Un article dont je suis réticent à divulguer la phrase-choc si tôt dans le jeu : Ou, Un DC racé utilisé par CP
Vrai ou faux, ami(e) lectrice ou lecteur, l’Aérospatiale / British Aircraft Concorde franco-britannique est le premier avion de ligne à franchir le mur du son.
La réponse à ce VoF est… Faux. Oui, faux. Le Concorde n’est même pas le second avion de ligne à franchir le mur du son. Nenni. Cet honneur appartenait / appartient à un Toupolev Tu-144, qui fait l’acte en juin 1969. Un Concorde franchit le mur du son en octobre de la même année. Je ne plaisante pas.
Ceci étant dit (tapé ?), votre humble serviteur est presque certain que vous avez dû songer à la possibilité que la photographie que vous avez vue il y a 35 secondes n’est pas là par accident. C’est bien.
On peut soutenir que notre pontification de la semaine commence en mai 1958 avec le premier vol de l’avion de ligne Douglas DC-8, un avion dérivé d’une entrée infructueuse dans une compétition d’avions de ravitaillement en vol à réaction de 1954 lancée par la United States Air Force (USAF) – une compétition remportée en 1955 par… Lockheed Aircraft Corporation. Et non, Boeing Airplane Company ne gagne pas. Cependant, elle dispose déjà d’un avion de validation de principe qui vole, ce qu’aucune de ses rivales ne possède. En conséquence, la USAF commande un certain nombre de Boeing KC-135 Stratotanker pour répondre à ses besoins jusqu’à ce que le concept de Lockheed Aircraft puisse être mise en service. En fin de compte, la USAF conclut qu’il est peu logique de payer pour le développement d’un second avion de ravitaillement en vol si le Stratotanker répond à ses besoins.
Tout cela pour dire (taper ?) que l’avion de ravitaillement en vol de Lockheed Aircraft n’est jamais fabriqué. Un avion de ligne dérivé de celui-ci n’est pas fabriqué non plus.
Douglas Aircraft Company Incorporated, par contre, décide de procéder au développement d’un avion de ligne dérivé de son avion de ravitaillement en vol, et…
Vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur ? Oui, le ravitaillement aérien est une chose, une chose militaire en fait. Un aéronef qui a besoin de carburant doit simplement se placer derrière un avion ravitailleur. Un dispositif, soit un tuyau flexible soit un tube rigide, est déroulé ou abaissé. Le pilote de l’aéronef ayant besoin de carburant amène le dit aéronef au tuyau, ou bien l’opérateur à bord de l’avion ravitailleur amène le dit tube à l’aéronef ayant besoin de carburant. Ce carburant commence à couler. Tadaa. Et oui, le ravitaillement aérien demande beaucoup d’entraînement, mais revenons au DC-8.
Comme il est dit (tapé ?) plus haut, le premier DC-8 vole en mai 1958. La nouvelle machine s’avère si dénuée de problèmes et facile à piloter qu’elle obtient sa certification en août 1959. Le DC-8 entre en service le mois suivant. L’avion de ligne Boeing Modèle 707, un cousin du Stratotanker, quant à lui, entre en service en octobre 1958, après une période de développement beaucoup plus longue.
Au fil des semaines et mois, un nombre croissant de compagnies aériennes américaines et étrangères choisissent cependant le Modèle 707 plutôt que le DC-8 – une situation qui trouble les bonnes personnes chez Douglas Aircraft. Le DC-8 a besoin d’un petit coup de pouce pour améliorer ses perspectives à long terme.
Et oui, le transporteur national du Canada, Trans-Canada Air Lines, l’actuelle Air Canada Incorporated privatisée, une firme mentionnée quelques / plusieurs fois dans notre blogue / bulletin / machin depuis août 2017, utilise près de 45 DC-8 entre 1960 et 1994, mais revenons à notre histoire.
Il se trouve que, lors du programme d’essais en vol du DC-8, le pilote en chef de Douglas Aircraft s’approche assez près de la vitesse du son à haute altitude (environ 1 030 kilomètres/heure contre environ 1 060 kilomètres/heure / environ 640 milles/heure contre environ 660 milles/heure) sans rencontrer de réel problème. En 1961, William Marshall « Bill » Magruder commence à se demander s’il serait en fait possible de franchir le mur du son, ce qu’aucun avion de ligne au monde n’a jamais réalisé, ni même essayé. Ce qui ferait grand bruit. Ce qui pourrait améliorer les perspectives à long terme du DC-8.
Lorsqu’il soumet cette idée aux grosses légumes de Douglas Aircraft, Magruder les exhorte peut-être à donner leur bénédiction rapidement, de peur qu’un pilote d’essai de Boeing Airplane franchisse le mur du son dans un Modèle 707.
Et c’est ainsi qu’un équipage choisi, eux eux, eux petite bande, eux petite bande de frères, si je peux paraphraser Henry V dans la pièce plus ou moins éponyme de 1599 de William Shakespeare, La Chronique de l’histoire d’Henri Cinquième, décolle le 21 août 1961. Cet équipage est composé de Magruder ainsi que de
- Paul H. Patten, copilote,
- Joseph Tomich, mécanicien navigant, et
- Richard H. Edwards, ingénieur de vol d’essai.
Même s’il porte toujours son immatriculation américaine, le DC-8 qu’ils utilisent porte les couleurs et marques du transporteur aérien auquel il serait livré, Canadian Pacific Airlines Limited de Vancouver, Colombie-Britannique.
On suppose que la direction de cette compagnie aérienne est au courant de ce qui est tenté.
Il convient de noter que des dispositifs hypersustentateurs montés sur les ailes du DC-8 sont endommagés la veille du vol. En conséquence, Magruder doit décoller avec ses volets rentrés, normalement un gros non-non car l’avion serait presque incontrôlable s’il perdait un moteur au décollage. Magruder prend la décision de voler de toute façon, et le reste de l’équipage hoche la tête en accord.
Quoiqu’il en soit, Magruder et son équipage s’envolent pour Edwards Air Force Base, une base de la USAF en Californie, pour tenter de franchir le mur du son. Deux chasseurs à réaction supersoniques de la USAF les accompagnent alors que le DC-8, qui ne transporte ni passagère ou passager ni bagage et suffisamment de carburant pour seulement 30 minutes de vol environ, monte à environ 15 850 mètres (environ 52 000 pieds) – bien au-dessus de son altitude de croisière et plus haut que tout autre avion de ligne a volé auparavant. Magruder et son équipage n’ont jamais vu un ciel aussi sombre.
Les chasseurs à réaction en question sont un North American F-100 Super Sabre et un Lockheed F-104 Starfighter, ce dernier un type présent dans l’étonnante collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario.
D’aucuns suggèrent que le pilote du Starfighter n’est autre que Charles Elwood « Chuck » Yeager, un as de la chasse de la Seconde Guerre mondiale et le premier être humain à franchir le mur du son, en octobre 1947.
L’expression être humain est cruciale ici, car des objets fabriqués par l’humanité ont franchi le mur du son des siècles auparavant. Des objets appelés balles et obus. Des objets utilisés pour ce qui semble être une occupation humaine courante, la guerre, mais je digresse.
Une fois à environ 15 850 mètres (environ 52 000 pieds), Magruder abaisse le nez du DC-8 qui commence à plonger vers la Terre. Il pousse sur le manche avec une pression de plus de 20 kilogrammes (environ 50 livres), l’idée étant que l’avion sortirait de son piqué si cette pression est réduite.
Quelques secondes après le début de son piqué, le DC-8 vibre pendant un bref instant. Il atteint une vitesse d’environ 1 075 kilomètres/heure (environ 668 milles/heure) à environ 12 525 mètres (environ 41 100 pieds). Pour la première fois, un avion de ligne franchit le mur du son. Le DC-8 vole plus vite que le son pendant 16 secondes.
Lorsque Magruder réduit la pression qu’il exerce sur le manche, le DC-8 ne sort pas de son piqué. Avec beaucoup d’espace en dessous de lui, il s’affaire calmement. Le DC-8 sort de son piqué à une altitude d’environ 10 650 mètres (environ 35 000 pieds). Le piqué dans son ensemble a duré environ 30 secondes.
Pour une raison ou une autre, les records d’altitude et vitesse réalisés par Magruder et son équipage ne peuvent pas être officialisés. Ceci étant dit (tapé ?), ils sont naturellement accueillis en héros à leur retour. Le vice-président et directeur général de Douglas Aircraft, Jackson R. McGowen, rencontre les 5 hommes dans la salle à manger des cadres, qu’aucun d’entre eux n’avait vue auparavant, et leur achète le lunch. Magruder et son équipage reçoivent également une prime de 1 000 $ – environ 9 175 $ en devise de 2021. Devise américaine bien sûr.
La direction de Douglas Aircraft mentionne naturellement le vol d’août 1961 dans diverses publicités. Elle envoie apparemment des souvenirs transportés à bord à un certain nombre de personnes importantes.
En reconnaissance de ses réalisations professionnelles exceptionnelles dans la conduite des essais en vol, Magruder reçoit le récemment créé (1958) Iven C. Kincheloe Award.
Iven Carl « Kinch » Kincheloe, Junior, est un ingénieur aéronautique, pilote de chasse et pilote d’essai américain décédé en juillet 1958, au cours d’un vol d’essai.
Canadian Pacific Airlines reçoit le DC-8 des records, le 4ème de ses 13 DC-8 en fait, connu sous le nom de Empress of Montreal, en novembre 1961. Croiriez-vous que cet aéronef effectue le premier vol commercial sans escale entre l’Amérique du Nord et le Japon, entre Vancouver et Tokyo dans ce cas, à la fin novembre 1961?
Rebaptisé Empress of Buenos Aires à un moment donné de sa carrière sans incident, le DC-8 est retiré du service en mars 1980 en raison de coûts élevés de maintenance et de carburant. À ce moment-là, son propriétaire est connu sous le nom de CP Air Limited. Cet avion d’importance historique est démoli près de Miami, Floride, en mai 1981. Dommage.
J’aimerais pouvoir dire (type ?) que le vol supersonique du DC-8 piloté par Magruder et son équipage améliore vraiment les perspectives à long terme de cette superbe machine. Malheureusement, alors qu’environ 555 DC-8 sont construits entre 1958 et 1972, environ 725 Modèles 707 sont construits entre 1957 et 1979. Un autre groupe d’environ 130 dérivés militaires de cet aéronef entre en service au fil des ans. Les Forces armées canadiennes, par exemple, utilisent 5 avions de transport et de ravitaillement en vol Boeing CC-137 entre 1970 et 1995.
Ironiquement, le président Richard Milhouse « Tricky Dick » Nixon choisit Magruder comme troisième chef du programme d’avions de ligne supersoniques en difficulté du United States Department of Transportation au printemps 1970. Le United States Congress décide de couper les vivres à ce programme en mars 1971, et ce bien avant que les 2 prototypes du Boeing Modèle 2707 ne soient complétés – une décision qui suscite une grande colère au sein des industries aérospatiales et du transport aérien des États-Unis, de même que dans la presse spécialisée. Le Concorde et ses constructeurs européens, dit-on, vont rafler toutes les commandes en provenance des pays dits occidentaux, son rival soviétique, le Toupolev Tu-144, raflant toutes les commandes en provenance des pays du bloc soviétique. Magruder n’est pas amusé.
Si vous devez savoir, Nixon est mentionné dans des numéros de mai et juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin, mais je digresse.
Les susmentionnées craintes américaines s’avèrent non fondées. En fait, tous les transporteurs aériens sauf deux, la Société Air France Société anonyme et British Airways, annulent leurs options, qui totalisent environ 65 Concorde. Ces décisions suscitent une grande colère au sein des industries aérospatiales et du transport aérien française et britannique, de même que dans la presse spécialisée des 2 pays.
Et non, le choc pétrolier qui explose sur la scène mondiale en octobre 1973 n’a rien à voir avec ces abandons. Les transporteurs aériens américains, par exemple, craignent selon toute vraisemblance que les dommages environnementaux potentiels / inévitables (pollution sonore au-dessus des terres, réduction de la couche d’ozone en haute atmosphère, etc.) auxquels les défenseurs du Modèle 2707 ont été confrontés vont réduire la liberté d’action du Concorde.
Quoiqu’il en soit, l’abandon du Modèle 2707 amène Boeing Airplane à mettre à pied plus de 60 000 personnes. Dès lors, la direction décide à toute fin utile de parier les meubles sur le Modèle 747, qui s’avère être un des meilleurs avions de ligne de tous les temps.
Si je peux me permettre un commentaire que de nombreux passionnés d’aviation peuvent trouver profondément offensant / subversif, il est heureux que l’avion de ligne supersonique soit demeuré marginal dans l’histoire du transport aérien. Les dommages que nous avons causés et causons à notre environnement étant déjà alarmants, si, si, alarmants, notre bonne vieille Terre n’avait pas besoin de métal hurlant supersonique dans ces cieux. Croiriez-vous que Homo sapiens veut dire homme sage en latin? On croit rêver.
Faut-il vraiment traverser un continent ou océan pour partir en vacances? Le climat de notre seul et unique bateau de sauvetage, la bonne vieille planète Terre, s’en va au diable dans un panier et nous exigeons le droit de jouer du violon. L’observation faite en juillet 2006 par l’évêque anglican de Londres, Angleterre, Richard John Carew Chartres, en traduction, est très intéressante à cet égard : « Faire des choix égoïstes, comme partir en vacances en avion ou acheter une grosse voiture, est un symptôme du péché. » Une phrase trouvée en 2006 par votre humble serviteur sur le site Web de Atmosfair, un groupe environnemental allemand, en traduction aussi, est tout aussi intéressante : « La meilleure chose pour le climat, c’est de ne pas voler du tout. »
Et ne me parlez pas des colonies spatiales sur la Lune, Mars ou Koozebane (Bonjour Kermit!), ou en orbite autour de la Terre.
Oserais-je dire (taper?) qu’il est temps pour les membres de notre espèce non-sage, principalement les membres mâles blancs de notre espèce, de rompre leur dépendance au techno-fétichisme?
Sur cette note enjouée, je vous dis au revoir et espère vous « voir » bientôt. Essayez de ne pas provoquer l’effondrement de l’écosystème de notre extraordinaire canot de sauvetage planétaire au cours de votre vie quotidienne, humm.
Vous appréciez le Réseau Ingenium? Aidez-nous à améliorer votre expérience en répondant à un bref sondage!