« Jamais le pétrole ne tuera l’électricité, surtout si celle-ci est défendue par un Kriéger. » Louis Antoine Jules Tony Kriéger et ses automobiles électriques, dont certains des premiers véhicules hybrides de la planète Terre, partie 1
Je vous salue, ami(e) lectrice ou lecteur, en ce jour de juillet 2024. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans ce numéro de notre électrisant blogue / bulletin / machin, un numéro consacré à l’industrie automobile.
Notre récit commence en mai 1868, à Paris, France, et non pas Paris, Texas, avec l’arrivée en ce bas monde de Louis Antoine Jules Tony Kriéger. Fort imaginatif dès son jeune âge, ce jeune humain aurait mis sur papier des idées concernant un tramway électrique aux environs de 1876. Je ne plaisante pas.
Ceci étant dit (tapé?), votre humble serviteur doit avouer certains doutes en ce qui concerne ces idées. Voyez-vous, c’est seulement en mai 1881 que les premières passagères et passagers du premier tramway électrique au monde prennent place à bord du dit véhicule, le Straßenbahn Groß-Lichterfelde de Berlin, empire allemand, mentionné en long et en large dans un numéro de juillet 2021 de notre encyclopédique blogue / bulletin / machin. Enfin, passons.
Diplômé de l’École centrale des arts et manufactures, une des grandes écoles d’ingénieurs de France, en 1891, Kriéger ne tarde pas à s’intéresser à une toute nouvelle invention, la voiture sans chevaux, en d’autres termes l’automobile.
Le jeune ingénieur peut, je répète peut, acquérir cet intérêt alors qu’il semble œuvrer pour un fabricant d’accumulateurs français, la Société anonyme l’accumulateur multitubulaire, une firme qui devient la Société (anonyme?) l’accumulateur Fulmen vers juillet 1893.
Louis Antoine Jules Tony Kriéger au volant du fiacre hippomobile de la Compagnie l’Abeille transformé en véhicule électrique sous sa direction en 1895. Anon., « Note historique sur les véhicules électriques. » Revue industrielle, février 1924, 494.
Au plus tard en mai 1895, Kriéger fait l’essai d’un vieux (1884?) fiacre hippomobile de la Compagnie l’Abeille, acheté vers novembre 1894 puis transformé en véhicule électrique / électromobile / accumobile sous sa direction, et sous un éminent patronage, par le personnel de la Société de carrosserie industrielle. Le dit véhicule peut parcourir à peine plus de 30 kilomètres (environ 20 milles) avant de manquer de jus.
Pour répondre à la question qui se forme dans votre petite caboche, un fiacre est à toutes fins pratiques un taxi.
Cur simplici vocabulo uti si tam bene complicatum verbum facit officium? En d’autres mots, pourquoi utiliser un mot simple si un mot compliqué fait si bien son travail? N’est-ce pas là la devise des conservatrices et conservateurs des musées du monde entier? (Bonjour EG, EP, etc.!) Désolé, désolé. Revenons à notre histoire.
Kriéger peut, je répète peut, avoir reçu l’aide d’un brillant ingénieur russe d’origine polonaise, Wacław Kamil Rechniewski, ingénieur en chef de la Société Anonyme des établissements Postel-Vinay.
Quoi qu’il en soit, le prototype à traction avant (!) de Kriéger suscite une grande surprise de la part des conducteurs de fiacres de Paris. Il se comporte relativement bien mais sa direction est difficile et il manque de solidité, ce que Kriéger reconnaît volontiers. De fait, la carrosserie du véhicule n’ayant pas été conçue pour supporter le poids des accumulateurs, elle cède au bout d’un an d’utilisation plus ou moins commerciale.
Kriéger peut, je répète peut, avoir complété un second prototype en 1895 et…
Si, si, vous avez bien lu, ami(e) lectrice ou lecteur, Kriéger semble être une des premières personnes ayant assemblé un véhicule à traction avant.
En juin 1895, Kriéger compte parmi les personnes qui se trouvent à bord de l’automobile électrique à 4 (ou 6?) places fabriquée sous la direction du co-fondateur de la Société Gaillardet et Jeantaud, le carrossier / homme d’affaires français Jean Baptiste Jeantaud, mieux connu sous le nom de Charles Jeantaud, avec l’aide de son ami Camille Brault, pendant au moins une partie de la Course de voitures automobiles Paris-Bordeaux-Paris de juin 1895, un périple de près de 1 200 kilomètres (près de 750 milles).
Il est à noter que le véhicule en question n’effectue le voyage de retour vers Paris que vers la fin juin, voire le début juillet. De fait, il n’arrive à Bordeaux, France, que 4 jours après le début de la course – et environ 34 heures après le retour à Paris du vainqueur officiel de la compétition, l’industriel français Paul Koechlin.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, la Course de voitures automobiles Paris-Bordeaux-Paris est souvent considérée comme étant la première course automobile au monde et ce même si
- elle ne correspond pas à une compétition moderne où le véhicule le plus rapide est le gagnant, et
- une course se déroule en Italie en mai 1895, la Torino-Asti-Torino.
Et je vais répondre à la question que vous vous apprêtez à poser. La 1ère automobile qui franchit la ligne d’arrivée de la Course de voitures automobiles Paris-Bordeaux-Paris est un véhicule biplace conduit par l’ingénieur français Émile Constant Levassor.
Si, si, ce Levassor-là, le fondateur, avec l’ingénieur français Louis François René Panhard, de la Société anonyme des Anciens Établissements Panhard & Levassor, le premier fabricant de voitures sans chevaux français, mais revenons à notre récit.
La réglementation de la course faisant état de la participation de véhicules à 4 places, c’est la 1ère automobile de ce type, qui s’avère être la 4ème automobile ayant franchi la ligne d’arrivée, qui est déclarée gagnante. Et oui, c’est bel et bien celle conduite par Koechlin. Comme vous vous en doutez bien, cette décision soulève un tollé de protestations, mais je digresse.
Kriéger et une petite équipe fabrique un premier véhicule électrique entièrement original, à traction avant, je pense, en 1896. Sa structure est métallique afin de bien supporter le poids des accumulateurs et des 2 moteurs électriques, un par roue motrice.
Soit dit en passant, Kriéger obtient un brevet d’invention pour un accumulateur nickel-fer en décembre 1896. En guise de comparaison, c’est en juillet 1901 qu’est reçue ou approuvée la demande de brevet d’invention plus ou moins similaire de Thomas Alva Edison, un grand inventeur américain mentionné à quelques reprises dans notre éblouissant blogue / bulletin / machin depuis juillet 2019.
Et non, Edison n’a pas inventé l’accumulateur nickel-fer ou nickel-cadmium – tout comme il n’a pas inventé l’ampoule incandescente, comme de nombreuses Américaines et Américains semblent le croire. D’autres personnes avaient inventé des ampoules incandescentes avant lui.
Et non, Edison Storage Battery Company n’est apparemment pas non plus le premier fabricant d’accumulateurs nickel-fer ou nickel-cadmium. Cet honneur revient apparemment à une firme suédoise, Ackumulator Aktiebolaget Jungner, fondée par l’ingénieur / inventeur suédois Ernst Waldemar Jungner.
Louis Antoine Jules Tony Kriéger. Anon., « Juste récompense. » L’Auto, 10 décembre 1904, 3.
Kriéger lance son propre atelier de fabrication d’automobiles électriques en décembre 1895. Cette firme est la Société des voitures électriques dont on peut trouver la trace dès le mois d’août 1897 dans des publications françaises de l’époque.
Cette firme devient la Compagnie des automobiles électriques au tout début de 1898. Le hic dans tout cela, c’est que l’expression Société des voitures électriques est encore utilisée en février 1900. Pis encore, les actionnaires votent alors la dissolution de cette firme.
Il y a toutefois une cerise sur ce gâteau. Croiriez-vous que, fin juin 1898, je pense, une autre firme française, la Société française pour l’industrie et les mines, acquiert la firme et les brevets de Kriéger, créant la Compagnie parisienne des voitures électriques, dont le directeur technique est… Kriéger, mais revenons à notre récit et… Si, en août 1897.
Un peu avant la mi-août, Kriéger « présente » aux membres de l’Automobile-Club de France une autre automobile électrique, beaucoup plus perfectionnée que la première. Votre humble serviteur ne sait malheureusement pas si ce véhicule est présenté ou remis aux dits membres.
Incidemment, l’Automobile-Club de France est mentionné dans des numéros d’août 2019 et février 2024 de notre toujours intéressant blogue / bulletin / machin.
Cette automobile à 4 places, fabriquée par le personnel de la susmentionnée Société de carrosserie industrielle, peut être le premier exemplaire des fiacres électriques promis aux Parisiennes et Parisiens depuis un bout de temps, pour complémenter les fiacres hippomobiles, et…
Si, si, promis depuis un bout de temps. Voyez-vous, il n’y a pas de fiacres automobiles à Paris à cette époque. Pis encore, pour citer un texte du journaliste Paul Puy paru dans un quotidien parisien, Le journal des sports, vers août 1897, « Ainsi donc, Londres possède à l’heure actuelle 150 fiacres électriques, destinés au service public, et Londres est de beaucoup en arrière de Paris sur le terrain automobile. Que serait-ce si nous ne tenions pas la tête? »
Une brève digression si vous me le permettez. Les tout premiers fiacres électriques Bersey de la firme anglaise London Electrical Cab Company Limited entrent en service en… août 1897. À peine plus d’une poignée roulent à Londres au cours de ce mois, ou en septembre. De fait, le nombre total de fiacres produits en 1897-98, ou 1897-99 je ne saurais dire, par Great Horseless Carriage Company Limited et Gloucester Railway Carriage & Wagon Company Limited dépasse à peine 75. On est loin des 150 mentionnés par Puy, et…
Vous avez une question, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? J’y répondrait en disant (tapant?) que Walter Charles Bersey est un ingénieur électrique anglais qui est alors directeur général de London Electrical Cab, une firme qui ferme ses portes vers août 1899, mais revenons à notre récit.
Et oui, Great Horseless Carriage est en effet mentionnée dans un numéro de mars 2024 de notre incroyaaable blog / bulletin / machin.
Un fiacre électrique de type coupé présenté par la Compagnie des automobiles électriques au Concours de voitures de place automobiles organisé en juin 1898 par l’Automobile-Club de France. Anon., « Fiacre électrique Kriéger. » La Locomotion automobile, 31 mars 1898, 193.
Kriéger compte parmi la douzaine de constructeurs qui participe au Concours de voitures de place automobiles lancé par l’Automobile-Club de France vers août 1897. De fait, il présente 4 véhicules à traction avant différents lors de cette compétition qui se déroule à Paris en juin 1898 sur une période de 12 jours. Trois d’entre eux sont du type que Kriéger souhaite produire en série. Mécaniquement identiques, ils ne diffèrent que par leurs carrosseries facilement interchangeables et se vendent 12 000 francs, une somme qui correspond à environ 79 000 $ en devises de 2024.
Incidemment, une voiture de place est à toutes fins utiles un fiacre, autrement dit un taxi.
En tout et pour tout, 7 constructeurs inscrivent 19 fiacres électriques à la compétition. Cinq autres inscrivent 9 fiacres à pétrole.
Dans les faits, toutefois, à peine 12 véhicules participent à la compétition, dont un seul fiacre à pétrole. L’absence quasi-totale de fiacres à pétrole tiendrait au fait que leurs fabricants ont l’impression que les fiacres électriques recevraient un traitement préférentiel.
Remarquez, un fabricant de fiacres électriques, la Compagnie française des voitures électromobiles, ne participe pas à la compétition parce que l’ingénieur français Jules Maurice Bixio fait partie du jury. Voyez-vous, celui-ci est président du conseil d’administration de la Compagnie générale des voitures, un important opérateur de fiacres parisien associé de près à la Compagnie française des voitures électromobiles.
Si le rapport hyper-détaillé approuvé par le jury en octobre 1898 ne mentionne pas de grand gagnant en tant que tel, le fait est que les 3 véhicules de présérie de la Compagnie parisienne des voitures électriques performent fort bien. Deux d’entre eux arrivent en tête de leur catégorie alors que le troisième, hors concours compte tenu de ses caractéristiques, impressionne également beaucoup. Tous trois consomment par ailleurs moins d’électricité que les véhicules des firmes rivales.
Kriéger semble recevoir un prix de 1 000 francs, soit environ 6 600 $ en devises de 2024.
Les succès remportés par Kriéger ne tardent pas à impressionner bien des industriels. En 1898, la firme allemande Kölner Electricitäts-Actiengesellschaft vor dem Louis Welter & Compagnie importe un de ses véhicules. Elle contacte alors un fabricant allemand d’accumulateurs, Kölner Accumulatoren-Werke (KAW), afin de voir si celle-ci peut concevoir quelque chose d’intéressant.
Le nouvel accumulateur est à ce point impressionnant que Kölner Electricitäts-Actiengesellschaft vor dem Louis Welter & Compagnie et KAW s’associent en 1900 pour créer Allgemeine Betriebs-Gesellschaft für Motorfahrzeuge (ABAM). Ayant acquis des droits de production de la technologie mise au point par Kriéger, ABAM entame la production de véhicules électriques Urbanus (camions et omnibus) et KAW (automobiles et fiacres).
Entre 1900 et 1908, ABAM peut, je répète peut, avoir produit environ 1 500 véhicules électriques.
Fait intéressant, la Compagnie parisienne des voitures électriques s’associe à ABAM en 1905 pour créer Krieger Automobil Actiengesellschaft, une firme qui installe un garage avec des bornes de recharge à Berlin, empire allemand
Une dizaine de fiacres électriques Kriéger peuvent, je répète peuvent, circuler à Paris à partir du début de 1899. Votre humble serviteur ne sait malheureusement pas à qui appartiennent ces véhicules un tant soit peu coûteux. En effet, saviez-vous qu’un d’entre eux coûte apparemment la bagatelle de 50 000 francs, soit environ 330 000 $ en devises de 2024? Wah!
Détail intéressant, un fiacre électrique Kriéger circule dans les rues de Londres en janvier 1899, pour fin d’expérience semble-t-il, une prestation organisée par une firme anglaise, Motor Car Company. Il soulève un certain enthousiasme parmi les experts, sans toutefois décrocher la moindre commande.
Un épisode intéressant de la saga des véhicules électriques de Kriéger débute dans un autre pays anglophone, les États-Unis, au printemps 1899.
Croyant discerner un intérêt de plus en plus grand pour les fiacres motorisés à New York, New York, un groupe d’hommes d’affaires américains fonde General Carriage Company en mai, et obtient ce qui semble être une licence exclusive pour tous les transports routiers pour l’ensemble de l’état de New York (!), au grand dam d’une firme puissante fondée en septembre 1897, Electric Vehicle Company.
Consciente que cette rivale ne lui permettrait pas de faire appel à son propre fournisseur de fiacres électriques, General Carriage achète les droits de fabrication du moteur à air comprimé Hoadley-Knight.
Si je peux me permettre d’exprimer une opinion, ce descripteur est en fait un abus de langage. Joseph H. Hoadley est un financier américain qui ne pourrait pas concevoir une cuillère si sa vie en dépendait. Le cerveau derrière le moteur Hoadley-Knight est en fait Walter H. Knight, un ingénieur à l’emploi de General Electric Company, un géant américain mentionné dans quelques / plusieurs numéros de notre exceptionnel blogue / bulletin / machin, et ce depuis avril 2018.
Et oui, c’est une firme américaine dirigée par Hoadley, International Air Power Company, qui doit produire les fiacres destinés à General Carriage.
International Air Power et une autre firme dans laquelle Hoadley est impliqué, New York Autotruck Company, se trouvent toutefois dans l’air, euh, dans l’eau chaude à cette époque. La seconde s’était en effet engagée à produire des camions à air comprimé qui sillonneraient en grand nombre les rues, boulevards et rues de la Grosse pomme.
Aucun camion n’ayant été assemblé ou construit, International Air Power, New York Autotruck et Hoadley sont fortement critiqués au cours de l’été 1899, ce qui explique pourquoi International Air Power devient International Power Company avant même la fin du printemps de cette année-là.
Le moteur à air comprimé s’étant avéré être à peine plus que du vent, désolé, désolé, du moins dans le cas des automobiles, General Carriage tourne son regard vers le moteur électrique. De fait, la firme américaine peut fort bien avoir songé à la Compagnie parisienne des voitures électriques avant d’abandonner une fois pour toute le moteur Hoadley-Knight, et…
Vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Fort bien. Qu’est-ce que j’entends par l’expression du moins dans le cas des automobiles? Une bonne question. Voyez-vous, des moteurs Hoadley-Knight propulsent un certain nombre de tramways à New York et Chicago, Illinois, avant et après 1900. Ceci étant dit (tapé?), ces voitures jugées enfumées, nauséabondes et poussiéreuses par plus d’une utilisatrice ou utilisateur n’entament nullement la domination de la traction électrique.
Quoiqu’il en soit, General Carriage reçoit 1 ou 2 fiacres électriques Kriéger avant même la fin mai 1899. Elle peut par ailleurs avoir acheté les droits de production de ces véhicules. De fait, sa direction peut, je répète peut, envisager la possibilité de commander jusqu’à 1 000 (!) fiacres électriques qui seraient produits en sol américain.
Si General Carriage semble recevoir un certain nombre de fiacres (électriques?) (Kriéger??) vers avril 1900, le fait est qu’elle ne parvient pas à se tailler une place dans le marché du fiacre de New York. Elle devient Manhattan Transit Company vers mai 1902. Les fiacres électriques Kriéger ne l’intéressent plus du tout, mais revenons à notre ingénieur.
Kriéger compte évidemment parmi les 6 constructeurs qui participent au 2ème Concours des fiacres, tenu à Paris début juin 1899, sur une période de 11 jours. Il inscrit un des 10 véhicules participants, tous électriques à l’exception de 2 véhicules à pétrole. Si le compte-rendu des résultats, rendu public en août, ne mentionne pas de gagnant en tant que tel, le fait est que le fiacre de la Compagnie parisienne des voitures électriques performe encore une fois fort bien.
Une voiture de livraison typique de la Compagnie parisienne des voitures électriques. Anon., « Heavy Motor-Car Trials in France. » The Engineer, 28 octobre 1898, 424.
Il est à noter que le personnel de la Compagnie parisienne des voitures électriques fabrique quelques voitures de livraison électriques en 1899, dont certaines utilisées par le grand magasin à rayons parisien Au Bon Marché.
C’est par ailleurs en 1899 que la Compagnie parisienne des voitures électriques vend certains droits de production à la Société française d’automobiles électriques. N’oubliez ce nom, ami(e) lectrice ou lecteur. Nous y reviendrons.
Le prototype de l’automobile électrique Kriéger Électrolette. Louis Antoine Jules Tony Kriéger est au volant, sur la gauche de la photographie. Georges Prade, « Une nouvelle voiture électrique. » La Vie au Grand Air, 10 décembre 1899, 152.
Remarquez, Kriéger s’offre également un petit cadeau fin 1899, en concevant l’Électrolette, une petite automobile biplace capable, dit-on, de frôler les 80 kilomètres/heure (environ 50 milles/heure) sur une bonne route bien droite.
Vous entretenez des doutes en ce qui concerne cette vélocité, ami(e) lectrice ou lecteur sceptique? Moi aussi, mais nous avons peut-être tort toutes ou tous les deux. Certaines de ces premières automobiles peuvent se déplacer étonnamment vite, ce qui peut s’avérer mortel pour les personnes à bord, et celles qui se trouvent sur leur route. Enfin, passons.
Un journaliste sportif français et rédacteur du quotidien sportif parisien L’Auto-Vélo, Georges Prade, soulève un point intéressant, au sujet de ce véhicule, un point encore fort valide 125 ans plus tard, et ce dans l’article qu’il fait paraître dans un numéro de décembre 1899 de l’hebdomadaire sportif parisien La Vie au Grand Air : « L’absence de chaîne et de tout engrenage métallique donne une marche silencieuse, trop silencieuse même, car on arrive à 60 à l’heure sur une voiture ou sur un passant sans que nul bruit ne l’ait averti. »
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, ce 60 à l’heure correspond évidemment à 60 kilomètres/heure (environ 38 milles/heure).
De fait, Kriéger circule à une vitesse plutôt élevée, fin novembre 1899, en soirée, à Paris, lorsqu’il heurte un fiacre hippomobile, précipitant au sol le cocher endormi, Louis Tony, et son cheval. Si le fiacre roulait dans la voie de gauche, la mauvaise voie, Kriéger, lui, n’avait pas corné avant de faire le virage à une intersection ayant causé la collision. L’ingénieur est condamné à payer une amende de 100 francs, et à remettre la somme de 1 000 francs à Tony, des sommes qui correspondent respectivement à environ 660 $ et 6 600 $ en devises de 2024.
Croiriez-vous que Kriéger est impliqué dans au moins un autre accident? Je ne plaisante pas. En mai 1903, à Paris, il heurte un fiacre électrique conduit par le wattman Henri Seraye. Ce dernier véhicule heurte à son tour une échelle sur laquelle s’affaire un poseur d’affiches des Grands Magasins Dufayel, un des grands magasins à rayons parisiens de l’époque. Précipité au sol, Jules Grison subit de multiples contusions et doit être hospitalisé. Émile Simon, qui tenait l’échelle, est fortement serré entre le fiacre et une palissade et subit lui aussi de multiples contusions, mais je digresse.
Conscient de la nécessité de bien faire connaître ses véhicules, Kriéger participe au Critérium des voitures électriques du quotidien sportif parisien Le Vélo, tenu fin avril 1900. De fait, il remporte cette compétition en parcourant une distance d’environ 152 kilomètres (environ 94 milles), entre Paris et Laroche, France, un record mondial peut-être, et ce sans avoir à faire appel aux bornes de recharge placées en bord de route. Il est toutefois à noter que seuls 3 constructeurs avaient osé se lancer dans cette aventure.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, un 3ème concours de fiacres se tient à Paris en août 1900, sur une période de 6 jours. Kriéger est encore sur les rangs, avec 2 véhicules cette fois sur un total de 14 inscriptions, dont 5 fiacres à pétrole. Les dits véhicules remportent la médaille d’or dans la catégorie voitures de place / fiacres électriques. Remarquez, Kriéger retourne également chez lui avec la médaille d’or dans la catégorie voitures de livraison électriques.
À cette époque, le fiacre électrique ne rencontre toutefois plus vraiment la faveur du public. Une course coûte en effet souvent les yeux de la tête. Voyez-vous, plusieurs conducteurs semblent avoir reçu l’ordre de ne pas parcourir plus de 35 à 40 kilomètres (22 à 25 milles) d’une seule traite. Les passagères et passagers de Paris désirant se rendre loin du centre-ville doivent par conséquent se taper au moins 2 heures (!) à une borne de recharge. Je ne plaisante pas.
Mentionnons par ailleurs que les bornes de recharge ne courent pas les rues en France en 1900. Apparemment peu nombreuses à Paris, elles semblent pour ainsi dire inexistantes en province.
Pour citer une phrase extraite d’un texte du journaliste sportif français Paul Meyan paru en août 1900 dans un quotidien parisien renommé, Le Figaro, « Ah! certes, l’électricité c’est l’avenir, nous en sommes convaincu [sic]; mais ce n’est encore que l’avenir. »
Pour ainsi dire 125 ans plus tard, les choses ont-elles vraiment changé? Pour paraphraser un beagle de renommée mondiale nommé Snoopy, maudit sois-tu, pétrole! Désolé, désolé. Changeons de sujet. De fait, pourquoi ne pas mettre fin à la 1ère partie de cet article dès à présent?
À plus.