caël, « Le nouveau camion électrique Kriéger. » La Locomotion automobile, 5 janvier 1905, 86.
Un des camions en question est muni d’un puissant projecteur électrique capable d’illuminer un champ de bataille. Les armées de plusieurs pays européens sont, dit-on, fort intriguées par ce véhicule impliqué dans des grandes manœuvres de l’Armée de Terre qui se tiennent dans l’est de la France au cours de l’été 1904.
Quelques véhicules hybrides plus légers traînant chacun un puissant projecteur électrique participent eux-aussi, dit-on, aux grandes manœuvres de 1904.
Les affaires de la Compagnie parisienne des voitures électriques vont à ce point bien et le nombre de véhicules électriques et hybrides atteint un niveau à Paris tel qu’un garage qui leur est exclusivement destiné ouvre ses portes vers le tout début d’octobre 1904. Près de 200 véhicules électriques ou hybrides peuvent y prendre place. C’est là que les accumulateurs des premiers peuvent être rechargés pendant la nuit afin qu’ils soient prêts à transporter leurs illustres propriétaires.
Ce garage comptera environ 300 places vers la fin de 1906, dont environ 100 réservées à des voitures de location. Cet agrandissement semble être associé à l’installation de 2 monte-voitures qui partent du rez-de-chaussée pour desservir les 2 étages au-dessus.
Avant que je ne l’oublie, c’est en 1906 que la Compagnie parisienne des voitures électriques signe un contrat visant la construction d’une seconde usine en banlieue de Paris. Voyez-vous, son usine parisienne ne parvient plus à répondre à la demande.
Une brève digression si vous me permettez. Après tout, une fois n’est pas de coutume. Le patron de la firme qui livre les susmentionnés monte-voitures, Abel Pifre, fonde, au plus tard en janvier 1881, la Société centrale d’utilisation de la chaleur solaire – fort possiblement le premier producteur de moteurs, distilleurs et cuiseurs solaires au monde.
Avant que je ne l’oublie, la Société des garages Kriéger et Brasier voit le jour en décembre 1905, et ce afin de louer, maintenir et vendre des automobiles.
Le fana d’aviation que vous êtes, ami(e) lectrice ou lecteur, reconnaîtra sans doute le nom de Brasier. Pendant la Première Guerre mondiale, la Société des automobiles Brasier produit sous licence de nombreux moteurs d’avions Hispano-Suiza 8B dont la fiabilité laisse fortement à désirer. Les pilotes d’unités de chasse du Royal Flying Corps de la British Army munies de Royal Aircraft Factory SE 5 font les frais de cette carence, par exemple.
Vous ne pensiez pas que votre humble serviteur trouverait le moyen de parler d’aviation dans un texte sur les véhicules électriques et hybrides, n’est-ce pas? Surprise, surprise!
Et oui, la vermouilleuse collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, comprend un SE 5, mais revenons à la Compagnie parisienne des voitures électriques et à l’année 1904.
Une pause question si vous me le permettez. Quel est le nombre d’automobiles, et ce tant électriques que hybrides, produites en 1904 par la dite firme et ses 400 employé(e)s? Aucune idée? Voici trois nombres, choisissez le bon : 24, 240, 2 400 et 24 000.
Je vous ai offert 4 nombres et non pas 3, affirmez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Et après? Lequel choisissez-vous? 2 400? Un nombre plausible, mais inexact. Le nombre à choisir était (roulement de tambour) 240. Si, si, 240. Je ne plaisante pas.
En guise de comparaison, en 1905, l’industrie automobile française produit entre 14 000 et 20 500 véhicules.
Soit dit en passant, c’est en 1905 que cette industrie cède le premier rang à l’industrie automobile américaine.
En 1905, la Compagnie parisienne des voitures électriques produit 280 voitures de tourisme et fiacres. La moitié de cette production demeure en France, dont environ 125 véhicules vendus dans la seule ville de Paris.
Ce nombre minuscule, allié à la grande popularité de ses véhicules auprès d’une clientèle élégante, oserai-je dire féminine, qui ne peut plus supporter les véhicules hippomobiles et leur doux parfum de crottin, force la Compagnie parisienne des voitures électriques à mettre fin à son service de location entre avril et octobre 1905. Elle n’a tout simplement pas assez de véhicules sous la main pour répondre à la demande, mais je digresse.
En ce qui concerne la clientèle élégante, oserai-je dire féminine, je vous prie de jeter un coup d’œil à ce qui suit…
Le landaulet électrique de la célèbre chanteuse / comédienne / danseuse française Arlette Dorgère, née Anna Mathilde Irma Jouve, Fête des fleurs, Paris. Anon., « Le silencieux landaulet électrique Kriéger. » Les Sports modernes, mai 1905, non paginé.
Tenue annuellement au Bois de Boulogne, un vaste parc parisien fort apprécié par des gens qui sont à des années lumières du vulgum pecus, la Fête des fleurs a pour objectif de ramasser des fonds destinés à la Caisse des victimes du devoir, un organisme privé qui remet ces fonds aux victimes du devoir, quelles qu’elles soient, ou à leurs survivant(e)s.
La célèbre chanteuse / comédienne / danseuse française Arlette Dorgère, née Anna Mathilde Irma Jouve, se fait un devoir de participer à la Fête des fleurs autant que se peut. En 1906 par exemple, la victoria électrique fabriquée par la Compagnie parisienne des voitures électriques où elle prend place croule littéralement sous les fleurs. De fait, ce véhicule remporte le grand prix d’honneur.
Votre humble doit cependant avouer aimer davantage le véhicule électrique dans laquelle Dorgère prend place lors de la Fête des fleurs de 1905. Oui, celui dans la photographie ci-dessus. Enfin, passons.
Soit dit en passant, les automobiles électriques sont les seules voitures sans chevaux qui peuvent défiler parmi les véhicules hippomobiles lors de la Fête des fleurs, et ce pour des raisons évidentes (faibles niveaux sonore et olfactif).
Avec votre permission, ou sans elle si besoin est, votre humble serviteur aimerait mentionner deux autres élégantes utilisatrices d’une automobile électrique de la Compagnie parisienne des voitures électriques : la célèbre comédienne / courtisane / danseuse français Émilienne d’Alençon, née Émilienne Marie André, et la tout aussi célèbre actrice Réjane / Gabrielle Réjane, née Gabrielle Charlotte Réju.
Un propriétaire masculin mérite par ailleurs d’être mentionné ici en raison de sa contribution au développement de l’aéronautique au début du 20ème siècle. L’industriel / philanthrope français Joseph Marie Pierre Lebaudy collabore en effet avec son frère ainé, l’industriel / homme politique français Marie Paul Jules Lebaudy, pour fabriquer entre 1902 et 1915 une série de dirigeables semi-rigides utilisés pour la plupart par l’Armée de Terre.
Une autre brève digression si vous me le permettez. La popularité de la technologie développée par Kriéger ne se limite pas à la seule France. Nenni. Une firme anglaise, Electromobile Company Limited, autrefois connue sous le nom de British & Foreign Electrical Vehicle Company Limited, si, si, celle-là même qui est mentionnée dans la 2ème partie de cet article, acquiert les droits de production britanniques de la dite technologie à une date indéterminée.
Et non, votre humble serviteur ne sait pas si Electromobile fabrique des véhicules faisant appel à la technologie de Kriéger. Désolé.
En 1906, la firme allemande Hansa-Automobil Gesellschaft mit beschränkter Haftung acquiert les droits de production de la technologie conçue par Kriéger. Plus de 100 fiacres électriques ne vont pas tarder à circuler à Berlin, empire allemand, et dans d’autres villes de ce pays. Hansa-Automobil livre par ailleurs environ 75 véhicules à une firme de fiacres d’Amsterdam, Pays-Bas, Amsterdamsche Taxameter Automobiel Maatschappij Naamloze Vennootschap, et ce entre 1910 et 1912. Toujours en 1910, la direction des bureaux berlinois de la Reichpost fait l’acquisition de 25 fourgons postaux électriques ou hybrides.
Il est à noter que, en 1908, une firme allemande, Norddeutsche Automobil und Motoren Actiengesellschaft (NAMAG) acquiert les droits de production de la technologie de Kriéger détenus jusque-là par Allgemeine Betriebs-Gesellschaft für Motorfahrzeuge, une firme allemande mentionnée dans la 1ère partie de cet article.
Comme son nom l’indique, NAMAG est associée à l’importante compagnie maritime allemande Norddeutscher Lloyd Actiengesellschaft. La Compagnie parisienne des voitures électriques et un consortium de banques allemandes participent à sa création.
Mentionnons par ailleurs que la Compagnie parisienne des voitures électriques fonde une filiale en Italie en 1905, la Società Italiana Automobili Kriéger, qui devient la Società Torinese Automobili Elettrici en 1907, suite à la fin de son association avec la firme française.
Deux autres filiales, je pense, Krieger Electric Carriage Company Limited et Krieger Electric Carriage Syndicate Limited, voient le jour en Angleterre au plus tard en 1903 et 1904. Votre humble serviteur doit avouer ne pas très comprendre en quoi ces firmes sont différentes. De fait, j’ai l’impression qu’elles ne fabriquent aucun véhicule, se confinant à vendre, opérer, entreposer et / ou charger des véhicules produits en France. Fin de la digression.
Il va de soi que la Compagnie parisienne des voitures électriques participe au Concours de véhicules industriels (Transport en commun – Transport de marchandises) et de fourgons militaires organisé par l’Automobile-Club de France qui se tient en juillet et août 1905.
La firme y envoie un omnibus à 2 étages et un camion hybrides, ce dernier transportant un puissant projecteur électrique. Ces deux véhicules impressionnent par leur fiabilité dans leurs catégories respectives, soit véhicules de transport en commun – au moins 30 places, destinés à la Compagnie générale des Omnibus de Paris, et véhicules de transport de marchandises – charge utile de plus de 2 000 kilogrammes (plus de 4 400 livres).
Il faut toutefois noter que la position des moteurs et l’étanchéité rudimentaire de tout le système de propulsion rendent apparemment l’omnibus en question particulièrement vulnérable en cas de pluie, ce qui n’est pas idéal vous en conviendrez.
Pour répondre à la question qui se condense peu à peu dans votre petite caboche, il ne semble pas y avoir de classement avec gagnants, ce qui est un tantinet curieux.
Louis Antoine Jules Tony Kriéger au volant du coupé électrique à 4 places avec lequel il effectue le parcours Deauville-Paris sans recharge, Deauville, France. Anon., « Le raid Kriéger. » L’Auto, 2 septembre 1905, 1.
Un coupé électrique à 4 places identique à celui à bord duquel avec lequel Louis Antoine Jules Tony Kriéger effectue l’aller-retour Paris-Deauville. Argus, « Le raid électrique Kriéger. » Le Monde illustré, 9 septembre 1905, 586.
Remarquez, Kriéger connaît tout autant de succès fin août et début septembre lorsqu’il effectue à bord d’un coupé électrique à 4 places un aller-retour entre Paris et Deauville, France, une station balnéaire très populaire de Normandie, une distance totale parcourue d’environ 400 kilomètres (environ 250 milles). Il bat facilement le temps réalisé environ 2 semaines plus tôt entre Paris et la station balnéaire voisine de Trouville-sur-Mer, France, par le patron de la Société anonyme des voitures électriques A. Védrine, un certain… A. Védrine.
Croiriez-vous que Kriéger et le conducteur du landau électrique qui l’accompagne pendant tout le trajet s’offrent le luxe de mettre le pied au plancher une fois arrivés à Deauville? Ils parviennent l’un at l’autre à frôler les 60 kilomètres/heure (environ 38 milles/heure) sur une courte distance. De fait, Kriéger avait frôlé 71 kilomètres/heure (près de 44 milles/heure) en cours de route. Wah!
Tout comme son rival, Kriéger s’offre le luxe de faire le voyage de retour sans recharger les accumulateurs de son véhicule. Il parvient ainsi à maintenir une vitesse moyenne d’environ 40 kilomètres/heure (environ 25 milles/heure). Cette performance, qui dépasse largement celle de Védrine (environ 31 kilomètres/heure (environ 19 milles/heure)), démontre que le tourisme automobile en automobile électrique n’est plus un mythe.
Ceci étant dit (tapé?), le fait est que les véhicules de la Compagnie parisienne des voitures électriques utilisés lors du voyage vers Deauville sont munis d’accumulateurs haute performance afin de pouvoir effectuer le trajet aussi rapidement que possible. Ce détail ne semble toutefois pas être rendu public.
Et non, ami(e) lectrice ou lecteur fana d’aviation, le Védrine en question n’est pas apparenté à Charles Toussaint Védrines, mieux connu sous le nom de Jules Védrines, avec un S, le dit Védrines ayant été mentionné dans des numéros de mars 2022 de notre aérien blogue / bulletin / machin.
Le kiosque de la Compagnie parisienne des voitures électriques au Salon de l’automobile, du cycle et des sports de décembre 1905, Paris, France. Anon., « Le 8me Salon de l’automobile. » Le Sport universel illustré, 24 décembre 1905, 831.
Est-il nécessaire de noter que le kiosque de la Compagnie parisienne des voitures électriques retient l’attention de bien des gens qui visitent le Salon de l’automobile, du cycle et des sports qui se tient à Paris en décembre 1905, y compris celle du président français, Émile François Loubet, et du ministre de l’Agriculture, Joseph Ruau? C’est bien ce que je pensais.
Et oui, le coupé électrique à 4 places à bord duquel Kriéger a effectué son aller-retour entre Paris et Deauville occupe une place de choix dans le dit kiosque. Un omnibus hybride effectue par ailleurs la navette entre le Grand Palais des beaux-arts et des arts décoratifs, qui abrite le salon, et la Bourse de Paris.
Ce véhicule compte parmi les 7 omnibus fournis par divers constructeurs que la puissante Compagnie générale des Omnibus utilise pour fins d’essais comparatifs pendant toute la durée du salon. Et voici celui que fournit la Compagnie parisienne des voitures électriques.
L’omnibus hybride que la Compagnie parisienne des voitures électriques fournit à la Compagnie générale des Omnibus lors du Salon de l’automobile, du cycle et des sports qui se tient à Paris, France, en décembre 1905. Anon., « Traction – Omnibus pétroléo-électrique de la Compagnie générale des Omnibus de Paris. » La Revue électrique, février 1906, 82.
Soit dit en passant, la Compagnie générale des Omnibus acquiert l’omnibus hybride Kriéger en question en janvier 1906. Votre humble ne sait malheureusement pas si elle en commande d’autres.
Croiriez-vous que le susmentionné camion hybride muni d’un puissant projecteur électrique éclaire les abords du Grand Palais des beaux-arts et des arts décoratifs pendant toute la durée du salon? Comme coup publicitaire, on peut difficilement faire mieux.
Remarquez, le fait que le roi du Portugal, Carlos I, né Carlos Fernando Luís Maria Vítor Miguel Rafael Gabriel Gonzaga Xavier Francisco de Assis José Simão de la maison Bragança Sabóia Bourbon e Saxe-Coburgo-Gotha, utilise un véhicule de la Compagnie parisienne des voitures électriques pour se rendre à une exposition de véhicules industriels et canots automobiles à Paris ne passe pas exactement inaperçu.
Ceci étant dit (tapé?), Kriéger réalise fort bien que l’automobile à essence fait de plus en plus d’adeptes. De fait, ces véhicules sont, et de beaucoup, les plus nombreux à Paris.
Bien que ses véhicules électriques ou hybrides soient ceux qu’on rencontre le plus souvent sur les boulevards et avenues de la capitale française, Kriéger réalise tout aussi bien que d’autres firmes françaises fabriquent d’excellents véhicules électriques. Ne l’oublions pas, c’est la Société anonyme des voitures électriques A. Védrine qui remporte le Concours de voitures de ville de 1905. La Compagnie parisienne des voitures électriques arrive en fait en 3ème place dans cette compétition de fiacres.
Face à ces états de chose, Kriéger continue de faire preuve d’imagination. Croiriez-vous que, en février 1906, celui-ci dépose ou obtient, je ne saurais dire, un brevet d’invention pour un véhicule hybride dont le moteur, celui qui actionne une dynamo qui alimente les 2 moteurs électriques qui font tourner les roues motrices du dit véhicule, est une turbine à gaz. Si, si, une turbine à gaz. Je ne plaisante pas.
Et non, ce brevet d’invention ne donne pas lieu à la fabrication d’un prototype.
L’histoire de la turbine à gaz remonte en fait plus loin dans le temps qu’on peut l’imaginer.
C’est en effet vers 1791 (!) que John Barber, un gestionnaire de mine de charbon / inventeur anglais, dépose un brevet pour une voiture sans chevaux qui comprend les éléments de base d’une turbine à gaz. Ce véhicule n’est jamais construit et n’aurait pas pu l’être, étant donné la technologie de l’époque.
La conception de ce qui peut être décrit comme la première vraie turbine à gaz se trouve dans un brevet que l’auteur / inventeur / photographe / sténographe allemand Karl Heinrich Franz Stolze obtient en 1872. Même si un prototype de ce moteur est terminé, il s’avère incapable de fonctionner par sa propre puissance. La première turbine à gaz à avoir atteint cet objectif est le fruit de l’esprit créatif de l’ingénieur / inventeur norvégien Jens William Ægidius Elling. Ce prototype est complété en 1903.
La mise au point de turbines à gaz relativement puissante et fiable demande encore un certain temps. Le premier aéronef mu par une turbine à gaz, le Heinkel He 178, vole en août 1939, en Allemagne. La première locomotive mue par une turbine à gaz, la Schweizerische Lokomotiv- und Maschinenfabrik / Brown, Boveri & Compagnie Am 4/6 1101, effectue son premier voyage en septembre 1941, en Suisse. La première automobile mue par une turbine à gaz, la Rover JET1, roule pour la première fois en mars 1950, en Angleterre, mais je digresse.
Et c’est sur cette digression de nature technologique que prend fin la 3ème partie de cet article. À plus.