Miracle des miracles, regardez ce que l’avion a ramené : La Sankt-Peterburgskaya aviatsionnaya nedelya
Bonjour à vous, ami(e) lectrice ou lecteur, et… Qu’est-ce qu’il y a? Vous n’avez aucune idée de ce que signifie l’expression Sankt-Peterburgskaya aviatsionnaya nedelya, n’est-ce pas? Soupir. Elle signifiait, signifie et signifiera toujours Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg.
Recommençons. Bonjour à vous, ami(e) lectrice ou lecteur, et bienvenue dans le monde merveilleux de l’aviation et de l’espace, et dans le tout à fait non merveilleux Empire russe, la prison des peuples. L’année est 1910.
Conscient de la popularité toujours croissante de l’aviation en Europe occidentale et en Amérique du Nord, un certain nombre de riches / influents Russes concluent qu’il est grand temps que Saint-Pétersbourg, la capitale de l’empire et un centre administratif / commercial / culturel / industriel, offre à ses résident(e)s la chance de voir des pilotes et des aéroplanes en action. Bien qu’il semble qu’un comité de l’aviation organise vraiment le meeting aérien, le premier à se tenir dans l’Empire russe, la Vserossiykim Avtomobil’nym Obshchestvom, ou la société automobile russe, est certainement impliquée. Il suffit de mentionner le travail acharné de son vice-président, un homme d’affaires aisé qui joue un rôle important dans l’introduction de l’automobile dans l’Empire russe, Pavel Pavlovitch Beckel.
Le site choisi est un hippodrome, à Kolomiaggi, à environ 50 kilomètres (environ 30 miles) du centre-ville de Saint-Pétersbourg.
Vous serez peut-être intéressé(e) d’entendre (lire?) que la compétition aérienne a lieu sous le patronage du Imperatorskiy Vserrossiiskiy Aeroklub, en d’autres termes l’aéroclub impérial panrusse et, peut-être, d’un quotidien sportif parisien bien connu. En effet, une des sommités de L’Auto, Georges Louis « Géo » Lefèvre, est l’un des 3 stewards de la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg.
Soit dit en passant, Lefèvre est le gentilhomme à l’origine de l’idée du Tour de France, sans doute la course cycliste la plus prestigieuse et la plus difficile du monde – et une en proie à des problèmes de dopage depuis le premier jour. Désolé.
La Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg doit se tenir du 25 avril au 2 mai 1910, en ce qui concerne les habitant(e)s de l’Empire russe. Dans la majeure partie du monde, la dite semaine de l’aviation doit se tenir du 8 au 15 mai, et…
Quel est ce bruit très fort que j’entends? Votre hamster qui tombe de sa roue?! Gardez-vous un Josephoartigasia ou quelque chose? Et… Soupir. Le Josephoartigasia est un rongeur de 900 kilogrammes (2 000 livres) d’Amérique du Sud qui disparaît il y a quelques millions d’années. Vous devriez lire plus d’histoire de type nature, ami(e) lectrice ou lecteur.
La différence de dates mentionnée il y a quelques instants est due au fait que l’Empire russe et quelques autres endroits utilisent toujours le calendrier julien en 1910, alors que la plupart du monde utilise calendrier grégorien. Et ici réside une histoire.
En 45 avant l’ère actuelle, un homme d’état / historien /général / auteur romain du nom de Gaius Iulius Caesar impose un nouveau calendrier à ses ami(e)s, Romain(e)s et compatriotes. Oui, Iulius. Il n’y a pas de J dans l’ancien alphabet romain. Soit on est vraiment pédant, soit on ne l’est pas.
Le dit calendrier julien comprend introduit une année de 12 mois de 365 jours avec un jour supplémentaire mis en place tous les 4 ans. Cette décision unilatérale, on pourrait presque dire curatorielle, désolé, met fin à une période assez chaotique de l’histoire de la République romaine.
Vous voyez, ami(e) lectrice ou lecteur, le calendrier utilisé jusque-là est composé de 12 mois et 355 jours. Un 13ème mois, Mercedonius, peut être inséré entre Februarius et Martius. En autant que votre humble serviteur le sache, 5 de ces 27 jours sont extraits de Februarius, ce qui signifie que l’année intercalaire compte 377 jours, à moins, bien sûr, qu’elle n’en compte 378. Le nombre de jours dépend du moment où les 22 jours supplémentaires (27 - 5 = 22. Doh.) de Mercedonius sont insérés, c’est-à-dire après le 22ème ou le 23ème jour de Februarius. Une quelconque année intercalaire peut cependant être omise, afin de rapprocher l’année civile de ce qui se passe réellement dans l’espace, frontière de l’infini. Et ... vous ai-je perdu, ami(e) lectrice ou lecteur? N’hésitez pas à relire le paragraphe. Je peux attendre.
Alors, tout allait bien dans la république? Et bien pas vraiment. Vous voyez, les grands prêtres qui fixent le calendrier sont souvent des politiciens. Certains / beaucoup (la plupart?) d’entre eux sont tout à fait disposés à inclure ou pas un quelconque Mercedonius pour aider leurs alliés ou ennuyer leurs ennemis, toutes ces personnes ayant des mandats basés sur l’année civile. Et après, vous pourriez dire? Quels dommages peuvent suivre de l’ajout de 1 mois ou 2? Quels dégâts, demandez-vous? Mon monstre spaghetti volant! Avec sauce au pesto. Désolé.
Croiriez-vous que l’année 46 avant l’ère actuelle, également connue comme la dernière année de confusion, a 15 mois et quelque chose comme 445 jours? Et bien, vous devriez. C’est le prix que la république romaine doit payer pour nettoyer le gâchis et réaligner son calendrier avec les saisons. Quels dommages peuvent suivre de l’ajout de 1 mois ou 2? Doux Jésus...
Remarquez, il faut quelques années pour que le calendrier julien prenne tout son sens, mais tout le monde est voient à admettre que ce bon vieux Julius, désolé, Iulius, a fait du bon boulot. Comme nous le savons toutes et tous, les autorités romaines renomment son mois de naissance, c’est-à-dire Quintilis, en Iulius en 44 avant l’ère actuelle, peu de temps avant qu’il ne soit assassiné.
Le problème, bien sûr, est que l’ajout d’un jour tous les 4 ans ne résout pas entièrement le problème causé par le fait que la Terre ne fait pas le tour du Soleil en 365.25 jours précisément. Au 16ème siècle, le calendrier julien a 10 jours de retard. Le lien entre la date de Pâques et l’équinoxe de printemps, vers le 21 mars, signifie que ce jour saint tombe de plus en plus tôt dans l’année. Chercher des œufs de Pâques dans la neige jusqu’aux aisselles n’est pas amusant. Même les loups se plaignent. Désolé.
Désireux de résoudre le problème, le pape Gregorius XIII impose un nouveau calendrier. Avec un coup de plume papale, le 4 octobre 1582 fut suivi du 15 octobre 1582. Tout le monde n’est pas ravi. Il y a beaucoup d’indignation, par exemple, lorsque certaines personnes percevant des loyers, dettes, etc. se présentent aux portes d’autres personnes à la fin du mois, demandant le paiement intégral. Le capitalisme n’est-il pas merveilleux? Pourquoi pensez-vous que les barons voleurs ont reçu ce surnom?
Les pays où les églises protestantes et orthodoxes sont au sommet de la chaîne alimentaire refusent initialement d’adopter le calendrier grégorien, ce qui cause quelques problèmes. L’expression fuseau horaire, par exemple, prend un tout nouveau sens.
Le Royaume-Uni ne change de vitesse qu’en septembre 1752, ce qui signifie que 12 jours sont rayés. La République soviétique russe fait le saut en février 1918 et perd 13 jours dans le processus.
Parlant personnellement, votre humble serviteur aurait peut-être attendu un peu plus longtemps, jusqu’en février 2100, pour que le changement soit de 2 semaines complètes, et ... Pourquoi me regardez-vous comme ça et pourquoi parlez-vous d’une voix aussi basse au téléphone?
Et revenons à notre histoire. En tout et pour tout 6 pilotes participent à la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg :
- Josef Henri Charles Christiaens, ingénieur, pilote de course automobile et pilote d’aéroplane belge qui pilote un biplan Henry Farman;
- Élisa Léontine Deroche, une actrice, pilote de course automobile et pilote d’aéroplane française connue sous le nom de baronne Raymonde de Laroche qui pilote un biplan Voisin;
- Léon Florentin Morane, pilote de course automobile et pilote d’aéroplane français qui pilote un monoplan Blériot;
- Edmond Morelle, pharmacien / médecin, pilote de course automobile et pilote d’aéroplane français dit Edmond qui pilote un biplan Henry Farman;
- Nikolaï Evgrafovitch Popov, un agronome et pilote d’aéroplane russe qui pilote un biplan Astra-Wright de fabrication française; et
- Eugen Hubert Walter Wiencziers, ingénieur (?), pilote de course moto et pilote d’aéroplane austro-hongrois qui pilote un monoplan Antoinette.
Un individu mesquin pourrait dire qu’il y a plus de prix offerts pendant la semaine d’aviation de Saint-Pétersbourg que de pilotes essayant de les gagner.
Votre humble serviteur croit que le susmentionné comité de l’aviation contacte pas mal d’aviateurs, étrangers dans la plupart des cas compte tenu de l’état arriéré de l’aviation dans l’Empire russe, mais que bon nombre des plus célèbres refusent poliment l’offre, possiblement parce qu’ils participent à au moins 1 des 7 (!) meetings aériens tenus dans 4 pays (Empire allemand, Espagne, France et Italie) entre les 1er et 22 mai 1910. Pour dire vrai, les 6 aviateurs qui participent à la semaine d’aviation de Saint-Pétersbourg ne sont pas particulièrement expérimentés.
Un train spécial transporte les aéroplanes des aviatrice et aviateurs non russes jusqu’à Saint-Pétersbourg. Et oui, tous les aéroplanes présents à la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg sont de fabrication française et 5 des 6 sont également de conception française.
Avant que votre humble serviteur ne l’oublie, le monoplan Blériot amené à Saint-Pétersbourg est un Type XI, un fameux type d’aéroplane mentionné à quelques reprises dans notre vous savez quoi depuis octobre 2018. Croiriez-vous que la renversante collection du Musée de l’aviation et de l’espace à Ottawa, Ontario, comprend un Type XI? Cet aéroplane est construit, à partir de plans ou composants, par California Aero Manufacturing and Supply Company, en 1911, pour un certain John W. Hamilton. C’est un des premiers aéroplanes ayant volé dans le grand état de la Californie.
Aurais-je raison de supposer que vous, ami(e) lectrice ou lecteur, savez que Deroche / de Laroche est la première femme à obtenir une licence de pilote? C’est bien. Et quand obtient-elle ce précieux document? En mars 1910, dites-vous? Très bien. Allez vous acheter une étoile dorée.
Cela étant dit (tapé?), Deroche / de Laroche n’est pas la première Homo sapiens à piloter un aéroplane motorisée toute seule. Cet honneur appartient à une autre Française, Thérèse Peltier, née Marie Thérèse Juliette Cochet. Cette sculpteuse respectée fait son vol dans les livres d’histoire, rarement lus on dirait bien, en septembre 1908. Elle est également la première Homo sapiens à voler dans un aéroplane motorisé. Son pilote à cette occasion propice est un ami d’enfance, sculpteur et pionnier de l’aviation du nom de Ferdinand Marie Léon Delagrange. Le vol a eu lieu à Torino, Italia.
Avez-vous plusieurs minutes pour revenir sur ce qui se pesse pendant la Semaine de l’aviation à Saint-Pétersbourg? Vermouilleux. Mettre ce vingt dans votre tasse de café s’est avéré très utile.
Le premier jour de, euh, la semaine de l’aviation il y a du vent et de la pluie. Quelques grands-ducs, il y en a après tout 17 adultes parmi lesquels choisir, assistent aux cérémonies d’ouverture. Votre humble serviteur ne peut cependant pas dire si le grand-duc Aleksandr Mikhaïlovitch Romanov, président d’honneur du susmentionné Imperatorskiy Vserrossiiskiy Aeroklub et beau-frère du tsar Nikolaï II, né Nikolaï Aleksandrovitch Romanov, est présent.
Peu de temps après qu’un prêtre de la Rússkaya Pravoslávnaya Tsérkov ait béni les aéroplanes, Christiaens prend son envol. Lui, Morelle / Edmond et Morane volent apparemment 2 fois ce jour-là.
Si la bénédiction vous semble étrange, ami(e) lectrice ou lecteur, veuillez noter que des prêtres catholiques romains bénissent d’innombrables véhicules au Québec aux 19ème et 20ème siècles. L’église catholique, apostolique et romaine, cependant, n’est pas une créature du gouvernement, ce qui est à peu près le statut de Rússkaya Pravoslávnaya Tsérkov.
Lors de son second vol, à la surprise de tout le monde, Morelle / Edmond entame un vol en pleine campagne. Alors que les heures passent, les organisateurs de la semaine de l’aviation commencent à craindre qu’il ne se soit écrasé quelque part. Votre humble serviteur ne sait pas s’ils savent que, après avoir effectué un atterrissage d’urgence dans un champ lorsqu’un câble de commande se casse dans les airs, l’aviateur français, qui ne peut pas commander un verre de vodka en russe si sa vie en dépend, réussit néanmoins à faire courir une paire de Russes jusqu’au site du meeting aérien pour aller chercher ses mécaniciens.
Les dits mécaniciens se précipitent sur les lieux, examinent l’aéroplane et suggèrent au patron que l’aéroplane soit partiellement démonté et remorqué jusqu’au site du meeting aérien. Morelle / Edmond refuse. Il a dit à son équipe de réparer l’aéroplane afin qu’il puisse retourner au site du dit meeting aérien. L’équipe pense probablement que c’est une mauvaise idée, mais c’est lui le patron. Ils commencent vraisemblablement leur voyage de retour vers le site du meeting aérien peu après le décollage de Morelle / Edmond, qui manque de peu quelques bosses, fossés et nids de poule.
Nikolaï Evgrafovitch Popov avec un de ses biplans Astra-Wright, Saint-Pétersbourg, Empire russe, printemps 1910. Tsentral’nyy gosudarstvennyy arkhiv kinofonofotodokumentov Sankt-Peterburga.
En fin d’après-midi, après des heures passées à essayer de faire fonctionner le CENSURÉ moteur de son biplan, Popov réussit à décoller – tout juste avant ou après la fin de la période de vol officielle. La fanfare sur place commence immédiatement à jouer Bozhe, Tsarya khrani! (Dieu sauve le tsar!), l’hymne national de l’Empire russe, alors que la foule, qui est restée assise pour voir le garçon du coin voler, applaudit comme des dingues.
Pendant que cela se produit, Morelle / Edmond apparaît sur le terrain et atterrit. Les organisateurs de la semaine de l’aviation ne sont pas amusés. Des atterrissages loin du site de la rencontre aérienne et, peut-être, des vols en pleine campagne impromptus étant verboten, ils infligent une amende à Morelle / Edmond et retire ses vols de la journée du décompte des compétitions.
Avant que je ne l’oublie, le chef de l’équipe au sol de Popov peut, je répète, peut être un photographe américain de renom fasciné par l’aviation. En août 1909, Popov et Chester Marvin Vaniman ont participé à une tentative d’atteindre le Pôle Nord organisée par le journaliste et explorateur américain Walter E. Wellman. Le dirigeable de fabrication française America doit être remorqué jusqu’à sa base dans l’archipel norvégien de Svalbard, dans l’Arctique, quelques heures seulement après le décollage.
Avant que je ne l’oublie, veuillez noter que la longitude nordique de Saint-Pétersbourg signifie que les jours de mai sont assez longs et les nuits assez courtes. Les aviateurs peuvent donc voler en toute sécurité jusqu’à 21 heures.
Croiriez-vous que Saint-Pétersbourg est aussi au nord que la frontière qui sépare le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba? Je ne plaisante pas.
Le second jour de la semaine de l’aviation, il y a encore pas mal de vent. Morane décolle mais décide de redescendre presque immédiatement. Peu après, alors qu’il roule, Wiencziers entre en collision avec l’aéroplane de Morelle / Edmond, endommageant (sérieusement?) les e machines. Bien que ni l’un ni l’autre des hommes n’est blessé, cet incident les maintient fermement au sol pendant quelques jours. Couronnant le tout, l’aéroplane de Popov se comporte mal en tentant de décoller. Le train d’atterrissage est endommagé, tout comme au moins une aile. Christiaens et Morane sont plus chanceux et effectuent des vols courts plus tard dans la journée.
Le troisième jour de la semaine de l’aviation, la fortune sourit aux aviateurs et le vent trouve quelqu’un d’autre à ennuyer. Alors que le ciel se dégage, les spectatrices et spectateurs voient finalement quelque chose qui vaut vraiment la peine d’être vu. Dans l’ensemble, Popov, Morane et Christiaens demeurent chacun en l’air pendant plus d’une heure. Ce dernier survole Kronstadt, la base principale de la Voenno-Morskoi Flot Russiiskoi Imperii ou, comme vous l’avez deviné, la marine impériale russe, en mer Baltique. Cette excursion soulève probablement quelques sourcils étant donné que l’aviateur belge ne demande probablement pas la permission avant de décoller. Il convient de noter que Popov subit une panne de moteur en plein vol qui conduit à un atterrissage d’urgence. Il a de la chance de se tirer indemne de cet écrasement contrôlé.
Après la fin des activités de la journée, Christiaens donne à quelques personnes la chance de voler dans un aéroplane. Une de ces individues chanceuses peut, je répète peut, être Tamara Platonovna Karsavina, une ballerine étoile des Imperatorskiy Russkiy Balet.
Le quatrième jour de la semaine d’aviation, une belle journée, Christiaens, Morane and Popov effectuent quelques vols. Après un certain temps passé à essayer de comprendre ce qui ne va pas avec son moteur, Popov décolle pour ce qui va s’avérer être le plus long vol réalisé pendant la semaine d’aviation de Saint-Pétersbourg. Il se pose après plus de 2 heures de vol, après le coucher du soleil, lorsque son moteur lâche.
Même s’il félicite Popov après un vol particulièrement long, ce jour-là peut-être, le ministre de la Guerre russe, le général Vladimir Aleksandrovitch Soukhomlinov, ne semble pas penser que les aéroplanes sont, ou seraient, très utiles à la Rússkaya Imperátorskaya Ármiya. Cet officier de cavalerie ne pense pas qu’ils remplaceraient / pourraient remplacer la cavalerie dans son rôle de reconnaissance. En effet, pour Sukhomlinov, les aéroplanes ne sont guère plus que des « jouets Blériot. »
Votre humble serviteur oserait-il déclarer que Soukhomlinov est un personnage controversé décrit comme étant autocratique, charmant, corrompu, incompétent, intelligent, malhonnête et rusé?
Les problèmes mécaniques de Popov agacent un nombre de personnes tel qu’une campagne de souscription est vite lancée afin de fournit des aéroplanes fiables aux aviateurs russes.
Le cinquième jour de la semaine de l’aviation, le vent souffle fort et Popov est renversé par une rafale. Il n’est pas blessé mais son aéroplane est presque détruit. La réputation de Popov grandit parmi les spectatrices et spectateurs; il a plus de cran que n’importe quel des pilotes étrangers, qui choisissent de ne pas voler. L’annonce du pilote russe selon laquelle il dispose d’un second biplan Astra-Wright qui peut être prêt à voler en quelques heures provoque un tollé parmi les aviateurs étrangers. Ils exigent que tous les vols effectués par Popov avant le premier vol de son second aéroplane soient radiés des totaux de la semaine de l’aviation. Plusieurs personnes deviennent plutôt chaudes sous le collier et les aviateurs étrangers déclarent qu’ils resteraient au sol si leur exigence est rejetée.
Couronnant peut-être le tout, la course prévue entre le site de la semaine de l’aviation et la base navale de Kronstadt est annulée par les autorités. Cinq des 6 aviateurs s’étaient déjà inscrits pour y participer.
Le sixième jour de la semaine de l’aviation, le vent continue de souffler fort, ce qui signifie que, protestation ou non, personne ne peut voler. Comme on peut s’y attendre, le comportement des aviateurs étrangers est fortement dénoncé dans les journaux de Saint-Pétersbourg. Confrontés à une grève des pilotes et à des opinions contradictoires, les organisateurs de la semaine de l’aviation envoient un télégramme urgent à un organisme sportif international à Paris, peut-être et je veux dire peut-être, la Fédération aéronautique internationale – l’organisation mondiale responsable de l’enregistrement de tous les types de records liés à l’aviation mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis janvier 2018.
Le septième jour de la semaine de l’aviation, les aviateurs doivent faire face à plusieurs malheurs. Dans le premier cas, une réponse vient de Paris indiquant que les vols de Popov utilisant son premier aéroplane seraient admissibles si le contrat préparé par les organisateurs de la semaine de l’aviation le mentionnait lui, et non pas un aéroplane spécifique, et s’il y a des raisons impérieuses. Bien que plutôt fâchés, les pilotes étrangers doivent reculer et voler. Ces vols ne se déroulent toutefois pas comme prévus.
Poussé vers les gradins par une rafale de vent, immédiatement après le décollage, Popov doit faire un virage rapide. Il s’écrase et heurte une clôture. Il casse les ailes gauches et quelques gouvernes (gouvernails de direction? de profondeur?) de son second biplan Astra-Wright, pour lequel c’est son premier (et dernier?) vol. Son moteur s’étant arrêté en plein vol, après un très beau mais assez court vol, Wiencziers doit faire un virage rapide devant les gradins pour ne pas tomber sur des spectatrices et spectateurs – assez important(e)s à première vue. Le train d’atterrissage de son monoplan est brisé lors de l’écrasement qui suit.
Edmond vole apparemment 2 fois, à chaque fois avec une passagère, la princesse Sofia Aleksandrovna Dolgoruka, l’épouse d’un officier de cavalerie bien connecté, le général de division comte Nikolaï Pavlovitch Fersen et Deroche / de Laroche. Il endommage son train atterrissage lors de son second vol de la journée.
Morane est également renversée par une rafale de vent et / ou un moteur défectueux. Il s’écrase, endommageant à la fois sa machine et celle de Christiaens. Pis encore, le monoplan de Morane heurte quelques spectateurs et / ou arbitres qui regardent le biplan Henry Farman de Christiaens. L’un d’eux, un fonctionnaire bien connu du gouvernement qui écrit (sur des questions d’aviation?) pour le quotidien très populaire et servilement pro-gouvernemental Novoye Vremya, Vasily Silovich Krivenko, est gravement meurtri et souffre peut-être d’une commotion cérébrale. Le général de division Alexandr Matveevitch Kovanko, un officier impliqué dans les ballons depuis les années 1880 qui s’intéresse à l’aviation depuis un certain temps, serait mort de ses blessures, ce qui s’avère faux. Il faut se demander si les magazines d’aviation européens qui ont noté son décès sont revenus sur leurs histoires.
Blâmant Morane pour ce gâchis, les organisateurs du meeting aérien confisquent son aéroplane ainsi que l’argent de ses prix. L’aviateur français est sommé de se mettre à la disposition des autorités locales aussi longtemps que nécessaire. Il n’est pas clair si Morane est condamné à une amende.
Deroche / de Laroche effectue un vol, son premier à Saint-Pétersbourg, qui ne dure que 3 minutes environ. Son biplan Voisin est endommagé à l’atterrissage, un gouvernail de profondeur ou stabilisateur horizontal cassé semble-t-il. Les vêtements de fantaisie de la « baronne » et, dit-on, son amour du champagne, siroté, dit-on, au terrain d’aviation en compagnie d’officiers russes, ne passent pas inaperçus. Ce vol par trop bref ne contribue pas à sa réputation permi certains cercles de Saint-Pétersbourg. Ce comportement, s'il est exact, est assez surprenant. Deroche / de Laroche est une aviatrice douée.
Lorsque ce jour prend fin, les oecianisateurs du meeting aérien peuvent remercier leur bonne étoile que personne n’a été tué ou gravement blessé.
Le huitième et dernier jour de la semaine de l’aviation, il pleut à boire debout. C’est également venteux. En conséquence, personne ne vole mais Morelle / Edmond et Christiaens essaient vraiment. Quoiqu’il en soit, toutes les compétitions sont annulées et les spectatrices et spectateurs qui, dans de nombreux cas, ont patiemment attendu pendant des heures, demandent un remboursement. Ils obtiennent leur souhait.
Au final, 3 des aviateurs présents à la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg s’en sortent plutôt bien. Christiaens, Morane et Popov effectuent plusieurs vols et chacun d’entre eux demeurent en l’air entre 3 heures 20 minutes et 5 heures. En comparaison, le temps en l’air total de Deroche / de Laroche, Morelle / Edmond et Wiencziers est, selon les sources, de 40 ou 20 minutes. De fait, il est suggéré que Deroche / de Laroche est condamnée à une amende parce qu’elle n’accomplit pas grand-chose à Saint-Pétersbourg. Encore une fois, ceci est assez surprenant. L'auteur de ces lignes ne peut pas expliquer pourquoi elle vole si peu.
Dans l’ensemble, on peut dire que Christiaens fait le mieux avec les premières places dans 3 compétitions (distance en circuit fermé, durée de vol avec un passager et vitesse). La presse belge chante certainement ses louanges.
S’il est vrai que les chiffres de participation à un événement doivent être pris un grain, ou rocher dans certains cas, de sel, il est suggéré que jusqu’à 160 000 personnes assistent à la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg. Beaucoup de gens vont à Kolomiaggi plus d’une fois, bien sûr. Les aristocrates aiment le spectacle dont elles et ils sont témoins, tout comme les gens de la classe moyenne et les gens de la classe ouvrière. Un individu digne de mention parmi la multitude est un Vladimir Vladimirovitch Mayakovsky adolescent, un des grands poètes et dramaturges russe / soviétique des années 1910 et 1920. Parmi les foules, il y a aussi la plupart des personnes qui assistent au second congrès des écrivains russes, tenu à Saint-Pétersbourg à cette époque.
Alors que la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg suit son cours, les habitants de la ville peuvent visiter un autre lieu où le premier aéroplane de fabrication russe, une copie d’un biplan (Henry?) Farman de conception française connu sous le nom de Rossiya-A, est en exposition.
Bien qu’elle se termine le 2 mai (15 mai en dehors de l’Empire russe), la Semaine de l’aviation de Saint-Pétersbourg garde ses portes ouvertes pendant une journée supplémentaire. Un petit oiseau me dit que le grand public n’est pas invité pour cette journée spéciale. Vous voyez, le tsar Nikolaï II se pointe ce jour-là avec son entourage. Malheureusement, votre humble serviteur ne sait pas si la décision de visiter le site de la semaine de l’aviation vient du tsar lui-même ou comme une suggestion d’un membre du dit entourage.
Quoiqu’il en soit, Nikolaï II regarde les aéroplanes dans leurs hangars. C’est la première fois qu’il voit un aéroplane de près. Les aviateurs sont présentés au tsar, ce qui amène la pose de questions sur les différents aéroplanes. Nikolaï II voit plus tard Christiaens, Morane (?) et Deroche / de Laroche (?) prendre l’air dans leurs machines. Il remercie les pilotes et les organisateurs du meeting aérien.
Il vaut la peine de noter que Nikolaï II fait la visite avec un parent allemand, le grand amiral prince Albert Wilhelm Heinrich de la maison Hohenzollern, le frère plus jeune et beaucoup moins instable / insécure / erratique / égoïste du kaiser Wilhelm II, et son épouse, la princesse Irene Luise Marie von Hessen und bei Rhein. Déjà très intéressé par l’aviation, le prince obtient sa licence de pilote en novembre 1910. À l’âge de 48 ans, il est peut-être le plus vieux pilote enregistré au monde.
Cette visite impériale ne passe pas inaperçue. Une personne anonyme de La Revue aérienne, le magazine bimensuel de la Ligue nationale aérienne, écrit un article assez intéressant pour l’occasion.
Parmi les miracles de l’aviation, celui-ci n’est pas un des moindres. Pour qui connaît l’invisibilité du tsar [Nikolaï] II (il est resté dix ans sans paraître dans les rues de Saint-Pétersbourg, dont le palais de Tsarkoié-Selo est éloigné de [32 kilomètres / 20 milles] 30 verstes seulement), c’est un miracle sans précédent que la visite faite par l’empereur à l’aérodrome. La curiosité suscitée par les machines isolantes [sic] est plus forte que les barrières impénétrables dont on entoure le tsar lui-même. Il n’y a rien d’impossible à l’aviation.
Si votre humble serviteur peut citer Sheldon Lee Cooper, un des personnages principaux de la série télévisée The Big Bang Theory, du sarcasme?
Vous vous souviendrez bien sûr que la France et l’Empire russe sont à l’époque des alliés. Avec des alliés comme ceux-ci…
Vous vous souviendrez également que Cooper est mentionné dans des numéros de novembre 2019 et mai 2020 de notre blogue / bulletin / machin. The Big Bang Theory, quant à elle, est mentionné dans quelques numéros de cette même publication depuis juin 2019.
Et oui, la photo qui accompagne l’article de La Revue aérienne est au début de cet article. Le monoplan au centre de la photographie est vraisemblablement le Blériot Type XI piloté par Morane. Le biplan à droite, quant à lui, est probablement un des Henry Farmans piloté par Morelle / Edmond ou Christiaens.
Il convient de noter que Christiaens et Morelle / Edmond vendent peut-être les aéroplanes qu’ils ont emmenés à Saint-Pétersbourg au Voyennoye ministerstvo, le ministère de la Guerre russe, avant de rentrer chez eux. Ce dernier demeure peut-être dans l’Empire russe pendant environ 2 mois pour dispenser une formation de vol à certains officiers qui piloteraient les aéroplanes. Le monoplan confisqué par Morane, à son tour, est apparemment acquis par Aleksandr Alekseïevitch Vasiliev, un jeune juge en devenir qui vient d’attraper un mauvais cas de fièvre aéronautique.
En avançant le long du chemin tsariste, j’entends (lis?) que tous les aviateurs reçoivent (personnellement?) de Nikolaï II la croix de chevalier du Orden Svyatoï Anny, autrement dit l’ordre de sainte Anne. Ils reçoivent également de précieux cadeaux décorés de diamants et portant les armoiries russes : un bracelet en or (Laroche / de Laroche), une montre et chaîne en or (Christiaens, Popov et Wiencziers) ou un étui à cigarettes en or (Morelle / Edmond et Morane). Les mécaniciens, quant à eux, reçoivent apparemment une médaille en argent.
En parlant (écrivant?) du tsar, croiriez-vous que ce mot, tout comme le mot allemand kaiser, est dérivé du mot Caesar, comme dans Gaius Iulius Caesar? Le monde est petit, n’est-ce pas?
Il va sans dire que Nikolaï II, qui a presque 42 ans en mai 1910, ne monte jamais dans un ballon, dirigeable ou aéroplane. Les monarques régnants ne font pas ce genre de chose. Leurs minions, désolé, leur entourage se seraient probablement évanouis à l’idée même d’un tel vol.
Certains minions de ce genre one une bonne frousse en février 1909, toutefois, lorsque Alfonso XIII, en d’autres termes Alfonso León Fernando María Santiago Isidro Pascual Antón de Borbón y Habsburgo-Lorena, place son postérieur royal à côté de Wilbur Wright, à Pau, en France, lorsque ce dernier lui montre les commandes d’un Wright Flyer. Le roi d’Espagne de 22 ans est cruellement tenté de prendre l’air avec ce célèbre pionnier américain de l’aviation.
Wright, comme vous le savez sans doute, est mentionné à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis décembre 2017. Alfonso XIII, quant à lui, est mentionné dans un seul numéro de cette publication, en décembre 2017.
S’il n’est pas certain que quelqu’un s’évanouisse, en juillet 1910, le tsar de Bulgarie, âgé de 49 ans, Ferdinand I, né Ferdinand Maximilian Karl Leopold Maria von Sachsen-Coburg und Gotha, en d’autres termes un parent éloigné de la famille royale britannique, prend l’air, à Kiewit, Belgique, avec un pilote belge, le chevalier Jules de Lamine, devenant ainsi le premier monarque régnant à voler dans un aéroplane motorisé.
Une chose remarquable à propos de cette journée est le fait que, avant son propre vol, Ferdinand I permet à ses 2 fils,
- Boris Klemens Robert Maria Pius Ludwig Xaver von Sachsen-Coburg und Gotha-Koháry, âgé de 16 ans, et
- Kyril Heinrich Franz Ludwig Anton Karl Philipp von Sachsen-Coburg und Gotha-Koháry, âgé de 14 ans,
de s’envoler séparément avec de Lamine. Il est, à juste titre, très soulagé que les 2 vols se déroulent comme sur des roulettes. Les 2 adolescents sont aux anges pendant les heures suivantes. Papa ne peut rien faire de mal ce jour-là.
Et c’est en fait un moment aussi bon que tout pour mettre fin à cette péroraison.
Sbogom, ami(e) lectrice ou lecteur, au revoir.