Un rutilant exemplaire d’un des aéronefs les plus célèbres et importants du 20ème siècle : Le Douglas DC-3 du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada
Je vous salue, amie(e) lectrice ou lecteur. Désireux comme toujours de vous apporter des nouvelles du monde merveilleux de l’aviation, votre humble serviteur voudrait vous rappeler que, en septembre 1945, les Lignes aériennes Trans-Canada, l’actuelle Air Canada Incorporée, reçoit son tout premier exemplaire d’un des avions de ligne les plus célèbres du 20ème siècle, le Douglas DC-3. Cet exceptionnellement intéressant aéronef d’importance nationale est actuellement exposé dans l’impressionnant Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario.
Et oui, les Lignes aériennes Trans-Canada sont mentionnées plusieurs fois dans notre blogue / bulletin / machin depuis août 2017.
Comme vous le savez douloureusement maintenant, j’aime fournir un contexte pour faciliter la compréhension des histoires fournies dans notre blogue / bulletin / machin. D’ailleurs, pourquoi utiliser 3 mots quand 33 suffisent ? (Bonjour, EP!)
Commençons donc notre voyage dans le passé en 1945, alors que la Seconde Guerre mondiale touche à sa fin. Comment se débrouille l’industrie aéronautique canadienne à l’époque?
Comme vous pouvez l’imaginer, les résultats et conséquences des coupures budgétaires et du retranchement du gouvernement fédéral ne se font pas attendre. En 1944, l’industrie aéronautique occupe le 4e rang parmi les industries les plus importantes au Canada. En 1947 et 1948, elle se trouve au 58e rang. Quelques avionneurs jettent l’éponge. Noorduyn Aviation Limited de Cartierville, Québec, par exemple, abandonne la production d’aéronefs avant même la fin de 1945 peut-être. Un avionneur d’importance secondaire, Ottawa Car & Aircraft Company Limited de Ottawa, voit ses actifs liquidés en 1947. Fairchild Aircraft Limited de Longueuil, Québec, quant à elle, ferme ses portes, en 1948. Inactive depuis un certain temps, Boeing Aircraft of Canada Limited de Vancouver, Colombie-Britannique, disparaît officiellement vers 1953.
Les avionneurs qui tiennent le coup doivent faire preuve d’imagination. Canadair Limited de Cartierville, par exemple, devient une des 4 firmes nord-américaines, la seule au Canada en fait, choisies par l’important avionneur américain Douglas Aircraft Company Incorporated pour convertir une bonne partie des milliers d’avions de transport militaires Douglas C-47 Skytrain / C-53 Skytrooper / Dakota, désormais superflus, en avions de ligne DC-3. Vus les besoins criants des sociétés aériennes de par le monde, ce travail de conversion s’avère fort lucratif. L’avionneur québécois livre environ 225 DC-3 à 11 sociétés aériennes de 8 pays d’Amérique et d’Europe entre 1945 et 1947.
Croiriez-vous qu’un dirigeant de Canadair du nom de Benjamin William Franklin achète des tonnes de composants de DC-3 dans diverses installations de Douglas Aircraft, pour 4.5 cents le kilogramme (10 cents la livre), afin de faciliter ce travail de conversion? Canadair vend toujours des pièces de rechange de DC-3 du début au milieu des années 1950, sinon plus tard.
Et oui, Canadair est mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis novembre 2017, mais revenons à notre histoire.
L’histoire du DC-3 du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada commence en fait en 1941-42. Il s’agit d’un des aéronefs de ce type commandé par le Militaire Luchtvaart van het Koninklijk Nederlandsch Indisch Leger (ML-KNIL), le corps aérien de l’armée royale des Indes néerlandaises, l’Indonésie actuelle, alors sous contrôle néerlandais. Compte tenu des revers subis par les États-Unis au cours des semaines et mois qui suivent les attaques japonaises de décembre 1941, les United States Army Air Forces (USAAF) confisquent à toute fins utiles un certain nombre de DC-3 commandés par quelques compagnies aériennes américaines – et par le ML-KNIL. Ces avions de transport de troupes sont désignés Douglas C-49.
L’aéronef du musée (Appelons-le ainsi plus de commodité si cela ne vous dérange pas.) est livré en décembre 1942 et sert jusqu’en 1945, en Amérique du Nord. Il va à la Reconstruction Finance Corporation, une agence responsable, entre autres choses, de la cession de l’équipement militaire superflu, en avril 1945. Canadair achète l’aéronef pour une bouchée de pain. Immatriculé en mai, il est transformé en avion de ligne au cours du printemps et de l’été.
Les Lignes aériennes Trans-Canada prennent possession de l’aéronef, son tout premier DC-3 comme nous ne savons maintenant toutes ou tous les deux, lors d’une cérémonie tenue à l’usine de Canadair en septembre 1945. Le président de la société d’état, Herbert James Symington, un gentilhomme mentionné dans un numéro d’avril 2019 de notre vous savez quoi, est là, bien sûr. Clarence Decatur Howe, l’extrêmement influent ministre de la Reconstruction et des Approvisionnements et un ardent défenseur des Lignes aériennes Trans-Canada mentionné dans quelques / nombreux numéros de notre vous savez toujours quoi depuis mai 2018, est également sur place, tout comme Edward Vernon « Eddie » Rickenbacker, le président d’un important transporteur aérien américain, Eastern Air Lines Incorporated.
Les Lignes aériennes Trans-Canada reçoivent des DC-3 supplémentaires au cours des semaines et mois qui suivent. Elles utilisent apparemment une trentaine de DC-3 au fil des ans, soit dit en passant.
Puis-je digresser un instant? Il y a des moments où je ne peux pas m’en empêcher. De rares moments.
Je vous remercie.
En 1935, un artiste américain bien connu et pilote ayant servi dans le Royal Flying Corps et la Royal Air Force (RAF) pendant la Première Guerre mondiale lance une bande dessinée quotidienne. Ce vice-président aux ventes de General Motors Corporation, un géant de l’industrie automobile américaine mentionné dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis mars 2018, Clayton Knight, rédige apparemment les textes avec Rickenbacker, un fameux pilote de chasse du United States Army Signal Corps / United States Army Air Service au cours de ce conflit. Ils situent un peu partout dans le monde les aventures de Ace Drummond, un aviateur inspiré par Rickenbacker lui-même.
Tirant profit de la popularité de Rickenbacker, un Captain Eddie Rickenbacker’s Junior Pilots Club voit le jour. Ace Drummond, quant à lui, connaît un succès tel qu’un studio de cinéma lance un feuilleton cinématographique éponyme de 13 ou 15 épisodes en 1936.
Une version en langue française de la bande dessinée, L’As des As, paraît dans les éditions de la fin de semaine, samedi puis dimanche, d’un quotidien de Montréal, La Patrie, entre mars 1935 et juillet 1939.
Ace Drummond cesse de paraître en 1940.
Knight et Rickenbacker collaborent par ailleurs sur une bande dessinée de type documentaire, The Hall of Fame of the Air, un projet cher au cœur du dessinateur. Des brèves biographies d’aviatrices et aviateurs connu(e)s et moins connu(e)s paraissent entre 1935 et 1940. Une version en langue française de cette bande dessinée existe également. La Patrie offre Le panthéon de l’air à ses lectrices et lecteurs entre mars 1935 et juillet 1939, mais revenons à notre histoire.
Goodyear Tire and Rubber Company of Canada Limited, une filiale de Goodyear Tire and Rubber Company, un géant de l’industrie automobile américaine, acquiert le DC-3 du musée en octobre 1948.
Comme vous le savez sans aucun doute, Goodyear Tire and Rubber est mentionnée dans des numéros de novembre 2017 et juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin. En revanche, Goodyear Tire and Rubber Company of Canada n’est mentionnée que dans le second numéro de cette publication comiquement, désolé, cosmiquement renommée.
Goodyear Tire and Rubber Company of Canada utilise encore l’aéronef du musée lorsque celui-ci participe à une séance photo à Toronto, Ontario, en 1982, pour Propliner, un magazine trimestriel britannique aujourd’hui disparu consacré, vous l’aurez deviné, aux avions de ligne à hélices. Conscient que l’aéronef n’est plus jeune jeune, un auteur et éditeur de l’aviation canadienne bien connu, Larry Milberry, peut, je répète peut, avoir suggéré à son pilote de longue date, Don Murray, que la firme n’a pas besoin de le vendre pour une bouchée de pain. Nenni, Goodyear Tire and Rubber Company of Canada peut en faire don à la Collection aéronautique nationale / Musée national de l’aviation, l’actuel Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, en échange d’un reçu fiscal juteux.
Murray aime l’idée. Il parle à son employeur, qui aime également l’idée. Goodyear Tire and Rubber Company of Canada communique avec la Collection aéronautique nationale / Musée national de l’aviation, qui aime aussi l’idée. Remarquez, la firme contacte peut-être une institution sœur / frère de ce musée étonnant, le Musée national des sciences et de la technologie, à Ottawa, mais je digresse.
En décembre 1983, Murray pilote le DC-3, avec quelques passagers à bord, de Toronto à l’aéroport de Rockcliffe, à Ottawa.
Y at-il des gens importants parmi les passagers, demandez-vous, amie(e) lectrice ou lecteur? Est-ce que vous plaisantez? Il suffit de mentionner Robert William « Bob » Bradford, directeur général du Musée national des sciences et de la technologie et futur directeur général du Musée national de l’aviation, et Kenneth Meredith « Ken » Molson, conservateur fondateur à la retraite de ce même musée. Un gentilhomme des gentilshommes et un des meilleurs peintres de l’air canadiens de tous les temps, Bradford est mentionné dans des numéros de février 2018, mars 2019 et mai 2020 de notre blogue / bulletin / machin. Molson, un autre excellent gentilhomme, est mentionné quant à lui dans des numéros de juillet 2018, août 2019 et février 2020 de cette même publication – ce qui montre à quel point notre monde était et est interconnecté.
Souhaitez-vous lire quelques lignes de texte supplémentaires avant de revenir à votre routine quotidienne, amie(e) lectrice ou lecteur? Et oui, c’était bel et bien une question rhétorique.
Un des DC-3 convertis par Canadair, un Dakota utilisé par la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale, est acquis en décembre 1948 par Algoma Steel Company de Sault Ste. Marie, Ontario, une des plus grandes firmes productrices d’acier au Canada. « Victoria, » comme on l’appelle, est vendu en 1964 et va aux États-Unis où il est utilisé par plus d’un opérateur. À un moment donné, le DC-3 est vendu à la Fuerza Aérea Guatemalteca. En 2020, cet aéronef fortement détérioré est entreposé en plein air au Museo del Ejército de Guatemala, à Ciudad de Guatemala, Guatemala.
Un autre DC-3 converti par Canadair, un Dakota également utilisé par la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale, aurait passé quelques mois aux États-Unis en 1946 -47 avant de rentrer au Canada. Veuillez noter que cette histoire particulière a une fin tragique.
Canadair modifie luxueusement le DC-3 pour une utilisation par la plus grande chaîne de grands magasins au Canada, une firme mentionnée dans des numéros de janvier 2019, juin 2020 et août 2020 de notre vous savez quoi. T. Eaton Company Limited utilise le DC-3 entre juillet 1946 et octobre 1963, date à laquelle elle vend l’aéronef à Hudson’s Bay Company, une firme longtemps associée au Canada dont le siège social est encore situé à Londres, Royaume-Uni, à l’époque. Cette dernière vend l’aéronef à Ilford Riverton Airways Limited, l’actuelle Air Manitoba Limited, en 1975. Exporté aux États-Unis vers 1979-80, le DC-3 est mis en fourrière en novembre 1980 pour trafic de drogue. Il s’écrase, ou est abattu, en mars 1984, près de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua alors qu’il transporte des armes destinées aux forces contre-révolutionnaires nicaraguayennes soutenues par les États-Unis, connues sous le nom de contras, qui tentent de renverser le gouvernement du Frente Sandinista de Liberación Nacional. Tout l’équipage meurt dans l’accident – ou est exécuté peu de temps après. Curieusement, le DC-3 peut, je répète peut, avoir porté une fausse immatriculation canadienne à l’époque.
Au moins un autre DC-3 converti par Canadair et utilisé par les Lignes aériennes Trans-Canada a une carrière intéressante bien que très paisible. Construit en 1944 en tant que Skytrain, cet aéronef devient un Dakota destiné à la RAF mais est transféré quelques jours plus tard à l’Aviation royale du Canada. Curieusement, il est retiré du service en novembre 1944, après environ seulement 4 mois de service actif. Canadair achète le Dakota pour une bouchée de pain après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après un certain temps passé avec les Lignes aériennes Trans-Canada, vers 1945-47, je pense, cette machine est apparemment exportée. De retour au Canada en 1957, le DC-3 vole avec le ministère des Transports / Transports Canada jusqu’en 1985.
Après un certain temps passé avec un exploitant de service aérien à la demande de Colombie-Britannique, il est acquis par Odyssey DC-3 Society de Richmond, Colombie-Britannique. Apparemment baptisé « Odyssey 86 / Spirit of Vancouver, » le DC-3 fait le tour du monde entre juin et août 1986 pour faire connaître l’Expo internationale sur les transports et la communication de 1986, ou Expo 86, tenue à Vancouver, Colombie-Britannique. L’équipage de l’aéronef s’arrête dans plus de 20 pays en cours de route. En 2020, le DC-3 compte parmi les aéronefs appartenant à un millionnaire, coloré et fils de ses œuvres, de l’industrie de l’assurance aéronautique américaine, Lance Toland.
Carpe diem, amie(e) lectrice ou lecteur, carpe diem!